Loxias | 54 Doctoriales XIII | I. Doctoriales 

Stéphan Lambadaris  : 

Anglicismes et appauvrissement stylistique : la traduction de with

Résumé

Le constat vient principalement de l’écoute des doublages de films et de séries télévisées : with est souvent traduit littéralement mais à tort. Est-ce se montrer trop puriste de trouver à y redire ? Sommes-nous les seuls à « avoir un problème avec cela », ou plutôt à qui cela pose un problème ? Moins qu’une erreur, cette maladresse stylistique peut paraître assez inoffensive ; par conséquent, s’agit-il d’observer simplement ce phénomène, ou convient-il d’enrayer sa progression ?

Abstract

It seems obvious, especially when watching films and TV series dubbed into French, that the preposition with is often translated literally, and wrongly so. Do only purists object to that? Am I the only one who has a problem with that – or rather, "to whom it poses a problem", as a French speaker might say? Seeing that it is not a mistake, this stylistic clumsiness may seem rather harmless. Thus, is it just something to observe, or to quell?

Index

Mots-clés : anglicismes , stylistique, traductologie

Géographique : France

Plan

Texte intégral

Introduction

1La traduction a-t-elle une influence sur la langue réceptrice ? Afin de rendre un aspect particulier de la prose d’un écrivain, le traducteur peut être amené à opérer ce que Ballard nomme un calque :

Le calque décrit une traduction littérale brute, où l’on perçoit la présence d’une langue étrangère parce que la construction va à l’encontre des normes de la langue d’arrivée1.

2L’objectif, parfois avoué dans une préface, est de faire ressentir au lecteur l’aspect étranger du texte, en supposant que le lecteur en question ait choisi de lire une traduction en connaissance de cause. Cela fait référence à un vieux débat opposant sourciers et ciblistes, ceux-là tournés vers le texte de départ et prêts à faire violence à la langue d’arrivée, ceux-ci produisant une traduction respectant de bout en bout la langue d’arrivée. Beaucoup de traductologues tentent de dépasser cette dichotomie apparemment figée :

C’est davantage la notion de mouvement qui importe, la traduction étant une opération de nature dynamique et non statique.2

3Cela dit, peut-on accuser un traducteur d’avoir popularisé des impropriétés sous prétexte de donner au lecteur un aperçu de la langue de départ ? Il semblerait que le doublage, traduction audio-visuelle, soit plus directement concerné que la littérature traduite. En effet, le caractère oral du texte et les contraintes du doublage peuvent forcer le traducteur à recourir à un calque peu idiomatique. Par la suite, le nombre de téléspectateurs contribuerait à diffuser les calques syntaxiques fautifs plus rapidement dans la langue orale contemporaine que ne le feraient les textes traduits. Il suffit parfois de répéter une erreur assez souvent pour qu’elle devienne la règle. La traduction de with dans la traduction audiovisuelle et littéraire semble assez bien illustrer ce phénomène car elle pourrait se révéler à l’origine de structures incorrectes, repérées notamment dans la presse écrite. Dans le cas où la structure fautive se propagerait, pourrait-on qualifier ce phénomène d’appauvrissement stylistique ? Peut-il être combattu ? Ce combat doit-il être mené ? Pour apporter des éléments de réponse, nous nous pencherons sur un corpus de romans en anglais, de leurs traductions, d’extraits de séries télévisées doublées et d’articles de journaux français, tous contemporains.

4Après une première étude des traductions possibles de with, on verra quels calques syntaxiques semblent être passés dans la langue, avant de se demander s’il convient de lutter ou de laisser faire.

1. Traductions possibles de with

5Le Harrap’s Shorter recense, à l’entrée with, 13 acceptions, contre 9 à l’entrée avec. Pour des raisons de place, nous ne pouvons toutes les passer en revue, aussi avons-nous sélectionné les plus intéressantes à nos yeux.

6With signifie essentiellement avec. On ne trouverait guère d’autres solutions plus économiques pour traduire cette préposition dans les exemples suivants, où elle signifie l’accompagnement :

Had they gone with Robb as well3?
Étaient-elles aussi parties avec Robb4 ?

7Si la traduction est littérale, elle n’est pourtant pas calquée sur l’anglais : avec Robb termine la question en français. Peu de lignes après, dans le même roman, on tombe sur l’extrait suivant :

Karhold is with me, that is all the men need know5.
J’ai Karhold avec moi, voilà tout ce que les hommes ont besoin de savoir6.

8Ici, le traducteur prédique à partir de la personne afin de se sortir du calque syntaxique. Stylistiquement, on voit clairement l’effort du traducteur.

9Avec, comme with, introduit aussi un complément circonstanciel de manière :

Mothers have been cowing their daughters with that tale since I was your age7.
Les mères n’ont pas arrêté d’effaroucher leurs filles avec cette fable depuis que j’avais ton âge8.

