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Sonia Gavory  : 

Vladimir Maïakovski lu par Antoine Vitez : donner à entendre le poète avant-gardiste en France, contre sa relecture réaliste socialiste en U.R.S.S.

Résumé

L’œuvre du poète et dramaturge Vladimir Maïakovski a été tour à tour accusée de formalisme, oubliée puis encensée pendant la période soviétique. Cet héritage compliqué s’est longtemps élaboré en rejetant les liens qu’elle avait pu établir avec l’avant-garde russe des années 20. Nourri par les travaux d’Elsa Triolet et de l’universitaire italien Angelo Maria Ripellino, le metteur en scène et traducteur Antoine Vitez a contribué à faire connaître en France cette œuvre en réaffirmant ses affinités avec le mouvement futuriste. La conception de son « émission Maïakovski », présentée à Caen en 1964, illustre plus particulièrement les réflexions et les stratégies qui ont accompagné cette démarche de réhabilitation en se concentrant sur le rapport entre le public et la voix du poète.

Abstract

The work of the Russian poet and playwright Vladimir Mayakovsky has been successively accused of formalism, forgotten, and praised during the Soviet period. This complex reception has long been intertwined with the rejection of the Russian literary vanguard writing in the 20’s. Building on Elsa Triolet’s and the scholar Angelo Maria Ripellino’s works, Antoine Vitez, a theatre producer and translator, contributed to the diffusion of Mayakovsky’s poetry to France while assessing its proximity to the futurist movement. The project of the ‘émission Maïakovski’, presented in Caen in 1964, perfectly illustrates the reflections and strategies that aimed to rehabilitate the poet by focusing on the relationship between the audience and the poet’s voice.

Index

Mots-clés : avant-garde russe , Maïakovski, réalisme socialiste, traduction, Vitez

Plan

Texte intégral

1La découverte de Vladimir Maïakovski en France a d’abord été le fruit du travail d’Elsa Triolet. À sa suite, Antoine Vitez a contribué à la diffusion de cette œuvre de plusieurs façons. Sa mise en scène des Bains en 1967 a bénéficié d’une certaine reconnaissance dans le milieu théâtral, mais il est moins connu pour s’être positionné parmi les spécialistes du poète russe et en avoir donné de nombreuses lectures, animé par le désir manifeste de faire résonner une œuvre qu’il jugeait à la fois révolutionnaire et prophétique. Le sens de cette démarche apparaît d’autant plus important que de nombreuses polémiques ont continué d’entourer Maïakovski après sa mort. D’abord oubliée puis encensée par le régime soviétique, la mémoire du poète a subi d’importantes déformations au mépris de la reconnaissance de ses audaces formelles ainsi que de ses affinités avec l’avant-garde russe des années 20. Vitez, nourri par les recherches de différents critiques et encouragé par Triolet, a contribué à la réhabilitation de ce pan de son œuvre en mettant ses activités de traducteur et de metteur en scène, mais également ses qualités de lecteur, au service de cette redécouverte. Son « émission Maïakovski », créée pour la première fois au Théâtre-Maison de la culture de Caen en 1964, donne un aperçu intéressant des réflexions qui ont accompagné son désir de faire reconnaître l’importance du poète.

La mémoire tourmentée d’une œuvre aux multiples facettes

Mort et renaissance d’un poète soviétique

2Maïakovski a chanté la révolution et les progrès du communisme, mais n’en a pas moins été accusé de formalisme. Dès les années 20, la réception de son œuvre en U.R.S.S. fait l’objet de controverses. Après avoir été lié pendant plusieurs années aux futuristes, il fonde en 1923 la revue LEF (Front gauche de l’art) qui réunit différents artistes à la recherche d’un art révolutionnaire, opposé aux anciens modèles. Cette organisation va progressivement perdre le soutien du pouvoir au profit du Proletkult (Culture du prolétariat) puis du RAPP (Association russe des écrivains prolétariens). Contrairement à l’art de gauche, celles-ci ne se soucient pas de trouver de nouvelles façons d’exprimer la réalité politique et sociale du pays. Elles se contentent de glisser à l’intérieur de formes anciennes un discours politique nouveau qu’elles jugent plus accessible pour les masses. Elles privilégient également un certain réalisme là où le groupe LEF s’inscrivait en partie dans la continuité des expérimentations du futurisme. Maïakovski vit douloureusement la manière dont cette conception conservatrice de l’art finit par l’emporter. En 1930, alors qu’il s’est déjà éloigné du LEF et qu’il subit les attaques répétées du RAPP, il décide de rejoindre ce dernier dans l’espoir de mettre fin à son ostracisation. Les critiques s’accentuent de part et d’autre1, tandis que sa pièce Les Bains, montée par Vsevolod Meyerhold, est victime d’une cabale. Isolé, il met fin à ses jours le 14 avril 1930. Après sa mort, Maïakovski tombe d’abord dans l’oubli. Lili Brik, qui fut son grand amour, se mobilise alors pour réunir ses écrits et lutte pour que soit officiellement reconnue l’importance du poète. Elle trouve finalement un appui auprès de Staline après lui avoir adressé une lettre personnelle. En 1935, celui-ci le consacre meilleur poète de l’époque soviétique. Maïakovski devient ainsi l’un des poètes officiels du régime, au prix de quelques réécritures. Désormais, il ne s’agira plus de l’accuser de formalisme, mais au contraire, de gommer sa participation à certains mouvements esthétiques antérieurs et de présenter une partie de son œuvre comme un hommage réaliste à la grandeur et à la modernité du régime soviétique. Ainsi, le culte rendu à Maïakovski peut s’intégrer aux principes du réalisme socialiste qui s’imposent. L’œuvre aux multiples facettes est oubliée au profit d’une seule.

