Loxias | 55 (déc. 2016). Autour des programmes de concours 2017 | I. Autour des programmes de concours 2017 

Stéphanie Le Briz-Orgeur  : 

Étude littéraire : vers 1 à 471 du Livre du duc des vrais amants de Christine de Pizan

Index

Géographique : France

Chronologique : Moyen Age

Plan

Texte intégral

1 

[Remarques préliminaires]

2Les notes à la traduction qui précèdent l’étude littéraire n’ôtent rien à la qualité de l’édition traduite mise au programme. Celle-ci offre notamment une introduction très claire et informée aux questions littéraires posées par le poème, une annotation souvent très suggestive, et des tableaux qui éclairent utilement les insertions lyriques. Les épreuves orales du concours supposant une traduction plus littérale de l’œuvre médiévale, on trouvera ci-dessous quelques éléments de réflexion qui permettront à chaque candidat de refaire sa propre traduction du passage. Les propositions formulées aux pages 1 à 6 s’adossent aux ouvrages de référence, soit principalement : Christiane Marchello-Nizia, La langue française aux XIVe et XVe siècles, Paris, Nathan, 1997 ; Robert Martin et Marc Wilmet, [Manuel du français du Moyen Âge, t. 2] Syntaxe du moyen français, Bordeaux, Bière, 1980 ; Philippe Ménard, [Manuel du français du Moyen Âge, t. 1] Syntaxe de l’ancien français, Bordeaux, Bière, 1994 (4e éd. rev. et augm. ; 1re éd. 1973) ; Dictionnaire du moyen français en ligne (Université de Nancy-CNRS) : http://www.atil.fr/dmf [dernière consultation le 01/02/2017]

3Les parenthèses de l’étude littéraire qui suit ne sont pas toujours intégralement rédigées, et elles contiennent quelques abréviations ; aux plus usuelles s’ajoutent : vs = versus, et v. 7-121 = vers 7 à 12 (1er hémistiche). Quant aux passages placés entre crochets carrés, ils ne doivent pas être énoncés mais contiennent des explications ou des précisions qui pourraient alimenter un entretien avec le jury.

4Même ainsi, l’étude qui suit excède les limites temporelles de l’épreuve : sans prétendre à l’exhaustivité, les analyses proposées portent souvent sur plusieurs passages convergents, parmi lesquels on choisira un ou deux des plus significatifs ; on n’hésitera pas à trancher dans le I., partie la plus simple de l’étude, quitte à préciser sa pensée lors de l’entretien si l’on y est invité.

[Notes sur la traduction]

5Vers 1, « occupation » : comprendre que la composition d’un dit amoureux ne faisait pas partie des “préoccupationsˮ de l’auteur

6Vers 7, « vueil je » : on peut ici hésiter entre la traduction élue et la valeur de futur proche qu’ont dans l’ancienne langue les verbes « vouloir » et « devoir »

7Vers 14, « Si » : les deux points élus dans la traduction rendent insuffisamment l’adverbe, qui peut ici être traduit par “Orˮ

8Vers 16 : comme le prouve la traduction, cette incidente gagnerait à être placée entre deux tirets longs plutôt qu’entre deux virgules

9Vers 19-20, « ouquel servage Est encor son cuer en gaige » : la traduction, élégante, ne rend peut-être pas assez l’idée selon laquelle le cœur du duc a été laissé en gage au dieu Amour dont le duc demeure le serf ; les gages laissés au maître dont on doit s’éloigner physiquement constituent un motif des fictions courtoises, et depuis le Roman de la Rose au moins (où le dieu Amour ferme à clef le cœur de l’Amant, v. 1997-2008 éd. F. Lecoy), le cœur est le plus fréquent de ces gages de fidélité (Charles d’Orléans continuera de jouer sur ce motif et ira jusqu’à faire dialoguer « je » et « mon cuer » dans plusieurs de ses ballades françaises)

10Vers 22, « on le surnomme » : l’idée est bien celle d’une désignation distincte du nom reçu en baptême, d’une désignation chiffrée, comme l’est le senhal permettant au troubadour de s’adresser secrètement à sa domna ; dès lors, on pourrait aller jusqu’à traduire “qu’on lui donne le nom deˮ

11Vers 37, « mon petit sentement » a été traduit par “mon petit entendementˮ : s’il est entendu que le mot n’a pas nécessairement le même sens au vers 7 (où il fait l’objet d’une note très utile) et au vers 37, on préférera rester dans le champ sémantique de « sentement » et traduire la présente occurrence par “jugementˮ (qui peut connoter la subjectivité, plus que ne le fait “entendementˮ). Le « sentement » renvoie en effet peu ou prou à la sensation, et la capacité de connaissance qu’il peut recouvrir reste liée à ce type de perception par les sens. Or, en dépit de son radical, « entendement » ne recèle pas ce sème, du moins si l’on en croit le Trésor de la langue française (sens 1 du mot « entendement » : “faculté de comprendre, de saisir l’intelligible par opposition aux sensationsˮ)

12Vers 49-50, « choisir » peut avoir le sens retenu dans la traduction (“élireˮ, comme ensuite au vers 53, non ambigu quant à lui), mais « peüsse » signifie “j’aurais puˮ plutôt que “j’escomptaisˮ, de sorte que les premiers sens de « choisir » doivent être au moins envisagés : “apercevoir, remarquer, découvrirˮ. Il n’est pas impossible que le jeune duc se soit rendu en toutes sortes de lieux pour avoir quelque chance d’y découvrir une dame « que servir deüs[t] ». La traduction de ces derniers mots est elle aussi délicate. Celle qui a été retenue (“méritant que je me mette à son serviceˮ) a pour inconvénients de ne pas respecter la concordance des temps (on attendrait un subjonctif imparfait) et de prêter au jeune homme une morgue qui s’accorde imparfaitement avec ses rêveries courtoises. On pourrait peut-être traduire très littéralement par “une dame telle que j’aurais dû la servirˮ, ou de façon un peu plus élaborée “une dame telle que je n’aurais pu me soustraire à son serviceˮ : l’aspiration du jeune homme à vivre une histoire digne des récits qui le font rêver apparaîtrait mieux ainsi

13Vers 52 et 65, « fu(s) » ; vers 58, « hantay » ; et vers 68-69, « mainte clamour Fis » : corriger “je demeuraisˮ en “je demeuraiˮ ; corriger “je fréquentaisˮ en “je fréquentaiˮ ; et (facultatif) corriger “je me plaignais souventˮ en “je me plaignis souventˮ

14Vers 60-61, « Ou toute beaulté emprainte Estoit » : traduire cette relative est fort difficile, mais il faut pour le commentaire se souvenir du motif (implicite) de la confection des plus belles créatures par dame Nature, volontiers figurée comme une artiste accomplie (souvent un sculpteur ayant le sens des proportions, y compris pour la mesure de l’espace séparant les yeux, par exemple : voir les portraits féminins des modèles de Christine, qui ne s’y conforme que très superficiellement par ailleurs). Ici en effet, Nature est censée avoir marqué du sceau de la beauté les dames croisées par le duc, avoir imprimé dans leur chair la marque de la beauté. Si la traduction “resplendissantes de beautéˮ rend bien le haut degré, elle omet la dimension très matérielle du compliment

15Vers 62, « me tenoit » : traduire par “me gouvernaitˮ suffit

16Vers 63, « ne sceusse », et vers 64 « j’esleusse » : corriger “j’étais incapableˮ en “j’aurais été incapableˮ, et “quel que fûtˮ en “quel qu’eût étéˮ

17Vers 70, « Pour le temps qui… » : bien voir la valeur causale de « pour » ici ; on pourrait traduire littéralement “j’adressai bien des plaintes à Amour, car le temps me semblait fort longˮ

18Vers 72 : Vénus est sans doute moins “l’amoureuse déesseˮ que “la déesse de l’amourˮ ; de même au vers 276 faut-il comprendre qu’il est question des appâts susceptibles de susciter l’amour ; même remarque pour « l’amoureuse fleche » du vers 341, etc.

19Vers 74 (répété à la fin du rondeau ABBAabABabbaABBA), « car riens plus ne desire » signifie littéralement “car je ne désire rien plus que celaˮ, à traduire par “car c’est là mon plus cher désirˮ. Le jury n’attendra pas de vous l’effort que les traducteurs ont fait pour garder trace des rimes dans les pièces lyriques. Vous veillerez en revanche à dire et traduire tous les vers d’une pièce lyrique donnée, y compris lorsque les éditeurs s’en sont tenus à l’abrègement usuel des refrains au sein des copies médiévales. Vous trouverez à ce propos des mises au point utiles dans le volume des éditions Atlande consacré au LDVA (où l’on corrigera toutefois « vers » puis « v. » en « virelais », p. 151 §§ 2 et 3 de la section « Effets de série et effets de contraste »)

20Vers 75, « a vaillance je tyre » signifie littéralement “j’aspire / je tende à la vaillanceˮ

21Vers 80, « me drece » : rester plus près du texte, afin de ne pas négliger l’aspiration à l’élévation typique de la fine amor (où le poète dit viser le melhurar)

22Vers 85, éd. : aligner « Vraye » (avec majuscule) sur la traduction pertinente qui a été faite du GN servant ici de nom propre au personnage

23Vers 89-90 : sans forcément user de périphrases rendant l’idée d’“entrer en possessionˮ et de “renoncer à la possession deˮ (pour traduire « saisi[r] » et « dessaisi[r] »), se souvenir de la dimension juridique de ces termes, qui s’accordent à la dimension féodale du lien unissant la dame et son soupirant

