Loxias | 49. Charlot, ce poète ? | I. Charlot, ce poète? 

Sandrine Montin  : 

Charlot ou le langage en jeu

Résumé

Du hasard qui présida peut-être à la naissance du cinéma muet, Chaplin a fait l’outil d’une pensée critique sur la langue. L’insolence de Charlot et l’ironie du cinéaste dégonflent les discours de la bonne conscience puritaine ou laïque, et déconstruisent le mythe, parole fondatrice nationale, nationaliste. La langue, cette institution, est suspecte. Cette opération critique est le versant négatif de l’invention de Chaplin, le langage sans frontière de Charlot, dans lequel choses et êtres deviennent images en mouvement, monde en jeu.

Index

Mots-clés : Chaplin , Charlot, cinéma, langage, muet

Géographique : États-Unis , Europe

Chronologique : XXe siècle

Plan

Texte intégral

Words, words, words.

Shakespeare, Hamlet

1Blablabla : Charlot a par erreur substitué au sandwich une savonnette, croquée à belles dents par son collègue de travail dans City Lights. Le collègue est furieux, Charlot se bouche les oreilles, refusant d’entendre les insultes que l’autre s’apprête à proférer, et la colère inaudible du collègue s’envole en bulles de savon, légères, légères : c’était du vent, rien d’autre, ce sont paroles que vent emporte. Charlot applaudit aux bulles qui traversent l’écran, et nous aussi, ravis de la métamorphose des paroles en images, de la rage en jouissance, du réflexe de Pavlov en surprise. Nous sommes en 1931, et les essais de films sonores puis parlants se sont multipliés depuis 1927, mais City Lights est un film muet. Dans « Le secret de Chaplin » (« Chaplins Geheimnis », 1949), le poète, cinéaste et théoricien du cinéma Béla Balázs considère que « rien dans ces films [les derniers films de Charlot] n’aurait justifié la nécessité artistique de leur mutisme. » Si Chaplin s’est obstiné à refuser le parlant, c’est parce que son « personnage artificiel et stylisé » n’aurait pas pu « parler naturellement ». « Le masque de Chaplin aurait eu besoin d’un masque vocal et d’un masque pour la parole. Chaplin a dû se taire parce qu’il était prisonnier de son propre masque burlesque1 ». Analysant l’œuvre de transition qu’est Modern Times (1936), Béla Balázs constate qu’au moment où pour la première fois on entend la voix de Chaplin, dans une langue encore stylisée et artificielle (il chante dans une langue imaginaire à la fin du film), son personnage « se développe dans une autre direction », « Chaplin commence prudemment à soulever [son masque]2 ». L’analyse est convaincante, et il est probable que des raisons esthétiques ont contribué à la résistance de Chaplin aux talkies : le genre burlesque, reposant sur la caricature, le double clownesque, l’absurde, était peut-être difficilement conciliable avec la parole, tout au moins avec une parole naturaliste. Mais cette raison esthétique ne va pas seule. Elle est au contraire intimement liée à une pensée critique sur la langue, que Chaplin n’a cessé, au moins depuis The Tramp, d’exprimer et d’approfondir. À tel point qu’en 1931, quatre ans après The Jazz Singer, City Lights, cette « pantomime » annoncée dans le générique en forme d’avertissement pourrait avoir pour sous-titre « Contre la parole ». Comme nous allons le voir, la critique de la langue, radicale, récurrente chez Chaplin, est en fait également une déconstruction insolente des mythes les plus sacrés. Elle est aussi, sans aucun doute, le négatif de l’invention chaplinienne, le versant critique d’un langage en jeu.

La langue suspecte

2Cela frappe tous les contemporains : les films de Chaplin ne recourent que très peu aux cartons, et se passent de leurs explications. Parmi les tout premiers Charlot, que Chaplin n’a pas réalisés lui-même, une partie du comique repose encore sur le jeu de mot. Dans un film comme Caught in a Cabaret, réalisé en avril 1914 par Mabel Normand, la partenaire de Chaplin, les cartons assurent la même fonction que les dialogues dans la comédie : ils accumulent les jeux de mots, les traits d’humour, ils font rire par eux-mêmes – sans traduction visuelle, et pratiquement indépendamment de ce qui se passe à l’écran3. Une partie du comique du film est en somme littéraire et n’est accessible qu’à un public anglophone. Passant lui-même à la réalisation, Chaplin renonce à ces procédés. Elsie Codd la secrétaire de Chaplin s’en explique, dans un reportage de Ciné pour tous que Louis Delluc reproduit en 1921 dans son Charlot :

Chaplin procède lui-même au montage de ses films et à la rédaction des quelques sous-titres nécessaires à une compréhension totale du sujet. Il est extrêmement économe de sous-titres, car il estime avec raison que le public paie pour voir un film et non lire de longues explications4.

3Dans la déclaration d’Elsie Codd, le raisonnement commercial va de pair avec la fierté implicite de réaliser des films construits sur des procédés purement cinématographiques (performance des acteurs, art du montage…), rendant inutile l’importation de procédés non cinématographiques, linguistiques. Mais regardons-y de plus près, il y a peut-être autre chose. Il se trouve que la langue, écrite ou orale, ne disparaît pas des films de Chaplin. Mais elle est le plus souvent le véhicule de la « bonne conscience », l’outil de la domination sociale, le véhicule du mensonge politique : l’objet d’une pensée critique.

« Parle toujours, ma vieille ! » : insolence et ironie face à la « bonne conscience »

4Les belles paroles ni les prêcheurs ne manquent dans les films de Chaplin. Seulement, la beauté de leurs actions laisse à désirer. Chaplin emploie deux procédés principaux pour dégonfler leur vanité : le recours à l’antithèse et l’insolence du héros.

5Ainsi The Tramp (1915) fait, dans la jeune tradition du cinéma burlesque (voir par exemple Making a Living, réalisé par Henry Lehrman, février 19145) le portrait d’un sous-prolétariat qui réalise la fameuse définition du comique par Bergson dans Le Rire, « du mécanique plaqué sur du vivant6 ». La frénésie avec laquelle les personnages tombent, se relèvent, tombent à nouveau, se volent et revolent, est déjà une sociologie. Chaque pauvre envie celui qui est à peine peu moins pauvre, et craint celui qui est un peu plus pauvre, comme susceptible de le dépouiller ou de lui prendre sa place. Voilà qu’au milieu de ce tableau paraît un prêcheur, bien vêtu, pas inquiet lui, non, immobile, extérieur à la course-poursuite et à la lutte pour la survie. La Nature est pour lui un théâtre, et non le ring permanent des vagabonds ni l’espace productif des travailleurs agricoles temporaires. Bien campé sur ses deux jambes, un livre à la main qu’on peut imaginer être la Bible, il déclame. La misère du « tramp » comme celle des brigands de grand chemin lui est manifestement invisible. Devant un public d’oiseaux et de fleurs, il prêche la belle parole. Voilà que Charlot passe. Charlot jette en coin un coup d’œil au prêcheur, leurs regards ne se croisent pas, leurs existences ne se rencontrent pas. Mais Charlot tient un œuf pourri à la main qui l’encombre. Il voit le Livre. Il y dépose son œuf pourri. Le prêcheur qui n’a toujours rien vu referme sa Bible, et l’œuf pourri s’écrase entre ses pages.

