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Loxias | 52. | I.

La poétique aristotélicienne à l’épreuve de l’épopée de la nature : réflexions sur le poème descriptif

Est-il possible d’ériger la nature en héroïne d’un récit sans nier son identité propre, par quoi elle se définit comme l’Autre de l’homme ? Telle est la question que soulève, du point de vue écocritique, le projet d’« épopée de la nature » qui voit le jour dans la France de la fin du XVIIIe siècle. S’il illustre les apories inhérentes à l’idée d’une épopée cosmique qui évince les figures de Dieu et de l’Homme comme actant principal, le poème emblématique des Mois de Roucher montre comment l’inscription de l’épique dans le poème de la nature contribue à bousculer la hiérarchie des genres et l’idéologie qui la sous-tend, évolution qui entre en résonance avec un ensemble de thèmes témoignant d’une conscience de l’insertion de l’homme dans son environnement naturel. Cependant, la relation à la nature est placée sous le signe d’une hésitation fondamentale : si le recours au mythe et à la figure permet au lecteur de renouer avec une mentalité archaïque qui pense la vocation de l’homme à habiter son séjour terrestre, cette tendance est contrariée par les notes en prose adjointes au poème, qui restaurent la scission établie par la science moderne entre l’objet et le sujet. Can we conceive of a narrative that makes nature its hero without, at the same time, denying its own identity, which is to be the Other of human? Such is the question raised by the project of « épopée de la nature » that emerged at the end of the 18th century in France. While the poem Les Mois by Roucher exemplifies the difficulties inherent in the idea of a cosmic epos in the philosophical era, its epic inspiration and tone result in challenging literary canons and their underlying ideologies, an evolution that converges with a range of themes revealing an awareness of the dependence of human being towards his environment. However, the poet’s vision of man’s relation to nature is ambiguous : whereas references to ancient mythology and the use of figurative language encourage the reader to reconnect with primitive ways of thinking that reflect upon man’s vocation to inhabit his terrestrial dwelling, this trend is counterbalanced by the notes to the poem, which restore the alienation of human being from nature caused by the development of modern science.

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