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Camille Baurin  : 

Blanc et silence de Planetary : le fragment en bande dessinée

Résumé

Avec cet article, on entend réfléchir à la question du fragment en bande dessinée à partir de Planetary, série de comic books scénarisée par Warren Ellis et dessinée par John Cassaday. Parue entre 1999 et 2009, cette œuvre présente une forte dimension réflexive qui permet d’aborder les contours du fragment selon une diversité de points de vue. Comme structure narrative, tout d’abord, puisque la bande dessinée repose sur des thèmes qui impliquent une écriture discontinue, tels que la fouille archéologique, l’enquête policière ou l’amnésie. De la sorte, on en vient à s’interroger sur la manière dont la brisure de ces discours peut s’incarner en bande dessinée jusqu’à faire du fragment l’enjeu d’un métadiscours consacré à la représentation de l’art séquentiel : à l’instar d’une vignette de bande dessinée, le fragment y est perçu comme la pièce d’un puzzle auquel la totalité échappe en permanence. En ce sens, il est, tel qu’on l’aborde dans la dernière partie, l’un des arguments forts qui permet d’associer la bande dessinée aux théories de la fiction. La représentation graphique, toujours lacunaire et poreuse, ne couvre pas, en effet, la globalité de l’univers qu’elle prétend dépeindre et fait donc de l’ellipse le fondement même de son art. C’est pourquoi elle permet d’interroger l’essence du récit de fiction en général – est-il toujours le fragment d’un monde plus large ou n’est-ce qu’un leurre qui sert une réflexion sur l’illusion dont il procède ?

Abstract

By this article, we want to think about the fragment matter in comics, from Planetary, a comic books series scripted by Warren Ellis and drawn by John Cassaday. Published between 1999 and 2009, this work includes a strong reflexive dimension allowing to examine the fragment question according to a variety of viewpoints. First of all, as narrative structure, since the comic book is based on topics that involve discontinuous writing, such as archaeological excavation, police investigation or amnesia. Thus, we come to the question of how the breaking of these speeches can be embodied in comics till convert the fragment into the issue of a metadiscourse devoted to the representation of sequential art : like a vignette of comic book, fragment is seen as a part of a puzzle which totality escapes all the time. In this sense, as it is approached in the last section, fragment is one of the strongest arguments which allows to associate the comic book to theories of fictional worlds (with, for example, Thomas Pavel or Marie-Laure Ryan). The graphical representation, always incomplete and porous, does not cover, in fact, the whole of the universe that it claims to portray: the ellipse is therefore the foundation of his art. That is why it can query the essence of narrative fiction in general - is it always a fragment of a larger world, or is it an illusion that serves a thinking about the illusion that it proceeds?

Index

Mots-clés : bande dessinée américaine , Cassaday (John), Ellis (Warren), Planetary

Plan

Texte intégral

1Kandinsky dit du blanc qu’il agit « comme un grand silence, absolu pour nous. Il résonne […] comme un non-son, ce qui correspond […] à certains silences en musique, ces silences ne font qu’interrompre momentanément le développement d’une phrase sans en marquer l’achèvement définitif1. » D’un point de vue plastique ou sonore, blanc et silence sont les corollaires d’un phénomène commun, au même titre que l’ellipse dans un récit. Autant de stratégies de l’interruption, du non-dit et du non-montré, qui fondent les enjeux du fragment, composante d’un ensemble virtuel qui joue sur les tensions entre la présence d’une partie et l’absence d’un tout. Dans une même optique, la bande dessinée est marquée par la forme morcelée de ses planches. Elle se compose de cases qui peuvent être considérées isolément ou, au contraire, dans la continuité de celles qui les entourent - phénomène qui évoque une remarque de Barthes sur le fragment : « Chaque pièce se suffit, et cependant elle n’est jamais que l’interstice de ses voisines2. » Montrant une série d’instants qui, dans leur continuité, fondent une séquence narrative, la bande dessinée fragmente intrinsèquement espace et temps diégétiques.

2 Aujourd’hui, la production est marquée par une tendance réflexive qui examine cette spécificité de l’intérieur. La série Planetary de Warren Ellis et John Cassaday (1999-2009) en est un exemple représentatif. Composé de 27 épisodes de 24 pages chacun et paru à un rythme irrégulier sur dix ans, ce comic book3 retrace les enquêtes menées par trois archéologues pour résoudre les mystères passés du XXe siècle. À elles se superposent les tentatives de l’un d’eux, amnésique, pour recouvrer la mémoire. Consacrée aussi bien aux fouilles archéologiques qu’à la quête d’un passé insaisissable, cette œuvre, tant par ses thèmes que par le choix du support séquentiel pour représenter l’histoire, repose de manière explicite sur le motif du fragment. C’est pourquoi on s’interrogera ici sur la manière dont celui-ci y est représenté, afin de voir comment il peut produire un métadiscours sur la bande dessinée et, plus généralement, sur le récit de fiction : doit-on considérer ce dernier comme le fragment d’un monde plus large ou, au contraire, ne s’agit-il pas d’une illusion qui explique la raison de son existence ?

3 On s’attachera en ce sens à saisir les contours du fragment de Planetary. Par le choix des thèmes tout d’abord, qui évoquent sans cesse les brisures d’un discours à recomposer. Puis par la réflexion sur la représentation en bande dessinée que les auteurs y développent : le fragment y joue un rôle central, renvoyant aussi bien aux ellipses du récit qu’aux phénomènes de rétrospection (autocitation, flashbacks) qui relient écriture discontinue et reconstitution du sens. On verra alors en quoi le fragment permet d’articuler la bande dessinée aux théories de la fiction, notamment grâce au héros de la série, Elijah Snow, qui thématise avec force la complexité des liens entre un récit et l’univers qu’il dépeint.