Elsa Triolet, ambassadrice de l’œuvre de Maïakovski en France

3Elsa Triolet, la sœur de Lili Brik, fait la connaissance de Maïakovski alors qu’elle n’est encore qu’une adolescente. Elle restera liée au poète toute sa vie, y compris après son emménagement à Paris dans les années 20. Elle suit l’évolution de son œuvre et sera la première à le faire connaître en France. En 1939, elle fait paraître ses Souvenirs2 de Maïakovski dans lesquels elle relate leur rencontre et rend hommage à la force de sa production poétique et dramatique. Cette première publication s’accompagne d’un poème de l’auteur, « À pleine voix », traduit par Triolet et relu par Aragon. Toutefois, il faudra attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que ce livre soit réédité après avoir été détruit par la police. Quelques années plus tard, en 1952, elle publie Maïakovski, vers et proses3, un recueil regroupant plusieurs traductions de poèmes, ainsi que de courts essais sur différents aspects de l’œuvre de Maïakovski. Au cours des années 60, l’intérêt de la France pour le poète grandit, appuyé par différentes publications de Triolet, notamment dans Les Lettres françaises. Elle offre alors à la France un visage de Maïakovski différent de celui du mythe officiel qui succède à sa réhabilitation en U.R.S.S. À travers ses essais et ses articles, elle rend hommage aux audaces formelles du poète et ne masque pas ses liens avec le futurisme, notamment en évoquant dans ses Souvenirs l’amitié qui le liait au peintre David Bourliouk4. Toutefois, lorsqu’elle évoque la participation de Maïakovski à différents mouvements avant-gardistes, c’est d’abord pour mieux faire entendre sa singularité : « Son extraordinaire ressort vital lui permettait de ne pas s’installer dans un “mouvement”, et quand un “mouvement” devenait piétinement, il savait l’admettre et chercher ailleurs5 ». À plusieurs reprises, elle évoque également les critiques auxquelles il a pu être exposé en raison de la dimension expérimentale de ses écrits. Elle s’en prend notamment à la RAPP qui a fortement nourri l’idée d’une poésie hermétique, éloignée du prolétariat. Cependant, tout en dessinant l’image d’un Maïakovski iconoclaste et difficilement réductible à un seul pan de son œuvre, Triolet n’hésite pas à recourir aux propos de Staline lorsqu’elle désire faire valoir l’importance du poète. En 1939, elle écrit :

Staline qui a su et qui sait ce que c’est que le génie de Maïakovski, lui qui considère que : « Maïakovski est et reste le meilleur, le plus doué [il faudrait dire en français : le plus grand], poète de notre époque soviétique », et que « l’indifférence à sa mémoire et à son œuvre est un crime6 ».

4Elle ne fait alors que reconnaître l’appui que sa sœur a elle-même sollicité pour faire face à l’oubli qui menaçait le poète. Plus tard, elle luttera contre les critiques qui chercheront à affermir le culte officiel autour de Maïakovski. Comme le relate Marianne Delranc-Gaudric7, quand la revue Ogoniok fait paraître en 1968 un article qui suggère que Lily et Ossip Brik sont responsables de son suicide, Triolet s’insurge contre la réécriture de l’histoire qui voudrait ignorer que la responsabilité en incombe d’abord au mépris des contemporains de Maïakovski, y compris de ceux qui étaient au pouvoir. En réponse à ces accusations insidieuses, elle s’emploie à rafraîchir les mémoires :

les persécuteurs de Maïakovski étaient les gens en place, places-clefs dans les maisons d’édition, revues, journaux, théâtres et cinémas, et si Maïakovski était en effet bien vu au sommet du parti par exemple, par Lounatcharski, commissaire du peuple à l’éducation nationale, ce n’était pas tout d’un non plus, et Lounatcharski lui-même était juste capable de le préserver du pire, d’une interdiction globale de son œuvre8.

5Triolet a donc joué un premier rôle déterminant dans la diffusion de l’œuvre de Maïakovski en France tout en soulignant la complexité de son parcours. Ce combat va être relayé dans les années 60 par Antoine Vitez, au moment où la déstalinisation favorise la redécouverte des avant-gardistes.

Une nouvelle voix : Antoine Vitez, lecteur, traducteur et metteur en scène de Maïakovski

6Antoine Vitez fait la rencontre de Triolet et d’Aragon en 1958. À cette époque, il n’a pas encore commencé sa carrière de metteur en scène, mais il vient de traduire Ivanov de Tchekhov ainsi que le premier volume du Chemin d’Abaï de Moukhtar Aouezov. Le couple va jouer un rôle important dans l’approfondissement de sa relation avec la Russie, notamment en le présentant à Lili Brik et en lui permettant de découvrir plus significativement l’œuvre de Maïakovski. Triolet et sa sœur deviendront des interlocutrices privilégiées face aux différents projets qu’il imaginera autour du poète russe. Sa lecture de Maïakovski au Théâtre Maison de la Culture (T.M.C.) de Caen en 1964 figurera parmi les plus notables, suivie en 1967, dans le même lieu, de sa mise en scène des Bains. Vitez est invité à plusieurs reprises à s’exprimer sur la création du poète au cours d’émissions télé et radio consacrées à ce dernier. Le 19 avril 1968, « Théâtre d’aujourd’hui », diffusé sur la deuxième chaîne, présente un portrait de Maïakovski. Les témoignages reposent sur Triolet et Vitez qui se complètent dans leur analyse de la vie et de l’œuvre du poète. Tous deux mettent en évidence l’incompréhension à laquelle la démarche expérimentale de Maïakovski s’est heurtée ainsi que les attaques qu’il a subies pour cette raison. Vitez apparaît donc rapidement comme une référence dans l’approche de l’œuvre du poète, mais il lui prête également régulièrement sa voix. Il est sollicité à plusieurs reprises pour lire des extraits de Maïakovski dans le cadre d’événements culturels, parfois accompagné par Triolet. Il organise également lui-même certaines de ces lectures9. Ainsi, sous l’égide de Triolet, Vitez ne tarde pas à se présenter en France comme l’une des voix qui portent l’œuvre du poète. Le choix de poèmes très divers, de l’amour à la politique, en passant par le futurisme, atteste quant à lui d’une volonté de dresser un large panorama de cette œuvre, avec la conscience qu’une partie de celle-ci est tombée dans l’oubli en U.R.S.S.

