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Nathalie Vanfasse  : 

Histoires dans A Tale of Two Cities (1859) de Charles Dickens

Résumé

Dans la préface d’A Tale of Two Cities (Un Conte de deux villes), Dickens informe ses lecteurs qu’il conçut l’idée centrale de cette « histoire » (story) en jouant avec ses enfants et ses amis une pièce de Wilkie Collins, The Frozen Deep (L’Abîme glacé). Le mot « story » ici attire l’attention car le titre même de l’œuvre parle de conte (tale) et non d’histoire. A Tale of Two Cities est aussi une évocation fictionnelle de la révolution française et donc de l’histoire nationale, inspirée, nous dit Dickens, toujours dans sa préface, « de la philosophie du merveilleux livre de M. Carlyle ». Le romancier ajoute qu’il n’a pas la prétention d’ajouter quoi que ce soit à cette philosophie, mais est-ce bien le cas ? Histoire, histoire, conte, philosophie : que souhaitait faire Dickens en proposant une telle combinaison ? Cet article se propose de montrer que répondre à cette question permet de mieux saisir ce que Dickens ajoute à ce qu’il appelle les « moyens pittoresques et populaires » de comprendre la Révolution française.

Abstract

In his preface to A Tale of Two Cities, Dickens informs his readers that he thought of a rough outline of a plot for his book as he and his children were performing in Wilkie Collins’s play The Frozen Deep. The word “story” which he uses here is puzzling in that the title of the work mentions a “tale” and not a “story”. A Tale of Two Cities is also a fictional rendering of the French Revolution, inspired, still according to Dickens in his preface, from “Mr. CARLYLE’s wonderful book.” The novelist adds that he nevertheless was not so presumptuous as to try and vie with Thomas Carlyle’s philosophy, but should this claim be taken at face value? History, story, tale, philosophy: what was Dickens trying to achieve in using such a combination? This article will show that the answer to this question provides an insight into what Dickens added to what he called “the popular and picturesque means” of understanding the French Revolution.

Index

Mots-clés : conte , histoire, récit, Révolution française, roman historique

Keywords : England , French Revolution, historical novel, history, nineteenth century, story, tale

Géographique : Angleterre

Chronologique : XIXe siècle

Plan

Texte intégral

Dans la préface d’A Tale of Two Cities (Un Conte de deux villes), Dickens informe ses lecteurs qu’il conçut l’idée centrale de cette « histoire » (story) en jouant avec ses enfants et ses amis dans une pièce de Wilkie Collins, The Frozen Deep (L’Abîme glacé). Le mot « story » ici attire l’attention car le titre même de l’œuvre parle de conte (« tale ») et non d’histoire (« story »). A Tale of Two Cities est aussi une évocation de la Révolution française et donc de l’histoire (« history »), inspirée, nous dit Dickens, toujours dans sa préface, de la philosophie du livre de Thomas Carlyle1. Le romancier ajoute qu’il n’a pas la prétention d’ajouter quoi que ce soit à cette philosophie, mais est-ce bien le cas ? Il affirme avoir voulu contribuer à mieux faire comprendre les événements révolutionnaires et, pour ce faire, il indique avoir utilisé des moyens « pittoresques et populaires2 ». Peut-on considérer qu’il atteint son objectif et quels sont précisément les moyens employés ? Que peut-on dire de surcroît des allusions à la condition du peuple français avant ou pendant la Révolution et dont Dickens souligne dans sa préface la véracité (« truly made »), sur la base de références à des témoins qu’il affirme dignes de confiance (« on the faith of trustworthy witnesses3 ») ? Une chose est sûre, Dickens romancier s’aventure sur les terres des historiens en écrivant ce roman historique. Quelle valeur, quelle légitimité peut-on dès lors accorder à la vision de l’histoire que nous livre A Tale of Two Cities ? Si l’on en croit François Hartog dans un entretien, Dickens ne peut pas pas faire œuvre d’historien : « si on est dans la fiction alors on n’est pas dans le réel et si on n’est pas dans le réel alors il n’y a plus de réel et l’historien n’a plus sa place4. » Pourtant, Dickens affirme dans sa préface avoir voulu ajouter quelque chose aux moyens de comprendre la terrible période de la Révolution française5. On peut dès lors s’interroger sur les raisons de cette aspiration, sur la manière dont Dickens s’y prend pour la mettre en œuvre, et sur la qualité et la pertinence du résultat obtenu. Cela amène à examiner de plus près l’écriture ou plutôt la réécriture de la Révolution française dans A Tale of Two Cities6, en étudiant les sources historiques utilisées et les visions de l’histoire véhiculées par le roman, mais aussi en examinant l’impact de l’intrigue elle-même en tant qu’histoire ou récit (« story »), voire collection d’histoires au pluriel, sur l’évocation de la Révolution française. Cela conduit à s’interroger sur la notion même de « tale » et à sa signification dans ce roman. Ces questions de genre seront étudiées à travers l’étude des histoires individuelles racontées et mises en scène dans A Tale of Two Cities et de leur relation avec l’histoire collective de la Révolution française. Cela conduira à un examen de la notion d’histoire comme destinée nationale ou individuelle, mais aussi comme récit ou « story », et de ses liens avec le mot « tale ». Ce mélange des genres sera enfin analysé comme un moyen d’incarner la Révolution française et de proposer une vision romantique de l’histoire.