1. Planetary : une esthétique fragmentaire explicite

Trame policière et fouilles archéologiques : les brisures du discours

4En 1996, Warren Ellis, scénariste britannique, est employé par l’éditeur Wildstorm pour la refonte de son monde fictionnel. Ce faisant, il lance en 1999 The Authority et Planetary, deux séries qui se partagent un univers diégétique constitué d’une infinité de Terres parallèles. Accompagné au dessin de Bryan Hitch pour la première et de John Cassaday pour la seconde, Warren Ellis y explore les possibilités de ce « multivers », où chaque équipe est susceptible d’agir au sein de mondes parallèles et uchroniques. The Authority brosse les aventures de super-héros décidés à se détacher des lois gouvernementales pour assurer une autorité universelle sur le monde. Plus introspective, Planetary explore les mystères liés à la conquête du multivers et au pouvoir qu’il confère à ses possesseurs. La série retrace alors « l’Histoire secrète » du XXe siècle et la manière dont elle a évolué en fonction de cette caractéristique. L’équipe, composée d’Elijah Snow, de Jakita Wagner et du Batteur, y mènent différentes enquêtes et se confrontent régulièrement aux « Quatre », instigateurs d’un vaste complot pour détenir le pouvoir du multivers.

5La thématique de l’Histoire secrète remonte au VIe siècle avec Historia Arcana de Procope de Césarée où l’auteur révélait les pratiques officieuses de Justinien 1er, empereur de Byzance. Aujourd’hui, elle désigne une mouvance étendue « à tous les récits, fictionnels ou non, imbriquant dans l’Histoire "officielle", une histoire de l’ombre supposée dissimulée et non accessible au commun des mortels4. » Dans Planetary, cette investigation s’accompagne des recherches du nouveau venu, Elijah Snow, sur l’organisation du même nom qui vient de l’accueillir et sur l’existence d’un quatrième membre dont on lui cacherait l’identité. Dès la mise en place de l’histoire, donc, s’entrevoit avec force la question de l’absence – marquée par le non-dit, celle-ci repose sur une narration discontinue qui présente le récit comme le fragment d’une intrigue insaisissable dans sa totalité.

6« Planetary » est une société qui enquête sur des espaces morts, comme une ancienne base militaire, une cité scientifique désertée ou les vestiges d’un vaisseau. L’action s’y est déjà déroulée, ne restant plus que des témoins fantomatiques qui, une fois leur message délivré, disparaissent à l’état de souvenir. Aux premiers abords, la série se décline en épisodes autonomes, chacun se consacrant à un mystère différent : la disparition d’un savant, la découverte d’une île habitée par des dinosaures, les crimes d’un fantôme... Les enquêtes convoquent une narration à rebours qui tend à remonter vers les origines du mystère initial par le biais de révélations et de flashbacks explicatifs. La série emprunte en cela aux codes du roman policier (exposition de l’énigme, questionnement des enquêteurs, résolution finale...), dessinant une circularité similaire dans laquelle « le mort initial est à la fois à l’origine du raisonnement qui constitue le développement et l’aboutissement chronologique de la reconstruction opérée par ce raisonnement5. » Dès lors, l’histoire en contient toujours une autre : celle du drame, commencée en amont de l’intrigue, que le récit de l’enquête va enchâsser, exprimant du même coup l’idée d’un présent forcément lacunaire.

7Autoproclamés « archéologues », les membres de Planetary opèrent au sein de situations morcelées dont ils reconstituent le sens grâce au regroupement d’indices. Les terrains de fouilles sont prédominants, régulièrement représentés sur des doubles pages ou des splash panel6: souvent désertés, ils témoignent d’un mystère disparu et semblent confesser un discours de l’absence (Ill.1). La série accorde en effet une grande importance aux reliques trouvées dans ces espaces, perçues comme les fragments de cette autre histoire que constitue le mystère.

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Illustration 1 (TM & © 2013 DC COMICS. ALL RIGHTS RESERVED)

8Le dixième épisode de la série est particulièrement représentatif. Elijah Snow y pénètre une scène de crime où sont entassés trois objets : une cape, un jeu de bracelets et une lanterne. Ces derniers, appartenant aux victimes, sont le moteur de trois flashbacks qui détaillent la manière dont chacune d’elles a été tuée. Le chapitre s’ouvre sur une planche de quatre cases qui énumèrent ces motifs, la dernière étant dédiée à leur rassemblement sur le sol (Ill.2). Elle confère aux indices une valeur de synecdoque : la cape est rapidement identifiable à celle de Superman, la lanterne à Green Lantern, et enfin les bracelets à ceux de Wonder Woman. Les victimes, découvre-t-on alors, sont d’exactes imitations de ces trois super-héros emblématiques.

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Illustration 2 (TM & © 2013 DC COMICS. ALL RIGHTS RESERVED)

9Les flashbacks ont pour mission de vérifier ces hypothèses. Ainsi, le propriétaire de la cape se révèle avoir la même histoire que son modèle : il s’agit d’un bébé extraterrestre, envoyé par ses parents dans l’espace car leur planète est au bord de la destruction. Il en est de même pour les deux autres victimes: le propriétaire de la lanterne, à l’instar de Green Lantern, fut nommé policier de l’espace par une organisation interplanétaire, tandis que la femme à qui appartenait les bracelets est, comme Wonder Woman, l’habitante d’une île en marge de la Terre où n’habitent que des représentantes de son sexe.

10La scène du crime s’assortit en ce sens d’une réflexion sur la portée d’un simple motif devenu indice non seulement d’une enquête, mais également d’un niveau de lecture intertextuel. La synecdoque s’apparente dès lors au fragment : en désignant le tout par la partie, elle rend celui-ci implicitement présent, par la valorisation de son absence. Le récit, discontinu, laisse ainsi entendre la reconstitution d’un sens global : dans sa valeur indiciaire, le fragment (symbolisé ici par la relique ou, d’un point de vue formel, la synecdoque) est duel, valant à la fois pour lui-même et suggérant une totalité à recomposer.

Convocation du lecteur et figuration du code herméneutique

11Le mystère, en créant une narration circulaire, instaure une logique semblable d’épisode en épisode. Les débuts de la série suggèrent une apparente autonomie des enquêtes dont la résolution dessine toujours un retour à l’initial. Chacune aboutit à la reconstitution d’un sens épisodique et reflète implicitement une complétude globale, extensible à l’ensemble de la série. Si bien que le mystère de l’épisode seul va progressivement transcender les limites du fascicule pour miroiter les questionnements de l’œuvre elle-même.