7Antoine Vitez n’a pas été seulement le lecteur et le metteur en scène de Maïakovski. Il en a également été le traducteur. En 1962, il publie dans la revue Théâtre populaire un article sur l’essai d’Angelo Maria Ripellino, Majakovskij e il teatro russo d’avanguardia, paru en 195910. Il écrit alors qu’en dépit des publications de Triolet, l’œuvre de Maïakovski ne jouit pas encore en Europe de la reconnaissance qu’elle mériterait. Au-delà de la figure individuelle du poète, il insiste sur l’importance que revêtirait la découverte de l’avant-garde russe, en particulier pour le théâtre français. Selon lui, l’essai de Ripellino a le mérite de contribuer à cette découverte. Il reconnaît également des qualités scientifiques à l’ouvrage qui permettent de mettre à distance la figure d’un Maïakovski « considéré comme un personnage légendaire11 », mythifié par le réalisme socialiste, au profit d’une réaffirmation de ses liens avec le futurisme. En effet, le chercheur italien s’efforce de rendre compte de la richesse de l’avant-garde russe. Ce parti pris est revendiqué dès les premières lignes de la préface : « Ce livre se veut une défense de l’avant-garde russe, qui, jusqu’à une date récente, était condamnée par les critiques conformistes et les idéologues austères12 ». Pour Vitez, Ripellino ne se contente pas de « défendre » cet aspect de la biographie du poète. À ses yeux, il s’agit d’une véritable « réhabilitation13 » qu’il est nécessaire désormais de faire résonner en Europe.

8La même année, Vitez commence à s’entretenir avec Robert Voisin, directeur des éditions de l’Arche, au sujet de l’intérêt que représenterait une traduction du livre en français. Il souligne la nécessité de faire appel à un traducteur spécifique pour les sources russes. Voisin propose à Vitez de se charger lui-même de ce travail, ce qu’il accepte, tandis que Marc Rossi traduira depuis l’italien. Entre 1963 et 1965, Vitez s’attelle à la tâche, conscient des difficultés contenues par la forme et la nature des passages à traduire. D’une part, la traduction de Maïakovski représente en elle-même une gageure en raison de la richesse de ses créations rythmiques et verbales. Elsa Triolet a écrit à ce sujet que pour le traduire avec justesse, « il faudrait refaire dans une autre langue tout le chemin que Maïakovski a parcouru lui-même14 », soit révolutionner la poésie française. D’autre part, Vitez est confronté à « une véritable poussière de citations15 » qui accroît la difficulté de sa tâche16. Il cerne donc d’emblée les limites de ce travail tout en respectant les principes d’une traduction sérieuse, soucieuse de s’appuyer sur la langue originale, et ainsi, d’offrir au public français le rapport le plus étroit possible avec la langue du poète russe et des autres membres de l’avant-garde. Vitez reprend donc à son compte le combat initié par ses prédécesseurs par le biais de la traduction, mais son engagement va s’étendre à de nouveaux projets. Au moment où il travaille sur cet ouvrage, il entreprend de présenter au Théâtre-Maison de la culture (T.M.C.) de Caen une lecture des textes de Maïakovski. Cette lecture, qui réinvestit les analyses de Triolet et de Ripellino, va prendre la forme d’une réhabilitation du poète russe en portant son attention sur l’écoute de sa voix singulière.

« L’émission Maïakovski » au T.M.C. de Caen

Une « émission » de la décentralisation théâtrale

9En 1964, Antoine Vitez fait connaissance avec l’équipe du T.M.C. à l’occasion de la représentation de Nicomède de Pierre Barat dans laquelle il joue. Joël Masson, le secrétaire général, lui offre alors la possibilité de travailler dans ce lieu en initiant un nouveau cycle d’« émissions ». Le terme renvoie à un programme spécifique imaginé par le T.M.C. dans les années 60 afin de déployer son action culturelle. À cette époque, son fondateur, Jo Tréhard, est une figure importante de la décentralisation théâtrale. Il défend une position d’animateur culturel qui l’a amené à former le projet ambitieux de réunir dans un même lieu un théâtre et une maison de la culture17. Les émissions18 font partie d’un certain nombre d’expérimentations menées au T.M.C. qui visent à élargir les formes culturelles et artistiques présentées au public. Vitez s’empare de cette initiative pour proposer une série de trois lectures intitulée « À livre ouvert », consacrées dans un premier temps à Maïakovski, Aragon et Desnos. Outre l’admiration qu’il éprouve pour chacun de ces trois poètes, Vitez justifie leur regroupement par une proximité historique et esthétique. D’une part, Aragon et Desnos, poètes de la Résistance, ont appartenu au surréalisme, ce qui les rapproche des audaces du futurisme. D’autre part, ces poètes de la modernité « transforment le langage » et le font apparaître « plus vrai que nature19 ». Autrement dit, ils se rejoignent dans leur manière de donner à entendre une langue issue du quotidien, mais dont la matière se trouve travaillée en profondeur. En débutant son cycle d’émissions par Maïakovski et en le poursuivant avec deux noms aussi reconnus que ceux d’Aragon et de Desnos, Vitez indique d’emblée au public le crédit qu’il lui semble légitime d’accorder au poète russe.