6La scène est rapide, et on n’y prêterait presque pas garde, si ce n’était que le tramp, sous le prétexte bien commode d’une innocente maladresse, accumule les insolences. Charlot, « croyant » assommer les voleurs, assomme son patron, et met « par mégarde » le feu à son journal, organe de propagande sociale s’il en est. La Bible et le Journal : voilà déjà leur compte réglé. Et l’on comprend d’autant mieux pourquoi, lorsque le film finit par résoudre une énigme posée dans les premiers plans. On y voyait Charlot assis par terre, manger de l’herbe. Pourquoi de l’herbe ? Certes, Charlot a faim et l’herbe est sous sa main. Embauché dans une ferme, Charlot s’efforce de traire une vache, il se couvre de lait. La contiguïté entre le vagabond et la vache devient métaphore quand la fille du fermier, qui flirte avec Charlot, le sonne à l’aide d’une cloche. Charlot accourt au son de la cloche, bétail domestique obéissant. Le vagabond, employé agricole saisonnier, corvéable à merci, est bien la « vache-à-lait » du fermier (« milch cow » ou « cash cow » en anglais). Il enrichit le fermier sans contrepartie, même pas pour du beurre, ni même pour de l’herbe (cueillie en bord de route), mais pour une monnaie de singe, à coup de sourires ambigus de la fille du patron. À la fin du film, Charlot s’en va sans avoir mangé, ni dormi, ni même embrassé. L’arrivée du cousin et fiancé probable le chasse. Pauvre cloche. Blessé dans ses illusions sentimentales, il ne demande même pas son salaire. Un tel traitement méritait bien un coup de griffe aux lectures préférées du propriétaire.

7Outre l’insolence du personnage, l’antithèse souligne la vanité des prêcheurs. En 1921, Louis Delluc décrit ainsi une scène d’Easy Street (1917) :

Le pasteur, maigre, blanc, redingoté de toute son âme, parle, parle, parle. Et tout le monde gueule à la gloire de Dieu. […] Le pasteur s’acharne à le convertir. Parle toujours, ma vieille ! On n’a même pas besoin de faire un effort pour ne pas l’écouter. Edna sourit. Ravissement total, théologique, humain, provisoire, éternel en un mot7

8Ici, Louis Delluc joue avec le propre humour de Chaplin, et les allusions permanentes du cinéaste à son art : « on n’a même pas besoin de faire un effort pour ne pas l’écouter » puisque le film est muet, et le prêcheur parle donc dans le vide, comme celui de The Tramp. Une antithèse cinématographique oppose la rhétorique inaudible du pasteur et le sourire visible d’Edna, la vaine parole de la bonne conscience et l’image silencieuse, radieuse, où la beauté est promesse de ciel et d’amour. Quelques années plus tard, dans un film dont chaque carton, en guise de titre de chapitre, ironise sur ses propres références littéraires et s’affiche délibérément comme une fiction, Sunnyside (1919) construit à son tour une vaste antithèse entre discours (texte écrit) et image. Après une ouverture (puis fermeture) en iris sur la croix et le clocher du village, la première scène découvre un écriteau : « Love thy Neighbour » (« Aime ton Prochain »). Un travelling vertical descendant nous permet de faire connaissance avec l’homme qui a affiché la parole biblique au-dessus de son lit. Le poing contracté, prêt à frapper, c’est le patron de Charlot. Son premier geste au lever consiste à ramasser une chaussure pour la lancer sur son employé. Une fois chaussé, ce bon chrétien marque sa supériorité par l’accumulation de coups de pied au derrière de Charlot (qui lui présente de lui-même son postérieur à chaque fois qu’il le croise). Puis, dans cette petite ville dont la messe dominicale constitue l’événement, Charlot, évanoui dans une ornière, est secoué par son patron, tiré de son rêve et réveillé par les rires et moqueries des voisins, ses prochains. L’action du film s’oppose point par point au bel écriteau du début, la vertu du texte biblique passablement minée.

9Cependant, dira-t-on, l’écrit joue, à travers les cartons, un rôle considérable dans ce film ! En effet, et même un rôle comique. Toutefois ici l’humour ne tient pas au brio des jeux de mots et plaisanteries inscrits sur les cartons, mais au rapport ironique entre le carton et la nature du spectacle qui se déroule sous nos yeux8. Les cartons, comme les images du reste, multiplient les allusions littéraires et les références aux codes de la pastorale, du type « And now, the “romance” ». Un carton titré « Love’s labor lost » évoque la comédie de Shakespeare, Love’s Labour’s Lost. Mais l’action du film fait mentir le carton et Shakespeare : pour une fois, l’histoire se finit bien. Alors qu’on croyait que tout allait mal pour Charlot (comme l’affirmait aussi le carton), voilà que patatras, ça n’était qu’un mauvais rêve (succédant lui-même à un premier rêve, charmant, dans lequel Charlot dansait avec de gracieuses nymphes). La fin du film va à l’encontre de la règle générale chez Chaplin : au lieu qu’un rêve heureux débouche, lors du réveil, sur une situation prosaïque, burlesque (Charlot embrassant un balai-serpillère dans The Bank, en 1915, en lieu et place de la belle Edna, Charlot secoué par son patron et moqué à la fin du premier rêve de Sunnyside), ici au contraire, le mauvais rêve (Edna trahissant Charlot pour un riche et élégant citadin) fait place à une « réalité » plus réconfortante : le riche citadin indiffère à Edna, qui conserve son amour au humble et campagnard Charlot, les amoureux s’enlacent dans les dernières images. Mais l’accumulation de rêves dans le film rend incertaine la « réalité » des dernières images. Sur quel plan de réalité sommes-nous, à quel niveau de récit enchâssé ? La fin du film n’omet-elle pas de retourner au récit encadrant ? Si, bien sûr, et ce retour aura lieu pour le spectateur au moment de quitter la salle obscure pour la rue. La multiplication des rêves et l’ironie manifeste de cartons renvoyant à l’héritage littéraire, ponctués de « etc. etc. etc. » qui soulignent le genre du spectacle (sorte de pastorale cinématographique), désignent le caractère entièrement fictionnel et improbable de cette idylle, pure parenthèse, pur songe poétique. Ici encore donc le texte, idyllique (des cartons), entre en contradiction avec la réalité (celle qui est extérieure au film)9.

10The Kid (1921) reprend ces procédés. Là aussi les cartons font référence au spectacle en cours. Le docteur demande à l’enfant malade « “Say Ha” » (« Dis Ah »). L’enfant ouvre la bouche, mais (cela va de soi) on n’entend rien. « “Louder” » (« Plus fort ») réclame le docteur. Ici la drôlerie du texte ne tient pas à un quelconque jeu de mots mais à l’énonciation des dialogues, à la fois motivés par la diégèse, et allusions à la nature de l’œuvre. Au fond, le plus grand tort du docteur, dont la bêtise et l’aveuglement sautent aux yeux dès son entrée dans le cadre, c’est d’ignorer qu’il est un personnage de film muet. Il ne maîtrise aucune des règles de communication élémentaires10. The Kid associe peu après à cette énonciation ambiguë le recours à l’antithèse. Un carton rapporte ainsi d’abord au style direct (marqué par des guillemets anglais) les paroles du docteur « “This child needs proper care and attention” ». Quelques scènes plus loin, le carton qui annonce sans guillemet « The proper care and attention » relève de la narration, tout en reprenant le discours du docteur (et probablement celui des dirigeants de l’orphelinat). Les cartons ayant traditionnellement deux fonctions principales, une fonction narrative d’une part, et la transcription des dialogues de l’autre, ils jouent ici de ces deux fonctions mêlées et peuvent être comparés au discours indirect libre dans le roman. La brutalité des représentants de la charité et de la morale officielle, docteur, dirigeants de l’orphelinat, tranche avec les discours lénifiants rapportés sur les cartons. L’ironie tient à la fois à l’antithèse entre discours et action et à l’énonciation complexe des cartons : la narration feint de reprendre le discours du personnage, mais elle le fait sous forme d’antiphrase.