Histoires individuelles, histoire collective

La Révolution française forme en premier lieu la toile de fond de l’intrigue conçue par Dickens dans A Tale of Two Cities mais, comme dans tout roman historique à la Walter Scott7, la crise sociale et politique française n’est pas juste un prétexte, un décor, elle participe pleinement de l’intrigue romanesque. Le lecteur assiste à la montée des injustices sociales qui débouchent sur la prise de la Bastille, elle-même accompagnée de nouvelles exactions, et le destin des personnages du roman se trouve étroitement mêlé à ces événements. Le roman met en évidence une spirale de la violence qui semble à première vue inhérente à la vision que Dickens propose de l’histoire dans A Tale of Two Cities, vision analysée par J. M. Rignall dans un article portant sur la conception catastrophiste du devenir historique véhiculée par le roman. Rignall s’appuie ici sur une notion développée par Walter Benjamin pour qualifier sa perception du mouvement de l’histoire, celle de « catastrophic continuum8 ».

Conformément aux règles régissant les romans historiques9, A Tale of Two Cities oscille entre l’évocation de faits réels et celle d’événements purement fictionnels produits par l’imagination du romancier. Dickens crée un effet de vraisemblance en combinant dans son intrigue des événements inventés de toutes pièces et l’évocation de faits ayant réellement eu lieu. Au début du roman, situé pendant la période prérévolutionnaire, Mr. Lorry, employé de la banque Tellson, annonce à Lucie Manette que son père, supposé mort, a en fait été emprisonné pendant dix-huit ans à la Bastille et qu’il vient d’être retrouvé. Peu de temps après, un Français, Charles Darnay, est accusé d’avoir trahi la couronne d’Angleterre et de soutenir la Révolution américaine en espionnant pour le compte de la France. Il est sauvé par sa ressemblance physique inattendue avec Sidney Carton, l’associé de l’avocat de la défense, qui joue de cette coïncidence pour le faire disculper. Au même moment en France, la colère gronde dans les quartiers populaires et misérables symbolisés par le faubourg Saint Antoine où se situe la taverne tenue par Monsieur et Madame Defarge. Ce ressentiment est exacerbé par la morgue, le luxe insolent et la cruauté des aristocrates incarnés par Monsieur le Marquis, dit « Monseigneur », dont les chevaux renversent et tuent un enfant, provoquant le désespoir du père de celui-ci, qui se venge en assassinant le marquis. La prise de la Bastille constitue au cœur du roman un moment clé, auquel conduisent les abus des aristocrates évoqués au début du roman. Vers ce moment convergent également des échos mystérieux et symboliques qui s’intensifient et provoquent chez Lucie Manette, pourtant loin de l’agitation prérévolutionnaire, un sentiment diffus d’angoisse et d’appréhension10. La Révolution éclate, et Charles Darnay, qui entretemps a épousé Lucie Manette, est rappelé en France par l’intendant du marquis assassiné, marquis dont il s’avère être le neveu et l’héritier. À son arrivée en France, il est aussitôt arrêté et emprisonné par les révolutionnaires. Quand Lucie Manette et son père arrivent en France pour tenter de le faire libérer, les massacres de septembre font rage, ce qui aggrave la menace pesant au-dessus de sa tête11. L’effet de vraisemblance du récit est accentué par la présence de lieux emblématiques comme la Bastille, le faubourg Saint Antoine12 et le quartier Saint Germain où se situe la succursale parisienne de la Banque Tellson13. Parmi les lieux symboliques de la Révolution repris dans le roman figurent également la prison de la Force où Charles Darnay est emprisonné peu de temps après son retour en France14 ou encore la Conciergerie où il est ensuite transféré15. Le texte est émaillé de détails d’époque, comme les bonnets phrygiens des révolutionnaires ou la Carmagnole16,  ainsi que de considérations sur les coutumes et les habitudes de ce temps-là, comme par exemple la saleté des rues de Paris pendant la Terreur17. Dickens tentait ainsi de s’imaginer et de faire imaginer les mœurs et l’atmosphère de cette époque. Des incidents historiques précis sont également intégrés à la logique du récit, comme les chefs d’accusation retenus contre Charles Darnay lors de son premier procès18. De même l’évocation d’une tentative d’assassinat avérée de Louis XV sert de prétexte au cantonnier, et à ceux qui l’écoutent raconter la capture de l’assassin de « Monseigneur », pour imaginer la sévérité du châtiment qui attend le meurtrier19. Peu après la prise de la Bastille, les révolutionnaires conduits par les Defarge exécutent Joseph-François Foulon, contrôleur des finances de Louis XVI, ce qui met en lumière une nouvelle forme de barbarie, celle du peuple, qui succède à la violence des aristocrates20. L’emprisonnement puis la mort de Louis XVI sont également mentionnés21, bien que le nom même du monarque ne le soit pas, et cette exécution marque le début d’une ère nouvelle et d’une accélération de l’histoire nationale qui rend encore plus difficile la libération de Charles Darnay22. En s’inspirant ici de sources historiques reconnues comme celles produites par Louis-Sébastien Mercier et Thomas Carlyle23, Dickens visait à donner plus de force et de crédibilité à l’histoire fictionnelle de la famille Manette qu’il plonge dans la tourmente de la Révolution.