La réhabilitation d’un Maïakovski futuriste, dans la continuité de Ripellino

10L’« émission Maïakovski » était divisée en deux parties. Les archives de Vitez qui contiennent le texte dactylographié de cette lecture nous offrent le détail de son organisation et de son contenu20. La première dressait un portrait de l’écrivain à travers des extraits issus d’œuvres diverses, tandis que la seconde était consacrée à sa pièce Les Bains. La lecture était menée par Vitez accompagné de deux autres comédiens, Gilbert Vilhon et Marie-Thérèse Virieu21. L’influence de l’ouvrage de Ripellino rayonne sur l’ensemble de cette émission, en particulier dans la première partie. Ce rapprochement n’est guère surprenant. Comme nous l’avons mentionné, en 1964, Vitez prépare simultanément cette lecture ainsi que la traduction française de Majakovskij e il teatro russo d’avanguardia. Il reprend quelques-unes des traductions réalisées pour cette édition et rejoint l’analyse esthétique et politique de Ripellino. De manière générale, il s’emploie à son tour à mettre en valeur les liens entre le poète russe et le futurisme : « Notre émission essaiera […] de faire sentir la grande vague de rêve qui déferla sur la Russie entre 1910 et 1930, et qui s’appelle, justement, le futurisme22 ». De la même façon, lorsqu’un journaliste lui demande ce qu’il souhaite montrer de Maïakovski à travers cette lecture, Vitez répond :

Maïakovski si génial soit-il n’est pas une comète venue [sic] on ne sait où. J’accorde une grande importance à ses racines futuristes. Il n’y a pas de contradiction entre son engagement esthétique dans le futurisme et son engagement politique23.

11Parmi les textes choisis pour l’émission, nombreux sont ceux qui viennent appuyer cette filiation, tels que ces vers de 150 000 000 traduits par Vitez, dans lesquels Maïakovski salue les exploits du futurisme :

Les poutrelles de leurs jambes franchissant des milles et des milles
et les grues de leurs bras délayant les routes,
les futuristes
ont détruit le passé,
jeté au vent les confetti de la culture
24.

12Ripellino les cite dans son introduction afin d’insister sur l’idée que Maïakovski « n’a jamais cessé de se proclamer futuriste25 », y compris à l’époque où il rédige 150 000 000, c’est-à-dire entre 1919 et 1920. Vitez reprend à plusieurs reprises les arguments de l’universitaire italien pour évoquer les liens du poète avec l’avant-gardisme. Il revient également sur les conséquences de la consécration du poète qui a effacé les audaces d’une partie non négligeable de son œuvre en rappelant que « les critiques soviétiques officiels avaient fâcheusement tendance à canoniser Maïakovski, à donner de lui une image rassurante, académique ». Il fait suivre cette remarque d’un extrait du poème « Il est trop tôt pour se réjouir » dont la traduction a également été établie pour l’essai de Ripellino :

Il est temps
que les balles

sonnent sur les murs des musées.
Feu sur les vieilleries par vos gorges de cent pouces !
Semez la mort dans le camp ennemi. [...]
Et pourquoi
n’a t-on pas encore attaqué Pouchkine ?
Et tous les autres
généraux classiques
26 ?

13Ripellino cite ces vers lorsqu’il aborde le conflit qui opposa les futuristes à la « Section des musées et de la défense du passé », une branche du Commissariat du peuple à l’Éducation. Soucieux d’établir des distinctions, il revient cependant sur la considération de Maïakovski pour un Pouchkine vivant, non canonisé, tel qu’il l’exprime dans son poème « Jubilaire27 ». Dans son émission, Vitez reprenait exactement cet enchaînement d’idées :

Vous me direz que c’est de la provocation. Je vais vous lire les morceaux d’un poème qui montre que Maïakovski ne détestait pas du tout Pouchkine, mais seulement les grands morts et la culture considérée comme une chose morte, un objet de célébration.

14Ripellino souligne ce que Maïakovski doit à ses prédécesseurs, qu’il s’agisse de Pouchkine, de Gogol ou de Soukhovo-Kobyline. À partir de l’exemple précédent, nous pouvons conclure que Vitez ne tenait pas seulement à réinscrire Maïakovski dans le futurisme, mais qu’en suivant l’exemple du chercheur italien, il souhaitait également donner un aperçu de la diversité de ses affinités littéraires. La démarche du traducteur soucieux de rétablir un rapport juste aux textes, dépouillé de toute simplification hâtive, se retrouve ici. Cette mise en valeur d’une pluralité d’influences ne pouvait que renforcer l’image d’un poète irréductible au réalisme socialiste28. En revanche, Vitez ne soulignait pas la contribution des analyses de Ripellino dans l’élaboration de cette émission. Il est manifeste qu’il était résolu à présenter une lecture dépouillée de tout commentaire universitaire afin de se concentrer sur l’écoute de l’œuvre elle-même. Cependant, de cette façon, il présentait une vision de Maïakovski en partie dégagée de l’historicité de sa réception.

Les Bains, une pièce visionnaire

15La deuxième partie de l’émission était consacrée à la lecture de plusieurs passages des Bains dans la traduction de Triolet. Elle débutait par les propos du dramaturge : « Que sont ces bains et qu’est-ce qu’ils lavent ? Les Bains est un drame en six actes avec cirque et feu d’artifice. Les Bains lavent (ou simplement lessivent) les bureaucrates29 ». Vitez résumait ensuite brièvement les actions du premier et du deuxième acte avant d’exposer clairement le sens de la pièce :

On est en 1930, en URSS. Un ingénieur a inventé une machine à explorer le temps, mais vous pouvez voir dans cette machine un symbole : la machine qui permet d’aller plus vite que le temps, c’est le socialisme. Et c’est bien le socialisme que les bureaucrates rejettent.

16La façon dont Vitez poursuivait l’explication du propos de la pièce s’inscrivait dans la continuité d’une remise en valeur des liens de l’écrivain russe avec l’avant-garde. Son aspect visionnaire était valorisé contre l’idée d’une écriture perçue comme extravagante par les critiques de l’époque. Cette dimension était particulièrement mise en évidence à la lecture du dénouement. Les Bains raconte la conception d’une machine à explorer le temps destinée à établir le contact avec l’année 2030 qui voit l’accomplissement du communisme. La pièce s’achève au moment où « la machine du temps », chargée de transporter les personnages dans le futur, décide de rejeter Pobédonossikov, un bureaucrate qui incarne la survivance de la vie petite-bourgeoise sous Staline. La machine ne conserve à son bord que l’ingénieur et les ouvriers qui ont œuvré à sa construction. Dans le prolongement du texte, Vitez imaginait le parcours de cet engin futuriste à travers les années qui se sont écoulées depuis l’écriture des Bains. Il énumérait quelques grands événements en lien avec le régime communiste et l’histoire du XXe siècle, en concluant par la date à laquelle avait lieu la lecture. Cette jonction renvoie directement à la dimension prophétique que Vitez souhaitait mettre en avant. À ses yeux, Maïakovski est un poète visionnaire. Son sens de l’observation lui permet de voir dans la société de son époque les dérives qui vont conduire à l’installation d’un communisme bureaucratique, loin de son idéologie première. Pobédonossikov représente cette forme de parasitisme démasqué par la machine, exclu d’un futur où le communisme se serait idéalement réalisé.