11Dans Modern Times (1936), la sortie de Charlot de l’hôpital psychiatrique présente un autre cas d’ironie sur une forme de « bonne conscience » institutionnelle et laïque, celle du psychiatre. Cette fois-ci, l’antithèse est construite grâce à l’angle de prise de vue et au montage. Un plan composé avec une rigueur géométrique, équilibrant les verticales et les horizontales, les noirs et les blancs, nous montre l’intérieur de l’hôpital, éclairé par le reflet de deux fenêtres. La belle infirmière qui prend des notes au bureau d’accueil pourrait poser dans les magazines. Luxe, calme et volupté. Le médecin psychiatre et Charlot marchent au centre de l’image vers le spectateur, et le médecin tourné vers Charlot lui adresse des recommandations qu’un carton explicite : « “Take it easy and avoid excitment” » (« Allez-y doucement et évitez toute excitation »). Charlot opine, salue, prend la tangente, pas sorti du cadre et déjà oublié, tandis que le médecin flirte avec l’infirmière. Au plan suivant, on voit le vagabond descendre les escaliers extérieurs de l’hôpital. En surimpression les vues d’une machine trépidante ressemblant à une pièce d’artillerie, de foules urbaines et de voitures, prises en plongée et plan incliné, se succèdent à un rythme inhabituellement rapide sur une musique assourdissante de cymbales et de cuivres. Le bruit et la fureur. Ce type de prise de vue et de montage, très rare chez Chaplin11, est peut-être un clin d’œil au montage pratiqué par Sergueï Eisenstein, par exemple dans Le Cuirassé Potemkine (1925), et désigne de manière évidente la cité comme le champ d’une bataille économique (de même qu’au début du film l’usine évoque nettement la métaphore d’un navire de guerre). Le montage s’oppose radicalement au discours du médecin. Dans un pays où la vie économique fonctionne sur le mode de la guerre, un conseil du type « Restez calme et évitez toute excitation » relève de la langue de bois. Le psychiatre parle mais ne soigne pas, car la maladie n’est pas individuelle mais sociale12.

« The Land of Liberty », « Peace and Prosperity » : déconstruire le mythe

12Si l’ironie sur le discours s’attaque à des usages individuels, communautaires ou institutionnels de la langue, Chaplin s’en prend aussi – et c’est sans aucun doute plus scandaleux – au mythe national. Quatre exemples tirés de The Immigrant (1917), de Shoulder Arms (1918), de City Lights (1931) et Modern Times (1936) donnent une idée des moyens employés à cette déconstruction.

13Dans The Immigrant, l’arrivée des migrants à New York est précédée du carton « The arrival in the land of liberty » (« Arrivée au pays de la liberté »), aussitôt contredit par les cordages avec lesquels on encercle et parque les migrants, qui arborent chacun une étiquette autour du cou, comme du bétail. Au discours collectif, parole mythique, fondatrice (« Voici le pays de la liberté »), Chaplin oppose une image amère (et drôle), qui évoque, elle, une parole de poète, antérieure de quelques années à peine, celle de Cendrars décrivant la même scène en 1912 :

Seigneur, la foule des pauvres pour qui vous fîtes le Sacrifice
Est ici, parquée, tassée, comme du bétail, dans les hospices.

D’immenses bateaux noirs viennent des horizons
Et les débarquent, pêle-mêle, sur les pontons.

Il y a des Italiens, des Grecs, des Espagnols,
Des Russes, des Bulgares, des Persans, des Mongols.

Ce sont des bêtes de cirque qui sautent les méridiens.
On leur jette un morceau de viande noire, comme à des chiens13.

14En 1917, au moment de l’entrée en guerre des États-Unis, Chaplin, citoyen britannique, est inquiété. Pourquoi n’est-il pas déjà au front ? Le gouvernement lui demande un film de publicité pour les « Liberty Bonds », les bons du trésor qui vont subventionner l’effort de guerre. Chaplin s’exécute et réalise The Bond (1918), un étrange petit film au décor de carton-pâte. Mais la même année sort aussi Shoulder Arms. C’est l’occasion d’une nouvelle déconstruction de la rhétorique politique. Peu après le début du film en effet, et à plusieurs reprises, le mot « ennemy » apparaît sur les cartons (« The enemy », « Within the enemy’s lines »). Allons, il faut bien qu’il y ait un ennemi puisqu’il y a les privations, la peur, la tranchée, et au-delà du film les millions de morts. Mais de quel ennemi s’agit-il ? Charlot lève le bras et les tirs venus de la tranchée d’en face décapsulent la bouteille de Charlot, allument sa cigarette. L’« ennemi » collabore aux tentatives de Charlot pour vivre, malgré tout. L’ennemi serait-il solidaire ? Revenu vainqueur dans sa tranchée, accompagné de ses prisonniers, Charlot se montre courtois et offre une cigarette à l’officier allemand. Ce dernier, dédaigneux, la jette. Charlot, fou de rage qu’on gaspille une denrée aussi rare, botte les fesses de l’officier allemand comme un enfant malpoli. Les soldats allemands applaudissent et congratulent Charlot, leur « ennemi » : Charlot vient de leur offrir une revanche sur l’officier qui les humiliait. Il y a comme des accents d’Internationale dans cette substitution d’un antagonisme de classe à un antagonisme national. Là encore l’antithèse entre le discours et l’image est le lieu ironique d’une pensée critique : l’ennemi promu par les discours nationalistes et rapporté sur les cartons est déconstruit par l’action.

15La fin du film est peut-être plus rusée encore. Ayant passé le front, Charlot se déguise en officier allemand. C’est sous cet uniforme qu’il capture le Kaiser et plusieurs officiers. C’est aussi sous cet uniforme que Charlot et ses prisonniers repassent le front, reviennent dans les lignes américaines, sortent de la voiture (allemande) sous les applaudissements des soldats américains et reçoivent l’ovation, alignés comme les acteurs pour le salut à la fin du spectacle. C’est enfin sous cet uniforme que, les personnages secondaires ayant quitté la scène, Charlot est porté en triomphe. La boucle est bouclée : les soldats allemands ont applaudi le soldat américain Charlot au début du film, et les soldats américains applaudissent les officiers allemands à la fin. Bien sûr, si on s’en tient au « récit » du film, Chaplin prophétise la victoire des Alliés sur les Allemands. Mais les images jouent contre le récit implicite et attendu du film : regardées pour elles-mêmes, ces images de liesse donnent à voir l’unité fraternelle des peuples14. Le salut final détourne très habilement le « théâtre de la guerre » en film pacifiste. L’« ennemi » n’est que le nom attribué à un rôle dans un mauvais scénario, les images de Chaplin redistribuent le jeu.