12Le lecteur se voit alors convoqué par l’entremise de doubles diégétiques qui expriment un même désir d’aboutissement du sens. Le métier d’archéologue des héros suggère en effet, par voie de métaphore, l’acte de lecture lui-même, dans le regroupement d’indices qu’il implique. De même, pour tenter de cerner l’équipe qu’il vient de rejoindre, Elijah Snow pose des questions récurrentes qui constituent le véritable lien de ces premiers épisodes. « It’s amazing how you can talk for ages but not actually say one goddam thing I understand7 », « One of these days you pains in the backside will speak a complete sentence that I don’t have to ask another damn question about…8 » Via ces remarques, le héros reflète le caractère énigmatique de l’intrigue et, par là, l’attente du lecteur, sollicité alors dans sa capacité de résolution et d’interprétation. Le mystère de chaque épisode semble en effet être la mise en abyme d’une enquête plus globale. Le lecteur est à plusieurs occasions convoqué directement, l’énigme du récit étant parfois représentée dans un seuil intermédiaire entre la diégèse et le paratexte. Le neuvième épisode se clôt par exemple sur une vignette qui semble ne plus appartenir à la narration première (Ill.3). Dédiée à un seul texte blanc sur fond noir, elle s’adresse au lecteur même, par l’exposition d’un problème de logique :

In 1997, the fourth man was missing in action.
Elijah Snow has never heard of Ambrose Chase
Jakita Wagner was already a member of Planetary when Ambrose Chase became the third man.
The fourth individual brought back from the sample return mission is still at large9.

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Illustration 3 (TM & © 2013 DC COMICS. ALL RIGHTS RESERVED)

13Rompant de son caractère textuel la dynamique graphique de la planche, la case est d’emblée problématique, extérieure à la narration tout en n’appartenant pas véritablement au paratexte. Sa position en bas de page accentue le paradoxe, au même titre que les propos de Jakita Wagner dans l’avant-dernière vignette : « We’re archeologists. We’ll dig you up and work it all out in a couple of years. The end10. » Ces deux derniers mots, généralement réservés à un encart paratextuel pour conclure un épisode, semblent ici clore en amont la narration et complexifient le niveau de lecture de la vignette suivante, véritablement conclusive. Les phrases qu’elle expose sont alors autant d’indices laissés non pas aux protagonistes, mais bien au lecteur lui-même. De surcroît, l’absence de pronom personnel destitue les héros de toute individualité et les rend à leur état de personnage. Le lecteur est exposé ici à une énigme hors même de la diégèse, qui l’amène à réfléchir sur le récit dans sa valeur programmatique.

14En cela, l’œuvre expose une réflexivité qui marque un désir de complétude du sens auquel va répondre la tension entre la structure globale de la série et ses déclinaisons dans chaque épisode. Cette vignette, en adressant directement un message au lecteur, dévoile le « dispositif de lecture » de la série, c’est-à-dire « un agencement discursif qui doit être pensé en fonction des processus que les lecteurs mettent en œuvre face au texte : interrogations, inférences, hypothèses…11 » La trame policière, les fouilles archéologiques ou les reflets diégétiques du lecteur sont alors autant de stratégies qui présentent le fragment comme la figuration explicite du code herméneutique de l’œuvre, entendu ici comme « l’ensemble des unités qui ont pour fonction d’articuler […] une question, sa réponse et les accidents variés qui peuvent ou préparer la question ou retarder la réponse ; ou encore : de formuler une énigme et d’amener son déchiffrement12. » Devenu ostentatoire, ce code ne cesse de rappeler au lecteur l’existence d’une logique globale qui se devine au travers de ces discours brisés.

2) Présence absente du sens global

De l’épisode à la série : la fragmentation des mécanismes de production

15L’apparente autonomie des épisodes trace une narration lacunaire qui thématise, par ce caractère fragmentaire, le geste herméneutique du lecteur. La continuité du récit n’est en effet suggérée que par indices ponctuels, faisant se conjoindre énigmes diégétique et narrative. À ce titre, les auteurs usent de manière abondante du procédé elliptique qui rend la lecture oscillatoire, tendue entre le parcours de chapitres indépendants et le sens global vers lequel ils sont tenus d’aboutir. L’intrigue principale, reflétée par les questions de Snow sur l’organisation « Planetary », se construit progressivement, présentée en arrière-plan dans le déroulé des premiers épisodes, comme lorsque Wagner retrace la généalogie de l’équipe :

Snow : What happened to the last third man, then ? The one before me?
Wagner : Tell you some other time. When we’ve worked it out for ourselves13.

16Cette réponse énigmatique sera approfondie au neuvième chapitre, soit, dans le contexte de parution de la série, un an après que la question a été posée. Le numéro constitue un flashback explicatif où l’on assiste à la disparition du prédécesseur de Snow. L’intrigue y est détachée de tout récit-cadre, l’analepse occupant la totalité du fascicule sans autre intermédiaire que cette question posée auparavant. Cet exemple témoigne de la lente construction de la continuité de la série et de son aspect lacunaire, puisqu’il revient au lecteur de consulter le premier épisode pour comprendre la valeur explicative du présent volume.

17En ce sens, le fragment s’incarne jusque dans les mécanismes de production du comic book. Celui-ci, traditionnellement, est un périodique qui paraît la plupart du temps à un rythme mensuel. Soumis à sa contrainte factuelle, il se nourrit d’une dynamique sérielle et intègre à son déroulement une mécanique de suspense épisodique, invitant à poursuivre la lecture dans le numéro suivant. Or, les chapitres de Planetary se terminent rarement sur ce type de « cliffhanger ». Ils trouvent au contraire leur originalité dans l’exposition d’une véritable conclusion qui explique le paradoxe de cette continuité sous-jacente. Et si, généralement, le fragment d’un fascicule est complété par le numéro du mois suivant, le rythme de parution irrégulier de Planetary renforce la dimension lacunaire du récit par une ellipse qu’on pourrait qualifier de pragmatique puisqu’elle s’inscrit dans la temporalité même du lecteur (les 27 épisodes ont été publiés sur 10 ans avec, parfois, plusieurs mois, voire années d’écart entre deux numéros14). Si bien que la série intègre à son métadiscours une dynamique de sérialité réflexive, son rythme de parution faisant sens dans la narration même.

