Conrad dans Loxias


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Loxias | 59. | I.

L’aventure africaine de Conrad, Céline et Gide. Voyage au pays des ténèbres

Au début du XXe siècle, l’Afrique équatoriale attire de plus en plus d’aventuriers en quête de dépaysement ou de richesse facile. Les carnets et les récits de voyage de plusieurs auteurs, qui sont entrés en contact avec le monde colonial, en donnent une représentation peu flatteuse en contraste avec l’utopie officielle trompeuse. Derrière l’idée du progrès chère au discours colonialiste se profilent des douleurs immenses, des exactions de toutes sortes. Joseph Conrad dans Au cœur des ténèbres (1899), Ferdinand Céline, dans Voyage au bout de la nuit (1932), et André Gide, dans son Voyage au Congo (1927), constatent la cruauté du modèle colonial et dénoncent les pratiques commerciales malhonnêtes et corrompues des Compagnies commerciales européennes qui pillent et détruisent leurs concessions. Derrière l’imposture de la civilisation se cache une entreprise purement lucrative. Dans ces ouvrages, le voyage prend les allures d’une épreuve initiatique, d’une descente aux enfers qui mène au cœur d’une Afrique équatoriale encore peu explorée, mais aussi au cœur des ténèbres d’un système colonial inhumain et brutal.

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Loxias | 65. | I.

Le connaissement du monde

Les lecteurs des récits de mer et des romans maritimes n’est pas exactement le même que celui qui lit les enquêtes de Jean Rolin : Vu sur l’eau et Terminal frigo. Le premier reprend sous forme de recueil des articles parus dans des magazines, le second se présente sous la forme d’un roman à la trame assez lâche. Dans les deux cas, la matière est la vie des obscurs, soutiers, dockers, mécaniciens, ceux qui font réellement le tour du monde aujourd’hui dans l’anonymat complet ou ceux qui soutiennent par leur travail la circulation des marchandises tout autour du globe. Comme l’observe Paul Veyne dans Comment on écrit l’histoire, à propose d’événements vrais racontés par l’historien « ici, le roman est vrai, ce qui le dispense d’être captivant. » Cependant Rolin s’efforce de mettre en lumière la vie de ces marins, sur un ton un peu détaché, aussi spirituel que possible, mais toujours selon le point de vue du voyageur ou du flâneur des quais ou des zones portuaires, à la première personne, comme dans L’Explosion de la durite. Le mérite de ces récits, relativement brefs et circonscrits est leur sujet, la routine méconnue, les « choses vues ». La composition de Terminal frigo ressemblerait un peu à celle du Quart de Kavvadias, aux romans de Cendrars ou à une tradition du roman maritime qui enchaîne des récits d’anecdotes. Néanmoins, la manière de raconter adoptée par Rolin n’est-elle pas vouée plus ou moins à se terminer généralement en queue de poisson ?

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