écocritique dans Loxias
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Loxias | 52. | I.
« Alexander von Humboldt : un précurseur de l’écopoétique ? »
L’analyse de la littérature par la place qu’y occupe la Nature ou l’étude du rôle de la littérature dans la conception et la préservation des espaces naturels ne sont pas choses nouvelles. Elles dictaient déjà l’écriture des histoires du « sentiment » de la nature qui ont fleuri en Europe dans la seconde moitié du XIXe siècle. Ce « sentiment de la nature » préside aussi à la composition du Kosmos d’Alexander von Humboldt qui, dès 1845, inscrivait au sein d’une description physique du monde l’histoire des effets de la Nature sur l’art et, corrélativement, l’histoire de la littérature descriptive. Il peut être tentant de faire du naturaliste allemand l’un des précurseurs des études contemporaines d’écocritique. Cela suppose de mesurer alors les enjeux scientifiques et politiques de la définition, par Humboldt, de ce fameux « sentiment de la nature » et de l’analyse de ses manifestations, pour éviter autant que possible l’illusion rétrospective et pouvoir, en retour, mettre en évidence les présupposés de la nouvelle école critique. La recherche d’un modèle historique ne laisse indemnes ni la source décrétée, ni l’avenir des textes qui pourraient s’inscrire dans sa lignée. Ainsi, l’hypothèse suivant laquelle Alexander von Humboldt serait non seulement l’un des inventeurs de l’écologie scientifique mais aussi l’un des précurseurs de l’écocritique conduit à observer, à l’œuvre, l’élaboration de plusieurs voies critiques possibles, touchant autant à l’histoire littéraire qu’au renouvellement des principes poétiques.
La poétique aristotélicienne à l’épreuve de l’épopée de la nature : réflexions sur le poème descriptif
Est-il possible d’ériger la nature en héroïne d’un récit sans nier son identité propre, par quoi elle se définit comme l’Autre de l’homme ? Telle est la question que soulève, du point de vue écocritique, le projet d’« épopée de la nature » qui voit le jour dans la France de la fin du XVIIIe siècle. S’il illustre les apories inhérentes à l’idée d’une épopée cosmique qui évince les figures de Dieu et de l’Homme comme actant principal, le poème emblématique des Mois de Roucher montre comment l’inscription de l’épique dans le poème de la nature contribue à bousculer la hiérarchie des genres et l’idéologie qui la sous-tend, évolution qui entre en résonance avec un ensemble de thèmes témoignant d’une conscience de l’insertion de l’homme dans son environnement naturel. Cependant, la relation à la nature est placée sous le signe d’une hésitation fondamentale : si le recours au mythe et à la figure permet au lecteur de renouer avec une mentalité archaïque qui pense la vocation de l’homme à habiter son séjour terrestre, cette tendance est contrariée par les notes en prose adjointes au poème, qui restaurent la scission établie par la science moderne entre l’objet et le sujet. Can we conceive of a narrative that makes nature its hero without, at the same time, denying its own identity, which is to be the Other of human? Such is the question raised by the project of « épopée de la nature » that emerged at the end of the 18th century in France. While the poem Les Mois by Roucher exemplifies the difficulties inherent in the idea of a cosmic epos in the philosophical era, its epic inspiration and tone result in challenging literary canons and their underlying ideologies, an evolution that converges with a range of themes revealing an awareness of the dependence of human being towards his environment. However, the poet’s vision of man’s relation to nature is ambiguous : whereas references to ancient mythology and the use of figurative language encourage the reader to reconnect with primitive ways of thinking that reflect upon man’s vocation to inhabit his terrestrial dwelling, this trend is counterbalanced by the notes to the poem, which restore the alienation of human being from nature caused by the development of modern science.
Rousseau, la romance et la nature : ou la culture de la sensibilité devant la civilisation des Muses
Auteur de la première histoire verte du monde (selon J. Bate), Rousseau apparaît comme patron de la réflexion écocritique actuelle. Dans cet ordre, un de ses mérites est de percevoir les rapports entre le travail conceptuel et ses retombées sensibles – et d’en tirer des conséquences artistiques. Partant de ce constat, cet article met en lumière les soubassements de la réflexion rousseauiste sur le genre de la romance. Porteuse d’une anthropologie autant que d’une esthétique, celle-ci s’avère détenir un pouvoir performatif qui la propulse en moyen de promouvoir un espace culturel soustrait à la préséance du rationalisme et des représentations qu’il nourrit.