L’amnésie parcellaire comme continuité

18En miroir de ses questions sur Planetary, Snow constitue lui-même un mystère dont l’origine demeure dans un premier temps sans réponse. Découvert par Wagner dans le désert à l’incipit de la série, le héros semble venir de nulle part. La blancheur qui le caractérise évoque cette porosité et, plus généralement, les vides narratifs du récit. L’amnésie dont il souffre abonde dans ce sens, le personnage étant victime du paradoxe d’avoir perdu sa mémoire immédiate alors qu’il se souvient d’événements plus anciens. Le paradoxe s’intensifie quand Wagner, durant ce premier entretien, mentionne son âge : « You’re a hundred years old. You’ve haunted the 20th century, Mr Snow. And you haven’t done other that sit in your desert shack and eat here for the last decade15. » La durée de vie du personnage dessine en effet une tension entre son passé et le mystère de sa présence en ce lieu ex nihilo.

19 Dans les premiers temps, son vécu n’est mentionné que par indices ponctuels, comme lorsqu’à la question du Batteur lui demandant depuis quand il parle le japonais, le héros répondra par une phrase brève et lacunaire: « Since 192516. » Snow porte en lui la mémoire d’un siècle, alors même qu’il semble tout juste né, tout juste créé, si bien que son amnésie accentue l’aspect fragmentaire du récit, jouant encore davantage sur les procédés de l’ellipse et de l’allusion. Ce n’est qu’à partir du sixième épisode que les questions sur sa présence commencent à se poser explicitement, grâce aux ennemis de l’équipe: « Time for you to ask yourself some hard questions, Mr. Snow. […] Do you really not remember us? Who benefits from your lack of memory? Who knows the secret history of Elijah Snow?17 »

20Ces interrogations marquent une étape dans la conduite du récit qui dès lors sera régi par le motif de l’amnésie. Les enquêtes seront moins ponctuelles, liées les unes aux autres par la récurrence des Quatre, ainsi que par la résurgence de certains noms, Hark, Doc Brass, qui rythment l’enquête du lecteur. Ce dernier prend alors conscience d’une globalité sous-jacente, d’un mécanisme appelant la résolution du récit. L’expression « secret history » fait référence aux propos de Wagner dans l’incipit de la série, quand elle demande à Snow de rejoindre l’équipe : « You have an idea of what’s really been going on this century. The secret history. Help us uncover the rest18. » L’histoire secrète du XXe siècle, retracée par les enquêtes de Planetary, met alors en abyme un autre mystère : celui qui, touchant l’origine du héros, renvoie à la structure de la série dans la désignation latente de sa continuité.

21 Le parallèle entre enquête et quête de soi révèle de ce fait la réflexivité du récit, par la duplication des investigations qui font des détectives l’objet même de l’enquête du lecteur. Le sixième épisode permet en cela de revaloriser rétrospectivement, en fonction de ce nouveau regard, la construction lacunaire des précédents chapitres. Selon Dällenbach, c’est cette analogie même qui manifeste la réflexivité d’un texte en général : « Un énoncé réflexif ne devient tel que par la relation de dédoublement qu’il avoue avec l’un ou l’autre aspect du récit19. »

Le fragment de la bande dessinée : une réflexion sur l’agencement des cases

22L’amnésie parcellaire du héros reflète la mise en récit fragmentaire de la série. Ainsi, lorsque, au onzième épisode, Snow recouvre la mémoire, les auteurs accentuent à l’occasion d’une pleine page les discontinuités narratives de leur écriture (Ill.4). Les souvenirs sont représentés sous la forme de flash, par le biais de vignettes extraites de leur situation d’origine. En tant que segments narratifs isolés de leur contexte, elles acquièrent une valeur proleptique, suggérant la reconstitution future des séquences auxquelles elles appartiennent.

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23Illustration 4 (TM & © 2013 DC COMICS. ALL RIGHTS RESERVED)

24L’une en particulier est assez représentative du procédé. Consacrée à un personnage trouble qui s’avèrera être Sherlock Holmes, elle sera réinsérée dans son contexte original au treizième épisode, soit cinq mois après en temps réel (Ill.5).

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Illustration 5 (TM & © 2013 DC COMICS. ALL RIGHTS RESERVED)

25Cette réitération met alors l’accent sur l’alinéarité du récit qui juxtapose en une même planche différentes temporalités. L’exemple est d’autant plus révélateur que, dans l’ordre temporel de l’intrigue, la rencontre entre Snow et le détective est antérieure et constitue une analepse. La première représentation de la vignette a donc une double valeur : extrait d’un flashback dans la chronologie de l’histoire et segment proleptique dans la mise en récit puisque sa scène d’origine sera représentée ultérieurement. Cet enchâssement produit en cela un bouleversement narratif qui « consiste à porter des atteintes […] à l’ordre chronologique pour que celui-ci se dissolve et permette au passé, présent et futur de devenir réversibles20. » Le fragment de la scène, ainsi déplacé, touche en cela à l’agencement du récit en appelant son repositionnement dans un épisode ultérieur.

26 La révélation des origines de Snow, au douzième chapitre, se produit par un même jeu de redistribution des vignettes. Le héros se rappelle en effet avoir été « le quatrième homme » de Planetary et accuse les autres de lui avoir caché la vérité. Le récit convoque alors une lecture de va-et-vient, Snow se remémorant certaines enquêtes racontées dans les premiers épisodes. Par un phénomène d’autocitation, des vignettes sont reproduites et deviennent l’objet d’une nouvelle interprétation. Ainsi d’un regard de Wagner lancé à Snow lors d’un enterrement qui fut alors attribué à sa tristesse pour le décès d’un ami et qui sera réinterprété ici comme de la frustration face au trouble de son allié (Ill.6-1 et 2).