10Le traducteur se sert légitimement de cette potentialité sémantique d’avec dans sa traduction.

11With et avec peuvent aussi induire une cause :

With Cletus slain, Gerris had assumed the master’s role9.
Avec Cletus mort, Gerris avait endossé le rôle du maître10.

12On comprend ici : « Étant donné que Cletus était mort ». De nouveau, with et avec présentent ici une équivalence structurale et sémantique.

13L’exemple suivant propose deux options de traduction intéressantes :

The air smelled of brine and rot, and the ground sucked at their feet and let them go only reluctantly, with a pop and a squelchy sigh11.
L’atmosphère exhalait une odeur saumâtre de pourriture, et le sol qui aspirait goulûment les pieds ne les libérait qu’avec répugnance, non sans succions molles et soupirs visqueux12 .

14Reluctantly a été traduit par avec répugnance. En effet, faute d’adverbe, c’est « avec+nom » qu’on emploie naturellement. Par exemple, on peut dire « audacieusement » ou « avec audace », mais seulement « avec panache », car le champ sémantique de cette lexie ne comprend pas d’adverbe. Dans l’économie de la phrase que nous citons, le traducteur évite la répétition d’avec (qui aurait donné « avec répugnance, avec des succions molles ») grâce à son contraire négativé, non sans. Cependant, la traduction semble plus soutenue que l’original, ce qui a sans doute paru peu cher payé au traducteur.

15Traduire with par avec n’est pas toujours la seule solution : le traducteur peut opter pour ce que Ballard appelle un étoffement.

On distinguera l’ajout de l’étoffement : l’ajout est une addition fautive ou qui ne se justifie pas, l’étoffement est une addition nécessaire ou souhaitable13.

16En voici un exemple tiré d’un épisode de Seinfeld :

If you got a T-shirt with bloodstains all over it, maybe laundry isn’t your biggest problem right now. Maybe you oughta get the harpoon outta your chest first.
(Doublage) Imaginez un peu que vous ayez un maillot couvert de taches de sang. Peut-être que la blanchisserie n’est pas le plus grand problème à résoudre. Avant, il faudrait peut-être arracher le harpon qui est dans votre torse.
(Sous titre) Si votre T-shirt est maculé de sang, la lessive est peut-être le cadet de vos soucis, non ? Commencez par retirer le harpon de votre poitrine14.

17Les contraintes de synchronisation des lèvres sont apparentes dans les derniers mots de l’original et du doublage : quand Seinfeld dit first en anglais, il dit torse en français, qui traduit chest. Pour en revenir à with, a T-shirt with bloodstains all over it devient un maillot couvert de sang. Le syntagme prépositionnel anglais devient syntagme adjectival en français. On notera également l’effort de ne pas faire dire T-shirt en français, ce qui infirme notre première hypothèse selon laquelle le doublage use et abuse de calques. Le sous-titrage propose une réduction : T-shirt, l’objet de la phrase originale, devient le sujet de la phrase traduite. Maculé de est donc un étoffement choisi afin de contenir le sens de all over it. Étoffement en vue d’une réduction, sans traduire littéralement avec : le sous-titrage nous paraît également réussi en ce qui concerne la traduction de with.

18With complément de manière se traduit aussi en fonction du verbe retenu :

But the one-eyed wolf answered with a growl and moved to block his advance15.
Mais le loup borgne répondit par un grondement et se déplaça pour lui couper la route16.

19En français, répondre entretient une relation sémantique privilégiée avec la préposition par ; on dit que répondre entre en collocation avec par. Avec aurait constitué une impropriété.

20Dans l’exemple suivant, with n’est plus complément de manière mais marque l’accompagnement entre inanimés :

In his hand was a parchment with a broken seal of dark green wax17.
Dans sa main, il tenait un parchemin arborant un sceau de cire vert sombre, brisé18.

21C’est là une potentialité que notre avec possède aussi : une chambre avec vue, par exemple. On opte souvent, comme dans la présente traduction, pour un participe présent, stylistiquement plus riche et élégant. Autre exemple : une chambre avec un balcon, ou plutôt, une chambre ayant / disposant d’un balcon.

22Revenons à l’accompagnement d’êtres animés :

Maege Mormont had ridden south with Robb, Jon knew19.
Maege Mormont avait pris la route du Sud en compagnie de Robb, Jon le savait20.

23With fait l’objet d’un étoffement et devient en compagnie de, stylistiquement plus abouti qu’un simple avec, qui n’aurait pourtant pas été impossible. Il s’agit d’un choix de la part du traducteur.

24With parfois effacé :

A brief but furious struggle ensued before the dog came trotting back, wet and mud-spattered, with the crab between his jaws21.
Une échauffourée brève mais furieuse s’ensuivit, puis le chien revint trottiner à sa place, trempé comme soupe, éclaboussé de vase, mais les mâchoires serrées sur le crustacé22.

