Etats-Unis dans Loxias


Articles


Loxias | Loxias 28 | I.

Les traducteurs des histoires d’Edgar Allan Poe

Le lecteur français n’a longtemps eu accès aux contes de Poe que grâce au choix effectué par Baudelaire dans ses trois recueils de traduction. Pourtant Baudelaire n’était pas le premier traducteur de ces histoires. Les premières traductions étaient souvent des adaptations très libres,  parfois publiées sous des pseudonymes. Au total, Baudelaire a  choisi de traduire quarante-six contes et en a  laissé vingt-six. Il a  surtout choisi d’écarter une grande partie des histoires purement humoristiques et satiriques. Ces contes non traduits par Baudelaire confirment les facettes les plus connues  de l’auteur. The Translators of Edgar Poe’s Tales. For long, French readers only had access to Poe’s tales through Baudelaire’s three volumes of translation. Yet, Baudelaire was not the first translator of those stories. The early translations were often free adaptations, sometimes published anonymously. As a whole, Baudelaire chose to translate forty-six tales and left out twenty-six. He decided to leave out the tales that were purely humorous and satirical. The stories not translated by Baudelaire confirm the most-known facets of the author : stories of detection, of mystification and commentaries on his own craftsmanship. Thus novelists have found a new way of writing sea voyage narratives after Pym’s adventures, on a scientific basis. But they scarcely mixed fantasy and realism with the same talent.

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Poe-pourri : le sommeil du traducteur

Se pourrait-il que Baudelaire ait tiré de sa lecture de Poe une conception fantomatique de la traduction, une allégorie funèbre ? Rappelons les faits : ils sont troublants. Poe meurt en 1849, à un moment où Baudelaire vient à peine de se pencher sur son œuvre. Il en ira de même pour De Quincey, dont la mort, en 1859, intervient alors que son traducteur français est encore en pleine besogne – à croire que le fait de traduire implique la disparition de celui dont on se met à recopier l’œuvre en une autre langue, comme s’il devenait infiniment plus facile de faire « revenir » la langue vivante d’un mort. Is it possible that Baudelaire derived a ghostly allegory of translation from his reading of Poe’s work? The facts are indeed troubling: Poe dies in 1849, when Baudelaire has just started to translate him; the same happens in 1859 when he translates De Quincey’s work: it would appear that Baudelaire’s conception of translation implies the death of the original author, whose ghostwriter he then becomes.

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Baudelaire et Proust traducteurs : les limites de l’étrangeté

Nous examinons en quelle mesure la prise en possession de Poe par Baudelaire peut être comparée à l’influence des traductions ruskiniennes de Marcel Proust sur la Recherche du temps perdu. Si Baudelaire peut articuler, grâce à la traduction, une réflexion sur la poétique de la prose et une conception moderne sur la mise en rapport des langues, l’anglais devient une sorte de langue seconde du roman proustien et la pensée de la langue anglaise s’y reflète par un effet de mémoire de Babel, ressuscitant l’« étrangeté » des langues et leur féconde incompréhension. Dans le rapport des écrivains/traducteurs à leur(s) langue(s), Mallarmé joue un rôle de charnière : se trouvant obsédé par une sorte de sous-sol de la langue, où les mots circulent sous les mots, Mallarmé « creuse le vers » en tachant de retrouver cette langue seconde à l’aide du passage par l’anglais. Baudelaire and Proust as translators : the bounds of strangeness. We are investigating to what extent Baudelaire’s appropriation of Poe’s work can be compared to the influence of Marcel Proust’s translations of Ruskin on the Recherche du temps perdu. Through his translations Baudelaire reflects on the poetics of prose and develops a modern idea of how languages relate to each other, whereas English becomes a sort of second language of the Proustian novel – resuscitating the “strangeness” of languages and their fertile incomprehension. A writer/translator himself, Mallarmé plays a pivotal role: obsessed with a sort of substratum of language where words circulate beneath words, the poet “hones the verse” and uses English to unveil this second language.

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Baudelaire, traducteur des « contes » de Poe ou auteur d’« histoires extraordinaires » ?

Poe par ses contes a créé, dans un medium à vocation référentielle (la prose), des textes clos sur leur propre espace. Baudelaire y a réintroduit d'instinct une dose de transitivité, offrant à son « frère » américain le cadeau empoisonné d'une lisibilité accrue. De cela, j’offre des illustrations commentées. Il me semble que le moment est venu de donner aux traductions françaises le tour d'écrou dont Baudelaire a libéré l’original. Is Baudelaire the translator of “tales” by Poe or the author of “extraordinary stories” ? In composing his tales, Poe created, in a medium devoted to referentiality (prose), texts bound within their own space. With his translations, Baudelaire instinctively reintroduced a measure of transitivity, making the texts more immediately accessible. Of this, I give commented illustrations. It seems to me the time has come to give the French translations of Poe’s tales the turn of the screw from which Baudelaire has freed the original.

