Maghreb dans Loxias


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Loxias | Loxias 32 | I.

Entre le désir de dire et la tentation du silence : la narrativité de Maïssa Bey

Le silence n’est pas situé à l’extérieur du discours narratif, mais il en fait partie intégrante : les pauses, les hésitations du récit, les éléments typographiques (les points de suspension ou les espaces blancs) sont constitutifs du discours et disent les difficultés et les pièges de l’acte de raconter. Cela est encore plus évident dans la littérature maghrébine, surtout chez les femmes écrivaines. Leur prise de parole est devenue un véritable engagement, un instrument de lutte contre le silence imposé par leur culture et leur société. La femme, selon le mot de Marc Gontard, se libère ainsi des mythes et assume son regard sur le monde en tant qu’acteur et témoin social en prise avec l’Histoire et le temps. Le désir de narrativité participe souvent du besoin de “se raconter”, de se re/construire une identité – perdue, cachée, oubliée, niée – face à l’anonymat auquel sont traditionnellement réduites les femmes. L’écriture est ainsi étroitement liée à la convocation des souvenirs ensevelis, à l’exploration de la mémoire, en ayant parfois recours à la structure du récit encadré dans un autre récit avec une conteuse qui remémore son passé et devient personnage. Le silence et la parole se modulent avec une constante tension émotionnelle dans les romans et récits de Maïssa Bey, où l’auteur prend la parole pour revendiquer la liberté de vivre le désir et la passion, pour donner corps à l’insatisfaction et à l’ennui dans la relation de couple et pour lever le voile sur les crimes de guerre. Mais le silence reste toujours aux aguets : contrepartie de la parole, tentation dangereuse, espace suggestif qui, comme l’affirme Michel Le Guern, seul peut dire l’indicible. Between the desire of telling and the temptation of silence : the narrative by Maïssa Bey: Silence is not situated outside narrative speech, but it is an integral part of it: pauses, hesitations in the storytelling, typographic features (such as for example suspension points or blank spaces) constitute the narration and tell us about the difficulties and the traps of the narrative act. This is even more evident in the field of the Maghrebi literature, especially produced by women. Their embrace of the word has become a real engagement, an instrument to fight against that silence imposed by their culture and their society and by which they free themselves and take a look at the world as protagonists and social witnesses, in contact with History and time. The desire of narrative is often linked to the need of “self telling”, to the search for identity re-construction. So writing becomes strictly connected with the evocation of hidden memories, resorting sometimes to the structure of second degree narrative with the presence of a storyteller. Silence and words modulate themselves with a constant emotional tension in the novels such as in the short stories by Maïssa Bey, especially in Sous le jasmin la nuit (2004), where she takes up the challenge to revenge her freedom for life, her desire and passion, or to denounce war crimes. But silence always lies in ambush, as a dangerous temptation and an attractive space that only it can express what is inexpressible. Narratological instruments will be helpful to analyse the unpredictable alternation of silence and words.

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Loxias | 72. | I.

Yazid Kheloufi, un calligraphe concret

Né en 1963 à Hammam Boughrara, dans l’Ouest algérien, Yazid Kheloufi est un plasticien calligraphe qui s’inspire du grand philosophe arabo-persan du Xe siècle, Abu Hayyan al-Tawhidi et du philosophe et mathématicien Ahmad al-Buni, né à Annaba, en Algérie, mort en 1225. Il tend à se rapprocher de l’écriture mystique, considérant l’unité entre ce que l’on voit, ce que l’on comprend et ce que l’on ressent comme une condition nécessaire à l’expression de la beauté. Ses compositions jouent sur les directions de l’écriture, avec lesquelles il dessine des formes humaines, et sur les matières : l’argile, qu’il grave ou modèle pour des calligrammes en 3D, et le plexiglas. Le calligramme lui sert à mettre en perspective le passé des grands textes des penseurs arabes de l’âge d’or de l’Islam (VIIIe-XIe siècle) et le présent des revendications des manifestants des printemps arabes (2010-2012). Born in 1963 in Hammam Boughrara, in western Algeria, Yazid Kheloufi is a plastic calligrapher inspired by the great Arab-Persian philosopher of the 10th century, Abu Hayyan al-Tawhidi and the philosopher and mathematician Ahmad al-Buni, born in Annaba, in Algeria, died in 1225. He tends to be closer to mystical writing, considering the unity between what we see, what we understand and what we feel as a necessary condition for the expression of beauty. His compositions play on the directions of writing, with which he draws human forms, and on the materials: clay, which he engraves or models for 3D calligrams, and plexiglass. The calligram serves to him to put into perspective the past of the great texts of the Arab thinkers of the golden age of Islam (8th-11th centuries) and the present of the demands of the demonstrators of the Arab Spring (2010-2012).

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