24Vers 107, « du nommer je me passe » peut signifier “je m’abstiens d’indiquer son nomˮ ou “je renonce à indiquer son nomˮ

25Vers 125-126 : le mot « reverence » se trouvant pris dans la locution verbale « fai[re] la r. », il n’y a guère de raison de ne pas traduire par le calque “faire la révérenceˮ

26Vers 128, « ensemble » a ici son sens moderne ; on peut donc traduire la proposition comme suit : “à deux ou trois ils partirent trouver leur maîtresseˮ

27Vers 134, « route » : peut signifier “compagnieˮ (traduction élue) et même “troupeˮ ; les exemples recensés par le DMF impliquent majoritairement des « gens » dont on ne précise pas le rang

28Vers 154-158 : rester plus près du texte en rendant la conjonction « mais » du début du vers 155 ; par ailleurs il est probable qu’au début du vers 158, le relatif « dont » renvoie anaphoriquement aux vers 154-157 (plutôt qu’il ait pour antécédent le GN « sa royal personne ») : on traduirait alors (en ayant ajouté une virgule à la fin du v. 157 : la copie n’est pas connue pour contenir de tels signes de ponctuation [qu’un survol des clichés disponibles sur Gallica ne fait pas non plus apparaître], et ceux de l’édition résultent donc eux-mêmes d’une interprétation moderne) “ce dont chacun parle en bien / positivementˮ. En effet, dans la perspective qui est celle du duc (cherchant à être aimé en retour s’il se met au service d’une dame), une dame dépourvue d’orgueil (et se comportant juste comme le lui commande son rang royal) mérite l’estime de tous. On traduira donc “elle arborait un noble maintien, sans orgueil ni fierté [déplacée], mais bien comme il convient à la noble condition et au rang royal qui sont les siens, ce dont tout le monde parle en bien > : chacun s’en félicitaitˮ

29Vers 162-163 : comprendre que la princesse a légèrement dépassé ses visiteurs (« elle passe Avant un petit d’espace ») ; quand elle est passée à hauteur du jeune duc, elle lui a tendre la main, et l’a ainsi entraîné à sa suite (vers 164 sqq)

30Vers 167 : si le rang du jeune homme rend très vraisemblable la traduction de « si seulet » par “en si petit équipageˮ, ne pas négliger le sens premier de « seul », ici suffixé de manière hypocoristique : on pourrait traduire par “tout seul comme çaˮ

31Vers 168-169 : ne pas oublier de traduire « lors » (“répondit alorsˮ) ; pour « certaineMent », penser à une traduction telle que “vrai…ment » ?

32Vers 171 : conserver « chace » (“nous a chassésˮ, ou au moins “poussésˮ)

33Vers 180 : ne pas oublier de traduire « Et lors », qui vient rythmer le récit d’une action vive ; peut-être pourrait-on mieux rendre le participe « coustoyant » en traduisant “me tenant à ses côtésˮ

34Vers 183 : sans évidemment aller jusqu’à calquer « vers soy me tire », il conviendrait de mieux rendre la dimension active du geste de la princesse ; peut-être traduire “elle me fit asseoir près d’elle, à sa droiteˮ

35Vers 189 : les souvenirs littéraires (notamment ceux du Roman de la Rose et de La Fontaine amoureuse de Guillaume de Machaut), mais aussi la locution adverbiale « par maistrie » du vers 190, incitent à donner au verbe « entaille[r] » son sens plein : “sculpte[r]ˮ ; au XVe siècle encore, la nature plaît à condition d’avoir été domestiquée, façonnée pour l’usage humain (conformément aux lectures que l’on fait alors de Genèse 2)

36Vers 187 et 194, « fontaine » et « fontenelle » : le cours d’eau ainsi maîtrisé pour maintenir l’agréable fraîcheur des lieux (dont témoigne l’herbe verte) est au départ naturel, de sorte que « fontaine » est à rendre par “sourceˮ et « fontenelle » par “petite sourceˮ : la fontaine au sens moderne du mot résulte de l’aménagement de ces eaux vives

37Vers 198 : pour le concours, rester plus près du texte et conserver « car » (sa répétition au vers 200 n’étant pas anodine : le duc a mûri depuis la scène qu’il rapporte ici, et il raisonne désormais tandis qu’il en aurait alors été incapable)

38Vers 206-207 : “la cour royaleˮ traduit trop peu précisément « la court de dela Que roÿne et roy tenoit » ; penser au moins à remplacer l’article défini par le déterminant démonstratif “cetteˮ

39Vers 211, en revanche, l’incise « me semble » est sur-traduite : “il me sembleˮ suffit. Quant à « plusieurs », il connote moins la diversité (“de choses et d’autresˮ) que la pluralité : alors que le jeune duc serait resté muet sans son aide, la princesse l’a conduit à aborder avec elle maints sujets. Au vers 366, « de mainte raison » n’a pas non plus à être rendu par “de choses et d’autresˮ mais plutôt par “abordant bien des / nombre de sujetsˮ

40Vers 223-224 : rester plus près du texte pour traduire « mainte terre » puis « trouver » et « querre »

41Vers 227 : cette proposition signifie plus précisément “C’est exactement ce qui m’arriva, à n’en pas douterˮ

42Vers 229-230 : il n’y a pas lieu de supposer que « beaulté » et « valeur » sont à mettre sur le même plan comme le suggère la traduction (“je ne percevais rien de la beauté et de la valeur…ˮ). Dans le contexte (v. 217-221), le duc s’étonne de n’avoir pas plus tôt perçu “la beauté de sa dame de mérite / de grande condition et de mériteˮ. Si cette beauté est rehaussée par la noblesse morale de la jeune femme, c’est bien cette qualité plastique (et non celle-ci et la « valeur » de la dame) qu’il est étonnant de ne pas avoir immédiatement reconnue

43Vers 248 : il serait bon de conserver la valeur active de « faisoit » : “me réduisaient au silenceˮ ?

44Vers 256 : « greigneur » aussi est un comparatif, qu’il faut rendre comme tel dans la traduction ; tout au long de la phrase, l’idée reste celle d’une apparence soudain plus magnifique de la princesse aux yeux de son invité

45Vers 266 : “en plein cœurˮ pourrait mieux rendre « au travers du cuer » que la traduction retenue dans l’édition au programme

46Vers 270-271 : « se consenti[r] à + complément » signifie littéralement que l’agent (le cœur) laisse faire l’agent complément, en l’occurrence la blessure d’amour

47Vers 279 : « sa parole » désigne les propos que la princesse adresse au jeune duc : le pronom “luiˮ n’est pas exempt d’ambiguïté (“mon cuerˮ est le dernier GN lisible avant “luiˮ), et l’on pourrait le remplacer par “à ce qu’elle me disaitˮ, par exemple

48Vers 290 : si le sens temporel de « la vie » est bien attesté en moyen français, il est au moins aussi probable que le GN désigne ici “la manière de vivreˮ qui était celle du duc pendant son enfance ; le vers 294 tend à conforter cette lecture

49Vers 294 : pour le concours, rester plus près du texte, notamment de « a celle heure »

50Vers 295 : essayer de rendre l’oxymore « longue piecete »

51Vers 307 : il faut rester plus près du texte qui indique que le cousin n’a quant à lui pas continué de rêver (« n’a plus songié »)

52Vers 311 : ce vers signifie littéralement “il est temps qu’elle aille dînerˮ (« voise » étant une forme de subjonctif présent P3 du verbe « aller »)

53Vers 313 : « que l’on appelle » suggère que les titres de « bonne et belle » constituent non seulement une manière de qualifier la princesse mais encore une sorte d’appellatif, de surnom ; la traduction par “que l’on ditˮ n’en rend pas bien compte

54Vers 316 : de même que « songié » supra, « musay » a un sens plus précis que ne le suggère la traduction ; le verbe, qui se trouve à plusieurs reprises dans le Roman de la Rose (voir le glossaire de l’éd. F. Lecoy), signifie d’abord “perdre son temps, attendre en vainˮ ou au moins “flânerˮ (voir encore « muser » et « musarder » en français moderne)

55Vers 317 : « volz [P1 passé simple de « vouloir »] + infinitif » semble bien exprimer ici l’imminence (bientôt contrecarrée par la princesse) ; on gagnerait à traduire par “je m’apprêtai à / j’allai + infinitifˮ

56Vers 326-327 : les occurrences de « larder » traduites par “percer, transpercerˮ dans le DMF sont toujours des passifs suivis d’un complément d’agent (souvent « de floiches ») ; s’il reste probable que le sens soit celui qu’indiquent les traducteurs, on peut aussi envisager que le dieu Amour ait proprement lardé (entouré de lard) le cœur déjà tendre du jeune homme, et que ce traitement ait rendu son cœur encore plus tendre, pour ne pas dire fondant

57Vers 352 : ne pas traduire « flamme » par “flècheˮ mais garder l’image, quitte à préférer “feuˮ

58Vers 371 : le sens littéral de « et pour quoy est ce ? » est “et quelle est la raison de cela ?ˮ, c’est-à-dire “et pour quelle raison vous taisez-vous ainsi ?ˮ

59Vers 375 : le sens littéral de « se Dieu me vueille aidier » est “aussi vrai que je demande à Dieu de bien vouloir m’aider / de m’accorder son aideˮ (Ph. Ménard, cit., § 197, remarque 2)

60Vers 380 : le sens littéral de « mens je goute ? » est “est-ce que je mens le moins du monde ?ˮ, « goute » étant un des forclusifs attachés à l’expression de la plus petite quantité, du moindre degré (en contexte négatif ou interrogatif comme ici)

61Vers 385 et 393 : il serait bon de traduire de la même manière les deux occurrences du mot « onneur » ; “dignitéˮ convient bien

62Vers 402-403 : ne faut-il pas comprendre « de » (encore susceptible de marquer l’origine en moyen français) comme un indice du fait que le jeune duc n’était plus “perdu dans [s]es penséesˮ au moment où il a répliqué à son cousin, mais que son soupir puis sa réplique lui ont été inspirés par les pensées profondes qui l’agitaient, ou du moins l’en ont fait sortir ?