On dit couramment que les poètes sont des prophètes, c’est devenu une banalité. Dans le cas de Maïakovski, c’est vrai. Toute son œuvre fut un effort pour imaginer l’avenir et, si possible, anticiper car Maïakovski était un révolutionnaire, non un utopiste. Il ne se contentait pas de voir au loin ; il voyait très bien de près la lutte des classes, le mûrissement du bureaucratisme, l’offensive petite-bourgeoise. En 1930, les Bains décrivent, avec dix ans d’avance, l’éphémère triomphe du stalinisme et prévoient avec beaucoup plus d’avance, l’avènement du communisme30.

17Afin de mettre en lumière cette portée visionnaire, Vitez ne se contentait pas d’appuyer lui-même le propos. La manière dont il privilégiait l’écoute des extraits de Maïakovski avait pour but de montrer cette force révolutionnaire directement par le prisme d’une écriture féroce et percutante, illustrant l’idée que « Maïakovski écrit comme on envoie un télégramme. D’extrême urgence31 ». De façon générale, l’émission était construite autour de la valorisation de la parole de Maïakovski plus que d’une série de commentaires politiques explicites.

Donner la parole à Maïakovski

18Bien qu’elle se soit employée à déconstruire le mythe officiel autour du poète, l’émission ne cherchait pas simplement à opposer un discours politique à un autre. Afin de faire entendre la richesse de sa poésie ainsi que ses nombreuses irrévérences, le choix de Vitez s’est d’abord porté sur la valorisation de la voix du poète plutôt que sur les commentaires à son égard, même s’ils ne sont pas absents de la lecture. Dans cette démarche se lit la volonté de favoriser le contact le plus étroit possible entre le public et l’œuvre, contre un effet de filtre engendré par une relecture au prisme du réalisme socialiste. Néanmoins, Vitez n’était pas dupe de la position de médiateur qu’il rejouait ainsi.

Maïakovski par lui-même32

19Au cours de la première partie de l’émission, les commentaires de Vitez, parfois insérés entre deux lectures, se limitaient à souligner certaines articulations entre les textes choisis ou à apporter quelques bribes d’informations sur la vie de l’écrivain. Ces éléments biographiques prenaient alors appui sur différents textes de Triolet publiés dans son Maïakovski, vers et proses. Cependant, la plupart étaient directement tirés de l’œuvre du poète lui-même. Les références des œuvres étaient rarement données, ce qui conférait une fluidité à l’ensemble en réduisant les interventions extérieures. Le récit de son adhésion au Parti bolchevique, de sa première arrestation, ou encore sa rencontre avec le futuriste Bourliouk, étaient essentiellement racontés à travers des extraits de son autobiographie, Moi-même (1922) traduite par Triolet. De même, lorsque Vitez souhaitait donner « une idée des passions et des haines de Maïakovski », c’est-à-dire du futurisme, de la révolution prolétarienne ainsi que de son amour pour Lili Brik d’un côté, et des « mœurs petites-bourgeoises33 » de l’autre, il s’appuyait sur différents poèmes tels que La Racaille (1921) et De Ceci (1923) traduits par Triolet, Claude Frioux et lui-même. Le manuscrit de l’émission révèle quant à lui que certains commentaires ont été supprimés, dont plusieurs apportant des précisions sur son engagement politique :

En 1917, le futurisme fut le seul courant littéraire à se rallier en tant que tel à la révolution prolétarienne. Et lorsque Lounatcharski, commissaire du peuple à l’Instruction publique, invita les intellectuels et les artistes à venir discuter avec lui, peu après la prise du pouvoir, Maïakovski fut un des seuls, avec Alexandre Blok et Meyerhold, à lui répondre.
L’instinct de Maïakovski le portait comme naturellement vers la révolution. Il n’était plus alors membre du parti bolchevik, et ne devrait jamais le redevenir, mais la révolution ne lui posait pas de cas de conscience. [...]

20Seule la première phrase de ce passage a été conservée dans le tapuscrit final afin d’introduire un fragment de Moi-même dans lequel Maïakovski affirme l’évidence de son engagement dans la révolution russe : « Octobre. Faut-il adhérer ou pas ? Cette question ne se posait pas pour moi (ni pour les autres futuristes moscovites). C’était ma révolution à moi34 ». Dans cette citation, le poète revendique une concordance totale entre la révolution et le futurisme auquel il appartient. Ainsi que le soulignait Vitez lors de la reprise de l’émission en 1967 : « Pour [Maïakovski], pour tous les futuristes, le combat révolutionnaire ne se réduit pas à la lutte politique, ou plutôt la lutte politique inclut une exigence esthétique35 ». Dans une logique similaire, le futur metteur en scène, qui n’a pas cessé de répéter que la politique au théâtre passe d’abord par la recherche de nouvelles formes, ne se proposait pas tant d’expliciter le rôle politique de Maïakovski au cours de son émission, que de permettre au public de percevoir cet engagement à travers la lecture de son œuvre, c’est-à-dire de donner à entendre la manière dont cette révolution s’opérait dans le travail même de la langue.