16En 1931, City Lights s’ouvre par une cérémonie officielle sur une place. Il s’agit de l’inauguration d’une sculpture monumentale, Peace and Prosperity (La Paix et la Prospérité), offert à la ville. Un notable prend la parole, suivi d’une greluche à bouquet de fleurs. Mais leurs paroles à tous deux sont remplacées par les couinements de ce qui ressemble à une trompette bouchée. On connaît la musique, semble « dire », ou plutôt suggérer le film muet. Le drap qui recouvrait le monument est soulevé et révèle le vagabond sans domicile, réfugié dans les bras d’une statue. Indignés, les officiels lui font signe de s’en aller. Charlot s’efforce de descendre de la statue, mais sa « maladresse » fait empirer la situation : le voilà qui se trouve dans des positions de plus en plus inconvenantes. Notables et officiels s’exaspèrent, quand l’hymne national américain, entonné par l’orchestre, force chacun à l’immobilité. Au garde à vous, ou presque, la bonne société scandalisée est donc condamnée à regarder Charlot lui montrer ses fesses, embrochées par l’épée de marbre de la Prospérité (à moins qu’il ne s’agisse de la Paix ?). La musique s’arrête, on lui crie quelque chose, Charlot s’interrompt dans sa descente. Il tend l’oreille, et son visage qui se rapproche de la main ouverte d’une statue adresse « involontairement » un pied de nez aux bonnes gens.

17Après avoir montré ses fesses sur l’hymne national, Chaplin franchit encore un pas dans Modern Times, en 1936. Le générique indique, en guise de sous-titre : « “Modern Times”. A story of industry, of individual enterprise – humanity crusading in the pursuit of happiness15 ». Or ce sous-titre paraphrase en le détournant le Préambule de la Déclaration d’Indépendance américaine du 4 juillet 1776, discours fondateur, appris par cœur de tout écolier :

We hold these truths to be self-evident, that all men are created equal, that they are endowed by their Creator with certain unalienable Rights, that among these are Life, Liberty and the pursuit of Happiness16.

18Dans les temps modernes, « Industry » remplace « Life », « individual enterprise » remplace « Liberty » (on voit surtout beaucoup de pauvres hères en prison, « libre » signifie surtout libre de crever de faim), et « pursuit of happiness » est traduit en « crusading in the pursuit of happiness ». Au « pays de la liberté », l’industrie a remplacé la vie, la liberté se réduit à la liberté d’entreprendre (elle exclut bien d’autres formes de liberté, comme celle par exemple de rêver en fumant une cigarette) et la quête du bonheur devient une errance sans espoir en même temps qu’une croisade, c’est-à-dire une guerre. Autrement dit les mots des pères fondateurs dans la Déclaration d’Indépendance ne pèsent pas plus que les bulles de savon du balayeur de City Lights. Leur discours, mythe par excellence, couvre de ses belles paroles et du crédit qu’on lui accorde un fait : le glissement du concept de liberté à celui de libéralisme économique, la privation des droits inaliénables au profit de la propriété individuelle. « Private. Keep Out » (« Privé. Défense d’entrer ») avertit une affiche sur le mur quand Charlot quitte l’hôpital pour la rue. Dans ce cas précis du générique de Modern Times, le texte écrit ne s’oppose pas à l’image, à l’action (il est au contraire confirmé par elle), mais à un autre texte, extra-cinématographique, implicite et connu de tous, sacré.

19La langue, institution nationale, est suspecte. Véhicule d’une bonne conscience puritaine ou laïque aveugle à la misère réelle, outil de propagande, de domination sociale réservée aux puissants (à l’oisif directeur de l’usine de Modern Times) aux dépens des classes productives, elle couvre de ses mythes tous les mensonges politiques. Or cette conscience critique de la langue et la déconstruction des mythes par Chaplin rencontrent la crise profonde qui touche la littérature et même la culture à partir de 1914. Cette conjonction historique a pu prendre une part au succès phénoménal de Shoulder Arms. Il est bien possible que l’expression du pacifisme dans un langage non verbal, mais universel, transmis par le jeu et l’image, ait correspondu à ce moment où la langue, la littérature et la culture étaient mises en accusation. Louis Delluc écrit dans son Charlot en 1921 :

Les personnes qui prennent la littérature au sérieux – et même ne prennent au sérieux que cela – n’admettent que le Feu d’Henri Barbusse ou autres plus petits feux de ses contrefacteurs et autres J’accuse. Je me permettrai de préférer Shoulder Arms de Chaplin, qui ne met le feu à rien, qui n’accuse personne et qui est bien plus sévère.
Les souffrances du pioupiou américain qui fait des classes et rêve de la tranchée glorieuse, sont scrutées sans romantisme et sans prédication. L’ironie a plus de force que l’apostolat. Et l’humour est une sorte de merveille qui comprend l’ironie et beaucoup d’autres choses avec. Ce petit tableau cinématographique est une des plus justes « duretés » qu’ait inspirées la guerre à un monsieur qui aime la paix17.

20Les qualités soulignées par Delluc sont négatives : le film de Chaplin n’est pas une œuvre de littérature, il est « sans romantisme », « sans prédication », quelques lignes plus loin il ajoute qu’il « ne déclame jamais ». Or précisément depuis la Grande Guerre, ici ou là, puis de partout, on crie à la compromission de littérature, de la culture et des œuvres de la pensée avec la guerre, avec l’industrie de la mort, avec les forces de la destruction.

Maintenant, sur une immense terrasse d’Elsinore, qui va de Bâle à Cologne, qui touche aux sables de Nieuport, aux marais de la Somme, l’Hamlet européen regarde des millions de spectres.
Mais il est un Hamlet intellectuel. Il médite sur la vie et la mort des vérités.

21écrit en 1919 Paul Valéry dans une « lettre » célèbre18. Par la défense « romantique » de la Nation, par la coalition de la culture avec les Etats, par la mise au point d’une rhétorique fatale, par son impuissance à rien sauver, la langue semble morte. Il devenait nécessaire de la bousculer, comme le firent futuristes ou dadaïstes, ou d’inventer un nouveau langage.

Une poétique du jeu

22Il est évident que Chaplin avait pleinement conscience de contribuer à l’invention d’un autre langage, d’une « contrelangue », lui qui a placé si fréquemment son double muet en situation paradoxale de devoir faire un discours : c’est le sermon de Charlot (déguisé en pasteur) sur David et Goliath dans The Pilgrim (1923), le discours réclamé (en rêve) par Georgia et ses amies au soir du réveillon dans The Gold Rush (1925), la chanson de Charlot dans le restaurant de Modern Times (1936). À chaque fois, Charlot s’exprime sans l’aide des mots devant un public non conquis d’avance, dans un langage qui met le monde et nos catégories en jeu.

