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Anne Demorieux  : 

La nourriture dans le roman Casalinghitudine de Clara Sereni : un langage extra-verbal structurant

Résumé

Dans son roman Casalinghitudine (1987), un livre de recettes autobiographique, Clara Sereni utilise la nourriture comme un langage extra-verbal. Il s’agit dans cet article d’analyser la fonction structurante de ce langage, en montrant qu’il permet de mettre de l’ordre dans un vécu apparemment chaotique tout en lui donnant du sens. Ce faisant, l’autrice surmonte sa crise identitaire et parvient à assumer son identité multiple.

Abstract

In her novel Casalinghitudine (1987), an autobiographical cookbook, Clara Sereni uses food as an extra-verbal language. This article analyses the function of this language as a structuring element that allows her to bring order to an apparently chaotic experience while giving it meaning. By doing so, the author overcomes her identity crisis and manages to reconcile her different and diverging identities.

Index

Mots-clés : conflit , identité, nourriture, Sereni (Clara)

Géographique : Italie

Chronologique : XXe siècle

Plan

Texte intégral

Dans le roman Casalinghitudine1 (1987), Clara Sereni – née à Rome en 1946 et décédée à Zurich en 2018 – expérimente, à travers la forme du livre de recettes, qui s’inspire de The Alice B. Toklas Cook Book2 (1954), un langage nouveau, celui de la nourriture, étroitement lié à l’expérience féminine quotidienne. Elle considère en effet que la nourriture est « un langage extra-verbal – comme les vêtements, le maquillage et l’ameublement – que les femmes, parfois exclues de la parole masculine, utilisent savamment3 ». Grâce aux nombreuses recettes qu’elle partage avec le lecteur, l’autrice se remémore des souvenirs particuliers auxquels sont associés les plats proposés, composant un texte hybride et fragmenté, qui tient à la fois de l’autobiographie et du roman de formation. Federico Pellizzi, quant à lui, compare ce texte à un journal intime où les « recettes remplacent les dates, créant la juste scansion pour évoquer, enregistrer et mettre en ordre des événements, des situations et des personnes4 ».

Nous nous proposons d’étudier comment les recettes structurent le texte, permettant à l’autrice de résoudre les tensions et les conflits de son existence et de récupérer une mémoire individuelle et familiale, afin d’affirmer sa propre identité.

Un livre de recettes pour mettre de l’ordre dans une vie

L’organisation générale du texte est celle d’un livre de recettes. En effet, comme l’a souligné la critique, les différentes recettes de cuisine sont proposées dans un ordre qui suit la structure traditionnelle du repas italien : « stuzzichini » (amuse-gueules), « primi piatti » (premiers plats : pâtes, soupes, pizzas) – il s’agit généralement de plats énergétiques en raison de leur teneur en sucres lents –, « secondi piatti » (deuxièmes plats : plats à base de viande ou de poisson) – ces plats constituent un apport protéiné –, « uova » (œufs : alternative à la viande et au poisson), verdure (légumes destinés à accompagner le deuxième plat) et « dolcezze » (douceurs).

Nous allons montrer que les souvenirs qui semblent émerger de la mémoire tels un flux de conscience, ne sont pas agencés de manière aléatoire et qu’il existe une cohérence entre la signification de la nourriture évoquée dans le souvenir et la catégorie de plats à laquelle appartient la recette.

« Stuzzichini » : tensions contradictoires préliminaires

Cette section contient des recettes d’amuse-gueule, « stuzzichini » en italien, un nom dérivant du verbe « stuzzicare » dont le sens premier est « taquiner, titiller », d’où le second sens : « stimuler l’appétit » en titillant les papilles. Or les souvenirs racontés dans cette première partie permettent d’introduire les principaux personnages, à l’exception notable du père qui n’est présent que comme personnage secondaire, et les tensions contradictoires auxquelles la narratrice est soumise. Elles sont symboliquement représentées par l’opposition entre plats économiques à la fonction purement nutritive – les plats monotones, dépourvus de toute fantaisie de sa grand-mère paternelle qui fait disparaître tout le superflu lorsqu’elle vient chez eux, ou les plats préparés négligemment que lui servent les membres du groupe politique auquel appartient son compagnon, Massimo – et plats savoureux et esthétiques que l’on déguste avec plaisir – les tomates farcies en forme de champignon de sa belle-mère et les cœurs tendres de laitue qu’elle lui réserve, ou la crème de foies de volaille partagée entre amis lors d’une période de vacances. De cette manière, Sereni présente au lecteur le nœud principal de son existence, le conflit entre sacrifice et dévouement à la cause politique, incarné par les membres de sa famille5 et ceux du groupe de la gauche extraparlementaire « Lotta continua » dont elle fit partie, et la dimension privée, personnelle. Ce conflit est résumé à la fin du dernier récit, lorsque les quatre amis en vacances sont rejoints par Aldo, le leader de leur groupe, dans le constat amer de la narratrice : « on parlait de politique, nous aurions dû parler de nous6 ». La formulation qui associe une tournure impersonnelle au fait de parler de politique, en opposition à la première personne du pluriel qui rend compte de différentes individualités, souligne le risque de dissolution de l’individu dans le collectif, un risque contre lequel la narratrice essaye sans cesse de lutter, tout en manifestant son désir d’appartenance.