Dans sa peinture de la Révolution française, Dickens semble aussi avoir voulu représenter, outre une vision catastrophiste de la marche de l’histoire humaine ne pouvant être interrompue que par une rédemption située hors du temps, différentes temporalités historiques. A Tale of Two Cities révèle en effet une temporalité lente et cyclique mais déjà prophétique, celle de la nature et des activités saisonnières, symbolisée par les forêts de France ou de Norvège dont les arbres sont destinés à être transformés en planches pour la guillotine, ou encore les charrettes de laboureurs qui seront transformées en tombereaux de la Révolution24. À cette strate temporelle vient s’en ajouter une autre qui relie le passé de la révolution française au présent de l’Angleterre victorienne, une juxtaposition passé/présent courante dans les romans historiques qui tiennent souvent un discours sur le présent en parlant du passé. Dans le cas d’A Tale of Two Cities, Dickens relie les paradoxes de la période prérévolutionnaire en France à ceux de l’Angleterre victorienne dans l’incipit célèbre du roman25. Contre cette toile de fond, qui évolue lentement, se déroule l’histoire, plus mouvementée, des hommes, une histoire à la fois collective et individuelle. La Révolution française incarne l’histoire collective de la nation française. Cette histoire est opposée dans le roman à l’histoire de l’Angleterre, mais elle est aussi rapprochée de celle-ci. Le premier chapitre du roman insiste sur les différences mais aussi sur les similitudes entre les deux nations.

Dans le contexte historique révolutionnaire ainsi retracé, se déroule l’histoire imaginaire du docteur Manette et de ses proches. La Révolution française est ainsi perçue comme un drame humain et dans ce drame, Dickens s’intéresse davantage au peuple qu’aux grandes figures historiques. C’est en effet le peuple que Dickens donne principalement à voir et à entendre dans A Tale of Two Cities. Dans ce roman, il s’intéresse aux individus plus qu’aux grandes figures de l’histoire, réduites, pour l’essentiel à des caricatures, à des esquisses, ou à des pantins anonymes : les monarchies de part et d’autre de la Manche sont simplement décrites comme un roi à la forte mâchoire et une reine sans charme sur le trône d’Angleterre et un roi à la forte mâchoire et une jolie reine sur le trône de France26. Le roman retrace le moment où le peuple choisit de prendre en main son destin et d’écrire sa propre histoire en transformant lui-même le cours des choses au lieu de le subir. La dimension « populaire » revendiquée par Dickens dans sa préface ne se situerait-elle pas ici ? Cette perception de l’histoire correspond à une vision qui se développa avec et après la Révolution française. Comme l’a montré Georg Lukács, la Révolution s’accompagna d’une prise de conscience que l’histoire n’était pas ou n’était plus seulement le fait de grands hommes mais aussi l’histoire des foules jusque-là ignorées des historiens27. Elle constitua une rupture en ce que le peuple français devenait acteur de l’histoire28. Qu’il s’agisse d’évoquer l’histoire de la Révolution ou le sort de ses personnages, Dickens emploie indifféremment le mot « history ». Ainsi si les appartements de Monsieur le Marquis sont ornés d’objets représentant différentes époques de l’histoire de France (« many objects that were illustrations of old pages in the history of France29 »), le texte emploie aussi le mot « history » pour évoquer le passé de Miss Pross (« Mr. Lorry’s inquiries into Miss Pross’s personal history had established the fact that her brother Solomon was a heartless scoundrel30… ») ou celui du docteur Manette31. Or ce passé individuel est également désigné dans le roman par le mot « story » ou récit, ce qui amène à s’interroger sur les liens entre les mots « history » et « story » mais aussi sur les liens entre « history », « story » et le « tale » annoncé par le titre du roman.

Histoire et histoires

Le premier chapitre du roman fait allusion aux arbres destinés à être abattus pour être transformés en guillotine, terrible machine qui marquera l’histoire32. Une fois le contexte général posé, le texte offre un gros plan sur un des personnages dont il va être question dans le récit ou « history » : « It was the Dover road that lay, on a Friday night late in November, before the first of the persons with whom this history has business33. » Quand Mr. Lorry révèle à Lucie que son père est encore en vie, son propos fait intervenir un jeu subtil entre les mots « story » et « history ». Lors de sa rencontre avec Lucie à Douvres, Mr. Lorry se propose de lui raconter l’histoire d’un de ses clients : « I will, with your leave, relate to you, miss, the story of one of our customers ». Ceci fait aussitôt réagir Lucie qui s’écrie : « Story34! » Sa forte réaction au mot « story » se trouve justifiée par le contenu du récit relaté par Mr. Lorry. Celui-ci reconnaît à demi-mot que l’histoire de ce client a priori indifférencié de la banque Tellson est en fait celle du père disparu de Lucy. Le récit (ou « story ») quelque peu hypothétique et désincarné d’un individu lambda devient donc l’histoire personnelle (« history ») du docteur Manette. À mesure que Lucie prend conscience que ce récit est le passé de son père (« his/story ») et qu’elle se l’approprie comme faisant partie aussi de sa propre histoire, la narration se transforme en histoire individuelle (la « story » devient « history »). Précision et véracité jouent un rôle dans ce glissement sémantique. De lointaines et quelque peu irréelles, les paroles prononcées en viennent à s’appliquer directement à Lucie qui croit reconnaître en Mr. Lorry l’homme qui l’accompagna en Angleterre après la mort de sa mère35. Le récit (« story ») de Mr. Lorry devient le passé (« history ») du docteur Manette et celui de sa fille. Ces révélations viennent combler un vide correspondant à la mort présumée du docteur. Ce vide et cette absence sont remplacés par une nouvelle histoire révisant la version officielle de la mort du docteur. Paradoxalement, cette histoire révisée est présentée par Mr. Lorry sous une forme hypothétique et presque fictionnelle, destinée à ménager son auditrice en évitant l’expression trop directe et trop brutale de la vérité. Mr. Lorry invite en effet Miss Manette à envisager l’hypothèse que le docteur ne soit pas mort comme elle le pensait jusque-là. Une histoire cachée est alors mise au jour, mais cette histoire cachée, envers de l’histoire officielle, semble relever plus d’une fiction gothique que de la réalité :

‘As I was saying; if Monsieur Manette had not died; if he had suddenly and silently disappeared; if he had been spirited away; if it had not been difficult to guess to what dreadful place, though no art could trace him; if he had an enemy in some compatriot who could exercise a privilege that I in my own time have known the boldest people afraid to speak of in a whisper, across the water there; for instance, the privilege of filling up blank forms for the consignment of any one to the oblivion of a prison for any length of time; if his wife had implored the king, the queen, the court, the clergy, for any tidings of him, and all quite in vain; – then the history of your father would have been the history of this unfortunate gentleman, the Doctor of Beauvais36.’