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Illustration 6-1 (TM & © 2013 DC COMICS. ALL RIGHTS RESERVED)

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Illustration 6-2 (TM & © 2013 DC COMICS. ALL RIGHTS RESERVED)

27Le regard, revu dans un contexte différent, statue sur ses fonctions de leurre et d’indice et entraîne une relecture de la scène dont il est extrait. Le texte (« Why don’t you remember?21 ») assure une fonction de commentaire, complétant le mystère du détail en lui donnant un autre rôle, celui d’un fragment destiné à réintégrer son contexte d’origine.

28 La porosité des conversations entre Snow et Wagner, reproduite par voie d’enchâssement, complète cette relecture, via le découpage des planches qui en signale la reconstitution. Deux cases dédiées au flashback sont par exemple superposées à trois autres consacrées aux explications. L’espace intericonique devient alors le lieu de la révélation et assure la recomposition du sens (Ill.7). Le jeu souligne alors le caractère elliptique du support de la bande dessinée, mettant en avant les interactions possibles entre les cases d’une planche et les espaces qui les séparent. Représentés traditionnellement par des lignes blanches, ces derniers sont ici valorisés dans leur fonction d’articulation des images.

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Illustration 7 (TM & © 2013 DC COMICS. ALL RIGHTS RESERVED)

29Déplacement et repositionnement sont autant de mouvements qui évoquent la figure du puzzle, traitée dans la série comme une métaphore filée. Dans son architecture même, la bande dessinée devient le fait de redistribution des cases qui la composent, mettant plus que jamais en valeur sa nature fragmentée. Le puzzle, recomposé lors de la révélation des origines de Snow, fait sens dès la couverture du chapitre qui représente un assemblage composé d’extraits de numéros précédents (Ill.8).

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Illustration 8 (TM & © 2013 DC COMICS. ALL RIGHTS RESERVED)

30Annoncé dès le paratexte du comic book, le code herméneutique convoque le lecteur directement et fait l’aveu d’une résolution aussi bien intra qu’extradiégétique. La couverture de l’avant-dernier épisode reprendra explicitement l’image, figurant l’ultime pièce du puzzle Planetary avant que celui-ci ne soit complet (Ill.9). Le motif est donc central dans l’œuvre car, en insistant sur les rapports entre une partie et son tout, il permet d’en refléter la fragmentation. Figure métafictionnelle, il incarne de plus les différents aspects de la série, étant à la fois motif diégétique, métaphore de la construction du sens et reflet de la structure d’une planche de bande dessinée.

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Illustration 9 (TM & © 2013 DC COMICS. ALL RIGHTS RESERVED)

3) Elijah Snow: porte-parole des théories de la Fiction

L’indépendance d’un univers fictionnel : une illusion ?

31L’amnésie de Snow figure le récit lui-même, par le recours au motif du puzzle qui en suggère la dimension lacunaire. La blancheur du personnage souligne également ce parallèle, évoquant une page vierge, un héros en creux destiné à se construire au fil de l’intrigue. Le phénomène se retrouve au même titre dans les missions de Planetary, chargée de découvrir les secrets du multivers pour décoder l’univers fictionnel élaboré par Warren Ellis avec cette série et The Authority. Or, au premier chapitre, ce multivers est comparé à un flocon de neige, dans un parallèle étroit avec le héros lui-même (« Snow » signifie « neige » en anglais): « A theoretical snowflake existing in 196833 dimensional space22. »

32Par là, Snow reflète l’univers de Planetary jusqu’à en souligner la nature métafictionnelle. Son amnésie permet de revenir sur la constitution fragmentaire d’un monde fictionnel, voire même sur l’illusion de cet aspect fragmentaire, et évoque les problématiques des théories de la fiction telles qu’on les trouve chez Thomas Pavel, Patricia Waugh ou Marie-Laure Ryan. L’amnésie, en conduisant à la (re)construction d’un récit lacunaire, expose en effet une dimension réflexive qui cible le paradoxe que décrit Waugh entre description et création : « Descriptions of objects in fiction are simultaneously creations of that object. […] Metafiction, in laying bare this function of literary conventions, draws attention to what I shall call the creation/description paradox which defines the status of all fiction23. » Ce paradoxe implique de dissocier le texte du monde qu’il dépeint. Il se retrouve en bande dessinée dans l’idée que la représentation d’un univers doit faire croire à une existence indépendante de cette représentation. Or, les héros de Planetary, quand ils décrivent le fonctionnement de leur monde, lèvent le voile de cette illusion : « The infomational capacity of the universe has been found to rely only on surface area. That means that the universe is two-dimensional. Matter, energy, [...], you, me [...] are holograms. Everything in volume is an expression of a two-dimensional plane of information24. » Ce faisant, ils renvoient explicitement à la bidimensionnalité de l’image plane, censée donner l’illusion d’une représentation en trois dimensions.

33À l’inverse des comics traditionnels de super-héros qui actualisent un monde déjà préexistant (la notion d’« univers partagé25 » existe chez les éditeurs Marvel et DC depuis plusieurs décennies), Planetary dépeint, elle, un univers inédit. De nombreux indices suggèrent pourtant son antériorité alors même qu’il se construit au fur et à mesure du récit. Pour exemple, Elijah Snow, né le 1er janvier 1900, semble avoir traversé le XXe siècle alors qu’en 1999, il vient tout juste d’être créé. De fait, en revendiquant une même indépendance par rapport au récit que celle des mondes plus anciens de DC et Marvel, l’univers expose du même coup le caractère illusoire de cette indépendance.