La primauté de la voix

21Les contemporains de Maïakovski ont souvent évoqué sa voix puissante et ses qualités d’acteur lorsqu’il présentait ses textes au public. Selon le metteur en scène Alexandre Mguébrov, « il disait ses vers d’une telle voix que beaucoup avaient peur de lui, tant cette voix ressemblait à l’antique trompette de Jéricho36 ». De même, dans ses Souvenirs, Triolet évoque l’importance de cette voix lorsqu’elle aborde les difficultés que pose la traduction de ses vers :

Maïakovski a livré en même temps la clef de sa poésie : la voix ! Car sa poésie est faite pour être lue à haute voix. Et c’est lui-même qui a porté, à travers tout l’U.R.S.S. dans des centaines et des centaines de soirées, ses poèmes et la manière de les dire, imitée par tous ceux qui l’ont entendu, qui de leur côté ont propagé et propagent encore par la voix ses poèmes et la manière de les comprendre37.

22Vitez avait parfaitement compris l’importance de cette dimension et s’est employé à son tour à la mettre en évidence. Son émission débutait par un enregistrement de la voix de Maïakovski qu’il présentait comme « si déformée, si abîmée par l’enregistrement », qu’elle ne s’offrait que comme un « vestige sonore », bien que l’on pût y « reconnaître une certaine puissance et l’emphase caractéristique de l’orateur russe ». Celle de Vitez prenait alors le relais afin de faire entendre en russe les premiers vers de « Écoutez ! » (« Послушайте ! »), invitant le public à s’immerger musicalement dans la langue du poète, avant que la comédienne Marie-Thérèse Virieu n’en livre la traduction. Ce passage de relais sonore établissait un lien entre le public et la voix du poète dans sa langue originale, tout en lui faisant sentir la distance nécessairement induite par le passage du russe au français. L’objectif, clairement annoncé au début de l’émission, était de parvenir à retrouver cette voix « à travers le filtre des traductions ». À trois reprises, Vitez introduisait la lecture des textes par un « Écoutez » qui entrait en écho avec le poème liminaire. Un fil sonore était tissé, poussant l’auditoire à tendre l’oreille pour mieux saisir les éclats de la poésie de Maïakovski. L’émission se concluait par un nouvel enregistrement du poète, non traduit. De cette façon, le public était amené à ne pas perdre le contact avec la singularité de cette voix et à ne pas oublier davantage l’étrangeté de la langue originale. Ce dispositif était une manière de rappeler l’intermédiaire joué par le lecteur et le traducteur. Ainsi, Vitez préservait un écart nécessaire pour ne pas rendre dupe le public de l’effet de médiation opéré par la lecture et la traduction. Cette façon de concevoir les choses entre en résonance avec la complexité de la réception de Maïakovski. Ne pas masquer l’idée d’une possible déformation du texte d’origine permettait de ne pas reproduire le geste de la critique soviétique. Vitez s’efforçait ainsi de tenir une éthique paradoxale de la traduction.

Une lecture « à livre ouvert »

23La possibilité de ressaisir la voix de Maïakovski reposait également sur le principe même de l’émission « À livre ouvert ». En reprenant le titre d’un recueil de Paul Éluard qui évoque l’idée de limpidité et d’accessibilité, Vitez souhaitait « traduire facilement, à la première lecture38 » les poètes choisis au cours de son cycle. Il présentait cet exercice comme « une lecture qui n’a pas besoin de préparation dans l’instant : le lecteur lit, traduit immédiatement les signes du livre ou de la partition ». Le public devait avant tout se tenir dans une attitude réceptive. L’idée sous-jacente était que la poésie pouvait être reçue sans précaution particulière, et que le contact avec la langue du poète devait être le plus immédiat possible. En outre, Vitez précisait que la lecture « à livre ouvert » impliquait de ne pas jouer la poésie « comme des comédiens profitant de l’occasion pour passer leurs émotions en contrebande ». La lecture devait rester humble, en considérant que cette simplicité favoriserait le contact avec la voix du poète. Les critiques de l’époque louent unanimement l’émission et s’accordent pour reconnaître que cette réussite tient avant tout à la simplicité de la lecture. Bernard Dort écrit dans Les Lettres françaises :

Ils ne se prenaient pas pour Maïakovski, pas plus qu’ils n’entendaient nous infliger un cours du soir sur un héros de la poésie soviétique. Non, il ne s’agissait pour eux que de laisser parler le poète, ses poèmes39.

24La deuxième partie de l’émission s’en tenait également aux principes d’une lecture « à livre ouvert », en dépit du désir que Vitez avait eu quelques temps auparavant de mettre en scène Les Bains40. Pour cette émission, il sent alors la nécessité de créer un objet différent :

Je n’ai pas voulu […] compenser avec la lecture ma frustration de théâtre. Nous ne faisons aucun effet, ni projection ni jeux de lumière. Nous ne jouons pas. Nous lisons un texte. Bien entendu nous ne tenons pas toujours le livre à la main. Mais nous gardons en nous l’attitude du lecteur, y compris pour les morceaux de théâtre que nous montrons41.

25Le décor se résume en tout et pour tout à une aire de jeu légèrement surélevée, à un pupitre, à une petite table basse et à deux chaises. Cette sobriété se retrouve également dans la distribution. Les trois comédiens se partagent l’ensemble des rôles de la pièce. Ce dispositif était non seulement susceptible de préserver « l’attitude du lecteur42 » en eux, mais également de présenter le texte au public de façon plus immédiate et familière. Une critique de l’époque souligne que la pauvreté des moyens, loin de desservir la représentation, lui offrait au contraire une dimension plus intéressante :

les trois interprètes, toujours sans décor, furent obligés de tenir plusieurs rôles chacun. Le contraire eût été dommage. Je m’explique : loin de gêner le public, cette situation a permis d’apprécier pleinement les talents des trois comédiens, mais surtout, d’avoir su donner à cette soirée un caractère amical. Il n’y avait plus d’un côté le public, et de l’autre des donneurs de spectacle. […] Cela doit s’appeler l’art de ne pas sous-estimer son public43.