Cette révélation invraisemblable, qui ressemble davantage à un conte qu’au réel, est pourtant la véritable histoire du docteur. Elle correspond à ce qui lui est véritablement arrivé et Mr. Lorry utilise pour la première fois le mot « history » pour désigner ses révélations. L’histoire personnelle du docteur Manette n’est donc pas celle que l’on pensait et la nouvelle version, si extraordinaire soit-elle, offre par rapport à l’ancienne, devenue simple fiction, une réelle épaisseur qui donnera par la suite au personnage du docteur Manette à la fois son mystère et sa profondeur. Une fois que le docteur a retrouvé une vie normale, les observateurs attentifs mais ignorant tout de son passé sont en effet frappés par sa voix grave au timbre douloureux et par le nuage passager qui lui donne par moments un air distrait37. Le passé devient ici une ombre, celle de la Bastille qui assombrit le visage du personnage et l’histoire. Ce passé fantomatique retrouve dans la narration le statut de « story » : « a gloom… as incomprehensible to those unacquainted with his story as if they had seen the shadow of the actual Bastille thrown upon him by a summer sun38 ».

Dans le cas du récit de Mr. Lorry, l’histoire précise et factuelle est paradoxalement présentée comme un roman-feuilleton avec des rebondissements ayant sur Lucie, qui tressaille, le même effet de surprise qu’un récit à suspense, en l’occurrence ici une histoire de revenant : « So far, miss (as you have remarked), this is the story of your regretted father. Now comes the difference. If your father had not died when he did – Don’t be frightened! How you start39! » L’histoire véridique ressemble à de la fiction tandis que ce qui passait pour être la réalité devient mensonger. Lucie Manette découvre ainsi que tout un pan du passé de ses parents lui a été caché et que sa mère a cherché, en le lui dissimulant, à lui épargner la souffrance qu’elle-même éprouvait. Cela produit chez la jeune fille un fort sentiment de culpabilité à l’idée d’avoir vécu heureuse dans l’ignorance de ce passé douloureux et traumatisant (« hard, hard history40 ». Une histoire privée et familiale se dessine ici progressivement en parallèle d’une histoire nationale et collective, mais la nature même de cette histoire privée reste quelque peu floue comme en témoigne la terminologie employée.

Cette indétermination renvoie pour partie aux définitions, encore fluctuantes, de ces mots à l’époque à laquelle le roman fut écrit. Le dictionnaire de Samuel Johnson mis à jour en 1856 présente en effet l’histoire comme une narration de faits. Le mot « story » est, lui, défini comme étant un récit (« tale ») et le mot « tale » comme étant un récit (« story ») voire une fable41. Un autre dictionnaire datant de 1847 précise, quant à lui, que l’histoire (« history ») est la narration d’événements passés mais il propose « history » comme synonyme de « story » et considère « tale » comme étant un court récit, analogue à une fable, (« slight story42 »). Les contours des notions de « history », « story » et « tale » sont donc encore flous à cette époque43. Néanmoins une chose est sûre : dans A Tale of Two Cities, le mot « history » comporte une connotation de vérité (« facts ») et celui de « story » celle d’illusion ou de mensonge. Cela correspond dans A Tale of Two Cities à l’emploi du terme « story » pour qualifier les témoignages fallacieux de l’espion John Barsad sur lui-même et à l’encontre de Charles Darnay lors du premier procès de celui-ci (« The story of his pure soul was exactly what Mr. Attorney-General had described it to be – perhaps, if it had a fault, a little too exactly44 »), mais aussi les rumeurs qui circulent au sujet du passé douloureux du docteur Manette (« floating whispers of his story45 »), rumeurs qui lui attirent des patients, séduits par sa réputation de médecin mais aussi piqués par la curiosité. Le passé est même transposé en conte quand le docteur Manette choisit de le raconter indirectement à sa petite fille :

Little Lucie sat by her grandfather with her hands clasped through his arm: and he, in a tone not rising much above a whisper, began to tell her a story of a great and powerful Fairy who had opened a prison-wall and let out a captive who had once done the Fairy a service46.

L’histoire du docteur trouve un ultime rebondissement lors de la lecture du manuscrit découvert par Monsieur Defarge lors de la prise de la Bastille. Ernest Defarge raconte à la Cour les conditions d’emprisonnement du docteur Manette (« rapidly expounded the story of the imprisonment47 ». Le témoignage du docteur lu devant l’assemblée vient combler une énigme, éclairer une zone obscure dans l’histoire personnelle de l’intéressé, et le mystère lié au personnage se dissipe, au prix cependant d’effroyables révélations (« cruel story » III, 10 : 316-17). Paroles et témoignages (« stories »), avec toute leur part de subjectivité et d’émotion, nourrissent l’histoire individuelle (« history ») du docteur Manette. « Storytelling » et « history » se complètent. Certains récits font même resurgir le passé. Il en va ainsi de l’histoire des écrits cachés du prisonnier de la Tour de Londres, anecdote qui rappelle soudain au docteur Manette son propre manuscrit48. Les frontières entre l’histoire et la fiction, entre « history », « story » et « tale » sont donc extrêmement poreuses dans A Tale of Two Cities et cette confusion des genres permet à Dickens de faire revivre l’histoire nationale en proposant, grâce à une forme littéraire composite, une version incarnée de la Révolution française.