« Primi piatti » : sollicitude et partage

Les recettes de cette partie, consacrée aux « primi piatti », renvoient à des souvenirs de personnes et de situations qui s’avèrent nourrissantes pour la narratrice, en ce sens qu’elles ont pu lui donner l’énergie nécessaire pour continuer son iter personnel, ne pas renoncer à vivre pour et par elle-même.

C’est là qu’elle fait le portrait de sa tante paternelle, Ermelinda, qui est l’antithèse de sa grand-mère, figure du sacrifice maternel ; en effet, comme le souligne Elis Deghenghi Olujić, Zia Ermelinda est

[…] il modello femminile della donna che, libera dalla maternità, può concedersi il lusso di dedicarsi a se stessa senza risparmio, abbinando il piacere per le cose belle e futili all’amore della cultura.

[…] le modèle féminin de la femme qui, non entravée par la maternité, peut s’accorder le luxe de se consacrer à elle-même sans retenue, associant le plaisir des belles choses futiles à celui de l’amour de la culture7.

On retrouve chez la narratrice ce même amour des plaisirs superflus, comme le bon vin et les fromages français, un goût que les membres du groupe lui reprochent comme étant très « bourgeois », et cet intérêt pour la culture, puisqu’elle travaille dans le monde du cinéma d’avant-garde, dont les représentants considèrent également avec dédain la cuisine en tant qu’activité domestique, au point qu’elle n’ose pas cuisiner en leur présence. Les moments que la narratrice partage avec sa tante lorsqu’elles font ensemble des gnocchi de semoule sont des moments privilégiés où « la jeune orpheline peut à nouveau sentir qu’on l’aime et qu’on la choie8 ». C’est également grâce à Ermelinda que la narratrice se réapproprie son identité juive à travers le rituel du dîner de Kippur, qui est l’occasion pour elle de se sentir importante grâce au traitement spécial que lui accorde sa tante en lui offrant quelques-unes des grosses olives noires qu’elle aime particulièrement.

Un autre personnage important est sa belle-mère, avec qui la narratrice entretient un rapport a priori difficile, qu’il s’agisse de se disputer l’affection de Massimo, son compagnon, ou de diriger l’éducation de Tommaso, leur fils. Elle juge en effet cette belle-mère trop directive et envahissante, ce qui se traduit dans sa cuisine :

[…] c’è il camino ma la carne non è mai alla brace bensì stracotta, ripassata, ricondita, riciclata. Si sta troppo a tavola, si mangia troppo, ci si occupa troppo del cibo. E sempre pastasciutta, e sughi, e salse, una cucina troppo grassa e proteica che a Massimo, a partire dalla nascita di Tommaso, ha cominciato a procurare disturbi.

[…] il y a une cheminée mais la viande n’est jamais grillée bien au contraire, elle est trop cuite, repassée à la poêle, réassaisonnée, recyclée. On passe trop de temps à table, on mange trop, on s’occupe trop de nourriture. Et toujours des pâtes, et des jus, et des sauces, une cuisine trop grasse et trop protéique qui, après la naissance de Tommaso, a commencé à provoquer des troubles digestifs chez Massimo9.

Le choix des suffixes superlatif (« stra- ») et itératif (« ri- »), l’anaphore de l’adverbe intensif « troppo » et la polysyndète, qui souligne l’accumulation de nourriture, appuient cette dimension excessive, associée aux différents rythmes ternaires. Mais cette figure antagoniste, que la narratrice présente comme l’essence même de la Mère10, va tout à coup être revalorisée grâce à un geste culinaire inédit et solidaire. Tandis que Massimo est en vacances avec Tommaso chez ses parents, la narratrice part seule assister à un congrès en Sardaigne, triomphant à l’idée de réaffirmer « la valeur de [son] travail, de la contribution financière qui en découlait, du rôle non exclusivement maternel qui [lui] incombait11 ». Elle rentre toutefois vaincue par le constat de l’impossibilité de couper le cordon ombilical avec son fils. Sa belle-mère se rend compte de son avilissement mais ne s’en réjouit pas, au contraire, elle aussi choisit volontairement de descendre de son « piédestal », en dévoilant son origine pauvre grâce à la soupe de courgettes de sa mère, dans laquelle elle recycle le pain sec. Ce faisant, elle fait preuve de compréhension et de solidarité féminine envers sa belle-fille. Cette belle-mère lui renvoie une image d’elle-même car elles se ressemblent, elle reconnaît en elle une forme de cette « casalinghitudine12 » – qualité de femme au foyer – qui la caractérise également.

Le partage autour de la nourriture comme palliatif à un moment difficile est aussi au centre du souvenir lié au plat de pâtes et haricots, avec en plus l’idée de créativité. Il s’agit d’un plat qu’elle invente avec Enrico, son meilleur ami, un soutien toujours présent à ses côtés dans les moments difficiles, prenant soin de ne pas reproduire la recette qu’elle connaît et qui est celle qui plaît à son père. La réussite de ce plat que son beau-frère avait brandit comme une menace quand elle avait décidé d’aller vivre seule – « pars, pars vivre seule, tu ne sais pas ce que ça veut dire vivre de pâtes et de haricots13 » – constitue une « revanche » et devient dès lors son « étendard », le symbole de sa conquête de l’indépendance (elle considère ce plat comme emblématique de l’alimentation saine des pionniers du Far West). Pour David Del Principe, qui a analysé le roman dans une perspective écoféministe, le plat représente plus largement une victoire des plus faibles, les pauvres et les femmes, sur les plus forts, les haricots étant considérés comme un aliment de second plan par rapport à la viande14.