26Dans la mesure où la lecture de la pièce ne se composait que d’extraits, les commentaires de Vitez se faisaient parfois plus conséquents afin de guider le spectateur d’un passage à l’autre. Pour chaque acte, Vitez introduisait les extraits choisis en prenant le temps de les recontextualiser et de présenter les personnages en situation, favorisant ainsi la projection du spectateur dans la scène. Le découpage répondait quant à lui à une volonté didactique de représenter les moments et les personnages clefs de la fable en se focalisant sur les actions essentielles des six actes. Cette organisation avait donc pour objectif d’offrir une présentation claire des Bains. La lecture était placée au service de la découverte du théâtre de Maïakovski44. Tout comme la première partie cherchait à restituer la voix du poète en prenant garde à ne pas en parasiter la réception, la présentation des Bains se maintenait en retrait d’une théâtralisation partielle qui aurait pu en altérer l’approche.

Conclusion

27Dans la continuité d’Elsa Triolet, sans prétendre rejouer exactement son rôle, Vitez devient en France un nouveau passeur de l’avant-garde russe tombée un temps dans l’oubli. La conception de son « émission Maïakovski » met au jour les réflexions et les stratégies qui accompagnent son désir de réhabilitation de cette période artistique dans l’œuvre du poète. Toutefois, si l’émission s’attachait à faire reconnaître l’importance des rapports entre Maïakovski et le futurisme, et si elle contribuait ainsi à en complexifier à nouveau la réception, elle ne tombait pas pour autant dans l’exercice didactique ou la leçon politique. La lecture « à livre ouvert » permettait de créer le contact le plus étroit possible avec la langue de Maïakovski en privilégiant l’écoute du texte. En se doublant d’une réflexion sur la traduction, elle cherchait néanmoins à contourner le piège d’une immédiateté trompeuse. Vitez continuera d’être habité par l’idée que le théâtre, pour se faire politique, doit d’abord penser le choix des formes qu’il adopte. La mise en scène des Bains de 1967 mettra en œuvre cette idée à travers l’hommage rendu au décor constructiviste de Vsevolod Meyerhold, un autre grand nom de l’avant-garde russe auquel Vitez emboîtera le pas, indissociable de celui de Maïakovski.

Notes de bas de page numériques

1 À propos de ces tensions, voir Claude Frioux, « Le Poète dans l’armée de l’art », Maïakovski par lui-même, Paris, Editions du Seuil, 1961, « Écrivains de toujours », pp. 21-39.

2 Elsa Triolet, Maïakovski, poète russe, souvenirs, Paris, Éditions sociales internationales, 1939.

3 Elsa Triolet, Maïakovski, vers et proses [1952], Paris, Les Éditeurs français réunis, 1957.

4 David Bourliouk [1882-1967] est un peintre russe futuriste.

5 Elsa Triolet, Maïakovski [1939], Paris, Éditions Seghers, 1945, p. 40.

6 Elsa Triolet, Maïakovski, p. 97.

7 Marianne Delranc-Gaudric, « Elsa Triolet, Maïakovski, Lili et Ossip Brik, Jakobson, Aragon… Une constellation créatrice », Recherches croisées Aragon - Elsa Triolet, n° 13, 2011.

8 Elsa Triolet, « N’accusez personne de ma mort », Les Lettres françaises, n° 1239, 3 juillet 1968.

9 Émile Copfermann évoque une lecture-spectacle en 1958-1959 au Comité d’action du spectacle (Émile Copfermann, De Chaillot à Chaillot, Paris, Hachette, 1981, p. 37), mais les archives de Vitez ne semblent pas en avoir conservé la trace. Il s’agit peut-être d’une confusion de date avec une lecture donnée pour ce comité en 1966. En revanche, les archives contiennent le programme d’une lecture intitulée « Maïakovski lu par Antoine Vitez », organisée le 28 avril 1978 dans le cadre du Théâtre des Quartiers d’Ivry.

10 Angelo Maria Ripellino, Majakovskij e il teatro russo d’avanguardia, Turin, Einaudi, 1959.

11 Antoine Vitez, « À propos d’un livre italien sur Maïakovski », Théâtre populaire, n° 48, 1962, p. 138.

12 Angelo Maria Ripellino, Maïakovski et le théâtre d’avant-garde, trad. Mario Rossi et Antoine Vitez, Paris, L’Arche, 1965, p. 9.

13 Antoine Vitez, Théâtre populaire, p. 138.

14 Elsa Triolet, Maïakovski, vers et proses, p. 52.

15 Antoine Vitez, lettre à Robert Voisin du 10 février 1963, archives de l’Arche, boîte 189ARC/19, IMEC.

16 Les fragments traduits par Vitez, d’une longueur extrêmement variable, sont issus de poèmes et de pièces de Maïakovski, mais également d’ouvrages d’autres écrivains et critiques russes.

17 À propos de l’histoire du T.M.C., voir Joël Masson, « Jo Tréhard et l’invention du T.M.C. », dans Robert Abirached (dir.), La Décentralisation théâtrale. 2, Paris, Actes-Sud-Papiers, 1993, pp. 105-122.

18 Dans la brochure éditée pour « Desnos à livre ouvert », présenté par Vitez au T.M.C. le 18 mars 1965, les « émissions » sont définies ainsi : « à partir d’images, d’idées et de témoignages “émis” par des créateurs ou des penseurs de notre temps, [elles] multiplient les ouvertures sur tel mode d’expression artistique, sur telle réalité, sur tel problème, et permettent ainsi au public de se former et d’“émettre” son opinion ».

19 Antoine Vitez, « À livre ouvert », Écrits sur le théâtre 2, Paris, P.O.L., coll. Essais, 1995, p. 112.

20 Sauf mention contraire ou précision, les documents d’archives cités pour cette émission sont tous issus de la boîte suivante : VTZ, « Autres activités », boîte 136, IMEC.