La Révolution incarnée

Dans Les Règles de l’art, Pierre Bourdieu constate que: « la littérature parvient à condenser dans la singularité concrète d’une figure sensible et d’une aventure individuelle, fonctionnant à la fois comme métaphore et comme métonymie, toute la complexité d’une structure et d’une histoire que l’analyse scientifique des historiens ou des sociologues doit déplier et déployer laborieusement49 ». A Tale of Two Cities illustre cette observation. Ainsi conformément à l’ambition exposée dans sa préface d’améliorer la compréhension de la période révolutionnaire, Dickens se sert d’une aventure individuelle imaginaire pour refléter l’histoire collective telle qu’il se la représente mais aussi telle que les Victoriens se l’imaginaient, car sa vision est chargée de représentations conventionnelles des Anglais sur la France et la Révolution, comme l’idée d’une aristocratie cruelle et décadente ou d’un peuple sauvage et sanguinaire50. Dickens n’en cherche pas moins à explorer les « possibles du passé51 » en s’efforçant d’imaginer la vie des gens et leur état d’esprit. Son écriture se décline « sur le mode du probable, de l’éventuel et de l’hypothétique » dans le but d’explorer « les possibles de l’histoire52 » de la Révolution. La destinée de la famille du « pittoresque53 » docteur Manette et celle des microcosmes sociaux qui gravitent autour d’elle condensent des traits de l’histoire collective des nations française et anglaise. Dickens tente ainsi dans son roman de figurer et de singulariser ce que les historiens et sociologues démontrent. Tout caricatural qu’il est, dans le style des gravures de James Gillray, « Monseigneur » est aussi la métonymie, le représentant d’une aristocratie orgueilleuse, méprisante et décadente. Le roman transpose le cliché littéraire du despote oriental au contexte de la Révolution française pour traduire l’idée de raffinement et de cruauté :

The valet come and gone, Monsieur the Marquis walked to and fro in his loose chamber-robe, to prepare himself gently for sleep, that hot still night. Rustling about the room, his softly-slippered feet making no noise on the floor, he moved like a refined tiger: – looked like some enchanted marquis of the impenitently wicked sort, in story, whose periodical change into tiger form was either just going off, or just coming on54.

Le peuple français est incarné par les habitants du Faubourg Saint Antoine et deux figures se détachent au sein de ce groupe, celles d’Ernest et de Thérèse Defarge. Le village où se situe le château de Monseigneur ou le faubourg Saint Antoine offrent des modèles réduits de l’univers de la France révolutionnaire que Dickens cherche à représenter et à faire saisir à ses lecteurs. L’histoire de deux villes se décompose en histoires de plusieurs groupes de personnages : la famille Manette, Sidney Carton et Mr. Stryver, Mr. Lorry et Miss Pross, la famille Cruncher, les Defarge et les habitants du faubourg Saint Antoine, ou le cantonnier et les habitants du village et du château de Monseigneur. Les fils des différentes intrigues se croisent pour offrir une image de l’histoire collective. Mais cette histoire collective est aussi figurée par des scènes de foule et des scènes de rue, comme l’incident du vin renversé55, offrant de larges tableaux panoramiques foisonnants de détails de la vie parisienne.

À travers l’histoire individuelle de ses personnages et les représentations métonymiques de Londres, de Paris et de la campagne française, A Tale of Two Cities s’efforce d’imaginer et de faire imaginer et partager au lecteur l’atmosphère de la Révolution française mais aussi les sentiments, les émotions, les idéaux, les espoirs et les revendications de cette époque. Dickens se campe en quelque sorte en historien des mentalités, voire des sensibilités, dont l’histoire imprégnées de préjugés anglais sur la France et les Français, offre une juxtaposition de représentations. La stratégie de Dickens vise à se représenter et à faire entrer le lecteur dans l’esprit des protagonistes de la Révolution, à faire percevoir les événements de leur point de vue. Dickens lui-même reconnaît dans sa préface que dans la poursuite de cet objectif, il en vint à avoir le sentiment de vivre cette période, à avoir l’impression qu’elle l’habitait : « it has had the complete possession of me56 ». Histoires personnelles, histoires nationales et histoire ou récit fictifs fusionnent ici à mesure que le romancier intègre dans son roman des éléments biographiques (son attirance pour l’actrice Ellen Ternan), un scénario dérivé d’une pièce théâtre de Wilkie Collins (The Frozen Deep) dans laquelle il avait lui-même joué, et des éléments historiques tirés de sources qu’il avait lues. Dickens fait preuve d’une empathie totale avec les protagonistes de son récit. Il ne s’est pas contenté de vérifier l’information sur les faits qu’il relaie, il a vécu et enduré ces faits par l’écriture et par l’imagination57. Il se présente en quelque sorte dès son introduction en figure christique semblable à Sidney Carton à la fin du roman. Il ne s’agit pas juste ici de faire preuve de recul critique mais de revivre l’histoire de la révolution, y compris ses moments les plus pénibles et douloureux, d’où la présentation de l’histoire sous une forme théâtrale, épique, qui favorise l’implication du lecteur/spectateur. La multiplicité de scènes quasi-théâtrales dans le roman fait des protagonistes d’A Tale of Two Cities les acteurs de l’histoire révolutionnaire et de leur destin. Comme Dickens, ils l’incarnent sous le regard du lecteur et des autres personnages. Le récit du cantonnier relatant la scène où le meurtrier de Monseigneur est escorté vers la prison par des soldats en est un exemple58, dans la mesure où, en racontant la scène, l’intéressé la revit et fait revivre à ses auditeurs. Il en est de même des trois procès de Charles Darnay59 pour espionnage contre la couronne britannique puis pour conspiration et pour crime contre la République : chacun de ces procès donne lieu à une vaste mise en scène.