34Ce phénomène évoque le débat théorique concernant l’autonomie d’un monde par rapport à l’œuvre qui le dépeint. Si certains critiques, telles Ryan ou Waugh, soutiennent l’idée selon laquelle un monde de fiction est dépendant du texte qui le représente, puisque se construisant au fur et à mesure que le second se dévoile, d’autres, comme Pavel, postulent à l’inverse une autonomie qu’il s’agit de prendre d’emblée en compte : « Un monde possible peut être défini comme une collection abstraite d’états de choses, à distinguer des propositions qui décrivent ces états, et donc des listes de phrases gardées dans le livre qui en parle26. » Tentant de trouver « une voie médiane entre le postulat de l’autonomie des mondes de fiction et la thèse qui identifie ceux-ci à la somme des propositions qui les décrivent27 », Escola justifie quant à lui la nécessité d’un compromis entre ces deux postures : « La sémantique des mondes possibles pourrait constituer un cadre particulièrement adéquat […], si toutefois elle ne congédie pas trop tôt une poétique des possibles narratifs […]28. »

35 Ces réflexions sont au cœur de Planetary, les auteurs y questionnant sans cesse les processus d’élaboration d’un univers de fiction. Ellipses, flashbacks et allusions permettent en effet de revenir sur les rapports entre un récit fragmentaire et le monde plus large, mais aussi tout à fait virtuel, qu’il dépeint. Mettre en avant la préexistence d’un univers par rapport à son texte évoque alors le faire-semblant de la fiction, ainsi décrit par Ryan :

Le travail de l’imagination suscité par la fiction a été décrit par K. Walton comme un jeu de faire semblant, et par J.-M. Schaeffer comme une feintise ludique. Ce jeu consiste à faire semblant que le monde fictionnel existe indépendamment du texte qui le décrit29.

36C’est en cela que les théoriciens de la fiction et les auteurs de Planetary se rejoignent, posant le fragment comme une donnée centrale : est-il le symbole d’un récit auquel le monde fictionnel échappe ? Tout récit, que son aspect lacunaire soit ostensible ou non, n’est-il que fragment ? Ou, à inverse, le fragment textuel, en n’existant qu’en tant que tel, n’est-il pas illusoire, le tout qu’il est censé couvrir étant fondamentalement absent ?

La porosité du récit et l’incomplétude de l’univers

37Comme l’indique Pavel, « l’on ne peut pas faire dépendre la dimension d’un récit de celle du monde qu’il dépeint. […] Pour bien comprendre un texte de fiction, il est donc important d’estimer correctement la dimension du monde qu’il manifeste30. » Partant de ces problématiques, un aspect à remarquer à propos de Planetary concerne l’étendue de son monde, sous-entendue notamment par la prépondérance des flashbacks qui servent à suggérer une chronologie sous-jacente et silencieuse. Leur représentation aléatoire permet en effet d’évoquer l’idée qu’ils sont sélectionnés parmi tous ceux qui composeraient la vie des héros. Ils reflètent par là le paradoxe d’être créés en même temps que le présent des personnages tout en suggérant qu’ils sont extraits d’une continuité antérieure. Le processus évoque alors l’approche de Dorrit Cohn sur la question de la mise en intrigue. Cette notion, reprise de Ricoeur, désigne « une activité qui transforme un matériau préexistant, le pourvoit d’un sens et le transforme en "cette totalité intelligible qui gouverne la succession des événements dans tout récit."31 » Or, pour Cohn :

Un roman peut posséder une intrigue, mais on ne saurait dire qu’il est mis en intrigue: ses différents moments séquentiels ne se réfèrent pas à des données ontologiquement indépendantes et temporellement antérieures, des données qui correspondraient à des événements désordonnés et dépourvus de signification qu’il restructurait de façon à les ordonner et à leur conférer une signification ; par conséquent on ne saurait dire de ces moments qu’ils ont été sélectionnés à partir d’une telle base de données32.

38Ainsi, lorsqu’il raconte de manière lacunaire qu’il a appris à parler le japonais en 1925, Elijah Snow laisse entrevoir, via ce flashback virtuel, le silence d’un hypothétique récit dérivé. Le phénomène évoque alors l’épaisseur de l’univers de Planetary tout en mettant à nu l’illusion de cette préexistence, puisqu’il renvoie à l’absence des événements mentionnés.

39Ces suggestions dévoilent en cela un autre phénomène qui concerne la porosité d’un monde fictionnel. Les théoriciens s’accordent en effet à démontrer l’incapacité du texte à dépeindre un monde dans sa totalité, renvoyant par là à sa nature intrinsèquement fragmentaire. Dans une même optique, la bande dessinée est visuellement très révélatrice de ce phénomène. Par la coprésence des vignettes sur une même page, le médium rend simultanés différents angles de vue qui ne cessent de suggérer des contre-plans virtuels, des représentations marquées par leur absence. Scott McCloud en fait même l’un des principes inhérents au support, qu’il présente comme « l’art invisible » par excellence :

La danse du visible et de l’invisible est au cœur de la bande dessinée, grâce au phénomène de l’ellipse. Le créateur et le lecteur sont des partenaires dans l’invisible. Inlassablement, ils créent quelque chose à partir de rien. La bande dessinée est un exercice d’équilibre. Un art qui procède autant par soustraction que par addition33.

40D’où cette caractéristique de la bande dessinée de faire sens dans le non-représenté et de couvrir en cela le spectre des questions posées par les approches fictionnalistes. C’est en effet dans cette prédominance de l’invisible qu’elle peut évoquer le problème de l’incomplétude fictionnelle. En témoignent les lignes intericoniques de Planetary qui, en suggérant des événements absents, semblent réverbérer sur un autre plan la blanche amnésie d’Elijah Snow.

