religion dans Loxias


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Loxias | Loxias 23 | Programmes de littérature des concours 2009

Le sujet à la marge : pratique de l’inhumanité chez Jean de Léry

Au-delà de l’intérêt historique de la découverte de l’Amérique, les récits des voyageurs de la Renaissance peuvent fonctionner comme des axes de renversement par lesquels les prétentions à un savoir « neutre » et reposant sur l’universalité de la raison, se trouvent confrontées à l’image de leur insupportable origine. Quel éclairage peut donner le texte de Léry, sur les limites entre le « respect » des spécificités – et l’aversion pour l’autre – ; la distance d’ « impartialité » – et l’ironie ou le cynisme – ; le « refus d’ingérence » – et la déresponsabilisation – ; les délimitations protectrices pour maintenir des « identités » culturelles ou ethniques – et l’exclusion – ? La différenciation est certes le principe qui régit la démarche d’écriture sur les autres peuples, mais au lieu de créer les conditions d’un échange, de laisser la place à l’autre, pour que soit composé avec lui un nouveau langage, le récit oriente vers l’altérité un effort qui en son terme souvent la récupère et l’annexe au lieu initial. Jean de Léry, devenu pasteur, fournit l’archéologie d’un regard prétendument rationnel et profondément cruel. C’est cette inhumanité fondamentale et dérangeante, au regard d’une interprétation religieuse, que nous voudrions interroger ici.

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Loxias | Loxias 26 | Doctoriales VI

L’Espagne chez La Mothe Le Vayer ou comment utiliser les stéréotypes de la littérature politique pour exprimer des opinions libertines

Cet article prend comme point de départ l’image de l’Espagne qui se dégage des ouvrages publiés par La Mothe Le Vayer au cours des années 30 du XVIIe siècle. Parus sous pseudonyme ou à paternité reconnue et dédiés parfois au cardinal de Richelieu, ces écrits voient le jour à une époque où l’Espagne est perçue comme un pays qui dissimule ses ambitions impérialistes sous une fausse piété. Comme le montre Étienne Thuau dans son livre intitulé Raison d’État et pensée politique à l’époque de Richelieu (1966, rééd. 2000), à l’origine de cette perception de l’Espagne se trouve la propagande menée pour servir les intérêts politiques de Louis XIII, que la guerre oppose au souverain espagnol. Dans des ouvrages comme En quoi la piété des Français diffère de celle des Espagnols, La Mothe Le Vayer ne se contente pas de s’attaquer à l’usage intéressé que les Espagnols font de la religion ou aux méthodes qu’ils utilisent pour évangéliser les Amérindiens. À travers les Espagnols notre auteur vise l’arrogance de tous les soi-disant bons chrétiens qui, d’une part, refusent de reconnaître les qualités morales des païens et qui, d’autre part, prétendent connaître, voire accomplir les desseins que la divinité a sur les hommes. Instrumentalisant le culte de Dieu pour dominer le monde et aspirant au statut de monarchie universelle, la couronne d’Espagne permet à La Mothe Le Vayer d’illustrer une autre idée qui lui tient à cœur : le succès en politique relève du hasard et non pas de la mise en pratique d’une science particulière. Tout en invoquant des lieux communs qui ont pour objet soit l’habileté politique, soit l’hypocrisie religieuse de l’Espagne, La Mothe Le Vayer exprime des opinions qu’il continuera à développer dans des œuvres ultérieures et qui rappellent le credo qu’il expose dans l’avant-propos de son premier écrit, publié sous le couvert de l’anonymat : fier du libertinage de sa plume, La Mothe Le Vayer alias Orasius Tubero n’accepte de se soumettre qu’à l’autorité de sa raison.

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Loxias | Loxias 30 | Doctoriales VII

Une lueur d’espoir au cœur des Troubles nord-irlandais : Pentecost de Stewart Parker

