stéréotype dans Loxias


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Loxias | Loxias 17 | I.

Stéréotypie et roman mondain : l’œuvre d’Octave Feuillet

Octave Feuillet, premier romancier français admis à l’Académie française (1862), a joui d’une grande notoriété auprès de ses contemporains. Aujourd’hui, il n’a plus d’existence littéraire que par le souvenir de l’hostilité méprisante qu’il a suscitée chez les écrivains naturalistes. Exceptionnelle par son homogénéité et son imperméabilité à l’Histoire, son œuvre romanesque apparaît avec le recul comme le répertoire et le conservatoire des stéréotypes du roman mondain idéaliste : milieux, décors, personnages, intrigues, principes philosophiques, valeurs morales et spirituelles, tout s’y reproduit selon une combinatoire événementielle et une casuistique morale immuables. Cette stéréotypie, cependant, n’est en rien comparable à celle qui caractérise le roman populaire. Loin de tenir à des contraintes éditoriales ou aux effets de la sérialisation, elle réside plutôt dans une incapacité paralysante à choisir entre théâtre et roman, aristocratie et bourgeoisie, classicisme et romantisme finissants.

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Le traitement des stéréotypes dans la Suite du Roman de Merlin : maladresse ou subversion ? De la collision de stéréotypes narratifs avec le type du vilain

Dans l’important ensemble que forme la matière arthurienne au Moyen Âge, chaque ouvrage se conçoit comme un apport supplémentaire à l’histoire légendaire qui se construit autour de la grande aventure du Graal (Continuation, Enfance ou Suite). Plutôt que de revendiquer l’originalité, les auteurs n’hésitent pas à attribuer à un de leurs prédécesseurs connus leur propre création. Malgré cette humilité affichée et ces jeux sur l’attribution, chaque roman arthurien présente une personnalité propre. Celle-ci s’explique sans doute moins par les compétences de chaque auteur que par le jeu fondamental de la variation et par un art de la construction d’où jaillit la tonalité dominante du récit. Ces caractéristiques font de la matière arthurienne un terrain de prédilection pour les questionnements sur l’intertextualité, le traitement des motifs littéraires et de la stéréotypie : des scènes entières sont reprises d’un texte à l’autre, quoique jamais à l’identique ou de façon totalement transparente. La Suite du Roman de Merlin n’a pas été jusqu’alors considérée comme une œuvre majeure de cette matière de Bretagne et semble n’avoir fait l’objet que d’assez peu d’études. Comme dans la Mort Artu, antérieure et connue par l’auteur anonyme de la Suite, l’atmosphère est à la chute du monde arthurien. La tonalité d’ensemble conditionne donc une lecture des personnages et des différents épisodes sinon sombre du moins ambiguë. Sans doute ne faut-il pas s’étonner que des personnages importants, ayant déjà une longue existence romanesque, et par là même le minimum de détermination psychologique que permet l’écriture médiévale, aient pour le moins des comportements inattendus, au regard de l’image construite dans d’autres romans arthuriens. Il est donc plus intéressant de s’arrêter au traitement d’un personnage habituellement très secondaire dans ce type de récit : le « vilain ». Ce personnage, qui se résume souvent à un type social, se lit a priori comme stéréotypé. Dans la Suite du Roman de Merlin, des « vilains » apparaissent à divers moments du récit mais reçoivent des traitements fort différents. L’ouvrage a parfois été jugé d’une qualité littéraire assez médiocre : faut-il donc voir dans cet apparent écart un manque de maîtrise des règles du genre ou bien faut-il au contraire envisager une écriture des plus réfléchies, visant à une forme de subversion, fusse grâce à l’utilisation de motifs pré-existants dans d’autres genres ?

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Loxias | Loxias 37. | I.

Images de la Réunion : d’un cliché à l’autre

Comme toute terre lointaine, l’île de La Réunion nourrit un imaginaire fait de visions pittoresques, de lieux communs et d’images d’Épinal. La création artistique n’échappe pas à ces représentations, qu’elle reproduit ou au contraire détourne afin de poser un regard neuf sur le réel. La photographie illustre particulièrement cette problématique : d’un côté, les artistes relayent l’imagerie héritée de l’iconographie touristique et des représentations socioculturelles, de l’autre, ils s’approprient ces mêmes images pour leur donner un sens différent, parfois subversif ; enfin, certains explorent des territoires nouveaux et des formes inédites. C’est ainsi que la photographie permet parfois de passer d’un cliché à l’autre.

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Loxias | 80. | I.

Déjouer le blackface au théâtre pour mieux dé-penser la race

Exhiber la race de l’Autre en jouant sur la couleur de peau est une pratique issue de la pensée coloniale et penser la race en termes d’apparence et de face barbouillée, c’est penser une hiérarchie chromatique. Dans la logique coloniale, le Blanc peut s’amuser pour rire à s’abaisser au Noir et foncer sa peau, mais le Noir ne saurait se hisser jusqu’au Blanc. Aussi même si le charbonnage de la face ne relève pas de la dérision, voire d’intentions racistes, reste-t-il perçu comme un geste réducteur et offensant qu’il s’agisse de « la comédie du barbouillé » à la française ou du blackface né aux Amériques. Le geste demeure un héritage colonial. Le Blanc peut jouer au Noir, mais, à ses yeux, il est impensable que le Noir puisse passer pour un Blanc. Ce qui a bien sûr des répercussions sur les modèles de représentation, notamment dans le monde du spectacle. C’est pourquoi il est nécessaire de déjouer et dé-jouer les gestes de blackface et d’apprendre à dé-penser la race au théâtre, d’en épuiser les imageries, d’en ruiner les fondements, d’en débusquer les stéréotypes. Dé-penser la race, c’est vider l’abcès de cet inconscient collectif colonial qui fermente encore dans les imaginaires, et penser le théâtre autrement. Nous reviendrons ainsi sur les controverses liées au blackface qui ont récemment agité la scène contemporaine en passant par l’histoire du grimage racial et par les enjeux politiques qui lui sont intimement attachés. Exhibiting the race of the Other playing with skin color is a colonial practice and thinking of race in terms of appearance and black-up imply a chromatic hierarchy. According to the colonial logic, the white man can have a good time lowering himself to play black in jest and darken his skin, but the black man cannot become white. Even if the blacking up process does not rely on derision, or even on a racist intention, it remains a reductive and offensive gesture whether it is the French « comédie du barbouillé » or the American blackface tradition. This practice is still inherited from colonialism. The white man can play black but, to him, it is unthinkable for the black man to play white. All this has had consequences on our models of representations, in particular in the living arts. It is the reason why it is necessary to foil and deconstruct the blackface practice and to learn how to un-think race in the theatre, to unpack its imagery, to destroy its foundations, to find stereotypes. Un-think race means to drain the abscess of this colonial, collective unconscious which is still festering in our imagination, and to think about theatre differently. We will come back to the controversies related to blackface which recently sparked a debate on the contemporary stage as well as explore the history of the blackface addressing its political dimension.

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