41Planetary, en mettant l’accent sur sa construction lacunaire, exhibe une dimension métafictionnelle qui révèle ce sur quoi toute fiction repose : un récit basé sur la fragmentation, une incapacité à saisir le monde en totalité.La particularité de cette œuvre est qu’elle fonde son esthétique sur ce processus, par une narration elliptique qui renvoie à l’architecture même de la bande dessinée. L’amnésie dont souffre Elijah Snow reflète en ce sens le contraste entre la complétude suggérée de l’univers qu’il habite et la porosité intrinsèque à sa représentation. Cette complétude est évoquée par des flashbacks et le renvoi à des événements antérieurs, tandis que la porosité est rendue évidente par l’incapacité du héros à reconstruire ce monde. Le motif omniprésent du puzzle sert alors de métaphore à cette thématisation puisqu’il laisse deviner une totalité échouée, jamais vraiment actualisée. Le blanc qui caractérise le personnage peut également refléter ces trous du récit. La thématique semble ainsi porteuse de toutes les questions qu’une telle démarche pose à la fiction : « Une incomplétude thématisée, voire incarnée de la sorte, reflète soit la nature de la fiction, soit celle de l’univers34. »

42Un fragment, par sa seule présence, invite à délimiter ses contours, au même titre qu’un récit lacunaire rend visible sa structure. C’est pourquoi les auteurs semblent ici faire l’éloge d’une narration volontairement elliptique qui expliciterait ses processus d’élaboration. Un hommage, finalement, au mystère de la fiction qui s’oppose à la machinerie habituelle du comic de super-héros, aguerri aux phénomènes de complétion tels que la suite ou le prequel. Si bien que, dans l’un des derniers épisodes, Snow lui-même aboutira à cette conclusion : « And then we spend the rest of ou very, very long lives on that strange world we love. Keeping it that way35. »

Notes de bas de page numériques

1  Vassily Kandinsky, Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier, Paris, Gallimard, 1989, « Folio Essais », p. 155.

2  Roland Barthes, Roland Barthes : œuvres complètes IV,Paris, Éd. du Seuil, 2002, p. 671.

3  Terme utilisé pour désigner la bande dessinée anglo-saxonne, plus particulièrement la bande dessinée de super-héros.

4  Eric B. Henriet, L’Uchronie, Paris, Klincksieck, 2009, coll. « 50 questions », p. 76.

5  Marion François, « Le début et la fin dans le roman policier : variations sur un strip-tease », Le début et la fin : une relation critique, Fabula, octobre 2007 : http://www.fabula.org/colloques/document680.php.

6  Vignette occupant une place importante dans la page, souvent utilisée à l’ouverture d’un comic book pour présenter le titre de la série, les auteurs…

7  « Vous parlez vraiment pour ne rien dire que je comprenne »/Warren Ellis, John Cassaday, Planetary n°1, New York, DC Comics, Wildstorm, avril 1999. Sauf indication contraire, toutes les traductions sont d’Alex Nikolavitch.

8  « Un de ces quatre, l’un de vous réussira à faire une réponse complète qui ne m’oblige pas à poser d’autres questions pour la comprendre. »/Warren Ellis, John Cassaday, Planetary n°7, DC Comics, Wildstorm, janvier 2000.

9  « En 1997, le quatrième homme a disparu en mission. Elijah Snow n’a jamais entendu parler d’Ambrose Chase. Jakita Wagner était déjà membre de Planetary quand Ambrose Chase est devenu le troisième homme. Le quatrième individu ramené par la mission d’échantillonnage est toujours en liberté, quelque part. »/Warren Ellis, John Cassaday, Planetary n°9, DC Comics, Wildstorm, avril 2000.

10  « Nous sommes archéologues. On reviendra faire des fouilles pour comprendre dans un an ou deux. Fin. »/Warren Ellis, John Cassaday, Planetary n°9.

11 Richard Saint-Gelais, L’Empire du pseudo : modernités de la science-fiction, Québec, Éditions Nota Bene, 1999, coll. « Littératures », p. 106.

12  Roland Barthes, S/Z, Paris, Éd. du Seuil, 1970, coll. «Tel Quel», p. 24.

13  « Qu’est-il arrivé au troisième qui était là avant moi ? »/ « On en reparlera plus tard. Quand nous-mêmes l’auront découvert. »/Warren Ellis, John Cassaday, Planetary n°1.

14  Planetary n°15 et 16 ont par exemple été publiés avec deux ans d’écart (octobre 2001-octobre 2003).

15  « Vous avez cent ans. Vous avez traversé le siècle, M.Snow. Ces dix dernières années, vous êtes resté dans ce désert et êtes venu manger ici tous les jours. »/Warren Ellis, John Cassaday, Planetary n°1.

16 « Depuis 1925. »/Warren Ellis, John Cassaday, Planetary n°2, DC Comics, Wildstorm, mai 1999.

17  « Il est temps de vous poser certaines questions, M.Snow. […] Vous ne vous rappelez vraiment plus de nous ? Qui donc profite de vos trous de mémoire ? Quelle est l’histoire secrète d’Elijah Snow ? »/Warren Ellis, John Cassaday, Planetary n°6, DC Comics, Wildstorm, novembre 1999.

18  « Vous savez ce qui s’est passé pendant ce siècle. Aidez-nous à découvrir son histoire secrète. »/Warren Ellis, John Cassaday, Planetary n°1.

19  Daniel Dällenbach, Le Récit spéculaire. Essai sur la mise en abyme, Paris, Éd. du Seuil, 1977, coll. « Poétique », p. 63.

20  Daniel Dällenbach, Le Récit spéculaire. Essai sur la mise en abyme, Paris, Éd. du Seuil, 1977, coll. « Poétique », p. 92.

21  « Pourquoi ne te souviens-tu pas ? »/Warren Ellis, John Cassaday, Planetary n°12, DC Comics, Wildstorm, janvier 2001.

22  « Un flocon théorique qui existe dans 196833 espaces dimensionnels. »/Warren Ellis, John Cassaday, Planetary n°1.

23  Patricia Waugh, Metafiction : the theory and practice of self-conscious fiction, Londres, New York, Routledge, 1984, coll. « New accents », p. 88.

24  « La capacité d’information de l’univers n’a jamais existé autrement que sur des surfaces. Ça signifie que l’univers est en deux dimensions. La matière, l’énergie, […] vous, moi […] sommes des hologrammes. Tout ce qui est volume est l’expression d’un plan d’information en deux dimensions. »Warren Ellis, John Cassaday, Planetary n°19, DC Comics, Wildstorm, mai 2004 (trad. Jérémy Manesse).