25Rien ne traduit littéralement avec dans la traduction. With the crab between his jaws aurait pu se traduire plus littéralement par « le crabe entre les mâchoires », mais de toute façon sans avec, rendu superflu dans le complément circonstanciel. Tout angliciste apprend au cours de ses études que « with their hats on their heads » se traduit par « le chapeau sur la tête ». La traduction de Sola rejette encore davantage le littéralisme en prédicant à partir du substantif jaw/mâchoires contenu dans le syntagme prépositionnel with the crab between his jaws.

26Autre sorte d’effacement :

One of the twins, or the big man with the scarred face, or the youth with the red hair23.
Un des jumeaux, le gaillard défiguré ou le jeune rousseau24.

27Le traducteur passe ici de la définition au terme, dirait Ballard.

28Dans sa méthodologie, ce traductologue on ne peut plus précis dans sa terminologie nomme également un autre phénomène : la traduction endocentrique, opposée à la traduction exocentrique. Par exemple :

You are with the media25?
Vous faites bien partie des médias26 ?

29Vous êtes bien avec les médias ne fonctionnerait pas ; les potentialités sémantiques de with couplé au verbe be ne vont pas jusque là en français. Dans les médias sonnerait plus juste, mais le traducteur a préféré colorer le verbe hypéronymique be en le traduisant par faire partie de. On pense également à « I’m with you » au sens abstrait signifiant non pas je suis avec vous mais je vous suis, je comprends.

30On voit bien qu’il existe de nombreuses options pour traduire with, de la littéralité légitime et tout à fait appropriée au recours à une autre préposition, en passant par l’étoffement. Il serait vain de répertorier tous les étoffements possibles : la liste serait longue comme un dictionnaire. Cependant, la littéralité en traduction semble parfois donner lieu à des impropriétés qui s’enracinent dans la langue d’arrivée.

2. Calques syntaxiques passés dans la langue

31Certains traducteurs, lors de la traduction de with, procèdent au calque de la phrase de départ. Par exemple, dans un épisode de Seinfeld, Jerry attend impatiemment qu’un policier finisse de déjeuner mais ce dernier prend son temps. Jerry lui en fait la remarque, et le policier lui rétorque :

You got a problem with that?
(Doublage) Vous avez un problème avec ça ?
(Sous-titrage) Ça vous dérange27 ?

32Plus un sous-titre est bref, plus il est efficace. Quant au calque syntaxique du doublage, il semble de nouveau motivé par la nécessité de synchroniser le texte aux mouvements de lèvres de l’acteur. Grammaticalement correcte, cette tournure ne paraît pourtant pas aussi idiomatique que la traduction suivante : Ça vous pose un problème ?

33Seule une étude statistique poussée, dépassant le cadre de cet article, permettrait de mesurer l’étendue de ce phénomène d’anglicisme structural, ce que nous appelons ici de nos vœux. Nous ne pouvons, à cette échelle, que mentionner quelques exemples significatifs, tel celui-ci, paru dans la presse francophone :

La droite a-t-elle un problème avec l’électorat musulman28 ?

34Peut-être le problème vient-il justement du mot problème, et de ses collocations. Poser un problème est une collocation lexicale dont le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) cite un exemple datant de 1893 : « Nul n’esquive le problème de la pratique ; et non seulement chacun le pose, mais chacun, à sa façon, le tranche inévitablement (Blondel, Action, 1893, p. X)29 ». Avoir un problème entre normalement en collocation grammaticale avec de. Grévisse cite Vercors : « Nous fûmes confrontés à de pressants problèmes d’embouteillages. » (Vercors, La Bataille du silence, 1967, p. 280)30 (et non * problèmes avec les embouteillages). La collocation grammaticale de « problème » avec avec et non de semble constituer un anglicisme structural suffisamment nouveau pour ne pas avoir été recensé dans les ouvrages les plus récents à ce sujet auxquels nous avons eu accès : le Dictionnaire des anglicismes, le Petit Robert 2016, et le Dictionnaire de l’Académie française, neuvième édition. Nous n’avons pas trouvé d’exemples écrits ou enregistrés proposant la collocation « problème avec » plus anciens que ceux présents dans cet article, ce qui conditionne la suite de notre analyse.

35En tapant problème avec dans Google, le pis-aller du statisticien, nous avons découvert que problème de est presque toujours supplanté par problème avec. Cette « nouvelle » collocation apporte-t-elle quelque chose à la langue ? Certains exemples nous ont paru assez intéressants pour être mentionnés ici :

Des problèmes avec la télévision sur Bbox31.