63Vers 405-410 : la traduction “que notre hôtesseˮ clarifie la pensée du locuteur, mais le texte ne fait précisément aucune référence explicite à la princesse, qui hante l’esprit du jeune homme (et dont le cousin vient en outre de parler)

64Vers 416-417 : ne pas oublier de traduire « du mond » ; puis éviter de transformer « ne… plus » en “ne… pasˮ, moins comminatoire

65Vers 430-437 : il est un peu gênant d’employer “fenêtreˮ pour rendre compte de la situation de surplomb du père (v. 430-431, où n’apparaît pas le mot « fenestre ») et de traduire ensuite « fenestre » (v. 437) par “embrasureˮ ; quant à la traduction de « durement enquestoit », elle pourrait être remplacée par “avait à cœur de déterminerˮ, dans la mesure où « durement » connote l’intensité plutôt que la diversité de moyens

66Vers 460 : en pareille situation « pris » a généralement été traduit par “fait prisonnierˮ, “pris au piègeˮ

67Vers 464 : on ne lit certes pas « heure ne demie », mais cette expression consacrée peut avoir nourri la leçon « heure et demie » ; si l’on fait cette hypothèse, on doit comprendre que le duc épris n’a pu dormir une seule heure, ni même une demi-heure

68Vers 465 : il serait bon de traduire la valeur adversative de « Si », qui signifie en l’occurrence “Et pourtantˮ

69Vers 471 : « si com je voulsisse » signifie littéralement “autant que je l’aurais vouluˮ

[Étude littéraire]

[Introduction]

70Deux copies du Livre du duc des vrais amants [désormais LDVA] nous sont parvenues. L’une, la plus ancienne, était probablement destinée à Louis d’Orléans et a été achetée par Jean de Berry [aujourd’hui Ms. Paris, BnF, fr. 836] ; l’autre, plus récente de quelques années, a été offerte à Isabeau de Bavière [aujourd’hui Ms. Londres, BL, Harley 4431]. Les deux témoins présentent un programme iconographique globalement similaire : six enluminures, toutes situées avant le vers 1651 qui inaugure le récit de l’intervention du cousin pour favoriser les amours du jeune duc. Le contenu de la première image, qui dans les deux cas précède le titre rubriqué « Cy commence le Livre du Duc des vrais amans », distingue en revanche ces deux copies. Dans le manuscrit acheté par le duc de Berry (f. 65r), Christine [qui ne porte pas la robe bleue dont les enlumineurs l’habillent fréquemment, mais qui est bien coiffée de la cornette blanche régulièrement associée à son image] est agenouillée aux pieds d’un noble trônant sous un dais fleurdelisé ; dans le manuscrit offert à la reine Isabeau (f. 143r), Christine [portant robe bleue et cornette blanche], debout, reçoit la visite d’un noble qui s’incline devant elle et reçoit d’elle des conseils (si l’on en juge par le geste prêté au personnage féminin, qui pointe vers le haut l’index de sa main gauche). Il a donc suffi de quelques années [entre 1406-1407, date présumée de la réalisation du ms. de la BnF, et 1414 environ, date présumée de la réalisation du ms. de la British Library] pour que l’image liminaire du LDVA montre l’ascendant de Christine sur son noble commanditaire, plutôt que l’inverse. Ce passage au second plan du personnage figurant le duc commanditaire, narrateur et héros, dira-t-on, est le fait des artisans du livre, et non de l’auteur. Mais outre que les copistes et les enlumineurs peuvent être de fins lecteurs des œuvres qu’ils ont à charge de diffuser, dans ce cas précis on s’accorde à penser que Christine de Pizan a pu guider leur travail. Une telle révision de l’image liminaire du LDVA pourrait donc correspondre à un enjeu proprement littéraire. Et de fait, il n’est pas nécessaire d’attendre la complainte de la princesse (éd. p. 412-422) ni les avertissements de Sibylle de Monthault (éd. p. 332-350) pour découvrir que Christine de Pizan a pris de grandes libertés avec le sujet qu’elle présente dans le prologue comme une commande qui l’a contrariée mais qu’elle a tenu à honorer (éd. p. 134-136). Dès les premiers vers narratifs et dès le prologue même, se pose la question de savoir quelles peuvent être les places respectives de celui qui se fait nommer « le Duc des vrais amants » et de celle qui s’engage à transcrire poétiquement son récit amoureux. De fait, sous couvert de relater l’éveil à l’amour d’un très jeune homme déterminé à rejoindre la société des amants parfaits [I], l’ouverture du LDVA laisse d’emblée paraître une facilité qui rend toute l’histoire suspecte, ou du moins peu conforme à la logique ascétique de la fine amor [II], de sorte que deviennent vite patents les efforts de l’auteur pour évider le traditionnel discours amoureux et ainsi interroger son rapport au « voir dire » [III].

[I. Un incipit de roman courtois visiblement très topique]

71Les réminiscences du Roman de la Rose [désormais RR] sont tellement nombreuses dans le LDVA que l’on peut considérer ce dernier comme une réécriture de la célèbre allégorie courtoise [voir LDVA, p. 43-46]. Si la dette de Christine à l’égard de Guillaume de Lorris devient manifeste lorsque le mari et le chaperon de la princesse sont appelés « Jalousie » et « Dongier » (v. 2474 et 2476 éd. p. 288), les similitudes abondent bien avant que ne surgissent ces opposants à l’amour. Ces similitudes excèdent d’ailleurs le seul RR, et font apparemment du LDVA une énième fiction courtoise, où la posture du narrateur, les thèmes abordés, ainsi que le comportement verbal prêté au héros, entretiennent chez le lecteur l’impression que Christine de Pizan a pleinement endossé son rôle de porte-parole du « Duc des vrais amants ».

[A. Un narrateur interne très présent, n’hésitant pas à orienter les narrataires]

72En effet, après un prologue lui-même respectueux des usages avec son éloge du commanditaire et ses protestations d’humilité (v. 1-40 éd. p. 134-136), apparaît dans le manuscrit conservé à la BnF la rubrique « Le Duc des vrais amants » (entre les v. 40 et 41 éd. p. 136). Il convient manifestement de lire cette rubrique comme une mention de locuteur, puisqu’elle est suivie du long récit à la première personne assuré par le duc (du vers 41 au vers 3556). Ainsi donc, alors qu’elle ne reprend pas d’emblée au Roman de la Rose ni aux nombreux dits qui s’en inspirent (Épinette amoureuse de Jean Froissart, Livre du voir dit de Guillaume de Machaut, etc.) la fiction selon laquelle l’auteur, le narrateur et le héros de jadis ne font qu’un, Christine de Pizan semble bien s’effacer dès le vers 41 et respecter ainsi la promesse formulée aux derniers vers du prologue, « Je diray en sa personne Le fait si qu’il le raisonne. » (v. 39-40 éd. p. 136 [répétant les v. 25-30 éd. p. 136]). Peut dès lors naître un récit masculin rétrospectif à la première personne, comme les contemporains de Christine étaient habitués à en écouter ou à en lire depuis le succès du RR. Le désir qu’ils avaient de promouvoir la création poétique et la réflexion sur celle-ci explique sans doute que les auteurs de dits amoureux à insertions lyriques aient volontiers prêté à leur narrateur interne une attitude de pédagogue. À peine a-t-il commencé le récit de son inclination très précoce à l’amour passionnel que le narrateur interne de L’Épinette amoureuse, par exemple, résume son propos et prend le lecteur à témoin (v. 55-57 trad. N. Bragantini-Maillard, « Ainsi s’écoulait ma jeunesse. Cependant, je vous jure que je la passais… »). Le duc du Livre des vrais amants ne se singularise donc pas lorsqu’il structure soigneusement le récit de son initiation amoureuse, ou lorsqu’il interpelle les lecteurs. Juste avant de relater comment Amour exauça le désir qu’il avait de devenir un amant admirable, le narrateur explicite son dessein, également souligné par le pied-de-mouche qui fait suite à cette déclaration d’intention, « Si compteray la maniere Coment Amours la premiere Fois mon cuer prist et saisi, Ne puis ne s’en dessaisi » (v. 87-90 éd. p. 140). C’est après une enluminure (l’enluminure n°3 [figurant des couples en discussion près d’une fontaine]) qu’apparaît la déclaration suivante du narrateur interne, « Or est il temps que je dye Comment la grief maladie Commença, qui pour amer M’a fait souffrir maint amer. » (v. 213-216 éd. p. 146). À la proximité lexicale et thématique de cette annonce avec la précédente, s’ajoute en l’occurrence le caractère très topique, pour ne pas dire éculé, de la rime « pour amer » // « maint amer », qui se trouvait entre autres dès les premières mises en récit de la légende tristanienne. Le lecteur est ainsi invité à découvrir une aventure amoureuse dont la rhétorique lui est familière. La dernière intervention directe du narrateur en notre passage n’est pas assortie de signes graphiques tels que le pied-de-mouche ou l’enluminure (dont on sait la fonction structurante au sein des manuscrits médiévaux). En revanche, cette relance « A brief parler, qu’en diroye ? » (v. 287 éd. p. 150) précède une mise au point qui vient souligner la vive progression du récit, et donc l’intense activité du narrateur interne : la protase « S’a estre pris desiroye, » du vers 288 (éd. p. 150) renvoie en effet à l’assertion des v. 41-43 (« Joenne et moult enfant estoie Quant ja grant peine mettoye A amoureux devenir »), après quoi l’apodose du vers 289 (éd. p. 152) « Or n’y eus je pas failly. » nous assure que le vœu du jeune duc a été exaucé, à peine 250 vers après son expression. Cette relance narrative est en outre précédée d’une prise à témoin du lecteur qui restera unique dans notre passage mais qui n’en est pas moins suggestive du pouvoir ici conféré au narrateur. Il s’agit visiblement de guider le narrataire dans sa lecture des symptômes de « la grief maladie » décrite depuis l’annonce précédente (v. 213-216 [vers dont la promesse est ici tenue]) : « Contre son regard muoie Couleur et ne remuoye Pié ne main, qu’il vous semblast Que de paour mon cuer tremblast. » (v. 283-286 éd. p. 150). S’il est prié de ne pas les confondre avec des signes de peur, le narrataire est du même coup invité à percevoir les tremblements du héros. À l’instar de ses prédécesseurs, le narrateur du LDVA assortit donc son récit d’un certain nombre de balises et d’indices aidant en principe à bien lire celui-ci.

