Robert Louis Stevenson dans Loxias


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Contes des Mers du Sud de Robert Louis Stevenson : une approche littéraire et anthropologique

South Sea Tales de Robert Louis Stevenson est un recueil de récits de genres divers, tous écrits et situés dans les Mers du Sud à la fin du XIXe siècle. Riche d’un véritable savoir anthropologique, l’auteur y pose des questions fondamentales sur la Polynésie. Ici, il interroge le passé, tranchant dans le vif d’une vigoureuse tradition littéraire des Mers du Sud. Mythologue, il entraîne le lecteur à la fois à la source des fantasmes collectifs de l’Occidental, et au cœur des mythes polynésiens. Pour la première fois dans la littérature se tissent, en un palimpseste métis, les récits fondateurs des civilisations occidentale et polynésienne. Là, il examine le présent : ses îles sont le terrain de conflits pour une hégémonie occidentale, et le héros polynésien, loin du cliché du Bon sauvage, y est acculturé, s’est défaussé de son identité indigène. Écrivain postcolonial avant la lettre, Stevenson annonce la décadence de l’impérialisme, dénonce toute exclusion de l’Autre et, relevant avant l’heure la gageure de Genette, donne la parole au « Vendredi » de la fin du XIXe siècle. Là, il se tourne vers l’avenir : que sera la Polynésie de demain ? Stevenson clame qu’elle ne pourra se bâtir sans la femme polynésienne, mais ne conclut pas, car ses prédictions ne volent pas la parole à l’Autre. Au contraire, précurseur du postmodernisme, l’écrivain s’interroge sur la voix du narrateur, le statut de l’auteur, il questionne la relation entre réel et fiction. Les Mers du Sud deviennent un espace de rencontre où l’Autre est entrevu dans sa diversité, et où de nouvelles littératures, anthropologique, postcoloniale, postmoderne, sont esquissées. Robert Louis Stevenson’s South Sea Tales is a motley collection of stories written and set in Polynesia at the end of the 19th century. Deeply versed in anthropology, the author asks fundamental questions about the region. He revisits the past, hacking away at traditional South Sea literature. As a mythologist, he travels back both to the origins of Western myths of idyllic South Seas, and to the core of Polynesian myths. He interweaves the founding tales of both Western and Polynesian civilisations into a pioneering palimpsest. Stevenson also faces the present: he fiercely denounces the fight for a Western hegemony over the islands, and depicts the islanders’ acculturation. The natives prove to be neither noble nor ignoble savages, but hybrids who have lost touch with their indigenous identities. As a postcolonial writer-to-be, Stevenson proclaims the fall of imperialism and stands up against any kind of ostracising. He hands over to Genette’s « Vendredi », endeavouring to present things from the viewpoint of native islanders at the fin de siècle. The author also wonders about the future of the South Seas. Although he stakes Polynesian women will play a leading role, he provides no clear-cut foresight: typically, he steps back to let the Other have the last word. Instead of prophesising, as a forerunner of postmodernism he questions everything, including the boundaries between reality and fiction, the narrator’s status and the author’s authority. Stevenson’s South Sea Tales are a daring opening up onto Otherness in people and in literature.

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