« Le poète décroche l’enseigne de la chose et la pose de côté »

23Dès 1914, l’écrivain et théoricien Victor Chklovski, proche des futuristes russes, qui affirmait « Actuellement les mots sont morts et la langue est semblable à un cimetière19 », ajoutait :

Nous vivons comme si nous étions recouverts d’une couche de caoutchouc. Nous devons nous restituer le monde. Peut-être toute l’horreur (que nous sentons trop peu) de l’époque actuelle, l’Entente, la guerre, la Russie, s’explique-t-elle par le fait qu’il nous manque une vraie sensation du monde, un art universel. [...] Pour cela il faut avant tout « secouer » la chose, de la même façon qu’Ivan le Terrible passait en revue ses homoncules. Il faut arracher la chose à la série des associations coutumières. Il faut la retourner comme la bûche dans l’âtre. […] Le poète décroche l’enseigne de la chose et la pose de côté. Les choses s’insurgent, retirent leurs vieux noms et acquièrent, avec de nouveaux noms, une nouvelle physionomie. Le poète effectue une mutation sémantique, il arrache le concept de la rangée dans laquelle il se trouve habituellement et le transporte à l’aide du mot (trope) dans une autre rangée sémantique ; grâce à cette opération, nous sentons combien la situation de l’objet y est nouvelle20.

24Bien que cet essai soit antérieur de plusieurs années aux textes de Chklovski sur les relations de la littérature et du cinéma (et en particulier sur Charlot), il est tentant de voir dans ces lignes une analyse de l’art de Chaplin. Si Chaplin renouvelle le monde, et pour paraphraser Apollinaire forme et défait l’univers, c’est précisément parce que chaque chose et être quitte sa catégorie habituelle, change de fonction et même de forme. Le monde devient plastique, la canne devient nourrisson (A Night Out, 1915), l’homme femme (A Woman, 1915), la saucisse poignée de tramway (Pay Day, 1922), l’ennemi ami, et les hommes quand ils se battent s’enlacent et s’embrassent. L’ébriété si fréquente dans ces films assume de ce point de vue une fonction comparable à celle du rêve : rêve et ivresse sont l’occasion de voir le monde autrement, et en somme de renommer chaque chose, ou plutôt de lui ôter son nom : comme dit Chklovski, d’« arracher la chose à la série des associations coutumières » et de « la retourner comme la bûche dans l’âtre ».

Le cinéma, « la plus belle projection du cerveau »

25Cet « arrachement » ne laisse pas d’être inquiétant. Ainsi, dans One A.M. (1916), Charlot rentre chez lui (c’est un bourgeois cette fois) passablement ivre. Son ivresse est probablement le signe de sa mélancolie, d’une soif à la fois sensuelle, sentimentale, métaphysique, le double et l’envers de la faim de Charlot21. À part le chauffeur de taxi initial, Charon impassible qui attend que Charlot paye son obole pour repartir, Charlot est entièrement seul dans ce film. Tant bien que mal, Charlot pénètre chez lui et son pied dans le bocal à poisson rouge. La comparaison entre le bocal et le décor de la vie de Charlot devient patente, presque éprouvante pour le spectateur. Charlot (tout homme) tourne en rond dans sa solitude comme le poisson dans son bocal. Et le bocal ici c’est la maison que Charlot dans son ivresse solitaire peuple, c’est le décor de cinéma, c’est la vitre de la caméra à travers laquelle nous regardons, mal à l’aise, claustrophobes, Charlot se démener. Dans son ivresse Charlot voit s’animer les animaux empaillés, voici des monstres, voici un bateau qui fait naufrage et Charlot grimpe en haut du porte-manteau comme sur la hune de son fragile esquif. Charlot, seul dans l’univers, semble le jouet d’un démiurge sadique comme le locuteur pris de vertige des Méditations métaphysiques de Descartes. « Good Night » (« Bonne Nuit ») s’inscrit soudain sur l’écran. Mais qui « parle » ? Nous savons depuis le début du film qu’il est tard (le titre nous dispensait de cette nouvelle information), et il n’y a là personne d’autre que Charlot et le poisson rouge (ça n’est donc pas un dialogue). Ce « Good Night » venu de nulle part prend des allures fantastiques, évoque le corbeau d’Edgar Poe ou l’horloge de Baudelaire. Et justement le balancier démesuré de l’horloge frappe Charlot à tout coup, dès qu’il tente d’accéder à la chambre du premier étage, au repos. « Souviens-toi que le Temps est un joueur avide / Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est la loi. » Qui parle si ce n’est le créateur à sa créature ? Le personnage Charlot semble apostrophé par le cinéaste Chaplin, et le monde nous semble soudain l’œuvre étrange, artificielle et arbitraire de quelque cinéaste capricieux.

26Si One A.M. est un cas extrême, nombreux sont les films de Chaplin, nous l’avons suggéré déjà, où l’intrusion d’énoncés extérieurs à l’univers fictif invite le spectateur à s’interroger sur les liens du spectacle cinématographique et de l’univers extra-cinématographique. Le « réalisme de l’image photographique » pour reprendre l’expression d’André Bazin22 produit alors un effet très étrange. Car ce qui est montré à l’écran a les apparences de la vie (illusion du mouvement, hommes, ciel, maisons, voitures, etc.) tout en se donnant comme monde artificiel. Paradoxalement, c’est moins l’illusion référentielle de l’univers fictif qui en pâtit que la réalité du « réel ». Celui-ci semble perdre son assise et cesse d’apparaître comme le seul monde possible. Si le spectacle cinématographique est une construction artificielle, il se pourrait bien qu’il en fût de même du reste du monde. Autrement dit, l’image cinématographique, pourtant « réaliste », n’étant plus crédible, le monde son modèle est à son tour déréalisé.

27« Le Cinéma. Tourbillon des mouvements de l’espace. Tout tombe. Le soleil tombe. Nous tombons à sa suite » écrit Blaise Cendrars dans L’ABC du Cinéma23, dans des phrases qui se souviennent très nettement de la parabole du fou dans Le Gai savoir de Nietzsche.

Au-dessus de la tête des spectateurs le cône lumineux frétille comme un cétacé. Les personnages, les êtres et les choses, les sujets et les objets s’étirent de l’écran au foyer de la lanterne. Ils plongent, tournent, se pourchassent, se croisent avec une précision astronomique, fatale. Faisceaux. Rayons. Pas de vis prodigieux autour duquel tout tombe en spirale. Projection de la chute du ciel24.

28Si tout tombe pour le spectateur comme pour le « fou » de Nietzsche, c’est sans aucun doute parce que le monde ainsi recréé se passe de Dieu et tremble. Le « pas de vis prodigieux » n’est plus celui du grand Ingénieur, mais l’opération de chaque appareil de projection et le cinéma est « la plus belle projection du cerveau » comme l’écrit Cendrars avec une belle syllepse de sens25 : inventé (projeté) par le cerveau, le cinéma projette sur l’écran les images du cerveau. Mais si le monde créé par cette nouvelle Genèse est une « projection », qu’en est-il de l’autre ?