« Secondi piatti » : rapports de force et médiations

Les protéines, apportées par la viande et le poisson, sont traditionnellement associées aux muscles et donc à l’idée de force, or les souvenirs racontés dans cette section illustrent principalement des rapports de force, et la résolution ou non de ces conflits.

C’est dans cette partie que se trouve le climax narratif du texte, au moment où la narratrice évoque son adolescence et son problème d’anorexie. On assiste à une scène où la relation conflictuelle est exacerbée, dans laquelle son père incarne l’antagonisme oppresseur de la hiérarchie patriarcale. Cet antagonisme est souligné par le rappel de leurs goûts complètement opposés en matière culinaire. La narratrice se lance le défi de préparer un plat qui plaise à son père, mais, à chaque tentative qu’elle fait, ce dernier trouve toujours une critique à formuler, introduite par la conjonction adversative restrictive « però » (mais), un mot qui devient le symbole de son échec à recevoir l’approbation paternelle et qui la renvoie à son infériorité :

[…] tutta la mia vita, sotto lo sguardo di mio padre, diventava un immancabile però, e ogni moi atto di autonomia, di libertà, di intellettualità si scontrava con il suo furore, o con un sorriso di sufficienza.

[…] sous le regard de mon père, ma vie entière devenait un immanquable mais, et chacun de mes actes d’autonomie, de liberté, d’intellectualité se heurtait à sa fureur, ou à un sourire condescendant15.

Le seul plat qui reçoive finalement son approbation est la reproduction, inconsciente de la part de la narratrice qui pense inventer une recette, d’un plat que faisait sa grand-mère paternelle. Autrement dit, la seule façon de régler le conflit avec son père est de gommer sa personnalité pour se conformer au modèle féminin traditionnel de la société patriarcale.

Aldo est un autre antagoniste masculin dont la narratrice recherche l’approbation. Nous avons déjà évoqué la tension entre ses goûts « bourgeois », considérés comme individualistes, et les idées politiques d’extrême gauche. Ne voulant pas affronter Aldo directement, elle se sert du pot-au-feu comme médiateur dans le conflit entre la posture totalisante et intransigeante de ce dernier et son propre besoin de recherche esthétique et gastronomique. « [L]e pot-au-feu est un plat bon marché, je pensai qu’il était acceptable. Les couleurs des légumes, les dentelles de mayonnaise me le rendaient tolérable16 ». L’effort fait est souligné par la gradation des adjectifs, « tolérable » ayant une connotation négative plus marquée que « acceptable ». Cette tentative se solde toutefois par un échec car Aldo lui reproche d’avoir consacré trop de temps à la cuisine (au lieu de s’occuper de choses importantes comme la politique).

« Uova » : l’importance du privé

L’œuf représente un monde clos et protecteur dans lequel grandir, à l’abri du monde. Les trois souvenirs présents dans cette section mettent en évidence l’importance du cocon familial et du nid protecteur que constitue la maison, à condition de ne pas y être assujettie.

Dans le premier, la narratrice, âgée de quatorze ans, décide pour la première fois de quitter la maison paternelle et va s’installer quelques temps chez sa sœur aînée, qui représente tout ce à quoi elle aspire : « Ada était l’élégance, la liberté, le risque, la fantaisie : tous les aspects de la vie qui, à la maison, me semblaient congelés dans des lois rigides et étrangères17 ». Tout comme Zia Ermelinda, Ada correspond à une certaine image traditionnelle de la féminité, qui prend soin de son apparence et aime les belles choses, mais elle incarne également un nouveau modèle de femme, à la fois mère et indépendante, engagée politiquement mais refusant de se sacrifier. Sa personnalité se manifeste dans sa cuisine, Ada ayant l’art d’améliorer l’ordinaire avec une cuillérée de crème ou une larme de whisky. Les crêpes sont une de ses spécialités qu’elle réserve aux grandes occasions – « fréquentes, il suffisait d’en avoir envie18 », commente la narratrice. Comme sa sœur, elle considère la nourriture comme une source de plaisir, et non comme une contrainte nutritionnelle. Il n’est donc pas nécessaire de rejeter l’aspect domestique pour s’épanouir.

Le deuxième souvenir se déroule dans les années 68-69, une période où la narratrice se décrit comme étant imperméable au monde, une définition qui renvoie justement à la coquille d’œuf. Elle se remémore l’enregistrement de son unique disque en tant que chanteuse folk, et son flirt avec Giovanni, qui poursuivit une carrière de chanteur, contrairement à elle. Elle raconte son embarras, le soir où Giovanni vint chez elle après avoir enregistré son premier disque, car elle était avec Massimo et des amis. Elle dut faire un choix et choisit Massimo, autrement dit la stabilité du couple, la possibilité de fonder une famille, le cocon de la dimension privée, tout ce qu’elle avait rejeté dans un premier temps.

Le dernier souvenir est un souvenir apaisé, lié à des vacances avec ses sœurs aînées, dans la maison de Formia, un pied-à-terre que son père avait fait construire dans sa circonscription électorale. Là, elle aime à rester seule, se consacre aux tâches ménagères, devient la maîtresse de maison. Quand son père vient leur rendre visite avec sa deuxième épouse, il repart bien vite « vers un monde exclusif contenu dans un mot-clé : le Parti19 ». Ce mot apparaît comme une coquille d’œuf enfermant ses membres dans un monde d’où est exclue la dimension privée, alors que la maison de Formia représente pour la narratrice un espace de liberté.