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Lost in Translation: Poe, Baudelaire and “The Purloined Letter”

Perdu dans la traduction. En revisitant les lectures de “The Purloined Letter” d'Edgar Allan Poe par Bonaparte, Lacan, Derrida, Johnson et Irwin, cet article soutient qu'une erreur mineure dans la traduction de Baudelaire peut aider à recadrer le contexte critique pour l'histoire comme un modèle de signification. Plutôt que voir la lettre comme un symbole d'une signification absente ou différée, nous partons du principe que la lettre fonctionne comme une carte marquée dans un système de signification clos ou truqué. Lost in Translation: Poe, Baudelaire and “The Purloined Letter”. Revisiting the readings of Edgar Allan Poe’s “The Purloined Letter” by Bonaparte, Lacan, Derrida, Johnson, and Irwin, this paper argues that a minor error in Baudelaire’s translation can help to reframe the critical context for the tale as a model of signification. Rather than seeing the letter as a symbol of an absent or deferred signifier, the paper argues that the letter function as a marked card in a closed or rigged system of signification.

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Loxias | Loxias 30 | Doctoriales VII

La dégénérescence outrageante de Peyton Place

Mi-brûlot mi soap-opera, Peyton Place est un best seller inclassable qui sent le soufre et le savon. S’agit-il pour autant d’une œuvre mineure ? Le peu d’intérêt que lui portent les chercheurs pourrait le confirmer mais ce serait ignorer la force de ce roman qui a si longtemps fasciné l’Amérique. Pittoresque, grotesque, carnavalesque, l’œuvre est littéralement inqualifiable. Hantée par la mort du père, elle met en scène de nombreuses perversions et révèle des peurs intimes de l’Amérique. Une analyse teintée de généalogie et une étude de sa nature grotesque révèleront que décadence et dégénérescence sont deux aspects clés de ce roman hybride et scandaleux, entre potboiler et tragédie. Most of the inhabitants of Peyton Place would have undoubtedly graduated magna cum laude from Sheridan’s School for Scandal. Yet there is more to this groundbreaking novel than a tawdry tale of debauchery, adultery and abortion. Disdained by scholars, America’s first “blockbuster” is grotesquely trashy and its parade of immoral and sensational freaks makes it unspeakable. ‘Fathers must die’: this outrageous motto underlies the novel in which shrouded secrets are revealed. Perversion pervades this trashy carnival of a novel, thus revealing America’s intimate fears. A genealogy-based study of Peyton Place could help us understand why degeneration and decadence are paramount to this hybrid novel, for the whiff of scandal enveloping this bastardized tragedy also smells like soap.

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Les répercussions du voyage de retour sur la représentation du Nouveau Monde entre 1890 et 1945, ou Comment un non-lieu déréalise un lieu

En 1890, le front de colonisation s’achève et le visage de l’Amérique se métamorphose. À partir de cette date-là jusqu’en 1945, les écrivains européens en profitent pour redécouvrir l’Amérique. Ce nouvel exotisme est fortement influencé par le retour sur l’océan Atlantique en paquebot qui les pousse à évoquer ce « nouveau » Nouveau Monde et à le symboliser avant même de l’écrire. Cette sublimation est primordiale pour mieux comprendre la vision qu’imposeront ensuite ces voyageurs lettrés. In 1890, the frontier had been tamed and the face of America was transforming. From this date on, up to 1945, European writers took advantage of the phenomenon to rediscover America. This new exoticism was heightened by the return to the Atlantic in Ocean liner; a crossing which urged them to evoke this “new” New World and to symbolise it before writing. This sublimation is of primary importance to better understand the vision which these well-read travellers will then imposed.

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Loxias | Loxias 32 | I.

« Behind the story I tell is the one I don’t » : Le cri silencieux de l’enfant abusée dans l’œuvre de Dorothy Allison

Dans L’Histoire de Bone, son premier roman semi-autobiographique, l’écrivaine américaine survivante d’inceste Dorothy Allison raconte l’abus physique et sexuel qu’une fillette subit aux mains de son beau-père. En proie à la terreur et incapable de dénoncer la violence, Bone est réduite au silence et s’enfonce peu à peu dans le désespoir. Pourtant, bien qu’elle décrive l’inévitable enfermement de la victime d’abus dans le cercle vicieux de la violence et du silence, Dorothy Allison donne en réalité une voix à l’enfant silencieuse et relève le défi, essentiellement féministe, de mettre des mots sur ce silence et de le briser. Ainsi, le travail d’écriture permet à l’auteure-survivante de pousser son propre cri : grâce à l’écriture autobiographique, Allison dénonce enfin, des années plus tard, l’enfer que lui a fait subir son abuseur. L’œuvre littéraire, en tant que « cri silencieux », brise le tabou de l’inceste, raconte l’inénarrable et l’expose aux yeux du monde. In Bastard Out of Carolina, her first semi-autobiographical novel, the American author and incest survivor Dorothy Allison tells the story of a girl who suffers repeated physical and sexual abuse at the hands of her stepfather. Bone is racked by terror and unable to denounce her abuser, so that she seems condemned to remain silent, and sinks deeper and deeper into despair. Although she describes the child as being trapped in a cycle of violence and silence, Allison in fact gives the silent child a voice, and takes up the feminist challenge of putting words upon silence in order to break it. The writing process thus allows the author-survivor to finally cry out : years after suffering the abuse, and thanks to life-writing, Allison manages to denounce the living-hell she went through as a child. The literary work, a “silent scream”, finally breaks the taboo that surrounds child sexual abuse, allows the victim to speak up about the unspeakable, and to expose it for the world to see.