[B. Réminiscences thématiques dans le texte et les images]

73Outre qu’il contribue à ranger le LDVA dans la lignée des dits amoureux inspirés du célèbre Roman de la Rose, le narrateur interne très présent du dit christinien souligne par ses propos le contenu tout aussi traditionnel de son aventure. Cet effet est évident aux vers 213-216 où son intervention aboutit à la rime topique entre « a(i)mer » et « amer » signalée tout à l’heure. L’adversaire du Roman de la Rose et des fictions courtoises faussement favorables aux dames sait bien qu’on la lira au prisme de ce grand modèle et de ses avatars du XIVe siècle. Elle s’emploie donc à donner des gages à ses lecteurs – qu’il s’agira de rendre progressivement plus critiques. Ainsi le prologue sacrifie-t-il à l’éloge du commanditaire, alors même que celui-ci reste anonyme et peut n’avoir été qu’une fiction, et alors surtout que Christine dit avoir été contrariée par sa requête (v. 1-13, 21-24, 34-35, éd. p. 134-136). De même ce discours liminaire sacrifie-t-il au topos d’humilité (v. 36-37 éd. p. 136) que contredira pourtant le discours méta-poétique consigné après la rubrique « Explicit le Livre appellé le Duc des vrais amans » (v. 3557-3580 éd. p. 382 : Christine mettra alors « les ditteurs » au défi de composer un dit à insertions lyriques qui conjuguerait comme le sien ampleur et diversité de l’argument traité, mais aussi richesse de la rime). Il s’agit manifestement de placer le public en terrain familier. Cette reconnaissance des lieux communs ne devait pas être moindre lorsque commençait la relation de l’initiation amoureuse du jeune duc devenu narrateur. Celui qui, à l’instar des amants des grands chants et des romans courtois, avait préféré être désigné par un surnom (prologue, v. 21-23 éd. p. 134 [cf. le senhal dont usent les troubadours dans l’envoi (appelé tornada) de leurs chansons, ou encore le motif du secret dans La chastelaine de Vergy, etc.]), celui que ses titres de « seigneur » et « duc » n’avaient pas empêché de se considérer comme un « ser[f] » du dieu Amour (prologue, v. 19-20 éd. p. 134 [cf. le « service » amoureux auquel se vouent les fins amants]), ancre ensuite son récit amoureux dans un cadre spatio-temporel on ne peut plus topique. Le premier vers narratif du LDVA, « Joenne et moult enfant estoye » (v. 41), évoque non seulement le premier vers narratif du RR, « El vintieme an de mon aage » (v. 21 éd. F. Lecoy), mais aussi celui de l’Épinette amoureuse de Jean Froissart, « En ma jeunesse, … » (v. 23 trad. cit. [composé vers 1369, ce dit est très influencé par le Roman de la Rose, comme en témoigne entre autres la mention liminaire du « péage d’Amour », aux v. 2-3 fortement apparentés aux v. 22-23 du RR, « El point qu’Amors prent le paage Des jones genz »]) ; et l’on pourrait sans peine allonger cette liste. C’est de plus « en un prael verdoyant » (v. 179 éd. p. 144) que le jeune duc voit exaucé son désir de connaître un amour passionné. Ce « tres bel estre [“endroitˮ] » (v. 181 éd. p. 144) évoque si évidemment le verger de Deduit décrit par Guillaume de Lorris [attention, le verger recevra un nouveau nom dans la continuation de Jean de Meun : « Beau Parc »] que l’enluminure (n°3) le figurant le cerne d’un mur dont le LDVA ne fait nulle mention [sauf à considérer que l’adjectif « ferme » qualifiant « chastel » au v. 105 a inspiré le dessin du « prael » à quoi la demeure de la princesse s’est trouvée réduite] et qui constitue probablement un souvenir de celui qui entourait effectivement (et définissait a contrario, par les nombreux exclus figurés sur sa paroi extérieure) le verger du premier Roman de la Rose. Il faut dire que les points communs entre les deux descriptions sont par ailleurs nombreux : le « prael verdoyant » du v. 179 du LDVA fait assurément écho au v. 677 du RR, « je vi le lieu verdaier » ; en situant cette prairie « Soubz l’ombre d’une saulsoye » (LDVA, v. 186), Christine continue d’apparenter le cadre des amours du duc au verger de Deduit où chacun pouvait « ombroier Soz ces arbres » (RR, v. 1291-1292) ; l’emprunt au RR devient patent lorsque le narrateur du LDVA prolonge la mention de l’ombre des saules en évoquant « le ru d’une fontaine [qui] Court bel et cler par certaine Voye, faitte et entaillee Par maistrie, soubz feuillee Sur l’erbe verte et menue » (LDVA, v. 187-191, à comparer aux v. 1381-1391 du RR, « cleres fontaines (…) Cui li arbre fessoient ombre : (…) Par petiz ruisiaus, que Deduiz I ot fet fere par conduiz, Si en aloit l’eve (…) Entor les ruisiaus (…) poignoit l’erbe freschete et drue »). Dans cet avatar du locus amoenus romanesque lui-même hérité de la strophe de reverdie du grand chant courtois, le jeune duc découvre en la princesse des qualités qui lui avaient jusque-là échappé et qui le subjuguent. Aucun topos ne manque dans cette phase du récit d’initiation amoureuse. Quand l’hôtesse du duc est devenue « la Perfaitte » (v. 243 éd. p. 148 [cette désignation émane du narrateur a posteriori, mais elle apparaît pour la première fois ici, et signale que le jeune homme est maintenant disposé à aimer]), « Amours, l’archier plaisant » frappe le jeune homme en plein cœur (v. 257-271) : c’était de même quand il paraissait disposé à aimer la Rose distinguée entre mille que l’Amant de Guillaume de Lorris devenait la cible du dieu Amour (RR v. 1679-1693). En ces moments de bascule (v. 257-266 éd. p. 150), il n’est pas jusqu’au nom de la flèche « Doulz Regard » (v. 264 éd. p. 150) qui ne renvoie au Roman de la Rose (où l’archer d’Amour portait ce nom, RR v. 1302 et passim). Les effets de cette blessure ne sont pas moins traditionnels : le jeune amoureux pâlit, ne réussit à faire aucun geste ni à proférer aucun mot (v. 275-286 éd. p. 150 ; cf. le RR v. 1719-1724 entre autres). Les termes « maladie » et « guerre » servent à désigner le sentiment qui s’empare alors du jeune homme (v. 214 et 240 éd. p. 146-148). Et de fait, son évolution est notable, puisque naguère encore le jeune duc était incapable de s’arrêter à un objet d’amour en particulier (v. 61-63 éd. p. 138) et ressemblait de ce fait à l’Amant du RR rêvant d’arracher toutes les roses avant de se laisser émouvoir par un seul des boutons offerts à sa vue (RR v. 1613-1659). Suivent bientôt, en alternance, déconvenues et signes encourageants (v. 275-339 éd. p. 150-154) susceptibles de rappeler au lecteur du LDVA non seulement le parcours de l’Amant dans le RR (qui avait successivement affaire à Bel Accueil et à Dangier figurant respectivement les bonnes grâces et les refus de la jeune fille courtisée) mais encore la rhétorique contrastée des troubadours et des trouvères qui entremêlaient volontiers à la rime « dolor » et « doçor » (et l’on observe que le LDVA déroule alors le programme topique annoncé en son v. 27). Rentré chez lui, le jeune homme connaît les affres des parfaits amants telles que maints romans les ont déjà figurées : à l’instar des héros masculins de Floire et Blancheflor, Guillaume de Dole, etc., le duc ne trouve plus aucune joie auprès de ses habituels compagnons (LDVA, v. 450-460 éd. p. 160) ; et comme Dané dans Narcisus, Lavine dans Eneas, l’Amant dans le Roman de la Rose, etc., il perd le sommeil la nuit qui suit sa découverte de l’amour (LDVA, v. 461-471 éd. p. 160).