« Verdure » : individuel et collectif

Dans son article, David Del Principe rappelle les stéréotypes féminins associés aux légumes, qui symbolisent les prétendues faiblesse et infériorité des femmes20. Les souvenirs associés à cette section tendent à montrer l’échec du collectif (pensé par le masculin) et le retour à l’individualisme. Comme l’a montré Mirna Cicioni, le livre illustre ce que le philosophe italien Gianni Vattimo a théorisé, à savoir la fin du « pensiero forte » et de ses discours totalisants, et son remplacement par le « pensiero debole » qui remet en question la prétention des notions traditionnelles à la base du développement de la civilisation occidentale à être des vérités absolues et universelles21. Nous allons voir que cette idée est particulièrement visible dans cette partie.

La narratrice évoque ses retrouvailles avec Aldo qui l’invite à une pendaison de crémaillère plusieurs mois après que le groupe s’est séparé. Tous les détails domestiques évoqués – la maison propre et rangée, la nouvelle compagne vêtue avec goût et bien coiffée, la participation de Aldo à la cuisine – témoignent du changement advenu chez ce dernier : en renonçant à la politique, il s’est autorisé à vivre pour lui, revalorisant la dimension privée et individuelle. Cette nouvelle attention portée à l’autre est représentée par son embarras lorsqu’il aperçoit un piment dans la sauce et se souvient subitement de l’allergie de la narratrice.

Ce récit s’oppose au suivant qui concerne un moment de cohésion du groupe, en 1975, le jour de l’anniversaire de Massimo. Pour l’occasion, la narratrice prépare un gratin d’aubergines à la béchamel, grâce à la contribution des autres filles du groupe qui apportent chacune des tranches d’aubergines qu’elles ont fait cuir au préalable. « Les plats qui entraient et sortaient du four créaient du lien, la capacité à être ensemble et à amalgamer les différences22 » : il s’agit de l’expression symbolique d’une utopie collective à laquelle il était encore possible de croire à l’époque.

Il y a pourtant dans cette partie un exemple de communauté solidaire réelle : celle que créent les femmes enceintes hospitalisées au Policlinico Gemelli parce qu’elles ont des problèmes de santé liés à leur grossesse. La narratrice, à qui l’on a diagnostiqué un diabète, y est admise pour suivre un régime alimentaire approprié. Alors qu’elle se conforme scrupuleusement aux prescriptions médicales, elle se rend compte que les autres femmes n’ont que faire des plats insipides qui leur sont servis, et que, dès que l’infirmière est partie, elles se partagent des aliments interdits. Il s’agit dans ce cas d’une réponse collective à l’intrusion du politique dans le privé, et au contrôle masculin exercé sur l’expérience exclusivement féminine que constitue la grossesse. Les femmes qui entourent la narratrice apparaissent comme détentrices d’un savoir pratique qu’elle ignore – elle qui suit scrupuleusement le régime prescrit –, et qui s’oppose au savoir rationnel et scientifique des médecins.

« Dolcezze » : l’importance de créer du lien

Ernesto Livorni a souligné que le nom de l’avant-dernière section constituait une entorse par rapport à la terminologie habituelle des livres de recettes où l’on emploie le mot « dolci » (desserts). Pour le chercheur, Sereni a choisi de souligner avec ce sous-titre la dimension psychologique de la nourriture, les sucreries étant source de réconfort23.

Les souvenirs les plus significatifs illustrent par antithèse l’importance de la douceur, envisagée comme la capacité à créer du lien. Ils sont en effet caractérisés soit par la froideur et l’artificialité des rapports humains dans le cercle fermé des organisatrices de congrès, soit par la condescendance et la moquerie du groupe de cinéastes contestataires qui a supplanté les réalisateurs de la Mostra de Venise. Dans le premier cas, la narratrice, invitée à une réception mondaine, cherche un peu de chaleur humaine dans la cuisine où elle demande à la cuisinière la recette de sa glace mais reçoit en retour le mépris de classe de la domestique qui ne conçoit pas qu’elle puisse vouloir la faire elle-même. Dans le deuxième cas, c’est elle qui, suivant le groupe dans lequel elle se trouve, se montre injuste et cruelle envers une réalisatrice qui lui avait offert, un jour de canicule, un gin-fizz, un geste qu’elle analyse a posteriori comme « un geste généreux envers une secrétaire, ou envers une femme, ou envers une personne24 ». Le rythme ternaire nous semble significatif d’une nouvelle approche, qui dépasserait les différences de classe et de genre, des catégories exclusives, pour mettre l’humain au cœur du politique, une approche inclusive. La capacité à créer un lien avec l’autre devient dès lors garante d’une touche de douceur dans un monde qui peut paraître hostile.

Le déroulement du repas permet à Sereni de reparcourir son existence et d’y mettre de l’ordre, face à la dimension chaotique qui s’empare du monde contemporain avec la disparition des idéologies, la montée de l’individualisme et les nouveaux rôles que les femmes sont amenées à jouer dans la société. En mettant en évidence ses contradictions et ses difficultés à appartenir à un groupe, en distinguant les valeurs indispensables et celles qui sont dangereuses, l’autrice acquiert une connaissance intime de soi et peut affirmer qu’elle place elle veut occuper dans le monde.