Cette entrée imaginative dans la Révolution française n’est certes pas scientifique au sens positiviste du terme, mais elle tente de donner vie à la période, de faire vivre un monde qui ressemble au réel pour tenter de mieux comprendre celui-ci. Par le biais d’une animation poétique composée de figures rhétoriques et allégoriques comme « The Vengeance60 » exprimant la montée de la rébellion et le désir de représailles dans ce qui menace de devenir une tragédie de la vengeance61, ou d’images symboliques comme les vagues, l’orage ou le feu, Dickens produit une vision dynamique des événements, donnant l’impression d’une histoire en train de se faire. Cette transfiguration poétique à la fois symbolique, épique, fantastique et, par moments, quasi-hallucinatoire amène à se représenter la Révolution sous un nouveau jour. La prise de la Bastille, qui se traduit en anglais par « the storming of the Bastille », est prise au sens littéral d’orage (« storm ») et le roman file l’image de l’orage qui se prépare, éclate littéralement à Soho Square puis se transforme en orage métaphorique qui ne dit pas son nom (le mot « storm » n’apparaît pas dans la scène de la prise de la Bastille) mais se donne à voir dans une marée humaine transformée en mer déchaînée. La prise de la Bastille dans A Tale of Two Cities se présente comme un paysage marin dans la tempête62 qui semble faire écho aux peintures romantiques d’un Turner ou d’un Géricault. Les figures rhétoriques permettent aussi à Dickens de traduire toute la complexité et la démesure de la Révolution française. Ces deux caractéristiques sont magistralement rendues dans le premier chapitre du livre qui souligne les contradictions insolubles d’une période à la fois remarquable et épouvantable, lumineuse et sombre, porteuse de promesses et riche en déceptions63. Quant à la démesure de la période prérévolutionnaire et de la Révolution, elles est rendue par une série de superlatifs exprimant le caractère à la fois extraordinaire et paradoxal de cette époque en France mais aussi des années 1850 en Angleterre, auxquelles le texte fait également allusion. La complexité de l’Histoire n’est donc pas seulement celle de l’histoire de la Révolution française, elle est aussi celle de l’Angleterre victorienne.

Dickens tente également d’imaginer les histoires refoulées, dissimulées sous ou par l’histoire officielle. Ces histoires ne sont pas avérées, elles sont juste supposées, d’où l’emploi du mot « tale », mais elles visent à combler un manque, un vide et à faciliter la compréhension d’une période complexe et troublée. L’histoire du docteur Manette est celle d’un prisonnier incarcéré à la Bastille à la suite d’une lettre de cachet. Une telle situation était, selon la logique de l’histoire officielle, condamnée à être tue, étouffée, passée sous silence64, mais Dickens imagine une intrigue au cours de laquelle un prisonnier de la Bastille est ramené à la vie, amené à s’exprimer et à formuler un discours qui, a priori, était voué à ne jamais être divulgué. Le lecteur est invité à creuser sous la surface du discours officiel, à s’intéresser aux histoires interdites, réprimées, comme celle du viol de la sœur de Madame Defarge révélé par le manuscrit retrouvé du docteur Manette65. Ici, le roman historique remplit une fonction que lui a reconnue Claudie Bernard : aborder les marges de l’histoire, les zones négligées par les historiens66. A Tale of Two Cities exhume l’histoire oubliée ou passée sous silence par l’histoire officielle. Comme le souligne Andrew Sanders dans sa préface au roman, les hiatus de l’histoire deviennent les ressorts de la fiction67.

Dickens rejoint ici une définition de l’historien français Jules Michelet, celle d’une histoire conçue comme une « une résurrection de la vie intégrale68 ». Il ne s’agit pas juste d’analyser et de juger l’histoire mais de la faire revivre dans sa totalité. Or A Tale of Two Cities est bien une histoire de résurrections multiples. L’histoire proposée est une histoire romantique comme celle pratiquée par Thomas Carlyle, ou en France par Jules Michelet ou Augustin Thierry. C’est une histoire qui englobe la politique, la situation socio-économique mais aussi les mœurs et les mentalités, et c’est avant tout une histoire qui fait preuve d’empathie avec son objet en l’appréhendant par l’intuition et l’émotion, en fusionnant avec lui. Un autre historien français à l’approche romantique, Augustin Thierry, soulignait, comme le fait Dickens dans sa préface, sa volonté de mettre l’accent sur « l’intérêt dramatique et pittoresque de l’histoire69 ». En cela, Dickens rejoint Carlyle dont l’écriture s’apparente plus à celle de Michelet ou de Thierry que de celle d’historiens positivistes de la seconde moitié du dix-neuvième siècle. Ce constat rejoint celui de Hayden White selon lequel au dix-neuvième siècle, histoire, philosophie de l’histoire et fiction se rejoignaient par la mise en récit, l’utilisation de tropes très semblables et la coloration qu’apportait la vision de l’historien, du philosophe ou du romancier aux événements70.