36Cette structure remplace des problèmes de télévision, exemple désormais classique. Cependant, j’ai des problèmes avec ma clé USB32 contient un autre élément non négligeable : l’adjectif possessif. En effet, j’ai des problèmes avec ma voiture33 ne semble-t-il pas plus précis que j’ai des problèmes de voiture, qui demande davantage de contexte afin de comprendre qu’il ne s’agit pas d’une voiture de location ? La formule problème+avec+possessif pourrait en ce sens se justifier.

37Par ailleurs, j’ai des problèmes avec ma femme34 semble préférable à j’ai des problèmes de femme, même s’il conviendrait probablement de dire ma femme et moi avons des problèmes de couple. Dernier double exemple : j’ai un problème d’argent et j’ai un problème avec l’argent35. Si la première phrase veut dire que les fins de mois sont difficiles, la seconde signifie plutôt que l’argent brûle les doigts du locuteur. Cela dit, il nous semble que l’on comprendrait la même chose dans la formulation l’argent me pose un problème, ce qui rend l’utilisation de la collocation grammaticale problème avec nulle et non avenue.

38Pourquoi donc cette tendance qui semble s’accélérer ? Doit-on l’imputer au seul calque syntaxique utilisé dans les doublages ? Peut-être est-elle aussi due en partie à la prédication à partir de la personne, très prisée en français : j’ai les cheveux bruns, j’ai les yeux marron, j’ai trois ans, j’ai le ventre qui gargouille. Il s’agit sans doute là d’un terreau dans lequel l’anglicisme you got a problem with that n’a eu que peu de mal à s’enraciner.

39Autre changement de collocation, autre anglicisme non encore recensé dans les dictionnaires : être satisfait(e) avec, et non plus satisfait de. Exemples :

L’Angola serait satisfait avec un baril à 80$36.

40Cette formulation constitue clairement un anglicisme, auquel on pourrait préférer l’Angola se satisferait d’un baril à 80$.

Pour son premier match sur le banc du Real Madrid, Zidane peut être satisfait avec la victoire 5-0 de son club37.

41Il devrait, de préférence, être satisfait de cette victoire, sans quoi la pronominalisation (en être satisfait) serait compromise.

42Ces journalistes ont-ils traduit sans discernement des titres étrangers ? L’anglais est-il leur langue maternelle ? Peut-être ; cela poserait la question de la formation en langues en école de journalisme. Avons-nous affaire à un effet de mode ? C’est peu probable dans le sens où la mode est, croyons-nous, aux anglicismes lexicaux (« c’est top », « un teaser ») et non syntaxiques. Admettons que nos exemples restent rares ; cela dit, assistons-nous, non au début, mais à une prolifération rapide de l’utilisation d’avec en français écrit à cause de son utilisation impropre en traduction ? Si oui, y a-t-il lieu de s’en alarmer ?

3. Lutter ou laisser faire ?

43On remarque la présence d’avec en lieu et place de with alors qu’une technique comme celles que nous avons vues en première partie permet de l’éviter :

Leagues away, in a one-room hut of mud and straw with a thatched roof and a smoke hole and a floor of hard-packed earth, Varamyr shivered and coughed and licked his lips38.
À des lieues de là, dans l’unique pièce d’une hutte en torchis avec un toit de chaume, un trou pour la fumée et un sol de terre battue, Varamyr frissonna, toussa et se lécha les babines39.

44Avec un toit n’est pas une impropriété, mais cette traduction pourrait donner lieu à un étoffement, comme vu en première partie, du genre surmontée d’un toit, pourvue d’un toit. Cela n’ajouterait que peu de chose à l’original tout en proposant au lecteur francophone une variante à une préposition très utilisée. Avec, solution de facilité au détriment du style ? Appauvrissement stylistique ? Peut-être, mais n’oublions pas que le traducteur doit parfois faire face à des problèmes de traduction qui le contraignent à gagner du temps sur les petites choses comme with. Alors qu’un écrivain a le temps d’enrichir son style, un traducteur professionnel a une date butoir à respecter. Dans le cas où un éditeur jugerait qu’une traduction déjà publiée est nettement perfectible, il acquiert les droits et fait faire une révision de traduction ou même une retraduction pour une prochaine édition.

45Une simple préposition comme with peut toutefois se révéler au cœur d’une expression novatrice, comme dans le dialogue tiré de Seinfeld ci-après :

"Come on, I gotta go get my stuff out of the dryer anyway."
"I’m not gonna watch you do your laundry !"
"Come on, be a come-with guy !"
(Doublage) « Viens avec moi, il faut que je porte mes affaires à la laverie automatique.
– Oh mais je ne vais pas te regarder laver tes chaussettes !
– Oh allez, sois un peu positif !
(Sous titrage) « Viens avec moi au lavomatic, mon linge doit être sec.
– J’ai pas envie de te regarder faire la lessive !
– Allez, sois sympa40 !