[C. Un amoureux dont « bouche » et « cuer » s’accordent]

74Le narrateur, qui disait d’emblée son aspiration de jadis « a amoureux devenir » (v. 43), a bel et bien mis ses pas dans ceux des amants « gracieux » dont il « ouoy[t] » les éloges (v. 46 et 44). Christine de Pizan en donne à ses lecteurs abreuvés de romans courtois toutes les garanties. En effet, non contente de faire passer le jeune duc par toutes les étapes consacrées de l’initiation amoureuse, notre auteur lui prête aussi un comportement verbal idoine. Parmi les symptômes du mal d’amour dont le duc dit avoir été la victime consentante (v. 270-271 éd. p. 150), le mutisme est celui dont il est le plus souvent, longuement et diversement question. C’est en effet dès avant le récit de l’intervention d’Amour que le jeune homme paraît assez embarrassé ou distrait pour que son cousin réponde à sa place aux questions de la princesse (v. 166-175 éd. p. 144). De même le rôle décisif de la princesse en ce domaine est-il souligné lorsque les futurs amants discutent près de la fontaine : le narrateur explique « Lors me prist [elle] a desrener, Car [je] ne sceusse araisonner Elle n’aultre » (v. 197-199 éd. p. 146). S’il en était encore besoin, Christine de Pizan explicite un peu plus loin le lien unissant cet empêchement de la parole et l’aptitude à l’amour sincère ; dans la relative qualifiant Amour sur le point de blesser le jeune duc de sa flèche, il faut en effet attribuer au coordonnant « et » une valeur d’équivalence : « Amors (…) qui veit mon maintien taisant Et qu’estoye en point de [“dans les bonnes dispositions pourˮ] prendre La fleche dont seult [“il a coutume deˮ] surprendre Les amans, … » (v. 257-261 éd. p. 150). Autrement dit, le mutisme du jeune duc constituait la preuve qu’il était prêt à aimer fidèlement. Le caractère qualifiant de ce qui pourrait aussi bien apparaître comme un défaut rédhibitoire (dans la mesure où l’amour se nourrit d’être dit) s’explique a contrario : les pires opposants aux fins amants de la lyrique et des romans courtois sont les losangiers, des beaux-parleurs insincères. C’est pourquoi le jeune duc subjugué par Amour reste incapable de s’exprimer tout le temps où il côtoie son aimée. À peine vient-il d’être fait état de « l’amoureuse bleceure » (v. 271 éd. p. 150), que le narrateur déplore « respondre Ne sçavoye a sa parole ; Bien devoit tenir a fole Ma contenance (…) » (v. 278-281 éd. p. 150). À la fin de cette journée, c’est derechef son cousin qui dicte au jeune homme les paroles qui conviennent (il leur faut prendre congé pour laisser dîner leur hôtesse). Significativement, c’est le discours du cousin qui est alors seul rendu au style direct (v. 308-311 éd. p. 152), sa répétition par l’amoureux faisant au contraire l’objet d’une relation indirecte, en outre retardée : aux vers 312-325 (éd. p. 152), la prétérition « sans tarder » (v. 325) vient souligner les entraves diégétiques et syntaxiques à l’effective prise de congé conseillée par le cousin dès les v. 308-311. Si le jeune duc se tait encore lorsqu’il chemine aux côtés de son cousin, c’est parce cet état prouve on ne peut mieux l’effet durable de la blessure d’amour (v. 348-368 éd. p. 154-156). Bientôt toutefois, celui qui risquerait de finir par paraître inapte à la fine amor, rassure les lecteurs de poésie courtoise certes habitués à se méfier des losangiers mais également habitués à ce que les fins amants alimentent « la louange des dames » [pour le dire avec Guillaume de Machaut, qui donna ce titre à la collection de ses poèmes amoureux]. À défaut d’être aussi développée et syntaxiquement élaborée que le propos de son cousin (v. 369-397 éd. p. 156), la réplique du jeune amoureux est saturée de marques prouvant son implication (v. 404-420 éd. p. 158 : marqueurs de première personne dans les paradigmes verbaux et nominaux ; interdictions répétées à son interlocuteur « jamais ne clamez » et « plus ne le dites » ; assertion à modalité expressive « Chose est certaine ! » ; connecteur logique « Car »). En réponse à son cousin qui achevait son propos sur la louange, provocatrice, de sa propre dame (v. 395-397 éd. p. 156), l’amant pourtant tout neuf produit une comparaison topique qui reste ici sans objection : aux vers 416-420 (éd. p. 158), il affirme que, comparée aux autres dames, l’élue de son cœur est comme l’étoile dont l’éclat surpasse celui des flammèches ou des chandelles ; son cousin, d’ordinaire pugnace, ne réplique pas. Cette preuve d’appartenance du jeune homme à l’admirable société des amants parfaits semble avoir été reçue comme telle à l’intérieur du récit, par le cousin : « croy bien qu’il advisoit Que ja mon cuer y visoit. », rapporte a posteriori le duc (v. 423-424 éd. p. 158). La nécessité qu’il y a ici de s’accorder au sentiment du narrateur pour comprendre que le pronom « y » renvoie à la princesse n’est pas exceptionnelle dans notre passage. Au vers 301 par exemple (« en regardant Sa beaulté »), le référent du déterminant possessif « sa » produit le même effet : le narrateur semble hanté par l’image de sa dame, au point de ne pas avoir besoin de préciser que c’est d’elle qu’il se préoccupe chaque fois qu’il pense ou parle. Naturellement, la spontanéité avec laquelle le jeune duc a composé un rondeau pour dire son désir d’aimer (aux v. 71-82 éd. p. 138-140 [le rondeau est apparu peu après le début du récit proprement dit, et il a été immédiatement suivi de l’affirmation « Ainsi souvent devisoye » v. 83 éd. p. 140]) a préparé les lecteurs à l’interprétation positive de telles scènes de mutisme, de verve, ou d’approximation syntaxique.

75 

76[Transition I-II :] Mais précisément, cette interprétation positive n’est pas toujours la seule possible ; il arrive même qu’elle soit tout à fait exclue. Il se dégage notamment de l’ouverture du récit de celui qui s’est fait appeler « le Duc des Vrays Amoureux » (v. 23) une impression de facilité, qui, en terre courtoise, peut rapidement devenir suspecte.

[II. Une facilité suspecte]

[A. Des obstacles dérisoires]