Contrairement à ce qu’il affirme dans sa préface, Dickens parvient bel et bien à ajouter quelque chose à la philosophie du livre de Thomas Carlyle. Comme Carton, son personnage qui, dans une version antérieure du manuscrit du roman, portait les mêmes initiales que lui (Dick Carton71), Dickens cherche à graver son nom dans l’histoire de la Révolution française. Carton, lui, aspire en mourant à la place de Charles Darnay, à inscrire son nom dans la mémoire de la famille Manette et, par son sacrifice, à changer le cours de l’histoire de France en mettant fin à la spirale de violence initiée par l’Ancien Régime et poursuivie par la Révolution française. Mais pour que son nom entre dans l’histoire il faut au préalable que l’histoire des cinquante-deux (« the tale of fifty-two72 »), c’est-à-dire celle de sa mort, (puisqu’il est le cinquante-deuxième condamné) soit racontée. Elle le sera deux fois avant d’entrer dans la postérité, une fois directement (le texte dépeignant la scène d’exécution en faisant cependant l’ellipse de la décapitation suggérée par un trait) et une fois par ouï-dire (quand la rumeur de l’exécution de cinquante-deux condamnés se diffuse d’un relais de poste à l’autre lors de la fuite vers l’Angleterre de la famille Manette)73. Ce n’est qu’alors que la mort de Carton sera commémorée par Lucie et que la descendance de celle-ci se transmettra l’histoire de son sacrifice74. Raconter (« storytelling ») permet donc de lutter contre l’effacement de l’histoire (« history »), qu’il s’agisse de histoire personnelle du docteur Manette hanté dans sa cellule par l’idée d’être oublié75 ou de l’histoire de la Révolution française que les lecteurs redécouvrent à travers A Tale of Two Cities dont le pouvoir exerce sur eux la même fascination que l’histoire du Vieux Marin de Coleridge76.

Notes de bas de page numériques

1  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, 1859, ed. Andrew Sanders, Oxford, Oxford University Press, 1988, p. vii.

2  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, p. vii.

3  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, p. 4.

4  François Hartog cité dans Annick Louis, « Régimes d’historicité : entretien avec François Hartog », vox-poetica, http://www.vox-poetica.org/entretiens/intHartog.html (consultation 31 janvier 2013).

5  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, p. 4.

6  Les événements ayant déjà donné lieu à diverses interprétations par d’autres écrivains, historiens et philosophes.

7  Scott est considéré comme le fondateur du genre avec ses romans de Waverley. Voir à ce sujet Ian Duncan, « The Historical Novel », Charles Dickens in Context, éd. Sally Ledger et Holly Furneaux, Cambridge, Cambridge University Press, 2011, pp. 158-65.

8  J.M. Rignall, « Dickens and the Catastrophic Continuum of History in A Tale of Two Cities », ELH 51.3 (Autumn 1984), pp. 575-587. Rignall s’appuie sur la conception de l’histoire de Walter Benjamin dans Sur le concept d’histoire [1940], Paris, Gallimard, « Folio/Essais », 2000, chapitre 9, p. 434.

9  Voir Isabelle Durand-Le Guern, Le Roman historique, Paris, Armand Colin, 2008.

10  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre II, chapitres 20 et 21.

11  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre III, chapitre 2.

12  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre I, chapitre 5.

13  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre III, chapitre 2.

14  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre III, chapitre 1.

15  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre III, chapitre 5.

16  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre III, chapitre 5.

17  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre III, chapitre 9.

18  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre II, chapitre 2, p. 61 et livre II, chapitre 3, p. 69.

19  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre II, chapitre 15.

20  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre II, chapitre 22, pp. 214-215. Voir aussi la note numéro 214 dans Charles Dickens, A Tale of Two Cities, éd. citée, p. 392.

21  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre III, chapitre 1, p. 244 et livre III, chapitre 4, p. 261.

22  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre III, chapitre 4.

23  Thomas Carlyle, The French Revolution: A History, London, Chapman and Hall, 1857. Louis Sébastien Mercier, Tableau de Paris, 12 vol., Amsterdam, L. S. Mercier édition, 1782-1788. Dickens reconnaît sa dette envers le livre de Carlyle dans la préface d’A Tale of Two Cities. On sait également qu’il emprunta les ouvrages de Mercier à la London Library sur les conseils de Carlyle (voir la note numéro 100 dans Charles Dickens, A Tale of Two Cities, pp. 382-83).

24  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre I, chapitre 1.

25  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre I, chapitre 1, p. 7.

26  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre I, chapitre 1, p. 7.

27  Georg Lukács a montré que la perception de l’histoire change avec la Révolution française car elle devient une expérience vécue par les masses (Le Roman historique [1954], trad. Robert Sailley, Paris, Payot, 1965, p. 21).

28  Des ouvrages comme Le Peuple de l’historien français Michelet ([1846], Paris, M. Didier, 1946) témoignent de cette évolution de la perception de l’histoire.

29  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre II, chapitre 9, p. 113. C’est moi qui souligne.

30  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre II, chapitre 6, p. 93. C’est moi qui souligne.

31  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre II, chapitre 10, p. 127.

32  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre I, chapitre 1, p. 8 : « a certain movable framework with a sack and a knife in it, terrible in history». C’est moi qui souligne.

33  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre I, chapitre 2, p. 10. C’est moi qui souligne.

34  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre I, chapitre 4, p. 25. C’est moi qui souligne.

35  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre I, chapitre 4, p. 26.

36  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre I, chapitre 4, p. 27. C’est moi qui souligne. « Comme je vous le disais, si M. Manette n’était pas mort ; s’il avait disparu brusquement et silencieusement ; s’il s’était volatilisé ; s’il n’était pas difficile de deviner dans quel lieu effroyable il avait été emmené bien qu’il n’y eût aucune trace ; s’il avait un ennemi parmi ses compatriotes en mesure d’exercer un privilège dont à cette époque, là-bas, de l’autre côté de la Manche, même les personnes les plus téméraires n’osaient parler même tout bas ; par exemple le privilège de remplir un blanc-seing pour faire emprisonner n’importe qui pour une durée indéterminée ; si son épouse avait imploré le Roi, la Reine, la Cour, le clergé de lui donner des nouvelles de son mari, et tout cela en vain ; alors l’histoire de votre père eût été celle de cet infortuné gentilhomme, le docteur de Beauvais. » (ma trad.).