46A come-with guy est une expression inventée pour l’occasion, et qui par là-même crée en partie l’humour, ce qui demanderait un travail de re-création assez difficile, d’autant plus que la synchronisation des lèvres impose une contrainte supplémentaire. Le doublage préfère reporter l’humour sur la situation cocasse du lavage de chaussettes, traduction hyponymique de laundry, mais nous voyons mal l’à-propos de positif ici. Le sous-titrage semble plus fidèle à l’original mais évacue la créativité de come-with guy. On pouvait peut-être faire dire à Jerry : « Mais j’ai pas d’autre acolyte, moi », en allant de la définition au terme et en misant sur la relative rareté du mot « acolyte ». Au moins, la langue française est épargnée : aucun emploi indu d’avec n’est à déplorer.

47L’exemple suivant montre comment mettre à profit l’oralité liée à l’emploi de avec :

We have beds, though. Some featherbeds, but more are straw41.
Mais nous avons des lits. Certains avec des matelas de plume, mais beaucoup d’autres avec des paillasses42.

48Avec dans la traduction peut se justifier par le caractère oral du dialogue.

49Pourtant, cet emploi pouvait être évité, d’autant plus qu’il était absent de l’original : On voit comment dans l’extrait suivant :

In the end they took three rooms adjoining one another, each boasting a featherbed, a chamber pot, and a window43.
En définitive, ils jetèrent leur dévolu sur trois piaules contiguës qui se vantaient toutes de posséder un lit de plume, un pot de chambre et une fenêtre44.

50Le traducteur aurait pu avoir recours à la métonymie lit de plume précédemment, parallèlement à lit de paille, sans craindre la répétition car le second extrait que nous citons se trouve deux pages plus tard. L’oralité du dialogue a sans doute prévalu pour le traducteur.

51With est aussi absent de l’original dans l’exemple suivant :

Jaime lifted his own cup left-handed and took a swallow45.
Jaime souleva la sienne avec sa main gauche et avala une gorgée46.

52On a amputé ce personnage de sa main droite, qu’il a remplacée par une main en or. L’emploi d’avec et du possessif est-il donc justifié par le fait qu’il n’a plus que cette main-là ? Nous ne le croyons pas : en français, on prend quelque chose, on frappe, on écrit de la main gauche. On a donc ici une structure syntaxique calquée sur l’anglais mais qui ne se trouve même pas dans l’original ; voilà un phénomène contre lequel il faudrait sans doute mettre en garde les traducteurs en formation. En effet, un puriste, ayant par définition une certaine expérience de la langue, s’agacera peut-être du recours systématique à avec tout au long d’un texte pour traduire with (et pas seulement), sémantiquement plus riche.

53Autrement dit, ces exemples semblent montrer que le traducteur peut trouver des solutions pour ne pas utiliser avec de façon discutable, et ainsi éviter de prêter le flanc à une possible critique. Sachons toutefois démêler le bon grain de l’ivraie grâce aux passages suivants.

54Il arrive qu’avec, sans traduire with, se révèle être un bon choix :

It will be warmer when the sun comes up47.
Il fera plus chaud avec le lever du soleil48.

55Marquant la concomitance, ce avec parfaitement légitime offre de plus un substantif au lieu d’un verbe. Or, comme disait Albalat :

On ne peut pas plus se passer de substantifs dans le style que de soldats dans une armée49.

56Voilà donc un avec inattendu qui apporte un élément stylistique intéressant à la phrase.

57De plus, dans l’exemple suivant, with est traduit de façon littérale et pourtant intéressante :

He gazed up at me with sad eyes that held me, as they always do, in the bright beam of their blue50.
Il a levé la tête vers moi avec des yeux tristes, qui m’ont retenu, comme ils le font toujours, dans leur faisceau bleu51.

58Avec des yeux tristes : traduction littérale, pense-t-on d’emblée. Cependant, quelle autre option le traducteur avait-il ? Il a levé vers moi des yeux tristes ? Peut-être, mais levé vers provoque une allitération doublée d’une assonance malheureuse. Par ailleurs, n’oublions pas que la traduction consiste aussi à faire découvrir la langue de l’original, comme dans l’extrait suivant :

Som-Som would see nothing with her right eye, and would be deaf in her right ear52.
Som-Som ne verrait rien avec l’œil droit, et serait sourde de l’oreille droite53.