77Dès le prologue en effet, s’impose un régime discursif où l’obstacle, si massif qu’il puisse d’abord paraître, est rapidement contourné. La première phrase du LDVA (v. 1-12 éd. p. 134) est emblématique, avec sa proposition concessive inaugurale (« Combien que… d’amours », v. 1-41) renforcée par une proposition causale à relative enchâssée (« car en aultre afaire… m’entente mettoye »v. 42-6), ni l’une ni l’autre n’empêchant toutefois l’avènement du contraire, au sein de la proposition principale pourtant un peu plus brève (« vueil je d’autrui sentement… nouvel dit », v. 7-91) mais à son tour renforcée par une proposition causale à subordonnées enchâssées (« car tel m’en prie… que ne suis », v. 92-121). La contradiction entre concessive (v. 1-6) et principale (v. 7-121) est telle que l’on peut, au vers 7, hésiter à donner au syntagme « vueil je » sa valeur moderne “je veuxˮ, et préférer y voir une marque d’imminence bien connue du moyen français (“je vais, je m’apprête à [composer un nouveau dit inspiré par l’expérience amoureuse d’une tierce personne]ˮ). Il est à vrai dire difficile de trancher entre ces deux traductions, dans la mesure où, par la suite, volonté et imminence tendent à se confondre. Disons plus exactement qu’il peut suffire qu’un personnage éprouve un désir pour que les obstacles à sa satisfaction s’aplanissent peu après avoir été exposés ; dès lors, on peut rapidement aboutir à l’énoncé de la satisfaction de ce désir, tandis que dans le grand chant courtois cet assouvissement ne constituait jamais qu’un horizon inatteignable. Ce régime narratif tenant du « sommaire » genettien est adopté dès le début du récit qu’assure le duc. Après qu’il a fait état de son envie précoce de rejoindre les rangs des « amans » admirés (v. 41-48 éd. p. 136), le narrateur affirme certes avoir attendu « long temps » (v. 51 éd. p. 136), « longue piece » (v. 65 éd. p. 138), et avoir durant cette longue attente adressé « A Amours mainte clamour » (v. 68 éd. p. 138), dont le rondeau quatrain des vers 71 et suivants est présenté comme un spécimen parmi d’autres aux vers 83-84 (éd. p. 140, « Ainsi souvent devisoye Pour le desir ou visoye »). Toutefois, en dépit de ces assertions censées traduire la patience de l’aspirant à l’amour courtois, c’est dès le vers 85 qu’est énoncée la résolution de son attente (« Tant que Vraye Amour m’ouÿ », éd. p. 140 [nous ajoutons la majuscule à « Vraye »]). S’il n’y avait été tout de suite sensible, le lecteur comprend alors la portée critique du datif éthique du vers 70 qui introduisait la première pièce lyrique du dit (« Pour le temps qui trop long m’iere », éd. p. 138) : le jeune duc a prétendu imiter les troubadours alors qu’il n’en était qu’au tout début de son initiation ; il a trouvé le temps long mais il n’avait alors rien connu de la souffrance vraie, durable, suggère Christine. Lorsque le jeune homme côtoie effectivement la dame dont il va s’éprendre, tout semble également aisé : dans le premier discours rendu au style direct (après le rondeau), les enjambements sont aussi fréquents que dans le LDVA en général, et en l’occurrence ils contribuent à détacher de la salutation de la princesse les rejets « Beau cousin » et « Si seulet » (v. 164-166 éd. p. 144), c’est-à-dire à faire apparaître l’invite « Or alons Jouer » (v. 177-178 éd. p. 144, à enjambement aussi) comme une offre d’union qui effacera cette solitude. Et de fait, ce sont alors une P4 « devalons » (v. 178 éd. p. 144), puis une P1 assortie d’une participiale à la P3 « elle coustoyant Entray » (v. 180-181 éd. p. 144, à enjambement encore), qui se substituent aux P1 naguère isolées des deux personnages. Si l’on se fie à la grammaire et à la métrique, l’union des jeunes gens advient rapidement. Et ce n’est certes pas la facilitation de leur dialogue par la princesse (v. 201-212 éd. p. 146) qui viendra contredire cette impression que même les obstacles les plus valorisants [voir supra I.C. la signification du mutisme dans les hypotextes du LDVA] sont rapidement contournés en ce récit. La jeune femme aurait-elle même encouragé son hôte à la courtiser ? Son invite à « jouer » et son rire (v. 177-178 éd. p. 144) pourraient le suggérer, surtout si on les compare aux recommandations de Sibylle de Monthault exhortant à la mesure, y compris lors des « esbat[emens] » (lettre V l. 180-186 éd. p. 344). D’ailleurs, s’il est possible d’envisager que Christine ait « di[t] le mal par la fin » [comme le suggère une section de l’analyse de Sarah Delale publiée chez Atlande, p. 66-68], tant le LDVA est manifestement conçu pour la lecture (plus que pour l’écoute), les lecteurs du XVe siècle n’avaient probablement pas besoin de découvrir la missive de la gouvernante pour soupçonner la princesse et son amant de légèreté morale. Outre que la consécution entre désir d’aimer et départ pour la chasse (éd. p. 140) conduit à s’interroger sur la conception de l’amour que pouvait avoir le duc, cette « faim » de « deduit » (v. 95 et 96 éd. p. 140) mène les jeunes gens à « une voye Ou connilz assez savo[it] » leur jeune chef (v. 103-104 éd. p. 140). Or, si cet animal peuplait le verger du premier Roman de la Rose (RR v. 1376-1380), c’est notamment parce qu’il s’accordait là aux ébats des jeunes couples sur l’herbe tendre (RR v. 1289-1292 ; dans le manuscrit BnF fr. 12786 édité par Armand Strubel, c’est le verbe « donoier » ici employé qui sert ensuite à évoquer le comportement des lapins aux v. 1377 sqq) : il faut dire que ce verger n’était pas l’œuvre ni le royaume d’Amour, mais de Deduit (“Plaisir, Divertissementˮ), et que c’était en conséquence dans l’un de ses recoins que l’Amant vivait son initiation, à l’écart des couples déjà formés qui se donnaient du bon temps. Sans doute les premiers lecteurs de Christine ont-ils bien compris ces indices dûment relevés dans les notes de l’édition au programme, car dans la littérature médiévale en général [le RR, mais aussi bestiaires, notamment la Physica d’Hildegarde de Bingen qui classe les animaux en fonction de la pureté de leur mode de reproduction et valorise ceux des mammifères (moins purs que les poissons ou les oiseaux) qui, à tout le moins, ne pullulent pas], le lapin, créature très prolifique, peut connoter l’ardeur sexuelle, spécialement féminine en raison de la proximité du mot « connil/in » avec une désignation commune du sexe de la femme [cette acception triviale du mot « con » étant historiquement la première]. On pourrait hésiter à prêter une telle intention grivoise au narrateur inventé par la veuve d’Étienne Castel. Et pourtant, aux lévriers positivement connotés et habitués à accompagner les nobles chasseurs [voir entre autres Jean-Claude Schmitt, Le saint lévrier. Guinefort, guérisseur d’enfants depuis le XIIIe siècle, Paris, Flammarion, 1979 (Ethnologie historique)], le duc dit avoir fait ajouter des « fuirons », des “furetsˮ (v. 98 éd. p. 140), soit des animaux qui à pareille époque peuvent par métaphore désigner le sexe de l’homme [DMF, s.v. « furon »]. Dans la mesure où la phrase qui suit cette mention des « fuirons » mène « sans attendre » (v. 98) aux « connilz » (v. 104) en passant par des « chemin[s] » (v. 99 et 102) finalement désignés par le terme « voye » à possible acception anatomique en moyen français déjà (v. 103 [DMF, s.v. « voie »]), le doute s’estompe, et il paraît bien possible que Christine ait doté son narrateur d’un langage ambigu.

[B. Aveux de médiocrité]

78On aurait alors affaire, dans le LDVA, à une banale histoire d’adultère entre une jeune femme mariée et un tout jeune homme venu la distraire de sa vie rangée en jouant aux amants éperdus. Cette démythification des fictions courtoises passe par une critique à peine voilée des femmes refusant de juguler leur désir, puisque « connilz assez » se lit juste avant l’entrée du héros dans une cour princière où les femmes se présentent en « grant route » (v. 134 éd. p. 142). Cette démythification suppose aussi de montrer les hommes sous leur vrai jour. Or, ils partent « chacier » (v. 95 éd. p. 140), pour « jouer » (v. 170 éd. p. 144), et accompagnés de furets dont on a vu la possible ambiguïté ; puis il apparaît bientôt que ce sont eux qui sont les jouets du hasard, qui les « chace » jusque chez la princesse (v. 171 éd. p. 144). Si l’on en croit le présent dont use le narrateur interne au vers 100 (« en un chemin Qu’assez souvent je chemin », cette route conduisant bientôt chasseurs, lévriers et « furets » aux nombreux « lapins »), la façon qu’ils ont ici de s’en remettre à ce qu’on est tenté d’appeler leurs « bonnes fortunes » n’a rien que de très usuel. Ainsi « aiment » ces hommes de cour. Et quand l’un d’eux se croit amoureux parce que c’est socialement valorisant de se faire passer pour tel plutôt que d’exprimer crûment son désir, il reste hébété, et doit à la sollicitude de sa partenaire d’entretenir avec elle un semblant de conversation. Lorsqu’il se retrouve finalement en compagnie de ses amis chasseurs, il s’enflamme et se déclare prêt à mourir pour honorer de sa louange une femme dont il attend en fait les faveurs, comme le prouveront la suite du récit et son accélération très sensible lorsque la princesse se sera donnée au duc. Ainsi peut-on certainement relire les péripéties de notre extrait, quand on découvre ce dont est effectivement capable le jeune duc qui pense avoir découvert l’amour courtois et qui s’est dit prêt à mourir pour exalter sa dame : son père le morigène comme un garnement, et il monte dans ses appartements sans répliquer, cédant au premier obstacle qu’il rencontre (v. 430-449 éd. p. 158-160). Pour tout dire, Christine de Pizan amène son narrateur à déconstruire l’idéal de la fine amor dès qu’il prétend avoir voulu s’y vouer. De fait, tout ce qui pourrait sembler hyperbolique et donc conforme aux exigences de la fine amor se trouve ici rabaissé, tantôt par avance, tantôt dans l’aval du texte. Ainsi en va-t-il par exemple du topos de la blessure infligée par le dieu Amour : alors que l’emploi exceptionnel du présent de narration vient de signaler l’importance de la scène (v. 257-266 éd. p. 150), le narrateur ajoute (en retournant au passé simple) un premier commentaire suggérant le caractère illusoire de ses impressions de jeunesse : « Bien cuiday [“crus, imaginaiˮ] estre perdu » (v. 268 éd. p. 150). Puis juste après avoir sacrifié au lieu commun du consentement à la douleur d’aimer (v. 270-271 éd. p. 150), le narrateur admet comme à regret (ainsi peut-on comprendre l’enjambement) « Tout [“Bien queˮ] ne feust la playe seure De mort, » (v. 272-273 éd. p. 150). Le lecteur attentif avait sans doute déjà compris que rien de grave ne pouvait advenir, car au moment de relater l’action d’Amour en réponse à son vœu porté par le rondeau des vers 71 et suivants, le duc devenu narrateur avait annoncé : « Si compteray la maniere Coment Amours la premiere Fois mon cuer prist et saisi, Ne puis ne s’en dessaisi » (v. 87-90, éd. p. 140). Le vers 90 donnait là une impression de belle constance, qu’avait toutefois contredite par avance la locution adverbiale « la premiere Fois » : le duc n’a certes jamais cessé d’être amoureux, mais il l’a été une première fois de la princesse dont il a choisi de parler ici, puis il l’a été d’autres fois, d’autres femmes. Dès lors, l’insistance avec laquelle le duc souligne rétrospectivement l’étrangeté de son premier amour devient elle aussi suspecte. Sous prétexte que cette histoire constitue une « merveille » (v. 217 éd. p. 148) – ce qu’elle est d’une certaine manière puisqu’elle contredit le motif éculé de la passion née au premier regard –, le narrateur répète ad nauseam que la princesse ne l’avait jusqu’alors jamais ému (v. 217-221 expression directe de ce fait effectivement singulier au plan littéraire ; v. 222-226 expression indirecte, par la comparaison avec le quêteur que guide finalement un tiers, ce qui renforce par avance le rôle du cousin passablement cynique en amour [comme l’était Ami sous la plume de Guillaume de Lorris lui-même : dès qu’il n’est plus seul comme dans la canso, l’homme s’écarte de l’idéal de la fine amor qui fait de lui un soupirant exalté] ; v. 227-237 nouvelle expression directe, cette fois double, de la même idée ; v. 238-239 expression indirecte, par la comparaison triviale avec celui qui tient dans sa main ce dont il s’est mis en quête).

