témoignage dans Loxias
Articles
Loxias | Loxias 18 | Doctoriales
Le théâtre de Charlotte Delbo entre l’absence et l’abcès du « sortilège d’oubli »
Face à la représentation du désastre sur une scène de théâtre, cet article examine comment l’écrivaine Charlotte Delbo tente de rendre présentes des absences en tant qu'absences. Le théâtre est à la fois la persistance de cette question et sa résolution, puisque les corps et objets sur scène sont – et on ne peut pas s'y méprendre – là, matériellement présents, visibles, mais n'y seraient pas s'ils n'étaient pas des signes de corps et objets absents, invisibles. A travers deux textes de Charlotte Delbo Qui rapportera ces paroles ? et Spectres mes compagnons, cet article propose d’explorer la difficulté à représenter, à la fois les évènements historiques dans leur caractère matériel, dans leur présence sur scène et dans leur absence profonde en examinant le statut des personnages de théâtre de l’écrivaine puis en interrogeant de quelle manière ce théâtre du trauma peut transmettre au public, par procuration, une douleur fantôme. The most influential theories on the aftermath of the Holocaust tend to stress that there is an absolute obscenity in the very project of understanding. Lyotard asserts that not only has the Holocaust destroyed our competence in knowing what we know; it has destroyed our security in the structures of how we know. Hence, Lanzmann will integrate in the project that led to his film Shoah the refusal of understanding as such. Thus, any artistic representation about the Holocaust belongs to a place where the necessity to break the silence meets the limits of representation. But what about how this paradoxical position is amplified when the artistic medium used belongs to the performance arts? Better yet, what kinds of questions might the theoretical working concept of trauma allow us to ask in order to illuminate the event of this particular genocide that are unrepresentable and outside the parameters of representation itself? Indeed the theatrical representation is the image of the transparency of the sign since the object on stage has clear characteristics of the object it represents, absence within its presence. I will attempt to read Charlotte Delbo’s play Qui rapportera ces paroles?, together with her essay Spectres, mes compagnons as an indication that the limits of representation is challenged by the choice of the medium of the theater in order to communicate about the goneness of the historical event. In this paper, I will argue that because Delbo’s play stages an extreme trauma – it interrogates the limits of representation and attempts to resolve it, transmitting to the spectators a trauma by proxy, a phantom pain.
Loxias | Loxias 40. | Panaït Istrati, « l’homme qui n’adhère à rien »
Trois voix pour la vérité : Panaït Istrati, Victor Serge, Boris Souvarine
Lorsqu’à son retour d’URSS Panaït Istrati décide de dénoncer la vérité du système soviétique, il signe de son nom, sous le titre Vers l’autre flamme, une œuvre en trois parties dont seule la première, Après seize mois dans l’URSS, est de lui, les deux autres, Soviet 1929 et La Russie nue, étant respectivement de Victor Serge et de Boris Souvarine. De tonalité différente, les trois parties de ce livre singulier révèlent également un esprit et un point de vue différent, quoique complémentaire, sur la Révolution prolétarienne et, si l’ensemble vise bien à une dénonciation, celle-ci n’est pas de la même ampleur chez les trois auteurs. Néanmoins, l’identité de la démarche ainsi que celle des thèmes abordés suscite un questionnement quant aux motivations qui les ont conduits à réaliser un tel ouvrage ainsi que sur les buts poursuivis. Quelles défaillances du régime établi depuis douze ans en Russie pouvaient provoquer cette protestation à trois voix ? Que cherchait à prouver ce triple témoignage ? Quel message voulaient transmettre les auteurs sous le titre Vers l’autre flamme ?
Loxias | Loxias 44. | I.