29Il n’est pas indifférent que le verbe « inquiéter » arrive sous la plume de Delluc à propos du transformisme de Charlot. Le cinéaste et critique décrit ainsi la métamorphose de Charlot dans A Woman (1915) : « un monsieur fait au tour s’enjuponne, se perruque, se chapeaute à la lady et nous inquiète un peu. Et pendant ce temps, on fait semblant de rire aux larmes26. » Charlot devient « a perfect lady » ou, comme dans la prodigieuse performance de The Cure (1917), figurine de boîte à musique, nageur, lutteur, danseur de tango, fauve, etc.27 Ce monde projeté est aussi une anthropologie, où sont mobiles et fragiles les frontières entre les règnes animal, humain, végétal, objectal : inquiétantes. Existe-t-il encore une vérité originale, une essence première ? Dans La Chaplinade ou Charlot poète d’Yvan Goll (1920)28, épopée burlesque et poème cinématographique, Charlot se démultiplie à l’infini comme les copies cinématographiques, comme les nombreuses variantes d’un double dont l’origine est perdue ou n’existe pas. « Tout est faux : » s’exclame-t-il. De façon comparable, Rafael Alberti lui fait dire dans son poème « Cita triste de Charlot » (« Rendez-vous triste de Charlot », 1929) « Un traje igual al mío se hastía por el campo» (« Un costume semblable au mien s’ennuie dans la campagne29 »).

30En somme, ce qui inquiète le spectateur masculin auquel s’identifie et s’adresse Louis Delluc, c’est non seulement qu’avec Charlot, la frontière entre l’homme et la femme se déplace, qu’à son tour le spectateur lui-même est touché, plus très sûr de sa propre identité ou préférence sexuelle, mais encore que le mouvement se communique au monde : Vérité et Réalité tremblent sur leurs assises.

« Il organise le monde en poème cinéplastique » et le « lance dans le devenir »

31Cette inquiétude a aussi sa face positive, sa danse, dirait Nietzsche. Ainsi, rêve et ébriété participent à ce mouvement. L’effet de surprise produit par le geste de l’ivrogne et du rêveur est indéniable. Nous rions, instinctivement, presque malgré nous. Comme l’écrit Philippe Soupault dans son essai « Charlie Chaplin » :

Charlie Chaplin force le rire, mais ne fait jamais regretter ce rire. Son comique, pourrait-on dire, est d’essence supérieure. Remarquons à ce propos que le comique d’essence supérieure est très proche de ce que nous nommons aujourd’hui la poésie30.

32Mais pourquoi rions-nous et pourquoi s’agit-il de quelque chose comme « la poésie » ? Nous rions peut-être moins à cause de la distraction du rêveur, que (pour reprendre une autre image chère à Bergson, mais qu’il n’a pas convoquée sur le comique), par l’ouverture soudaine des mailles de la nécessité. Non, le monde n’est pas nécessairement celui que nous croyions qu’il dût être et le triste registre du lugubre hôtel de A Night Out (1915) n’est pas condamné par une main de fer et pour l’éternité à consigner des données administratives. Le rêveur Charlot, pris de boisson, passe par là, le voit, et voilà le registre transformé en livre d’artiste, en toile à peindre. Bref, réinventé lui-même, l’objet devient le moyen d’expression d’une liberté et le support d’une création nouvelle.

33En somme, rêve et ébriété sont les métaphores burlesques d’une poétique du jeu. L’acteur qui improvise et cherche son sketch prend le premier objet qui lui tombe sous la main et lui attribue une identité nouvelle. Le Charlot ivre de A Night Out est l’image comique de l’acteur au travail et en jeu. Un dentifrice, tiens, que puis-je en faire. Dans la chambre à côté Edna joue seule avec son chien, Charlot seul dans sa chambre aussi a couché sa canne dans son lit en lui recommandant d’être sage. Là une femme, ici un enfant rêvé (halluciné, joué). La pâte blanche du dentifrice pendouille au bout du tube dans la main de Charlot, attendant que le jeu opère, image en suspens, métaphore sexuelle et solitaire peut-être, avant que la créativité ou l’ivresse ne lui attribue une fonction nouvelle. Charlot s’anime. Voici le dentifrice devenu cirage, pâte à récurer les murs de la salle de bain, peinture. Le personnage du rêveur (ou du distrait) et l’alcoolique opèrent à l’image de l’acteur, mais « involontairement », donc de façon comique. Et ce n’est pas, au fond, leur erreur qui nous fait tellement rire, que la Genèse recommencée et accomplie sous nos yeux. Par leur jeu, l’acteur, le rêveur, l’ivrogne mettent le monde en jeu, le recomposent, et communiquent au spectateur la possibilité de cette puissance inquiète, poétique. L’inquiétude se trouve à la fois au cœur de la poésie du premier tiers du siècle et du cinéma burlesque, comme le signe d’un monde instable où les vérités absolues manquent, en même temps que s’affirme une liberté nouvelle, source de joie et de désarroi, pareille à celle du funambule en équilibre sur un fil.

34En 1920, Elie Faure affirme que « Charlot est le seul poète de ce temps qui contemple la vie sous un angle constamment et consciemment héroïque. » On l’a compris, l’«  héroïsme » de Charlot n’a pas grand-chose à voir avec la « boucherie héroïque » des soldats de Candide ; reste à préciser de quoi il s’agit. Dans Pay Day (1922), la canne tenue par l’ivrogne sous la pluie diluvienne, poignée en bas et pointe en l’air, fait voir à la fois la canne et le parapluie dont un dieu facétieux, expert en trucages cinématographiques, aurait effacé baleines et tissu. Dans The Pilgim (1923), Charlot, le forçat évadé déguisé en pasteur, « joue » devant les fidèles éberlués le sermon de David et Goliath. Là où les mots opposeraient le berger et le géant, le Juif et le Philistin, le vainqueur et le vaincu, Charlot joue à la fois David et Goliath, c’est-à-dire qu’il est à la fois David et Goliath, dans un « sermon » en jeu, lui-même synecdoque du film et de l’ensemble de l’œuvre de Chaplin. L’autre devient un double de soi, ou si l’on veut une apparence possible de soi. Constatant que « Il y a plus de style dans le plus insignifiant en apparence des gestes de Charlot que dans toutes les œuvres réunies de tous les Instituts de France et de toute la “culture” allemande », Elie Faure s’en explique en définissant la fonction du style comme la coexistence « dans la même forme vivante » de « toutes les puissances contradictoires qu’il s’agit pour nous de concilier31. » Le soldat américain et l’officier allemand de Shoulder Arms, le vagabond et le rentier de The Idle Class, le forçat et le pasteur de The Pilgrim ne se réconcilient peut-être pas, mais coexistent comme les deux formes possibles que peut ou pourrait prendre le moi. Et, comme l’écrit encore Elie Faure dans L’Esprit nouveau en 1921, « Chaque fois que [Charlot] m’apparaît, j’éprouve une sensation d’équilibre et de certitude qui fait foisonner mes idées et délivre mon jugement32 ». « Il organise l’univers en poème cinéplastique et [le] lance dans le devenir », ajoute-t-il, insistant dans le même article sur le fait que « Le langage, chez Charlot, n’est plus de convention, le mot est supprimé, et le symbole33 ».

35La fin de The Pilgrim, où Charlot marche à cheval sur la frontière entre deux Etats, souligne à quel point cette plasticité et mobilité réclame d’échapper aux institutions nationales, aux frontières, et donc à la langue34.

36Certes, encore une fois, la poésie « cinéplastique » du monde ainsi mis en mouvement fait foin des vérités. Mais d’un autre côté, si le sujet et le monde sont apparences chatoyantes et modifiables, aucun dieu, aucun destin, pas même sous la forme d’un escalier roulant, d’une guerre ou d’un néant de glace, ne peut obliger celui qui l’habite à se résigner.