Se composer une nouvelle identité

Nous avons vu que le principal antagoniste de la narratrice était son père. Après la mort de ce dernier, en même temps qu’elle perd son statut de « fille de », elle comprend qu’elle a besoin de s’enraciner dans une nouvelle identité. La naissance de son fils, peu de temps après, en la rendant responsable d’un autre être vivant, va l’aider à donner un nouveau sens à sa vie. La pratique de la cuisine qui laisse la liberté d’innover à partir de recettes existantes devient alors une métaphore de la construction identitaire.

Aux six catégories de recettes examinées précédemment s’en ajoutent deux autres qui constituent en quelque sorte le prologue et l’épilogue du texte, il s’agit de la section « per un bambino » (pour un enfant) et de celle liée à la fabrication de conserves et présentée sous le titre « conservare » (conserver). Leur position dans l’économie du roman souligne leur importance, tout comme leurs titres qui ne sont pas des groupes nominaux, contrairement aux titres des autres sections, mais un complément circonstanciel de destination introduit par la préposition « pour », et un verbe à l’infinitif qui constitue une prescription. Ces considérations nous permettent de donner une première clé de lecture du texte : il s’agit de conserver – quoi ? des recettes, la mémoire familiale – pour donner cet héritage à l’enfant, c’est-à-dire lui donner des racines. Le roman se présente donc comme une tentative de récupération de la mémoire familiale, grâce à un cheminement à rebours, qui part de son fils, l’avenir, pour retourner à son père, le passé.

Il n’est pas anodin que Sereni conclue son propre texte per la citation d’un texte de son père25 : elle accepte finalement le difficile héritage paternel. Dans le passage cité, Emilio Sereni rappelle que les pâtes à la sauce tomate, considérées comme étant le plat traditionnel de Naples, ne furent inventées que bien après l’introduction massive des « maccheroni » dans l’alimentation du peuple napolitain. Autrement dit, la tradition familiale est amenée à s’enrichir des innovations apportées à chaque génération, sa préservation ne peut se concevoir qu’en rapport avec le changement, comme le souligne justement Ernesto Livorni26. Ainsi la narratrice laisse-t-elle à son fils une histoire familiale cuisinée à sa sauce, et c’est ce qu’elle nous dit dans la section « conservare », verbe qui acquiert un deuxième sens, celui de « conserver » la mémoire familiale, sans toutefois se laisser engloutir par elle. Si elle continue à faire des conserves de fruits et de légumes comme le lui a enseigné sa belle-mère, ou à faire sécher de la viande selon la tradition de sa grand-mère paternelle, la narratrice avoue que la recette du « vov » de sa tante Ermelinda a été perdue, et que, même si elle l’avait, elle n’aurait sûrement pas le courage de se lancer dans cette réalisation laborieuse : elle a compris que l’héritage familial ne devait pas être un sacerdoce.

En outre, les sections « per un bambino » et « conservare » constituent une charnière importante puisqu’ils circonscrivent le récit, lui conférant une limite temporelle. Le texte de Sereni apparaît dès lors comme un roman de formation, dans lequel la protagoniste est en quête d’identité jusqu’à ce moment charnière qui va donner le jour à ce « Je cuisinant », ainsi que le définit Elisa Gambaro27, expression de la nouvelle identité de la narratrice. Il y a en effet un contraste important entre le « Je » qui s’exprime dans les recettes de cuisine, dont le déroulement est énoncé à la première personne du présent de l’indicatif, un temps qui correspond dans les récits traditionnels au présent de la narration, et la narratrice à la première personne qui s’identifie davantage à la protagoniste en quête d’identité qu’elle raconte28. Ainsi, Giuliana Menozzi a-t-elle relevé:

[…] the discrepancy between the “I” that speaks in the recipes and the “I” of the narrative fragments. The latter is painfully and tentatively engaged in finding its space, in negotiating it, whereas the former shows security, assertiveness and self-confidence.

[…] la divergence entre le “Je” qui parle dans les recettes et le “Je” des parties narratives. Ce dernier est engagé d’une manière douloureuse et hésitante dans la recherche et la négociation de sa propre place, alors que le premier fait preuve d’assurance et de confiance en soi.29

Le « Je cuisinant » a une place centrale dans la description de l’exécution des recettes, il se présente en tant qu’agent grâce aux nombreux verbes d’actions employés : « [j]e dilue la farine dans un peu de lait, je fais rapidement tiédir sur le feu, j’ajoute du parmesan râpé en abondance30 », pour ne citer que l’exemple de « la bouillie au lait et au fromage ». En outre, ce « Je cuisinant » s’est approprié du langage de la parole grâce auquel il affirme ses préférences – « à Cetona on trempait [le pain] dans le bouillon mais moi je préfère quand il est grillé au four31 – et assume ses choix – « quand j’en ai le temps et l’envie, je maintiens avec un cure-dent les deux moitiés du sandwich pour éviter qu’il ne se déforme ou ne s’ouvre sous l’effet de la chaleur32 ». Nous sommes loin ici de l’adolescente qui n’ose pas répondre à son père, lorsqu’il critique les courgettes farcies qu’elle a cuisinées, qu’elle les trouve bien meilleures que celles de sa grand-mère, et qui vomit durant la nuit tout son repas. Dans ce cas c’est avec le langage du corps qu’elle exprime ce qu’elle a sur le cœur, en ne digérant pas, au sens littéral, les reproches de son père. Le va-et-vient continu entre l’un et l’autre « Je » permet d’appréhender plus facilement la différence entre les deux, de prendre la mesure de la transformation identitaire qui a eu lieu. La cuisine apparaît alors comme un espace où le « Je » peut finalement exister et s’exprimer librement.