[C. Une fiction narrative peu contraignante en vérité]

79Cette médiocrité du sentiment masculin semble avoir laissé le champ libre à Christine de Pizan. À plus d’une reprise en effet, elle passe outre ses promesses liminaires et s’exprime à travers le duc censé lui avoir demandé d’écrire son histoire. Cette immixtion est particulièrement sensible dans les portraits que le duc fait de la princesse. La première fois où il est question d’elle, le narrateur déclare « Adonc fut en celle place Une princesse venue Qui ert de chascun tenue Bonne, belle et bien aprise, Tele que chascun la prise. » (v. 108-112, éd. p. 142). En l’occurrence, la délégation de l’avis donné sur la dame à un vague « chascun » peut s’expliquer par le fait que la princesse n’a pas encore rejoint ses visiteurs impromptus : le duc ne l’a donc pas revue avec les yeux de l’amour. Lorsqu’elle paraît, cependant, la description que le duc fait d’elle reste fort neutre : « La dame fut ja venue Hors de sa chambre, et tenue S’est de la haulte maniere, Non orgueilleuse ne fiere, Mais tout ainsi qu’il aduit Au noble estat qui la duit Et a sa royal personne, Dont chascun en bien raisonne. » (v. 151-158 éd. p. 144 [nous ajoutons la virgule à la fin du v. 157]). Certes le duc ne s’est pas encore épris de son hôtesse, mais on est frappé de constater que son regard traduit bien plus les préoccupations morales d’une Sibylle de Monthault que les impressions d’un jeune homme qui s’est dit déterminé à vivre une histoire d’amour. Le qualificatif « belle », qu’encadraient un peu plus tôt « bonne » et « bien aprise », a ici complètement disparu. Le point de vue s’enrichit enfin après la promesse d’un récit de « la grief maladie » qui frappa le jeune homme pris au piège de l’amour (v. 213-216 éd. p. 146). Il faut cependant attendre le long déroulement des variations sur la « merveille » signalé tout à l’heure (répétition du motif “l’amour du duc pour la princesse n’est pas né de leur première rencontreˮ) pour que soit plus précisément évoquée celle qui est devenue pour son soupirant « la Perfaitte » (v. 243 éd. p. 148). Il est alors question de sa beauté, mais d’une part celle-ci n’est perçue que secondement, et d’autre part elle semble surtout provenir du regard amoureux porté sur elle (aux v. 245-256, « langage » et « maintien » précèdent « beaulté », puis le modalisateur « sembla » et les comparatifs soulignent le caractère subjectif de cette évocation). D’ailleurs, après qu’Amour a frappé, il n’est plus question que des effets des « doulz yeulx rians » (v. 275, éd. p. 150) et de la « beaulté » (v. 301) de la princesse sur le duc, pâle, inerte et muet. Le processus est achevé lorsque « ses beaulz yeulz » sont qualifiés d’« amoureux » (“propres à inspirer l’amourˮ, v. 336 éd. p. 154) : c’est manifestement leur participation à la réalisation du vœu du duc (« amoureux devenir », v. 43) qui leur vaut d’être positivement qualifiés (« doulz » et « rians » d’abord, puis « beaulz ») ; en tout cas, ils ne sont jamais décrits. Christine va plus loin encore dans cette facilité que constitue la mise entre parenthèses de sa fiction narrative censée promouvoir un point de vue masculin. Lorsqu’elle confie au pétulant cousin le soin de décrire la princesse qui vient de subjuguer le duc, elle consent certes à ce que la beauté de la dame soit première louée (« belle » se lit avant « perfaitte » au v. 377, et « beaulté » avant « sens », « onneur » et « grace » au v. 385, éd. p. 156). Mais dès qu’il résume son point de vue, le cousin se concentre sur de tout autres qualités : il demande « N’est elle courtoise et sage ? » (v. 381) ; puis après avoir laissé espérer des précisions sur sa beauté (« elle est faitte Pour regarder en beaulé, Et a especïauté… », v. 384-386), il fait l’éloge « De sens, d’onneur et de grace, De noblesse » (v. 387-388) et conclut « haultece D’onneur son noble cuer pere [“pareˮ] » (v. 392-393 éd. p. 156).

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81[Transition II-III :] Alors qu’ils pouvaient se croire plongés dans l’univers des fins amants, les lecteurs du LDVA découvrent bien vite les facilités que se donnent non seulement les héros mais aussi les instances narratives, l’auteur en tête. Ces coups de canif portés au contrat initialement passé avec le duc soulignent bientôt le caractère ouvertement fictif de la commande du LDVA ; on est alors fondé à penser que ce pacte dénigré puis défendu (au sein du prologue), puis bafoué (régulièrement au sein de la narration), était précisément destiné à permettre l’avènement d’un tel « jeu », au sens de léger décalage rendant le mouvement plus libre mais moins précis.

[III. Évider la fiction courtoise, la lire de l’intérieur, pour dire le vrai ?]

[A. Évider la fiction courtoise]

82Les vers 1 à 471 portent la marque de cette distance entre Christine et son sujet. Le tempo narratif rapide y résulte en effet souvent de ce que l’on pourra au choix appeler « évitement » ou « évidement » : chaque fois que paraît dans le scénario courtois une occasion de « pause » [si l’on continue d’emprunter à la terminologie de Gérard Genette], Christine se dérobe. Pour une poignée de vers évoquant le verger du RR [voir supra I.B.], combien d’omissions, massives ! Ainsi, le « prael verdoyant » a dans le LDVA l’hiératisme d’un décor d’épopée romane, où il suffit d’un pin et d’un ruisseau pour abriter la bonne mort d’un guerrier chrétien. De la prairie où le duc va imaginer s’éprendre éternellement de la princesse, on sait seulement qu’elle est ombragée par des saules, formant dans le texte une masse unique (la « saulsoye » au singulier, v. 186 éd. p. 146) : dans le RR, c’étaient des essences multiples et porteuses de fruits savoureux qui réjouissaient les hôtes de Deduit. Si elle est un peu plus longuement décrite (v.187-191 éd. p. 146), la fontaine au bord de laquelle la princesse et le duc s’isolent des autres couples ne saurait rivaliser avec celle de Guillaume de Lorris [RR : fontaine de Narcisse, où l’Amant échappe précisément au narcissisme] ni avec celle de Guillaume de Machaut, encore plus riche d’intertextualité [La Fontaine amoureuse]. Et surtout, pas plus qu’il n’embaume comme le faisait en revanche le verger du RR, le pré du LDVA ne bruit de chants d’oiseaux. Christine de Pizan a symboliquement privé ce succédané de locus amoenus qu’elle désigne prosaïquement comme « un tres bel estre » (v. 181 éd. p. 144) des fleurs et des oiseaux qui faisaient la beauté du verger de Deduit… et du RR lui-même. Les fleurs, emblèmes bien connus de la rhétorique, paraient le RR de multiples couleurs dont le narrateur affirmait que “la terre même s’enorgueillit chaque printempsˮ (RR v. 45-66, c’est-à-dire les premiers vers narratifs du roman). Quant aux oiseaux (RR v. 67 sqq, très long développement, suivi d’autres encore), ils signalaient par avance au promeneur bientôt élu et mis à l’épreuve par Amour le caractère « esperitel » de cette expérience (RR v. 662). La parfaite connaissance qu’avait Christine du roman médiéval le mieux diffusé (et dont elle avait âprement contesté la continuation due à Jean de Meun) permet de penser que la suppression des couleurs florales et des ramages d’oiseaux constitue de sa part un véritable geste d’auteur, qui tend à démontrer (en acte) la disparition d’un univers littéraire et mental où l’amour serait une affaire sérieuse, digne de poésie et d’art. Ce ne sont certainement pas les esquisses de portraits féminins qui contrediront cette hypothèse. Outre que les évocations de la princesse épousent majoritairement et paradoxalement le point de vue moral de Christine [voir supra II.C.], elles constituent à peine des ébauches de la descriptio formosae puellae attendue en pareil récit. Au lieu du traditionnel portait détaillant l’anatomie des jeunes femmes de cap en pied, on trouve ces mentions sèches, voire désobligeantes (au v. 134) : « de dames veismes grant route » (v. 134 éd. p. 142, où « route » peut signifier “troupeˮ), « La eut et dame et pucele » (sans déterminant qui permettrait d’arrêter le regard, v. 141 éd. p. 142), « La pucele a blonde trece (…), aussi la dame » (v. 144 et 146, éd. p. 144). Les descriptions romanesques des prédécesseurs de Christine ne particularisaient nullement les personnages, mais elles signalaient leur adéquation à l’idéal. Ici, leur nature de types littéraires devient aveuglante : ces femmes ne sont que des silhouettes permettant de parler d’amour comme l’entend le duc. Ce dernier semble même avoir régressé dans sa sensibilité à la corporéité de celles qu’il prétend honorer : lorsque, enfant, il ne parvenait à s’attacher à aucune des femmes rencontrées, il savait du moins voir en elles l’empreinte de Beauté [lire et commenter les vers 56-61 éd. p. 136-138, en faisant un sort particulier au mot « emprainte », commenté supra dans les notes sur la traduction] ; ce n’est plus le cas lorsqu’il est censé être en train de succomber aux charmes de la princesse : les femmes sont alors au mieux une tresse blonde, il n’est plus question de leur tendre chair.

