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Vers impairs, ennéasyllabe et musique : variations sur un air (mé)connu.

Recommandés pour leur musicalité par Verlaine, les vers impairs, en particulier ceux de 9 syllabes, avaient auparavant plus souvent été utilisés dans la poésie lyrique destinée au chant (chanson et opéra) que dans la poésie strictement littéraire. Plutôt que s’interroger directement sur leur problématique musicalité, on s’intéresse ici à leur musicabilité, c’est-à-dire à leur correspondance effective avec le chant. Cela implique de prendre en compte trois paradigmes musicaux, et par suite poético-musicaux, successifs : à un premier paradigme de la variété, prégnant du XVIe à la première moitié du XVIIIe siècles, s’est opposé, dans la seconde moitié du XVIIIe et au XIXe siècles, un paradigme fondé sur la symétrie, les vers lyriques devant, pour correspondre au chant, connaître un retour périodique jusque dans leur structure interne. La proposition et la pratique verlainiennes s’inscrivent ainsi dans un large mouvement, musical et poétique, de réaction à ce modèle symétrique, qui se manifeste musicalement par la contestation de la carrure périodique, le drame musical wagnérien et le drame lyrique français en prose, et poétiquement par l’apparition du poème en prose, du vers libéré et, à la fin du XIXe siècle, du vers libre. Sans aller jusqu’à l’apériodicité, l’impair verlainien, à la fois vers impair et asymétrie, consiste en une remise en cause interne du modèle métrique, fondée sur un jeu de discordances. Cette conception nouvelle de la musique, reprise par les symbolistes et les vers-libristes, n’est pas non plus sans affinités avec l’impressionnisme musical à venir d’un Debussy. Praised by Verlaine for their musicality, uneven metres, particularly nine-syllables lines had previously been used more often in lyric poetry conceived to be sung (in song or opera) than in strictly literary poetry. Instead of investigating the problem of their musicality itself, we chose to study their musicabilty, i.e. their suitability to sung melody. That perspective leads to consider three musical, and therefore three poetical-musical paradigms: a first paradigm of variety, flourishing from the 16th to the first half of the 18th century, was then replaced by another one, on the contrary based on symmetry, up to far in the 19th century, and demanding song-poetry to be regular and periodical, as regards external and internal patterns. Verlaine’s practice and conception are part of a large musical and poetical movement, which consists musically in a protest against square phrase, and in the development of Wagnerian musical drama, and of French lyric drama in prose, and poetically in prose poem, vers libéré, and vers libre (free verse) at the end of the 19th century. Obviously Verlaine did not want to go as far as to aperiodical forms, but the “Impair” (unevenness) he recommends and practices, means both uneven metres and asymmetry, and calls into question the metrical model through rhythmical-syntactical discrepancy. The spirit of his new conception of music is adopted at the end of the century by Symbolist and free-verse poets, also anticipating Debussy’s so-called musical impressionism.

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