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Loxias | 80. | I.

Déjouer le blackface au théâtre pour mieux dé-penser la race

Exhiber la race de l’Autre en jouant sur la couleur de peau est une pratique issue de la pensée coloniale et penser la race en termes d’apparence et de face barbouillée, c’est penser une hiérarchie chromatique. Dans la logique coloniale, le Blanc peut s’amuser pour rire à s’abaisser au Noir et foncer sa peau, mais le Noir ne saurait se hisser jusqu’au Blanc. Aussi même si le charbonnage de la face ne relève pas de la dérision, voire d’intentions racistes, reste-t-il perçu comme un geste réducteur et offensant qu’il s’agisse de « la comédie du barbouillé » à la française ou du blackface né aux Amériques. Le geste demeure un héritage colonial. Le Blanc peut jouer au Noir, mais, à ses yeux, il est impensable que le Noir puisse passer pour un Blanc. Ce qui a bien sûr des répercussions sur les modèles de représentation, notamment dans le monde du spectacle. C’est pourquoi il est nécessaire de déjouer et dé-jouer les gestes de blackface et d’apprendre à dé-penser la race au théâtre, d’en épuiser les imageries, d’en ruiner les fondements, d’en débusquer les stéréotypes. Dé-penser la race, c’est vider l’abcès de cet inconscient collectif colonial qui fermente encore dans les imaginaires, et penser le théâtre autrement. Nous reviendrons ainsi sur les controverses liées au blackface qui ont récemment agité la scène contemporaine en passant par l’histoire du grimage racial et par les enjeux politiques qui lui sont intimement attachés. Exhibiting the race of the Other playing with skin color is a colonial practice and thinking of race in terms of appearance and black-up imply a chromatic hierarchy. According to the colonial logic, the white man can have a good time lowering himself to play black in jest and darken his skin, but the black man cannot become white. Even if the blacking up process does not rely on derision, or even on a racist intention, it remains a reductive and offensive gesture whether it is the French « comédie du barbouillé » or the American blackface tradition. This practice is still inherited from colonialism. The white man can play black but, to him, it is unthinkable for the black man to play white. All this has had consequences on our models of representations, in particular in the living arts. It is the reason why it is necessary to foil and deconstruct the blackface practice and to learn how to un-think race in the theatre, to unpack its imagery, to destroy its foundations, to find stereotypes. Un-think race means to drain the abscess of this colonial, collective unconscious which is still festering in our imagination, and to think about theatre differently. We will come back to the controversies related to blackface which recently sparked a debate on the contemporary stage as well as explore the history of the blackface addressing its political dimension.

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