59With her right eye est traduit littéralement, hormis l’adjectif possessif, pour ne pas provoquer de doublon structural avec de l’oreille droite. Loin de pécher par manque de style, c’est ici non seulement pour rendre fidèlement l’original mais aussi pour éviter l’impair stylistique de la répétition que with est traduit par avec, bien qu’un complément de moyen puisse revêtir d’autres formes. À toutes fins utiles, Grévisse rappelle que :

Avec introduisant un complément de moyen n’a pas toujours bonne réputation. « La langue parlée abuse un peu d’avec : […] dîner avec un poulet, payer avec son argent, saluer avec la main, commencer ou finir avec quelque chose, arriver avec un train, ne sont pas très bien dits » (Martinon, p. 574, note 4). Le blâme n’est pas énergique. Dans ces cas et dans d’autres, avec n’est pourtant pas ostracisé par les écrivains : « En lui faisant signe, avec l’autre main, de n’en jamais parler » (Flaub., Éduc., I, 5)54.

60Si même Flaubert se permettait ce tour de phrase, on serait bien en peine d’ériger en dogme le contournement d’avec pour traduire with par pur principe stylistique.

Conclusion

61Grévisse constatait déjà des emplois de avec ayant mauvaise réputation. Nous avons cru y voir un terreau où la traduction littérale de with en littérature et en doublage a accéléré ce phénomène. Malheureusement, ce corpus ne nous permet pas de désigner objectivement le doublage comme premier suspect de la prolifération de calques structuraux de l’anglais utilisant avec en français tel qu’on le parle aujourd’hui. Seule une étude statistique diachronique sur un corpus beaucoup plus important confirmerait ou infirmerait cette hypothèse empirique, tout en montrant à quelle fréquence with est traduit littéralement. À l’écrit également, on constate certains emplois d’avec contestables : chez les journalistes, notamment. Certains d’entre eux, trop exposés à l’anglais, manqueraient-ils de compétences en traduction assez satisfaisantes ? On ne saurait l’affirmer. Chez les traducteurs aussi : responsables, mais pas coupables. En effet, un traducteur doit d’une part produire en quelques mois la traduction d’un texte écrit et retravaillé par l’écrivain durant bon nombre d’années parfois. D’autre part, il n’est pas rare que le traducteur ressente par endroits l’obligation de malmener la langue afin de produire un texte certes traduit, mais littéraire, et qui dit littérature dit étonnement, différence, embellissement. Parler d’appauvrissement stylistique est sans doute l’apanage des critiques littéraires en phase avec leur temps, mais ce qui leur paraît pauvre à notre époque le sera-t-il dans les temps à venir ? Antoine Albalat postule qu’un ouvrage « ne résiste au temps que s’il est écrit dans le génie de la langue et si le genre d’observation qu’il contient relève de tous les pays et toutes les époques. En d’autres termes, le seul moyen d’aller à la postérité est de s’adresser à elle, et non pas aux contemporains55. » Le doublage, travail à contraintes multiples, a aussi le droit de nourrir de hautes ambitions stylistiques s’il est effectué par un expert ; toutefois, nous croyons que l’oreille du spectateur, qui ne s’attend pas forcément à ce que sa langue soit bousculée dans tel ou tel film, absorbe, à force de rediffusions, les impropriétés volontaires jusqu’à ce qu’elles lui semblent assez naturelles pour qu’il les réutilise de lui-même sans plus s’apercevoir de l’écart avec la norme. À moins de supprimer purement et simplement le doublage, on voit mal comment contrecarrer l’inéluctabilité de la chose, particulièrement si la traduction est réalisée par un novice peu ou mal formé qui a recours au calque sans discernement. Autrement dit, la traduction littérale d’une partie du discours de façon non recensée par les dictionnaires est tout à fait possible, voire souhaitable pour apporter un caractère étranger à la langue réceptrice. Elle constitue un choix pour ainsi dire péremptoire de la part du traducteur, auteur de la traduction. Il serait intéressant, au cours d’une plus longue étude, de déterminer si ce genre d’emploi non recensé est désormais, à l’heure de la mondialisation, un facteur de plus en plus important dans l’évolution d’une langue comme le français.

62Par ailleurs, d’un point de vue interdisciplinaire, que faire en classe de français langue étrangère lorsqu’un anglophone dit qu’il est « content avec la classe », ou qu’il « a un problème avec cet exercice » au lieu de dire qu’il est content du cours, que cet exercice lui semble difficile ? Puisque de plus de plus de Français ne relèvent plus ces impropriétés, y a-t-il toujours lieu de les corriger ? Le formateur a là un choix à faire, personnel ou collégial, tout en gardant en tête la norme en cours, dans le cas où ses apprenants auraient un examen de français à passer, contexte dans lequel l’Académie française fait autorité.