Cette construction identitaire est d’autant mieux mise en évidence que la narratrice a recours à la troisième personne lorsqu’elle parle de sa petite enfance, se désignant tantôt comme « l’orpheline » tantôt comme « l’enfant ». Elle souligne ainsi l’absence d’une identité précise, liée à des souvenirs réels, ce qu’elle associe à la mort précoce de sa mère, alors qu’elle n’avait que six ans. Or les philosophes féministes de la pensée de la différence comme Luisa Muraro et Luce Irigaray ont mis en évidence la nécessité d’un rapport symbolique à la mère pour que la fille puisse forger son identité de femme. La narratrice ne connaît de sa mère que ce que la mémoire collective lui en a transmis, à savoir l’image d’une « sainte, une héroïne, une martyre33 ». Il s’agit d’une femme qui, comme son mari, s’est entièrement dévouée à la cause du Parti, et dont la perfection écrase les autres figures féminines qui se trouvent confrontées à son image, comme c’est le cas de la belle-mère de la narratrice. Clara Sereni, interrogée au sujet du livre de sa mère, a déclaré qu’il avait été pour elle comme « un grand bouchon de bouteille », et, détaillant les circonstances de sa publication – son père dictait le livre à sa secrétaire, secrétaire qu’il avait épousée –, jugea que ce faisant, « il posait ce monument au-dessus de sa tête »34. Dans les deux cas, l’image est celle de quelque chose qui emprisonne, qui empêche de s’élever, de s’épanouir. Or la narratrice adolescente partage avec sa belle-mère un manque d’appétit notoire, qu’elle identifie dans son propre cas à de l’anorexie. Dès lors qu’elle part vivre seule, ses symptômes disparaissent : « la liberté me fit prendre du poids : mon corps tout en coudes et en genoux commença à s’arrondir35 ». Toutefois la nourriture lui permet aussi de recréer un lien symbolique avec sa mère à travers la recette des paupiettes de chou farci dont « il lui plaît à penser qu’[elles] lui viennent d’elle36 ».

Mais « l’enfant » qu’elle raconte est également la protagoniste d’un conte familial qu’elle imagine pour nourrir son besoin d’attention et d’amour de la part de son père. Elle crée un personnage de père aimant, qui l’emmène avec lui à ses congrès politiques, maladroit pour lui enfiler son pyjama, lui racontant des histoires qu’il invente pour elle. Un père qui, alors qu’ils sont à Vienne et que l’enfant, brûlante de fièvre, ne veut rien avaler, use de toute son influence politique pour obtenir un bouillon de viande avec un œuf et du parmesan qui la revigore. Le récit de ce souvenir imaginé se termine ainsi : « il l’enveloppa dans une couverture rouge, la prit dans ses bras, et nous descendîmes du train37 ». Il s’agit pour la narratrice de créer un espace où les deux individualités adverses puissent se rejoindre et s’unir en un seul pronom, « nous », expression d’une relation pacifiée qui n’est jamais advenue.

Conclusion

Avec son roman Casalinghitudine, Clara Sereni a exploré la possibilité de se raconter et de se dire dans une nouvelle forme – le livre de recettes autobiographique – et dans un nouveau langage – celui de la nourriture.

Nous avons vu combien la nourriture était liée à la question de l’identité, parce que les recettes constituent un héritage familial et culturel, qu’elles font partie de rituels qui définissent l’appartenance ou non à une famille, à un groupe. La dimension composite du livre représente la dimension fragmentée de l’identité de Sereni : la forme et le langage adoptés illustrent parfaitement cet aspect. Mais ils aident aussi à faire émerger l’implicite. La cuisine constitue alors un espace symbolique où, en plus de transmettre, on peut se reconstruire ou s’inventer.

C’est également un lieu où s’articule le rapport entre public et privé car le repas, le partage de nourriture, représentent la première forme de sociabilité. La nourriture dans le livre de Clara Sereni permet alors de raconter aussi un moment historique particulier, où l’on passe de l’hégémonie des projets politiques totalisants au triomphe de l’individualisme. Pour l’autrice, comme pour les féministes des années 70, le privé est politique et la cuisine devient un espace de conciliation possible entre les deux dimensions. On peut alors lire en filigrane une nouvelle conception politique qui substitue aux rapports de force la prise en compte et le souci de l’autre. Dès lors, la « casalinghitudine » devient la revendication d’une éthique du care qui appartient en particulier aux femmes, un principe qui guidera dorénavant Clara Sereni, qui « a fait sien l’étendard du prendre soin des autres38 ».

Notes de bas de page numériques

1 Cette œuvre de Clara Sereni n’a pas été publiée en français, les traductions des citations sont celles de l’autrice de l’article.

2 Sereni cite le livre de Toklas dans le texte introductif de la deuxième édition du roman. Voir Clara Sereni, Casalinghitudine [1987], Florence, Giunti, 2015, « Italiana. Narratori Giunti », p. 6.

3 « Un linguaggio extra-verbale – come l’abbigliamento, il maquillage, l’arredamento – che le donne, talvolta escluse dalla parola maschile, usano con particolare sapienza ». Clara Sereni, Casalinghitudine [1987], Florence, Giunti, 2015, « Italiana. Narratori Giunti », p. 10.