25  Saint-Gelais les définit comme des « structures encyclopédiques communes à plusieurs récits écrits par différents auteurs et qui ne mettent pas forcément en scène les mêmes personnages. » (L’Empire du pseudo, p.345)

26  Thomas Pavel, Univers de la fiction, Paris, Éd. du Seuil, 1988, p. 68.

27  Marc Escola, « Changer le monde : textes possibles, mondes possibles », La Théorie littéraire des mondes possibles, Paris, CNRS éditions, 2010, p. 256.

28  Marc Escola, « Changer le monde : textes possibles, mondes possibles », La Théorie littéraire des mondes possibles, Paris, CNRS éditions, 2010, p. 244.

29  Marie-Laure Ryan, « Cosmologie du récit des mondes possibles aux univers parallèles », La Théorie littéraire des mondes possibles, Paris, CNRS Éditions, 2010, p. 58.

30  Thomas Pavel, Univers de la fiction, Paris, Éd. du Seuil, 1988, p. 120.

31  Dorrit Cohn, Le Propre de la fiction, Paris, Éd. du Seuil, 2001, coll. « Poétique », p. 175. Les propos entre guillemets sont de Paul Ricoeur, « Narrative Time », Critical Inquiry 7, 1980, p. 171.

32  Dorrit Cohn, Le Propre de la fiction, Paris, Éd. du Seuil, 2001, coll. « Poétique », pp. 175-76.

33  Scott McCloud, L’Art invisible, Paris, Vertige Graphic, 1999, pp. 205-06.

34  Thomas Pavel, Univers de la fiction, Paris, Éd. du Seuil, 1988, p. 136.

35  « Ensuite, nous passerons le reste de nos très, très longues vies sur ce monde étrange que nous aimons. Pour qu’il le reste. »/Warren Ellis, John Cassaday, Planetary n°26, DC Comics, Wildstorm, décembre 2006 (Trad. Jérémy Manesse).

Bibliographie

 Corpus

ELLIS Warren, CASSADAY John, Planetary : tout autour du monde et autres histoires (Planetary n°1 à 6), Paris, Semic, coll. « Semic Books », 2004, np.

ELLIS Warren, CASSADAY John, Planetary: le quatrième homme (Planetary n°7 à 12), Paris, Semic, coll. « Semic Books », 2004, np.

ELLIS Warren, CASSADAY John, Planetary: adieu, vingtième siècle (Planetary n°13 à 18), Saint-Laurent-du-Var, Panini, coll. « Panini Comics », 2007, np.

ELLIS Warren, CASSADAY John, Planetary: énigmes et percussions (Planetary n°19 à 23), Saint-Laurent-du-Var, Panini, coll. « Panini Comics », 2010, np.

ELLIS Warren, CASSADAY John, Planetary: le dernier mystère (Planetary n°24 à 27), Saint-Laurent-du-Var, Panini, coll. « Panini Comics », 2011, np.

Autres textes et études

BARTHES Roland, S/Z, Paris, Éditions du Seuil, 1970, coll. « Tel Quel », 227 p.

BARTHES Roland, Roland Barthes : œuvres complètes IV,Paris, Éditions du Seuil, 2002, 1046 p.

COHN Dorrit, Le Propre de la fiction, Paris, Éditions du Seuil, 2001, coll. « Poétique », 261 p.

DÄLLENBACH Daniel, Le Récit spéculaire : Essai sur la mise en abyme, Paris, Éditions du Seuil, 1977, coll. « Poétique », 247 p.

ESCOLA Marc, « Changer le monde : textes possibles, mondes possibles », La Théorie littéraire des mondes possibles, sous la direction de Françoise Lavocat, Paris, CNRS éditions, 2010, pp. 243-257

HENRIET Eric B., L’Uchronie, Paris, Klincksieck, 2009, coll. « 50 questions », 262 p.

FRANÇOIS Marion, « Le début et la fin dans le roman policier : variations sur un strip-tease », Le début et la fin: une relation critique, Fabula, octobre 2007 : http://www.fabula.org/colloques/document680.php

KANDINSKY Vassily, Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier, Paris, Gallimard, 1989, « Folio Essais », 214 p.

MCCLOUD Scott, L’Art invisible, Paris, Vertige Graphic, 1999, 215 p.

PAVEL Thomas, Univers de la fiction, Paris, Éditions du Seuil, 1988, 210 p.

RICOEUR Paul, « Narrative Time », Critical Inquiry 7, 1980

RYAN Marie-Laure, « Cosmologie du récit des mondes possibles aux univers parallèles », La Théorie littéraire des mondes possibles, sous la direction de Françoise Lavocat, Paris, CNRS Editions, 2010, pp. 53-81

SAINT-GELAIS Richard, L’Empire du pseudo : modernités de la science-fiction, Québec, Editions Nota Bene, 1999, coll. « Littératures », 399 p.

WAUGH Patricia, Metafiction : the theory and practice of self-conscious fiction, Londres, New York, Routledge, 1984, coll. « New accents », 176 p.

Pour citer cet article

Camille Baurin, « Blanc et silence de Planetary : le fragment en bande dessinée », paru dans Loxias, Loxias 41, mis en ligne le 09 juin 2013, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/lodel/index.html?id=7440.


Auteurs

Camille Baurin

Camille Baurin est l’auteur d’une thèse de littératures comparées sur le comic book (ou bande dessinée américaine), soutenue à l’université de Poitiers en juin 2012 et s’intitulant Le metacomic: la réflexivité dans le comic book de super-héros contemporain. Parallèlement, il a collaboré au site Les carnets de la bande dessinée avec des recensions d’ouvrages théoriques. Il a publié des articles de fond, comme « Le super-héros contemporain: uchronie et réinterprétation fictionnelle de l’Histoire » dans la revue Mots. Langage du politique (n°99, juillet 2012) ou « Morts et résurrections: les livres de Batman » sur le site Pop-En-Stock. Les actes du colloque « L’engendrement des images » auquel il a participé en 2011 à l’école Normale Supérieure de Lyon sont en cours de parution.