Notes de bas de page numériques

1 Michel Ballard, Versus, vol. 1, Ophrys, 2003, p. 77.

2 Michaël Oustinoff, La Traduction, PUF, collection Que sais-je, 2009, p. 49.

3 George Martin, A Dance with Dragons, Harper Voyager, 2011, p. 99.

4 George Martin, Le Bûcher d’un roi, traduit par Patrick Marcel, Pygmalion, 2012, p. 109.

5 George Martin, A Dance with Dragons, Harper Voyager, 2011, p. 99.

6 George Martin, Le Bûcher d’un roi, traduit par Patrick Marcel, Pygmalion, 2012, p. 109.

7 George Martin, A Feast for Crows, Harper Voyager, 2005, p. 365.

8 George Martin, Un Festin pour les corbeaux, traduit par Jean Sola, Pygmalion, 2007, p. 10.

9 George Martin, A Dance with Dragons, Harper Voyager, 2011, p. 150.

10 George Martin, Le Bûcher d’un roi, traduit par Patrick Marcel, Pygmalion, 2012, p. 170.

11 George Martin, A Feast for Crows, Harper Voyager, 2005, p. 11.

12 George Martin, Un Festin pour les corbeaux, traduit par Jean Sola, Pygmalion, 2007, p. 366.

13 Michel Ballard, Versus, vol. 1, Ophrys, 2003, p. 51.

14 Jerry Seinfeld et Larry David, Seinfeld, produit par la NBC, épisode 1, saison 1, 1989.

15 George Martin, A Dance with Dragons, Harper Voyager, 2011, p. 124.

16 George Martin, Le Bûcher d’un roi, traduit par Patrick Marcel, Pygmalion, 2012, p. 140.

17 George Martin, A Dance with Dragons, Harper Voyager, 2011, p. 99.

18 George Martin, Le Bûcher d’un roi, traduit par Patrick Marcel, Pygmalion, 2012, p. 108.

19 George Martin, A Dance with Dragons, Harper Voyager, 2011, p. 99.

20 George Martin, Le Bûcher d’un roi, traduit par Patrick Marcel, Pygmalion, 2012, p. 109.

21 George Martin, A Feast for Crows, Harper Voyager, 2005, p. 366.

22 George Martin, Un Festin pour les corbeaux, traduit par Jean Sola, Pygmalion, 2007, p. 11.

23 George Martin, A Dance with Dragons, Harper Voyager, 2011, p. 22.

24 George Martin, Le Bûcher d’un roi, traduit par Patrick Marcel, Pygmalion, 2012, p. 18.

25 Neil Gaiman, Neverwhere, BBC Books, 1996, p. 85.

26 Neil Gaiman, Neverwhere, [1997], traduit par Patrick Marcel, J’ai Lu, 2005, p. 199.

27 Jerry Seinfeld et Larry David, Seinfeld, produit par la NBC, épisode 3, saison 4, 1992.

28 http://www.lejdd.fr/Politique/La-droite-a-t-elle-un-probleme-avec-l-electorat-musulman-736008 (cons. le 14-06-16).

29 http://www.cnrtl.fr/definition/poser (cons. le 14-06-16).

30 Maurice Grévisse, Le Bon usage, [1936], De Boeck Supérieur, 2011, § 288.

31 http://www.universfreebox.com/article/33184/Bouygues-Telecom-des-problemes-avec-la-television-sur-Bbox-ADSL-et-Fibre (cons. le 14-06-16).

32 http://www.commentcamarche.net/forum/affich-27904514-j-ai-un-probleme-avec-ma-cle-usb (cons. le 14-06-16).

33 http://www.forum-auto.com/pole-technique/mecanique-electronique/sujet433345.htm (cons. le 14-06-16).

34 http://amour-couple.aufeminin.com/forum/j-ai-un-probleme-avec-ma-femme-fd746008 (cons. le 14-06-16).

35 http://www.psychologies.com/Therapies/Vivre-sa-therapie/Commencer/Interviews/Premiere-seance-J-ai-un-probleme-avec-l-argent (cons. le 14-06-16).

36 http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2015/06/02/97002-20150602FILWWW00190-l-angola-serait-satisfait-avec-un-baril-a-80.php (cons. le 14-06-16).

37 http://www.sudouest.fr/2016/01/10/zidane-ce-n-est-qu-un-debut-2238592-6050.php (cons. le 14-06-16).