Formes et enjeux de l’équivoque dans Les Racines du ciel
La forme du témoignage, privilégiée par Gary dans Les Racines du ciel, favorise l’émergence d’une parole multiple qui s’émancipe de la seule narration pour se décliner aussi sur les modes de l’analyse et du commentaire et conduire à une certaine déconstruction du réel. L’entrecroisement des regards et la multiplicité des interprétations placent le lecteur face à un récit qui interroge plus qu’il ne raconte, et qui charge les faits comme les personnages d’un fort coefficient d’équivocité. On verra comment s’exprime dans le roman cette culture de l’équivoque et en quoi elle s’inscrit au cœur du projet romanesque de Romain Gary.
Loxias | 76. | I.
Témoignage et allégorie : écritures en miroir
Dans 1984 (1949), George Orwell narre le destin abject de Winston Smith comme Franz Kafka avait narré celui de Josef K. dans Le Procès (1925) ou Evgueni Zamiatine, celui de D-503 dans Nous (1920) : du point de vue de son personnage de proscrit. Aux yeux des prosateurs et prosatrices du xxe siècle, la focalisation interne a pu ainsi apparaître comme un dispositif narratif éthique pour représenter dans une fiction les nouvelles formes de violence sociale et politique que subissent les individu·es. De fait, elle ne permet pas seulement de mieux faire saisir le caractère intolérable des violences (telles qu’elles sont vécues), mais également de mettre à l’épreuve le potentiel protestataire des individu·es. L’invention d’Orwell vise à nous entraîner avec son personnage « dans le monde labyrinthique de la doublepensée » qui, sous un régime totalitaire qui a atteint la perfection, condamne les individu·es à l’autodestruction. La résistance de Winston Smith se concentre alors dans le refus d’un tel acte par lequel un esprit individuel se prive de sa capacité à connaître et à juger. Spécialement, le protagoniste de 1984 rappelle celui de Homage to Catalonia (1938), à savoir Orwell lui-même qui, comme lui, sentait « le sol s’ouvrir sous ses pieds à l’idée que le mensonge se transforme en vérité ». Au cœur de l’enquête de cet article, se trouve un questionnement sur les fils qui se tissent du témoignage de la révolution espagnole à l’allégorie de 1984. Testimony and Allegory: Mirroring Writing Practices In Nineteen Eighty-Four (1949), George Orwell narrates the despicable fate of Winston Smith in the same way that Franz Kafka narrates the fate of Josef K. in The Trial (1925) and Yevgeny Zamyatin, that of D-503 in We (1920): from the point of view of his outcast character. In the eyes of 20th-century prose writers, internal focus could thus appear as an ethical narrative device for representing in fiction the new forms of social and political violence to which individuals are subjected. In fact, it not only makes it possible to better grasp the intolerable nature of violence (as it is experienced), but also to test the protest potential of individuals. Orwell’s invention aims to take us with his character “into the labyrinthine world of doublethink” which, under a totalitarian regime that has reached perfection, condemns individuals to self-destruction. Winston Smith’s resistance is then concentrated in the refusal of such an act by which an individual mind deprives itself of its capacity to know and judge. Especially the protagonist of Nineteen Eighty-Four is reminiscent of the protagonist of Homage to Catalonia (1938), namely Orwell himself, who, like Winston, felt “the abyss opening beneath [his] feet at the thought of lies becoming truths”. At the heart of this paper’s investigation is a questioning of the threads that weave from the testimony of the Spanish revolution to the allegory of Nineteen Eighty-Four.
Loxias | 76. | II.
Témoigner au cinéma. Une action dans l’histoire
“Nanterre, Presses universitaires de Paris Nanterre, coll. « Collège international de philosophie. Intervention », 2022. Cet essai est consacré à un film documentaire : Palmyre (Liban, 2016), de Monika Borgmann et Lokman Slim. Nous avons affaire à un film qui frappe corrélativement par son dispositif testimonial inédit et par sa mémoire multidirectionnelle, libanaise et syrienne. Il est réalisé durant la révolution syrienne avec des Libanais qui ont été détenus dans la prison de Palmyre à l’époque de Hafez al-Assad. Or, ces rescapés témoignant de leur expérience en décrivant mais aussi en rejouant des scènes vécues, il tend à abolir la distance entre le passé et le présent. L...”