4 « Le ricette sostituiscono le date, creando la giusta scansione per evocare, registrare e ordinare eventi, situazioni e persone […] ». Federico Pellizzi, « Casalinghitudine tra identità e storia : La scrittura pluristratificata di Clara Sereni », Scrittori italiani di origine ebrea ieri e oggi : un approccio generazionale, Raniero Spleeman, Monica Jansen e Silvia Gaiga, (a cura di), Utrecht, Italianistica Ultraiectina 2, 2007, p. 279.

5 Son père, Emilio Sereni, et sa mère, Xenia Silberberg, furent deux membres éminents du Parti Communiste Italien.

6 « Si dicuteva di poltica, avremmo dovuto parlare di noi ». Clara Sereni, Casalinghitudine, op. cit., p. 34.

7 Elis Deghenghi Olujić, « L’universo femminile, lo spazio domestico e la famiglia nelle opere di Clara Sereni », Studia polensia, 1, 2012, p. 56.

8 « […] special moment in cui the orfan girl can again feel loved and cared for ». Ioana Raluca Larco, « Anorexic symptoms in Clara Sereni’s Casalinghitudine », gender/sexuality/italy [en ligne], 6, 2019, p. 202, http://www.gendersexualityitaly.com/?p=4307 (cons. le 25 avril 2022).

9 Clara Sereni, Casalinghitudine, op. cit., p. 54. Notons encore une fois l’utilisation d’un langage corporel symbolique : Massimo devenu père a du mal à être traité par sa mère encore comme un enfant ; la difficulté du passage du statut de fils à celui de père génère un trouble identitaire qui se traduit physiquement par des troubles digestifs.

10 Je m’appuie sur la citation suivante pour affirmer cela : « Lei zia prediletta di tutti i nipoti, sarta, cuoca, casalinga. Madre. / Elle, la tante préférée de tous ses neveux et nièces, couturière, cuisinière, femme au foyer. Mère ». Clara Sereni, Casalinghitudine, op. cit., p. 53. En isolant le mot « mère » dans une phrase nominale singulière, l’autrice le met en valeur ; il apparaît ainsi comme la meilleure définition possible, voire comme le synonyme, de cette femme qui se consacre entièrement à habiller, nourrir et entretenir sa famille.

11 « Si ribadiva il valore del mio lavoro, del contributo economico che ne derivava, del ruolo non solo di madre che mi competeva ». Clara Sereni, Casalinghitudine, op. cit., p. 55.

12 C’est un néologisme formé par l’autrice à partir du substantif « casalinga » (femme au foyer) et du suffixe « -itudine » qui indique l’état, la qualité de quelque chose.

13 « Vai, vai a vivere da sola, tu non sai cosa significhi campare di pasta e fagioli ». Clara Sereni, Casalinghitudine, op. cit., p. 46.

14 David Del Principe, « Consuming Women and Animals in Clara Sereni’s Casalinghitudine », Italica, 76, 2, 1999, pp. 215.

15 Clara Sereni, Casalinghitudine, op. cit., p. 81.

16 « […] il bollito costa poco, pensai che fosse accettabile. I colori dei sottaceti, i ricami di maionese lo rendevano tollerabile per me ». Clara Sereni, Casalinghitudine, op. cit., p. 92.

17 « […] Ada era l’eleganza, la libertà, il rischio, la fantasia : tutta la vit ache in casa mi appariva congelata in leggi rigide ed estranee ». Clara Sereni, Casalinghitudine, op. cit., p. 113.

18 « […] frequenti, bastava averne voglia ». Clara Sereni, Casalinghitudine, op. cit., p. 114.

19 « Poi mio padre e sua moglie ripartivano, verso un mondo esclusivo racchiuso in una parola-chiave : il Partito ». Clara Sereni, Casalinghitudine, op. cit., p. 120.

20 Voir David Del Principe, « Consuming Women and Animals in Clara Sereni’s Casalinghitudine », op. cit., p. 6.

21 Mirna Cicioni, « “Better losers than lost” : self, other and irony in Clara Sereni’s autobiographical macrotest », Susan Scarparo, Rita Wilson, Across Genres, Generations and Borders : Italian Women Writing Lives, Cranbury, Associated University Presses, 2004, pp. 86-99.

22 « […] le teglie che entravano e uscivano fal forno formavano un rapporto, la capacità di essere insieme e amalgamare le differenze ». Clara Sereni, Casalinghitudine, op. cit., p. 131.

23 Ernesto Livorni, « Clara Sereni’s Casalinghitudine : Recipes for political history », op. cit., note 5, p. 90.

24 « […] un gesto gentile verso una segretaria, o verso una donna, o forse verso una persona ». Clara Sereni, Casalinghitudine, op. cit., p. 149.

25  Emilio Sereni, « Note di storia dell’alimentazione nel Mezzogiorno : i Napoletani da “mangiafoglie” a “Mangiamaccheroni” », Cronache meridionali, 1958. Dans cet essai, l’auteur étudie le passage d’une alimentation principalement basée sur le chou à une alimentation constituée essentiellement de pâtes.

26 Ernesto Livorni, « Clara Sereni’s Casalinghitudine : Recipes for political history », Representing Italy through food, Peter Naccarato, Zachary Nowak, Elgin K. Eckert, Londres, Bloomsbury, 2017, p. 88.