En somme, « Tout était renouvelé d’un seul coup »

37En guise de conclusion, nous voudrions dire quelques mots du film que Chaplin préférait, et qui est comme un condensé de Charlot. Dans The Gold Rush, Charlot et Big Jim sont pris dans un désert de neige. Ils ont faim. Avec la seule force de son imagination, Charlot prend le rien qu’il a sous la main, ou plutôt sur le pied, une chaussure. Sur la page blanche d’un décor de neige, il joue. Et les gestes appliqués et précieux du chef (du héros) métamorphosent la cabine des chercheurs d’or en la cuisine d’un grand restaurant.

38« Au commencement était le Verbe » écrivait saint Jean. Charlot nous propose une variante de cette poiêsis : Au commencement était le Jeu. Que le poulet soit ! et le poulet fut, ou plutôt la poule au pot, poule aux œufs d’or, qui fait dans le film et la vie du vagabond un millionnaire. Une fois la chaussure devenue poulet, le jeu (le mouvement) se communique au spectateur. À son tour Big Jim hallucine (rêve, joue) et voit un poulet là où il n’y a que Charlot. La métamorphose de Charlot en poulet est burlesque, elle vaut comme la métaphore risible d’un idéalisme postromantique mêlé de désillusion, l’image de rêves d’envol mâtinés de matérialisme. Charlot en poulet, c’est la version burlesque de l’Albatros de Baudelaire. Mais c’est aussi le rappel discret, métaphorique, de l’horreur historique, et de l’anthropophagie à laquelle se livrèrent des chercheurs d’or effectivement pris dans les glaces en 1896, mourant de faim, dont l’histoire donna à Chaplin le point de départ de The Gold Rush. Le poulet, c’est la transformation, par le jeu qui rebat les cartes du destin et libère l’homme, du tragique en rire.

39« Tout était renouvelé d’un seul coup35 » comme l’écrit Philippe Soupault. À partir de cette double métamorphose initiale, The Gold Rush se déroule moins comme un récit, que selon les rebondissements d’une image. Le transfert entre la nourriture (obsession de Charlot) et les chaussures (marque du clown, précieuse possession du pionnier-vagabond qui n’a que ses pieds pour aller quérir sa nourriture) s’inverse à nouveau dans le célèbre « ballet aux petits pains », danse qui remplace les mots que Charlot ne peut (ne veut) prononcer. Mais nous souhaitons y insister, dans cette danse miniature et rêvée, qui est déclaration d’amour à la danseuse Georgia, sublimation du dénuement en merveille, nourriture terrestre et spirituelle, nous voyons la métamorphose se faire sous nos yeux. Dans le ballet de The Gold Rush nous voyons à la fois les pains, les godillots du vagabond et les chaussons de la danseuse, la misérable cabane, la piste de danse du saloon, le théâtre des forains et celui des premières projections cinématographiques, et Charlot est à la fois le vagabond, le marionnettiste, la marionnette, la danseuse Georgia en miniature, le créateur et la créature. Ce ballet nous émerveille et nous fait rire parce qu’il est un résumé de l’œuvre et l’expression d’une liberté bondissante, opérant dans un monde dé-catégorisé, mis en mouvement. Et puis, il est dépourvu de truc. Charlot est, loin de Méliès, non pas l’illusionniste qui substitue une chose à une autre par l’opération du montage, mais l’acteur-poète au travail, dans une ontologie nouvelle où chaque chose est par elle-même cinéma, image en mouvement, métamorphose et méta-phore, monde et langage en jeu.

Notes de bas de page numériques

1 Béla Balázs, « Chaplins Geheimnis », Der Film. Werden und Wesen einer neuen Kunst [1949], traduit de l’allemand par Daniel Banda, dans l’anthologie Charlot : histoire d’un mythe, textes choisis et présentés par Daniel Banda et José Moure, Flammarion, « Champs Arts », 2013, p. 239.

2 Béla Balázs, « Chaplins Geheimnis », traduit par Daniel Banda, Charlot : histoire d’un mythe, p. 241.

3 Charlie est ainsi présenté comme « A dumb-waiter who thought Joan of Arc was a sister to Noah’s Ark », double jeu de mots difficilement traduisible : « Un pauvre serveur (mais "a dumbwaiter" est aussi un monte-charge) qui croyait que Jeanne d’Arc était la sœur d’Arche de Noé ». Mable Normand est « A society bud – who refuses to marry a Count with no account » (« Une jolie fille de la haute – qui refuse d’épouser un Comte dépourvu de compte en banque ») et le patron de Charlot est « The boss – Whose breath was stronger than a mother’s love » (« Le patron – dont l’haleine était plus forte que l’amour d’une mère »). Après la présentation des personnages, les dialogues accumulent aussi plaisanteries, clins d’œil et jeux de mots.

4 Déclaration d’Elsie Codd reproduite par Louis Delluc, Charlot [1921], Éditions d’aujourd’hui, 1978, pp. 83-84.

5 Making a Living, produit par Mack Sennett, est le premier film dans lequel ait joué Chaplin. La nécessité, pour tous ceux qui ne sont pas rentiers, de trouver coûte que coûte les moyens de sa subsistance dans un monde qui ne fait pas de place à tous, mécanise (déjà) et déshumanise les hommes. Le cynisme du reporter vaut la méchanceté du vagabond interprété par Chaplin : leur course-poursuite est drôle et poignante à la fois, leur lutte à mort pour prendre la place de l’autre fait d’eux des pantins cruels et burlesques.

6 Henri Bergson, Le Rire. Essai sur la signification du comique [recueil de trois articles publiés dans la Revue de Paris, 1899], PUF, « Quadrige », 1989, p. 29.

7 Louis Delluc, Charlot, pp. 55-56.

8 Comme l’écrit Robert Desnos, qui marque son intérêt pour les cartons dans l’article « Musique et sous-titres » (Paris-Journal, 13 avril 1923), « Il y a là un moyen d’émotion directe qu’il importe de ne pas négliger », « Le principal est qu’ils restent du cinéma et qu’un imbécile désir littéraire ne les isole pas de l’action comme le commentaire d’un pion au bas d’un beau poème ». In Robert Desnos, Cinéma, textes réunis et présentés par André Tchernia, Gallimard, « NRF », 1966, p. 98.

9 Peut-on se risquer à ajouter qu’une ironie à double tranchant porte peut-être autant sur le film lui-même que sur une réalité extra-cinématographique à son tour mise en cause ? Après tout, si la réalité extra-cinématographique devient le récit encadrant de la fiction cinématographique, son propre statut de fiction est suggéré. Son décor est peut-être aussi faux, ses règles aussi arbitraires que celles de la pastorale, et à tout prendre, moins aimables.

10 À l’inverse, évidemment, quand on lui réclame un discours, Charlot répond dans The Gold Rush qu’il ne peut pas : « I’m so h-h-appy ~ Oh, I can’t ~~ ».

11 Au point que Pasolini affirmait : « dans les grands poèmes cinématographiques, de Charlot à Mizoguchi et à Bergman, la caractéristique générale et commune était que “l’on ne sentait pas la caméra” : ils n’étaient pas tournés selon les canons de la “langue du cinéma de poésie”. Leur poésie était ailleurs que dans le langage en tant que technique du langage. » Pier Paolo Pasolini, « Le cinéma de poésie », in L’expérience hérétique. Langue et cinéma, [Empirismo eretico, 1972], traduit de l’italien par Anna Rocchi Pullberg, Payot, 1976, p. 153.