38 George Martin, A Dance with Dragons, Harper Voyager, 2011, p. 21.

39 George Martin, Le Bûcher d’un roi, traduit par Patrick Marcel, Pygmalion, 2012, p. 16.

40 Jerry Seinfeld et Larry David, Seinfeld, produit par la NBC, épisode 1, saison 1, 1989.

41 George Martin, A Feast for Crows, Harper Voyager, 2005, p. 434.

42 George Martin, Un Festin pour les corbeaux, traduit par Jean Sola, Pygmalion, 2007, p. 140.

43 George Martin, A Feast for Crows, Harper Voyager, 2005, p. 435.

44 George Martin, Un Festin pour les corbeaux, traduit par Jean Sola, Pygmalion, 2007, p. 142.

45 George Martin, A Feast for Crows, Harper Voyager, 2005, p. 387.

46 George Martin, Un Festin pour les corbeaux, traduit par Jean Sola, Pygmalion, 2007, p. 51.

47 George Martin, A Feast for Crows, Harper Voyager, 2005, p. 183.

48 George Martin, Un Festin pour les corbeaux, traduit par Jean Sola, Pygmalion, 2007, p. 213.

49 Antoine Albalat, [1921], Comment il ne faut pas écrire, Fayard, 2015, p. 204.

50 Stephen Fry, Making History, Random House, 1996, p. 4.

51 Stephen Fry, Le Faiseur d’histoire, traduit par Patrick Marcel, Les Moutons électriques, 2009, p. 8

52 Alan Moore, The Hypothetical Lizard, in Liavek : Wizard’s Row, Ace Books, 1987, p. 148.

53 Alan Moore, L’Hypothèse du lézard, traduit par Patrick Marcel, Les Moutons électriques, 2005, p. 20.

54 Maurice Grévisse, Le Bon usage, [1936], De Boeck Supérieur, 2011, §1055.

55 Antoine Albalat, [1921], Comment il ne faut pas écrire, Fayard, 2015, p. 11.

Bibliographie

Corpus

Fry Stephen, Making History, Londres, Random House, 1996.

Fry Stephen, Le Faiseur d’histoire, traduit par Patrick Marcel, Lyon, Les Moutons électriques, 2009.

Gaiman Neil, Neverwhere, London, BBC Books, 1996.

Gaiman Neil, Neverwhere, [1997], traduit par Patrick Marcel, Paris, J’ai Lu, 2005.

Martin George, A Feast for Crows, New York, Harper Voyager, 2005.

Martin George, Un Festin pour les corbeaux, traduit par Jean Sola, Paris, Pygmalion, 2007.

Martin George, A Dance with Dragons, New York, Harper Voyager, 2011.

Martin George, Le Bûcher d’un roi, traduit par Patrick Marcel, Paris, Pygmalion, 2012.

Moore Alan, The Hypothetical Lizard, in Liavek : Wizard’s Row, New York, Ace Books, 1987, pp. 143-181.

Moore Alan, L’Hypothèse du lézard, traduit par Patrick Marcel, Lyon, Les Moutons électriques, 2005.

Seinfeld Jerry et David Larry, Seinfeld, série télévisée américaine produite par la NBC, 1989-1998.

Sites visités pour compléter le corpus (cons. le 14-06-16)

http://amour-couple.aufeminin.com/forum/j-ai-un-probleme-avec-ma-femme-fd746008

http://www.commentcamarche.net/forum/affich-27904514-j-ai-un-probleme-avec-ma-cle-usb

http://www.forum-auto.com/pole-technique/mecanique-electronique/sujet433345.htm

http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2015/06/02/97002-20150602FILWWW00190-l-angola-serait-satisfait-avec-un-baril-a-80.php

http://www.psychologies.com/Therapies/Vivre-sa-therapie/Commencer/Interviews/Premiere-seance-J-ai-un-probleme-avec-l-argent

http://www.sudouest.fr/2016/01/10/zidane-ce-n-est-qu-un-debut-2238592-6050.php

http://www.universfreebox.com/article/33184/Bouygues-Telecom-des-problemes-avec-la-television-sur-Bbox-ADSL-et-Fibre

Traductologie

Ballard Michel, Versus, vol. 1, Paris, Ophrys, 2003.

Oustinoff Michaël, La Traduction, Paris, PUF, collection Que sais-je, 2009.

Stylistique

Albalat Antoine, [1921], Comment il ne faut pas écrire, Paris, Fayard, 2015.

Ouvrages et sites de référence

Dictionnaire de l’Académie française, neuvième édition, http://atilf.atilf.fr/academie9.htm (cons. le 14-06-16).

http://www.cnrtl.fr/ (cons. le 14-06-16).

Grévisse Maurice, Le Bon usage, [1936], Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, 2011.

Harrap’s Shorter, Paris, éditions Larousse, 2004.

Le Petit Robert, Paris, dictionnaires Le Robert, 2016.

Rey-Debove Josette, Gagnon Gilberte, Dictionnaire des anglicismes, Paris, dictionnaires le Robert, 1991.

Pour citer cet article

Stéphan Lambadaris, « Anglicismes et appauvrissement stylistique : la traduction de with », paru dans Loxias, 54, mis en ligne le 15 septembre 2016, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/lodel/index.html?id=8448.


Auteurs

Stéphan Lambadaris

Doctorant en traductologie à l’Université Nice Sophia Antipolis sous la direction de M. le professeur Michaël Oustinoff, Stéphan Lambadaris est également formateur en FLE, traducteur et correcteur d’épreuves. Sa thèse a pour sujet : « Les styles dans l’œuvre en traduction. L’auteur, le traducteur, l’éditeur. »