27 Elisa Gambaro, Diventare autrice. Aleramo Morante de Céspedes Ginzburg Zangrandi Sereni, Milan, Unicopoli, 2018, « Modernistica », p. 262.

28 Signalons qu’il n’y a que dans la première et, surtout, dans la dernière section, que la narratrice à la première personne emploie le présent de narration pour se présenter telle qu’elle est dorénavant, ce qui montre encore une fois qu’il s’agit d’un moment charnière.

29 Giuliana Menozzi, « Food and subjectivity in Clara Sereni’s Casalinghitudine », Italica, 71, 2, 1994, p. 220.

30 « pappa al latte e al formaggio / Sciolgo le farine in poco latte, faccio rapidamente intiepidire sul fornello, aggiungo parmigiano grattuggiato in abbondanza ». Clara Sereni, Casalinghitudine, op. cit., p. 17.

31 « Da spalmare caldissima su fette di pane casereccio, che a Cetona bagnavano nel brodo ma che preferisco bruscate in forno ». Clara Sereni, Casalinghitudine, op. cit., p. 33.

32 « Quando ho tempo e voglia, fermo con uno stuzzicadenti le due metà del panino per evitare che, con il calore, si sformi o si scoperchi ». Clara Sereni, Casalinghitudine, op. cit., p. 23.

33 « Secondo una tradizione consolidata e suffragata mia madre era una santa, un’eroina, una martire ». Clara Sereni, Casalinghitudine, op. cit., p. 59.

34 Alessandro Casellato, « Famiglia, genere, politica. Una conversazione con Clara Sereni », Snodi, 4, 2009, pp. 112-113.

35 « […] la libertà mi fece ingrassare : il mio corpo di gomiti e ginocchia cominciò ad addolcirsi ». Clara Sereni, Casalinghitudine, op. cit., p. 88.

36 « Mi piace pensare che gli involtini di cavolo – credo di tradizione slava – discendano da lei ». Soulignons l’emploi du verbe « discendere » qui, en italien, correspond exclusivement à l’emploi du verbe français « descendre » dans le sens « avoir pour origine », qui met en relief l’idée de filiation. Clara Sereni, Casalinghitudine, op. cit., p. 77.

37 « L’avvolse in una coperta rossa, la prese in braccio, e scendemmo dal treno ». Clara Sereni, Casalinghitudine, op. cit., p. 63.

38 Déclaration de Francesca Caputo lors de la Table Ronde dirigée par Mario Balenghi le 18 novembre 2019 à l’Université Bicocca de Milan.

Bibliographie

Corpus

Sereni Clara, Casalinghitudine [1987], Florence, Giunti, 2015 (édition consultée), « Italiana. Narratori Giunti »

Études

Casellato Alessandro, « Famiglia, genere, politica. Una conversazione con Clara Sereni », Snodi, 4, 2009, pp. 111-122

Cicioni Mirna, « “Better losers than lost”: self, other and irony in Clara Sereni’s autobiographical macrotest », Susan Scarparo, Rita Wilson, Across Genres, Generations and Borders: Italian Women Writing Lives, Cranbury, Associated University Presses, 2004, pp. 86-99

Degnenghi Olujic Elis, « L’universo femminile, lo spazio domestico e la famiglia nelle opere di Clara Sereni », Studia polensia, 1, 2012, pp. 45-68

Del Principe David, « Consuming Women and Animals in Clara Sereni’s Casalinghitudine », Italica, 76, 2, 1999, pp. 205-219

Gambaro Elisa, Diventare autrice. Aleramo Morante de Céspedes Ginzburg Zangrandi Sereni, Milan, Unicopoli, 2018, « Modernistica »

Livorni Ernesto, « Clara Sereni’s Casalinghitudine : Recipes for political history », Representing Italy through food, Peter Naccarato, Zachary Nowak, Elgin K. Eckert, Londres, Bloomsbury, 2017, pp. 77-93

Menozzi Giuliana, « Food and subjectivity in Clara Sereni’s Casalinghitudine », Italica, 71, 2, 1994, pp. 217-227

Pellizzi Federico, « Casalinghitudine tra identità e storia : La scrittura pluristratificata di Clara Sereni », Scrittori italiani di origine ebrea ieri e oggi : un approccio generazionale, Raniero Spleeman, Monica Jansen e Silvia Gaiga, Utrecht, Italianistica Ultraiectina 2, 2007, pp. 277-292

Raluca Larco Ioana, « Anorexic symptoms in Clara Sereni’s Casalinghitudine », gender/sexuality/italy, 6, 2019, p. 202, http://www.gendersexualityitaly.com/?p=4307

Pour citer cet article

Anne Demorieux, « La nourriture dans le roman Casalinghitudine de Clara Sereni : un langage extra-verbal structurant  », paru dans Loxias, 77., mis en ligne le 15 juin 2022, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/lodel/index.html?id=10021.

Auteurs

Anne Demorieux

Agrégée d’Italien en poste au Lycée Thiers de Marseille, Anne Demorieux a consacré sa thèse de doctorat à Caterina Percoto, écrivaine patriote du Risorgimento, et à son œuvre. Elle poursuit ses recherches sur la représentation des femmes dans la littérature italienne du XIXe siècle. Son intérêt pour la question des femmes en rupture avec l’ordre patriarcal l’a aussi amenée à s’interroger sur les figures de sorcières et de saintes mystiques dans des textes plus contemporains.