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Loxias | Loxias 33 | I.

Le silence pictural ou le bruit de l’imagination dans les poèmes de Barbara Guest

Barbara Guest (1920-2006), poète américain de l’école de New York, s’intéresse tout particulièrement à l’enveloppe sonore de l’œuvre d’art comme condition première à sa composition. Qu’il s’agisse de poésie, de peinture ou de musique, elle y recherche « un son interne » ou « les bruits de l’imagination ». Ses poèmes qui commencent dans le silence, semblent donc animés par un « silence pictural » et des sons à peine entendus ou entrevus entre couleurs et lumière, voix et lyrisme. Nous nous mettrons donc en quête de comprendre les tenants et aboutissants de ce silence, ce « petit fantôme » ou « écho délicat » qui hante ses poèmes.

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Loxias | Loxias 34 | Doctoriales VIII

« Travailler fatigue », mais flâner est impossible : échos whitmaniens dans la poésie de Cesare Pavese

Nous étudions dans cet article l’empreinte laissée par le poète américain Walt Whitman et son recueil Feuilles d’herbe (Leaves of Grass) sur l’écriture poétique de Cesare Pavese, notamment dans le premier cycle de poèmes de Travailler fatigue (Lavorare stanca), écrits de 1930 à 1935. Il s’agit d’examiner non pas tant la présence de certains thèmes whitmaniens chez Pavese ou l’influence stylistique de Whitman sur sa poésie, que la façon dont Pavese s’éloigne du modèle des Feuilles d’herbe – ou, plus exactement, y renonce, admet l’impossibilité de le suivre. Si Whitman est au fondement de l’écriture poétique de Pavese, c’est moins comme une présence que comme une absence : Pavese poète échoue, en toute conscience, à être whitmanien, et c’est sur cet échec que se construit son écriture poétique. Là où la poésie de Whitman est flânerie exaltante, celle de Pavese est ainsi condamnée à rester fatigue du travail. Our goal in this article is to study the trace that American poet Walt Whitman and his collection Leaves of Grass has left on the poetic writing of Cesare Pavese, especially on the first-period poems of Hard Labor (Lavorare stanca) from 1930-1935. We will examine not so much the presence of certain Whitmanian themes in Pavese, or the stylistic influence of the American writer on the Italian one, as the way Pavese veers away from his American model – or rather renounces him as he understands the impossibility of following him. We can certainly find Whitman at the foundations of Pavese’s poetic writing, but more as an absence than a presence: Pavese as a poet fails, in complete awareness, to be Whitmanian, and builds his poetic style on this failure. If Whitman’s poetry is a magnificent idleness, Pavese’s then is condemned to remain a “hard labor”.

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Loxias | Loxias 42 | Doctoriales X

La quête du père absent chez Paul Auster et Albert Camus

Paul Auster et Albert Camus sont deux écrivains contemporains appartenant à deux contextes socioculturels différents. Cela dit, ils nous ont laissé deux romans dont l’écriture est propice à une étude comparatiste. En effet, Le Premier homme d’Albert Camus et L’Invention de la solitude de Paul Auster partagent la même problématique qui est la quête du père absent. Cette quête, dont l’origine est l’angoisse du présent se heurte, dans ces deux récits, à de nombreuses difficultés. La reconstitution de la figure paternelle, essentiellement caractérisée par l’anonymat et le mystère, s’avère pénible et parfois même désespérante. Outre cela, les deux romanciers ne disposent que de peu d’informations quant à leurs pères ce qui complique leur tâche. Conséquemment, le sujet du récit impose la forme de celui-ci : la figure parentale dont ils n’ont que des souvenirs fugaces et des idées floues ne peut être appréhendée qu’au moyen d’une écriture de fragmentation et de dépersonnalisation. Les deux auteurs ont, en fait, opté pour un style impersonnel dans le but d’accéder à la vérité dans toute son authenticité. L’écriture mime donc l’objet de la quête d’autant plus qu’elle bouleverse les schémas de l’autobiographie classique habituellement reconnue par la linéarité. Il s’agit donc d’étudier deux récits dont la structure est éclatée voire labyrinthique qui acquiert par là une dimension heuristique.

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Loxias | 49. | I.

Une poésie sans mot : enquête sur un paradoxe

À l’origine de ce numéro de Loxias, Charlot ce poète ?, il y a un étonnement. Comment comprendre le paradoxe d’un « poète muet » ? Voilà le « cas » Charlot/Chaplin. Avant d’entrer dans le vif du sujet, cette introduction s’attache à étudier, à travers quelques écrits d’admirateurs de Chaplin, l’énigme d’une poésie cinématographique. Le cinéma apparaît très tôt dans ces textes de poètes comme un langage, un « alphabet » paradoxal, poétique et non littéraire. Populaire, irrationnel, mobilisateur, le cinéma fonctionne comme un opérateur poétique.

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