Bien qu’écrite en 1987, la dernière pièce de théâtre de Stewart Parker (1941-1988), Pentecost, est un huis clos dramatique se déroulant sur toile de fond historique. Elle renvoie le spectateur treize ans en arrière afin que l’action couvre la première partie de l’année 1974. A cette date, une grève d’ouvriers loyalistes mettait un terme au pouvoir exécutif du gouvernement de partage du pouvoir entre nationalistes et unionistes en Irlande du Nord. Pour Parker, cette défaite politique représentait l’événement le plus décourageant dans le processus de réconciliation entre les communautés protestante et catholique en Irlande du Nord. Dans cette dernière œuvre, le dramaturge relate les Troubles, censés être de nature religieuse, et, à travers cet épisode précis de l’histoire nord-irlandaise, il rappelle le traumatisme, autant physique que psychologique, qu’ils générèrent. Pourtant, il garde foi en l’être humain. L’homme, non la religion, est à l’origine de ce conflit, et il lui incombe d’y remédier. Even if he wrote his last play, Pentecost, in 1987, Northern Irish playwright Stewart Parker (1941-1988) was more interested in dealing with the events which had taken place in 1974 in his Province. Indeed, it was in this year, throughout Pentecost, that a loyalist workers’ strike brought down the Executive of the power-sharing government between the nationalists and the unionists. Parker considered this collapse to be “the most hopeless moment in the history of Northern Ireland”. Throughout his last play Parker writes on the Troubles, which are said to stem from religious divisions; and through this particular episode, he recalls the trauma that they engendered, the disaster, physical and psychological, they led to. Yet, he still has faith in human beings. Man, not religion, is at the origin of the conflict, and he must solve it on his own.

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Loxias | Loxias 31. | I. | Montaigne: livre I des Essais

Montaigne et les prières : sur le chapitre 56 du premier livre des Essais

Ce chapitre 56, intitulé « Des Prières », est l’avant-dernier du premier livre des Essais. Il traite d’un sujet important : la religion. Généralement, lorsqu’on parle de religion ou de croyance dans les Essais, on examine plutôt, non sans raison, le chapitre 12 du livre II, « Apologie de Raymond Sebon ». Mais, outre que le programme d’Agrégation ne retient cette année que le livre I, ce chapitre 56 évoque un aspect particulier de la vie religieuse : ses pratiques, et notamment celle de Montaigne lui-même, ce qui ne revient pas toujours au même que de traiter des croyances et des idées.

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Loxias | 79. | I.

« On est très mal avec ces femmes-là » : portraits des mères supérieures dans La Religieuse de Diderot

Dans son roman-mémoires ou lettre-mémoire, forme hybride et originale mettant en scène un narrateur unique : Suzanne Simonin, enfermée contre sa volonté dans un couvent et contrainte à prononcer des vœux, Diderot se lance dans une satire et une critique religieuses, notamment à l’occasion des portraits des mères supérieures des trois couvents où Suzanne est cloîtrée. Cette galerie de portraits forme un intéressant triptyque, tant les techniques picturales et théâtrales mêlées contribuent à faire de ces passages attendus des morceaux de bravoure, hauts en couleurs, et parfaitement orientés sur le plan démonstratif et argumentatif. Les deux panneaux latéraux abritent, à gauche, le portrait de la mère supérieure du couvent Sainte-Marie, à droite, celui de l’imprévisible et surprenante, Madame***. Le panneau central, plus large, est occupé par les deux mères de Longchamp (mère de Moni et sœur Sainte-Christine), que tout oppose. Diderot construit ces portraits sur des phénomènes convergents de variations et de reconfigurations (portrait dialogué, en pied, en symétrie ou en antithèse), pour conserver la perspective, dramatique et dramatisée, de la rencontre de Suzanne avec ses bourreaux. Ce sont à la fois les effets de symétrie, les échos, les procédés différentiels que l’étude stylistique chercher à caractériser, pour témoigner de l’art du portrait sous la plume de Denis Diderot. In his novel-memoirs or epistolary-novel, a hybrid and original form featuring a single narrator: Suzanne Simonin, locked up against her will in a convent and forced to pronounce vows, Diderot realises a religious satire and criticism, linked to the portraits of the Abbess of the three convents where Suzanne is cloistered. This gallery of portraits forms an interesting triptych, with pictorial and theatrical techniques mixed, and turns these expected descriptions into purple passages, colorful, and perfectly oriented. The two panels house, on the left side, the portrait of the Abbess of the Sainte-Marie convent, on the right side, the portrait of the unpredictable and surprising, Madame***. The larger central panel is devoted to the two Mothers of Longchamp (Mother de Moni and Sister Sainte-Christine), who are totally opposite. Diderot builds these portraits on many converging phenomena of variations and reconfigurations (dialogued, full-length, in symmetry, or antithesis), to preserve the dramatic and dramatized perspective of Suzanne’s encounter with her tormentors. These are at the same time the effects of symmetry, the echoes, and the different processes that the stylistic analysis shows, to characterise the art of Diderot’s portrait.

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