12 En 1947 le film Monsieur Verdoux dira la même chose du crime, produit non par un individu diabolique, mais par une société qui écrase les honnêtes travailleurs et récompense les auteurs de crimes de masse comme les fabricants d’armes.

13 Blaise Cendrars, « Les Pâques à New York » (1912), in Poésies complètes 1, Denoël, 2001, pp. 7-8. Les analogies nombreuses et frappantes entre la poésie de Cendrars et le cinéma de Chaplin mériteraient de longs développements.

14 Le rêve duquel Charlot s’éveille à la fin met en cause le réalisme de cette fin trop heureuse, mais aussi toute l’absurdité de la guerre, puisque la quasi-totalité du film, nous le découvrons à la fin, a été vécue en songe par Charlot. La guerre absurde, insensée, est dépourvue de logique (Tout comme dans The General (1926) de Keaton, les « causes » de la guerre sont élidées du film, le fait brut donné sans explication). Faut-il en déduire que les hommes rêvent pour s’entretuer par millions ? Ici comme souvent chez Chaplin, c’est la réalité de ce que nous appelons le réel qui vacille, devenu aussi contingent et digne d’étonnement que le rêve.

15 « “Les Temps modernes”. Une histoire d’industrie, d’entreprise individuelle – l’humanité partant en croisade à la poursuite du bonheur ».

16 Nous tenons pour évidentes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux, ils sont dotés par leur Créateur de certains Droits inaliénables, parmi ces droits se trouvent la Vie, la Liberté et la poursuite du Bonheur.

17 Louis Delluc, Charlot [1921], Éditions d’aujourd’hui, 1978, pp. 60-61.

18 Paul Valéry, « La Crise de l’Esprit », Athenaeus, avril-mai 1919. La mélancolie, si elle existe indéniablement chez Charlot, est certes rapidement priée d’aller voir ailleurs, mais les analogies entre le prince danois et le vagabond Charlot sont plus nombreuses qu’on le croit.

19 Victor Chklovski, Résurrection du mot, traduit du russe par Andrée Robel, Paris, Éditions Gérard Lebovici, 1985, p. 63. Cette édition française inclut la traduction d’une plaquette publiée en 1914, Résurrection du mot, et un ensemble intitulé Littérature et cinématographe qui comprend des textes écrits à partir de 1919.

20 Victor Chklovski, Résurrection du mot, pp. 102-103.

21 C’est ainsi que l’interprète Louis Delluc qui consacre plusieurs pages de son Charlot à des hypothèses sur l’ivresse de Charlot, et l’inconvenante platitude de la vie (Charlot, pp. 47-52.) Quant à nous, nous ne pouvons pas ne pas penser une fois encore à Cendrars : « J’ai soif, / Nom de Dieu / De nom de Dieu / De nom de Dieu ». Blaise Cendrars, Le Panama ou les aventures de mes sept oncles (1914), in Poésies complètes I, Denoël, 2001, p. 47.

22 André Bazin, dans « Ontologie de l’image photographique » [1945], écrit ainsi : « L’objectivité de la photographie lui confère une puissance de crédibilité absente de toute œuvre picturale. Quelles que soient les objections de notre esprit critique nous sommes obligés de croire à l’existence de l’objet représenté, effectivement re-présenté, c’est-à-dire rendu présent dans le temps et l’espace. La photographie bénéficie d’un transfert de réalité de la chose sur sa reproduction. » « L’existence de l’objet photographié participe […] de l’existence du modèle comme une empreinte digitale. » André Bazin, Qu’est-ce que le cinéma ?, Les éditions du Cerf, 1994, pp. 13-14 et 16.

23 Blaise Cendras, L’ABC du cinéma, in Aujourd’hui. Suivi de Essais et réflexions, Denoël, 1987, p. 35.

24 Blaise Cendrars, L’ABC du cinéma, in Aujourd’hui. Suivi de Essais et réflexions, pp. 36-37.

25 Blaise Cendrars, L’ABC du cinéma, in Aujourd’hui. Suivi de Essais et réflexions, p. 35.

26 Louis Delluc, « Mam’zelle Charlot (Charlie the perfect lady »), in Charlot (1921), Éditions d’aujourd’hui, 1978, p. 38.

27 La scène dans la cabine de massage fait se succéder les images d’un corps en constante métamorphose, séparées d’abord par des tirés de rideau (Charlot espère-t-il se rendre invisible et échapper aux curistes qui sont après lui par une visibilité extrême, spectaculaire, et changeante ?).

28 Yvan Goll, Œuvres I, Emile-Paul, 1968, pp.106-127. Yvan Goll publia le poème dans deux versions, l’une française, l’autre allemande avec le sous-titre « Kinodichtung » (« cinépoème »).

29 Rafael Alberti, « Cita triste de Charlot » », in Cal y canto, Revista de Occidente, 1929, pp. 126-129.

30 Philippe Soupault, « Charlie Chaplin », Europe, 15 novembre 1928, p. 392.

31 Elie Faure, La Danse sur le feu et l’eau [1920], cité par Daniel Banda et José Moure dans Charlot : histoire d’un mythe, Flammarion, « Champs arts », 2013, p. 36.

32 Elie Faure, « Charlot », L’Esprit nouveau, n° 6, 15 mars 1921, in Charlot : histoire d’un mythe, p. 38.

33 Elie Faure, « Charlot », in Charlot : histoire d’un mythe, pp. 39 et 44.

34 On comprend que l’écrivain Alexandre Arnoux ait pu « témoigner » plusieurs décennies plus tard : « le pauvre émigrant a conquis l’Amérique et les continents par son silence, par tout ce que l’univers désespéré, ballotté, dégoûté des mots qui se résolvent en sang, des idées qui finissent en massacre, a mis en lui d’inexprimable ». « Et puis nous étions las des mots ; ils avaient tellement servi à des fins inavouables ; ils avaient blessé plus sûrement que les armes et que les gaz. Chaplin démontrait que, à condition que les hommes ne parlent pas, ils peuvent arriver à se comprendre. » Alexandre Arnoux, Du muet au parlant. Souvenirs d’un témoin, La Nouvelle Édition, 1946, pp. 64 et 102.

35 Philippe Soupault, « Charlie Chaplin », Europe, 15 novembre 1928, p. 384.

Pour citer cet article

Sandrine Montin, « Charlot ou le langage en jeu », paru dans Loxias, 49., mis en ligne le 15 juin 2015, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/lodel/index.html?id=8011.


Auteurs

Sandrine Montin

Sandrine Montin est maître de conférences en littérature comparée à l’Université Nice Sophia Antipolis (CTEL). Après une thèse intitulée ‘Rentrer dans le monde : parcours d’une inquiétude chez les poètes Guillaume Apollinaire, Blaise Cendrars, T.S. Eliot, Federico García Lorca et Hart Crane’, elle travaille actuellement sur les rapports entre cinéma et poésie, en partant de l’hypothèse que le cinéma, notamment dans le premier tiers du XXe siècle, fonctionne comme un « opérateur poétique ». Elle a aussi fondé L’Observatoire, une compagnie de spectacles vivants.