21 Marie-Thérèse Virieu fut remplacée en septembre 1965 par Jacqueline Dane lors de la reprise de l’émission.

22 Antoine Vitez, « À livre ouvert », p. 112.

23 Propos d’Antoine Vitez recueillis par Mireille Boris dans L’Humanité du 4 mars 1965.

24 Angelo Maria Ripellino, Maïakovski et le théâtre russe d’avant-garde, p. 12.

25 Angelo Maria Ripellino, Maïakovski et le théâtre russe d’avant-garde, p. 11.

26 Angelo Maria Ripellino, Maïakovski et le théâtre russe d’avant-garde, pp. 84-85.

27 Maïakovski s’adresse directement à Pouchkine dans ce poème : « Je vous aime, / mais vivant, / et non embaumé, / sans le vernis/ des manuels ». (Triolet, « Jubilaire », Maïakovski, vers et proses, p. 255.)

28 Les archives de Vitez révèlent que celui-ci envisageait également de mettre en avant les liens entre Maïakovski et le futuriste Velimir Khlebnikov. En effet, plusieurs poèmes de ce dernier, traduits par Triolet, figurent aux côtés du manuscrit de l’émission. Dans son essai, Ripellino rappelle que les critiques soviétiques continuent de nier en 1960 l’affinité entre les deux poètes.

29 Elsa Triolet, Maïakovski, vers et proses, p. 430.

30 Entretien avec Antoine Vitez, brochure du Comité d’action du Spectacle pour « Maïakovski, poète et révolutionnaire », programmé à Paris le 11 mars 1966.

31 Note pour la reprise de l’émission en janvier 1967, VTZ, « Autres activités », boîte 136, IMEC.

32 Nous reprenons ici le nom de l’essai de Claude Frioux. Vitez l’avait lu et apprécié, mais il semble avoir constitué une source d’inspiration secondaire par rapport à ceux de Triolet et de Ripellino.

33 Antoine Vitez, « À livre ouvert », p. 112.

34 Elsa Triolet, Maïakovski, vers et proses, p. 57.

35 Note pour la reprise de l’émission en janvier 1967, VTZ, « Autres activités », boîte 136, IMEC.

36 Traduction de Vitez pour Ripellino, Maïakovski et le théâtre d’avant-garde, p. 28. La citation est issue de la biographie d’Alexandre Mguébrov, Жизнь в театре (Une vie au théâtre), II, Moscou-Léningrad, 1932, p. 238.

37 Elsa Triolet, Maïakovski, p. 35.

38 Pour cette citation et les suivantes : Antoine Vitez, « À livre ouvert », pp. 111-112.

39 Bernard Dort, « Une soirée Maïakovski au théâtre de la Commune », Les Lettres françaises, n° 1064, 21 janvier 1965.

40 Vitez avait le projet de mettre en scène Les Bains au Théâtre Quotidien de Marseille dès 1962. Les difficultés rencontrées par le théâtre, qui le pousseront ensuite à fermer ses portes, ne permirent pas la naissance de ce projet.

41 Propos d’Antoine Vitez recueillis par Mireille Boris dans L’Humanité du 4 mars 1965.

42 Antoine Vitez, « A livre ouvert », p. 111.

43 « Maïakovski à livre ouvert », Ouest-France du 23 novembre 1964.

44 En France, seule La Punaise avait alors été montée par André Barsacq en 1958.

Bibliographie

DELRANC-GAUDRIC Marianne, « Elsa Triolet, Maïakovski, Lili et Ossip Brik, Jakobson, Aragon… Une constellation créatrice », Recherches croisées Aragon - Elsa Triolet, n° 13, 2011, pp. 83-91. https://books.openedition.org/pus/7785

DORT Bernard, « Une soirée Maïakovski au théâtre de la Commune », Les Lettres françaises, n° 1064, 21 janvier 1965.

FRIOUX Claude, « Le Poète dans l’armée de l’art », Maïakovski par lui-même, Paris, Éditions du Seuil, 1961, « Écrivains de toujours », pp. 21-39.

MASSON Joël, « Jo Tréhard et l’invention du T.M.C. », dans Robert Abirached (dir.), La Décentralisation théâtrale. 2, Paris, Actes Sud-Papiers, 1993, pp. 105-122.

RIPELLINO Maria Angelo, Maïakovski et le théâtre d’avant-garde, trad. Mario Rossi et Antoine Vitez, Paris, L’Arche, 1965.

TRIOLET Elsa, « N’accusez personne de ma mort », Les Lettres françaises, n° 1239, 3 juillet 1968.

TRIOLET Elsa, Maïakovski, vers et proses [1952], Paris, Les Éditeurs français réunis, 1957.

TRIOLET Elsa, Maïakovski [1939], Paris, Éditions Seghers, 1945.

VITEZ Antoine, « À livre ouvert », Écrits sur le théâtre 2, Paris, P.O.L., « Essais », 1995.

VITEZ Antoine, « À propos d’un livre italien sur Maïakovski », Théâtre populaire, n° 48, 1962, pp. 138-140.

Pour citer cet article

Sonia Gavory, « Vladimir Maïakovski lu par Antoine Vitez : donner à entendre le poète avant-gardiste en France, contre sa relecture réaliste socialiste en U.R.S.S. », paru dans Loxias, 78., mis en ligne le 24 septembre 2022, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/lodel/docannexe/fichier/1245/index.html?id=10080.


Auteurs

Sonia Gavory

Sonia Gavory est agrégée de Lettres Modernes et doctorante à Sorbonne Université. Sous la direction de Marie-Christine Autant-Mathieu, elle réalise actuellement une thèse intitulée « La Russie d’Antoine Vitez : transmettre, traduire et mettre en scène. Une quête de sens artistique et politique ». Elle est l’autrice d’un article paru en 2020 dans La Revue russe sur Le Héron de Vassili Axionov mis en scène par Antoine Vitez. Dernièrement, elle a communiqué sur les créations à l’étranger du metteur en scène Kirill Serebrennikov. Ses domaines de recherche portent sur l’histoire du théâtre français et russe du XXe et XXIe siècle ainsi que sur les rapports entre théâtre et politique. En parallèle, elle enseigne le français dans le secondaire.