37  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre II, chapitre 4, p. 76.

38  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre II, chapitre 4, p. 76. C’est moi qui souligne.

39  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre I, chapitre 4, p. 26.

40  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre I, chapitre 6, p. 46. C’est moi qui souligne.

41  P. Austin Nuttall, Johnson’s Dictionary of the English Language: a New Edition, London, G. Routledge & Co, 1856.

42  Robert Sullivan A. M., A Dictionary of the English Language, Dublin, Alex. Thom Printer and Publisher, 1847.

43  Cette incertitude diminuera à mesure que l’histoire s’affirmera comme une discipline scientifique dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle.

44  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre II, chapitre 3, p. 64. C’est moi qui souligne.

45  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre II, chapitre 6, p. 89.

46  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre III, chapitre 7, p. 280. C’est moi qui souligne.

47  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre III, chapitre 9, p. 304. C’est moi qui souligne.

48  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre II, chapitre 6, p. 96.

49  Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art : genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, 1992, p. 48.

50  Voir Isabelle Durand-Le Guern, Le Roman historique, chapitre 7, paragraphe 1.3 « stéréotypes politiques », format Kindle (pas de pagination).

51  Carlo Ginzburg, A Distance, Neuf essais sur le point de vue en histoire, Paris, Gallimard, 2001. Cité par Judith Lyon-Caen et Dinah Ribard, L’Historien et la littérature, Paris, La Découverte, 2010, p. 34.

52  Voir l’encart de Judith Lyon-Caen et Dinah Ribard sur Le Monde retrouvé de Louis-François Pinagot : sur les traces d’un inconnu, 1798-1876 d’Alain Corbin (Paris, Flammarion, 1998) dans leur livre L’Historien et la littérature. Elles y soulignent que l’enjeu de l’ouvrage d’Alain Corbin fut d’« écrire une histoire de l’ordinaire, de ces millions d’individus modestes dont l’existence n’a guère laissé de traces » (p. 33).

53  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre I, chapitre 5, p. 86.

54  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre II, chapitre 9, p. 120.

55  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre I, chapitre 5.

56  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, p. 3.

57  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, p. 3.

58  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre II, chapitre 14.

59  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre II, chapitre 2 ; livre II, chapitre 3 ; livre III, chapitre 6 ; livre III, chapitre 9 ; livre III, chapitre 10.

60  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre II, chapitre 22, p. 213.

61  La « revenge tragedy » : un genre inspiré de Sénèque et très en vogue durant les périodes élisabethaine et jacobéenne.

62  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre II, chapitre 21, pp. 207-208.

63  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre I, chapitre 1.

64  Andrew Sanders évoque ainsi dans sa préface à A Tale of Two Cities les lettres de condamnés qui furent enfouies sous une chape de silence par les autorités et ne furent exhumées par un historien, Olivier Blanc qu’en 1984 et publiées dans un ouvrage intitulé La Dernière lettre : Prisons et condamnés de la Révolution 1793-94, Paris, Robert Laffont, 1984, p. vii.

65  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, Livre III, chapitres 10 et 11.

66  Claudie Bernard, Le Passé recomposé : le roman historique à la fin du dix-neuvième siècle, Paris, Hachette, 1996.

67  Andrew Sanders, préface à Charles Dickens, A Tale of Two Cities, 1859, éd. citée, p. viii.

68  Jules Michelet, Histoire de France, Préface de 1869, Paris, Robert Laffont, collection « Bouquins », p. 16.

69  Augustin Thierry, Dix ans d’études historiques, Bruxelles, Société belge de librairie, 1851, p. 598.

70  Hayden White, Metahistory: the Historical Imagination in Nineteenth-Century Europe, Baltimore, Johns Hopkins UP, 1973.

71  Voir la préface d’Andrew Sanders dans Charles Dickens, A Tale of Two Cities, p. xvii.

72  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre III, chapitre 13, p. 338. C’est moi qui souligne.

73  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre III, chapitre 13, p. 342 et livre III, chapitre 15.

74  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre III, chapitre 15, p. 361.

75  Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre II, chapitre 17.

76  Le pouvoir magnétique de ce poème (« the old story ») est évoqué dans Charles Dickens, A Tale of Two Cities, livre II, chapitre 24, p. 233.

Pour citer cet article

Nathalie Vanfasse, « Histoires dans A Tale of Two Cities (1859) de Charles Dickens », paru dans Loxias, Loxias 39., mis en ligne le 15 décembre 2012, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/lodel/index.html?id=7247.

Auteurs

Nathalie Vanfasse

Nathalie Vanfasse est Professeure de littérature britannique à l’université d’Aix-Marseille et membre du LERMA. Elle est actuellement chercheuse invitée au département d’anglais et au Center for British Studies de l’Université de Californie à Berkeley. Outre des articles sur l’œuvre de Charles Dickens, elle a publié une monographie intitulée Charles Dickens entre normes et déviance (Publications de l’Université de Provence, 2007). Elle a également coédité à l’occasion du bicentenaire de la naissance de l’écrivain en 2012 plusieurs numéros de revues (Dickens Quarterly et Cahiers Victoriens et Edouardiens) et un ouvrage d’actes de Cerisy intitulé Dickens, Modernism and Modernity (à paraître aux Éditions du Sagittaire, 2013).