Ernaux (Annie) dans Loxias


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Loxias | Loxias 32 | I.

« Qu’elles parlent maintenant qu’ils se taisent à jamais… » Une parole féminine débondée par la mort, de Beauvoir à Ananda Devi

Face à la mort d’un proche, des femmes prennent soudain la parole. Simone de Beauvoir avait évoqué la mort de sa mère dans Une mort très douce en 1964, puis celle de Sartre en 1981 dans La Cérémonie des adieux. Ces textes avaient parfois choqué par leur sincérité. De même, Annie Ernaux a consacré deux livres à la mort de ses parents, La Place et Une femme. Ce ne sont que deux exemples de cette écriture féminine rendue nécessaire par la confrontation avec la mort : le deuil remet si profondément en cause l’existence que la vie ne peut s’envisager  après cette étape. Dans des espaces où la parole féminine s’exprime plus difficilement, une autre raison de rompre le silence apparaît : par la voie du roman, le deuil ou l’agonie sont l’occasion de venger de longues années de silence forcé, de parole rentrée. Mariama Bâ, dans Une si longue lettre avait ainsi fait raconter sa vie à une veuve juste après le décès de son époux. Ananda Devi consacre Le Sari vert à l’agonie d’un vieil homme qui a tyrannisé sa vie durant sa femme, sa fille puis sa petite fille : ces deux dernières tentent de lui extorquer sur son lit de mort le secret du décès de sa femme. Dans ces romans, l’objet n’est pas tant le chagrin devant l’irrévocable que l’occasion d’exprimer le silence qui entoure la condition des femmes.

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Loxias | Loxias 42 | Doctoriales X

Photo-fragments : L’Usage de la photo d’Annie Ernaux

L’écriture fragmentaire, l’écriture de discontinuité, contient des morceaux détachés entre lesquels ne se retrouvent pas la cohésion et la cohérence – surtout formelles – de l’ensemble. Annie Ernaux, dans L’Usage de la photo, défait la construction linéaire de l’autobiographie et sa représentation se fonde sur l’usage de la photographie. Comme l’indique le titre, elle a recours dans son œuvre aux images, au total quatorze photos choisies par elle-même et Marc Marie, son compagnon, parmi une quarantaine de photosprises de vêtements abandonnés par terre et d’objets renversées au moment de l’acte amoureux.Ce livreest conçu comme un montage de fragments de clichés, de manière à ce que les extraits du journal soient sélectionnés en fonction des photos choisies et constituent une sorte de photo-journal. Le journal intime sous forme fragmentaire, et la photo en tant que le fragment d’une réalité immatérielle, se rejoignent dans L’Usage de la photo pour donner une œuvre fragmentaire en suggérant à la fois ses moments de vie intense, avec, dans l’ombre, le cancer du sein et l’amour vécu par les deux auteurs du livre. En effet, les photos sont associées à la réalité matérielle éprouvée et sont comme des preuves irréfutables de l’histoire cachée derrière elles.

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