[B. Réception interne des discours amoureux du héros devenu narrateur]

83Quand ils existent (et ne sont pas de pures abstractions comme Amour et Vénus au sein du rondeau des v. 71 sqq), les récepteurs internes du LDVA ne s’y trompent pas : le duc n’a sans doute jamais aimé que l’amour et l’exaltation qu’il suscite. La princesse à qui l’on a avoué qu’on la visitait par hasard entraîne ses hôtes d’un jour dans un succédané de verger amoureux, où ce ne sont plus les fleurs qui colorent l’herbe tendre, mais des produits façonnés par l’homme, des produits précieux mais ne formant pas discours (vs les fleurs), et n’appelant même aucun commentaire : « L’en aporta, sans plus dire, Grans coissins d’or et de soye » (v. 184-185, éd. p. 146). La rhétorique du RR semble décidément avoir cédé le pas au constat désabusé de la dame témoin du Débat des deux amants, capable de résumer en un vers les longs échanges auxquels elle vient d’assister [Christine de Pizan, ca 1400, texte connu pour cette parole de la dame qui a entendu un débat masculin apparemment topique : « Je crois que nus, fors a aise, n’aint »]. Quant au cousin qui s’amuse de voir son jeune parent se rendre malade d’amour, il lui offre une occasion de crier son exaltation. La restriction dont il assortit malicieusement son éloge de la princesse permet à l’apprenti soupirant d’employer enfin les superlatifs qui manquaient à son rondeau (où la femme à aimer était appelée « maitresse » sans déterminant v. 76 éd. p. 138, puis définie par le profit que le jeune homme comptait tirer de sa fréquentation : « dame qui ma folour et joennece Sache amender et a honneur me drece » v. 79-80 éd. p. 140) et qui manquaient encore à ses évocations de la dame, où l’on trouvait au mieux des comparatifs (v. 249-256 éd. p. 148-150). Cette sorte de progrès dans l’éloquence de l’apprenti amant trouve un arrêt brutal en la personne du père, on l’a vu. De cette journée que son fils estime incomparable, lui ne retient que le fait qu’elle déroge au bon ordre domestique. Or, c’est alors seulement que celui devant qui on s’était incliné s’agenouille, à contretemps (v. 439-449 éd. p. 160 ; on aurait attendu cette révérence en présence de la princesse). Dans ce contexte, le nouvel accès de mutisme du jeune homme jette sur les précédents une lumière crue. Peut-être ces silences prolongés n’étaient-ils pas signe d’admiration amoureuse. Le duc devenu narrateur avait assez conscience de cette ambiguïté pour prétendre nous détromper, aux vers 282-286 (éd. p. 150 [« … il vous semblast Que de paour mon cuer tremblast »]). On observe alors avec intérêt que son propos porte la trace du style épique (assertions extrêmes, suivies de la consécutive adressée au public, « vous semblast que ») pour précisément nier chez lui un sentiment anti-épique (la « paour ») et imposer l’idée d’un sentiment quant à lui étranger à cet univers militaire (l’amour) : la rhétorique du narrateur qui a prétendu parler pour les « Vrays Amoureux » (v. 23) paraît bien contournée…

[C. Dire le vrai ?]

84Notre passage est en fait parsemé d’indices pointant la polysémie de tout élément de langage (verbal ou corporel), pointant donc une instabilité sémantique qui ruine a priori toute prétention à dire « le vrai », du moins un vrai singulier comme le concevait encore Guillaume de Machaut auteur d’un Livre du voir dit [voir dit au singulier, vs pluriel vrais amans du LDVA]. Sous la plume de Christine, la “véritéˮ ne semble pas pouvoir résister au passage du temps que dure une vie humaine. Le héros de jadis qui parvenait tout juste à donner la réplique à une hôtesse pourtant attentive à lui faciliter la tâche (v. 201-203 éd. p. 146) a mûri, et son récit a posteriori le prouve à intervalles réguliers dès son ouverture. Aux vocables juridiques des vers 89-90 (« saisi » et « dessaisi » à la rime), fait par exemple suite la répétition de la conjonction à valeur causale « car » confirmant l’aisance verbale entretemps acquise (v. 198 et 200), avant qu’une centaine de vers plus loin encore n’apparaissent l’oxymore « La me tins longue piecete » (v. 295) et la mise à la rime de cette alliance des contraires avec « de maniere nycete » (v. 296). Le suffixe diminutif dont est ici affecté le qualificatif autrefois apposé à Perceval [« li nices »] signifierait-il l’extrême naïveté d’une écriture cultivant le paradoxe comme le fait celle des troubadours et de leurs épigones oscillant entre « griefs anuis » et « joyes » (LDVA v. 27 éd. p. 136), confondant « a(i)mer » et « amer » (LDVA v. 215-216 éd. p. 146) ? Ou bien s’agirait-il d’encourager le lecteur à scruter le texte pour y voir se dessiner, derrière les assertions les plus simples en apparence (« nycete[s] »), des assertions rendues problématiques par leur alliance des contraires (comme « longue piecete ») ? En créant une voix masculine (à travers le prologue et la mention rubriquée qui lui fait immédiatement suite), qu’elle ne cesse ensuite de tordre pour la faire coïncider avec son dessein moral féminin [voir supra II.C.], Christine avait du moins rendue nécessaire une telle capacité à s’interroger sur les conditions de production d’un discours, et sur les voies à suivre pour le décrypter. Que le sens d’un énoncé soit susceptible d’évoluer dans le temps, voilà ce que montrait aussi le travail de Christine sur le mètre (impair de surcroît). Sans doute faut-il en effet, à la suite de Jacqueline Cerquiglini, considérer chaque « rime brisée » (ou tmèse) du LDVA comme un défi intellectuel plutôt que comme une traduction de l’émotion qui submergerait le locuteur hoquetant de la sorte [voir J. Cerquiglini, « Des emplois seconds de la rime et du rythme dans la poésie française des XIVe et XVe siècles », Le Moyen français, 29 (1991), p. 21-31, spéc. p. 25-26]. Au sein de notre passage, ce trope apparaît dans la réponse que le cousin fait à la princesse qui interrogeait le duc. Autrement dit, Christine de Pizan a premièrement usé de cette « forte forge » dans un dialogue bafouant les règles ordinaires de la conversation. Et surtout, en coupant ainsi l’adverbe « certaine-ment » (v. 168-169, éd. p. 144), elle a suggéré que le radical et le suffixe, une fois dissociés, peuvent se contredire (« certaine » s’oppose désormais à « ment », car « ment(ir) » est aussi pertinent que « -ment » suffixe après qu’on a marqué une pause à la fin du v. 168). Autrement dit, une fois scindés, radical et suffixe peuvent en venir à annihiler la valeur de certitude portée par le mot entier (« certainement »). On fera ici l’hypothèse que Christine escomptait un dernier effet de cette tmèse ensuite imitée dans le récit du duc [le LDVA est l’œuvre christinienne qui recèle le plus de ces rimes brisées : J. Cerquiglini, cit., p. 26] : en l’occurrence, le radical signifiant la certitude, « certaine », est phonétiquement féminin, tandis que le suffixe désormais susceptible de signifier le mensonge, « ment », est phonétiquement masculin. Dès ce passage faussement topique d’un dit censé épouser le point de vue du commanditaire masculin [voir supra I.], se trouve donc poétiquement et moralement valorisée la féminité. Christine avait d’ailleurs pris soin de préparer ses premiers lecteurs à ce type de retour réflexif [ses contemporains étaient de toutes façons plus attentifs que nous au travail métrique, très réglementé à une époque qui ne théorisait pas volontiers dans les autres champs littéraires]. Dès les premiers vers du LDVA, elle avait usé d’enjambements souvent riches de sens. Le premier, par exemple (v. 3-4 éd. p. 134), instaurait une légère pause (de fin de vers) entre « faire » et « d’amours », manière sans doute d’attirer l’attention sur les difficultés réelles (« faire ») de l’amour (« d’amours ») quand on sortait de la littérature qui le maquillait depuis des siècles. Un peu plus loin, les enjambements consécutifs des vers 11 à 12 et 12 à 13 [le v. 12 donne le complément du comparatif énoncé au v. 11 ; le v. 13 donne la relative qualifiant le nom énoncé au v. 12] pouvaient conduire à rapprocher « greigneur » et « seigneur », afin de mieux situer le duc, de lui rappeler qu’il existe un « greigneur seigneur », le Seigneur. Même si l’on s’en tient à ces seules occurrences, on voit donc très tôt se dessiner le projet littéraire de Christine, un projet que son inédite féminité et sa mise en lumière de l’instabilité foncière du discours, renouvellent profondément. Muant à mesure qu’un homme mûrit, le discours peut aussi se retourner à l’occasion d’une brève respiration de fin de vers. Dans ces conditions, il ne saurait plus être question de composer un « voir dit » ; tout juste reste-t-il, peut-être, de « vrais amants », plus vrais sans doute au féminin qu’au masculin, et seulement vrais chacun en un point donné de sa vie et de son énonciation.

[Conclusion]

85Dès lors, dans les variations sur le motif du regard évoluant au fil des rencontres, variations dont nous avions perçu la lourdeur éventuellement désobligeante (v. 217-239 éd. p. 148), le lecteur attentif pouvait aussi trouver matière à réfléchir au projet de Christine. Gageons du moins que celle-ci espérait que son LDVA pourrait, comme la princesse, bénéficier d’un tel regard, d’abord indifférent, puis captif, définitivement… ou en tout cas durablement [les amants ont connu quelques douces années].

Pour citer cet article

Stéphanie Le Briz-Orgeur, « Étude littéraire : vers 1 à 471 du Livre du duc des vrais amants de Christine de Pizan », paru dans Loxias, 55 (déc. 2016)., mis en ligne le 12 février 2017, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/lodel/docannexe/file/7601/%20http:/www.sudouest.fr/2016/01/10/index.html?id=8592.


Auteurs

Stéphanie Le Briz-Orgeur

Université Nice Côte d’Azur, CEPAM (UMR 7264)