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Zhe Fan  : 

L’univers des « chinoiseries »

Résumé

Les Français déçus par ces maudits produits made in China aujourd’hui en raffolaient il y a un siècle. Au XIXe siècle, en effet, le made in China de la langue commerciale porte un autre nom, celui de la jolie « chinoiserie », dont la définition brouille les frontières géographiques, théoriques et pose la question de son mode de production, de sa valeur. Le plus étonnant reste son omniprésence dans la littérature française de l’époque. Romantisme, réalisme, naturalisme : ces objets traversent tous les mouvements littéraires jusqu’à la littérature fin-de-siècle. Pourquoi cette présence ? Quels sont les objets de Chine les plus décrits par les écrivains français de cette époque ? Quels rôles jouent-ils dans les œuvres françaises ? Ces objets, bien plus que de simples symboles d’un luxe passé, se transforment en matériaux poétiques contemporains chargés d’histoire et permettent d’aborder sous un angle nouveau un débat sur l’art et une réflexion profonde sur sa conception moderne.

Index

Mots-clés : art moderne , chinoiseries, littérature française

Chronologique : XIXe siècle

Plan

Texte intégral

Lorsqu’un Français voit aujourd’hui sur l’étiquette d’un objet la mention made in China, sa réaction ne se fait pas attendre : il fronce les sourcils et se méfie automatiquement de sa qualité. Si un objet est de valeur, son possesseur aura même quelquefois honte d’avouer qu’il est fabriqué en Chine. Les stéréotypes sur les objets de Chine au début du XXIe siècle sont tenaces : ce sont des produits industriels reproduits à l’infini, de l’imitation avant toute chose, sans originalité, ni beauté, fabriqués en vitesse. Leur moindre coût est synonyme de mauvaise qualité…

Cependant, les Français plus ou moins déçus par ces maudits produits aujourd’hui en raffolaient il y a deux siècles. Au XIXe siècle, en effet, le made in China de la langue commerciale porte un autre nom, celui de la jolie « chinoiserie », dont la définition – « objet de luxe et de fantaisie, venu de Chine ou exécuté en Occident dans un goût s’inspirant de la Chine ; décor, œuvre d’art, motif de ce style1 » – brouille les frontières géographiques, théoriques et pose la question de son mode de production, de sa valeur mais aussi de son degré d’appartenance à l’art. Le plus étonnant reste son omniprésence dans la littérature française de l’époque. Romantisme, réalisme, naturalisme, symbolisme : ces objets traversent tous les mouvements littéraires jusqu’à la littérature fin-de-siècle. Pourquoi cette présence ? Quels sont les objets de Chine les plus décrits par les écrivains français de cette époque ? Quel rôle jouent-ils dans les œuvres françaises ? Ces objets, bien plus que de simples symboles d’un luxe passé, se transforment en matériaux poétiques contemporains chargés d’histoire et permettent d’aborder sous un angle nouveau un débat sur l’art et une réflexion profonde sur sa conception moderne.

I. Les chinoiseries, vestiges luxueux d’une époque révolue

L’une des premières évocations d’objets de Chine au début du XIXe siècle remonte au Magicien d’Alphonse Esquiros, auteur romantique issu d’une famille catholique mais converti aux idées de la République et du socialisme. Le Magicien est une œuvre de jeunesse, publiée en 1838 lorsqu’il avait 26 ans. Selon un article de critique de l’époque, l’objectif de ce roman est clair : « présenter sous la forme du roman un tableau de l’état des mœurs et des idées au temps de la Renaissance2 ». Cependant, cette mise en scène de la « Renaissance » par Esquiros laisse déjà apparaître en arrière-plan quelques chinoiseries. Dans le chapitre intitulé « Les noces d’Adelbert et de Phoebé », les vases de porcelaine contribuent au luxe et à la beauté de la pièce : « De grands vases de Chine laissaient épanouir de larges corolles de lotus, et le plafond peint d’azur donnait de l’air à la salle […]3 ». Quoique cette maison soit fictive, les objets chinois que l’auteur décrit dans le roman ne sont pas pour autant de purs produits de l’imagination ; ils n’apparaissent pas non plus brutalement dans la vie quotidienne des Français au XIXe siècle. Ils font partie d’un héritage patrimonial plus ou moins conscient. L’apparition du concept d’histoire, telle que la repense Jules Michelet, font de ces objets des témoins du rapprochement entre l’Orient et cette France luxueuse, glorieuse et avide de conquêtes exotiques – figée dans un âge d’or politique et culturel dont l’Empire du Milieu est le faire-valoir idéal.

Au XIIIe siècle, au moment où la Chine est envahie puis gouvernée par les Mongols, deux tentatives d’alliances interviennent afin de contrer des invasions musulmanes menaçant la stabilité des royaumes. La première tentative est « la mission du franciscain Guillaume de Rubrouck, l’envoyé de Saint-Louis auprès du grand Khan4 » et la seconde, « celle du nestorien de Pékin Rabban Sauma auprès du roi Philippe le Bel5 ». Bien qu’elles aient l’une comme l’autre échoué, depuis la première rencontre entre des Romains et des Chinois, les relations commerciales n’ont jamais cessé sur la route de la Soie. Lorsque la Renaissance vient en France d’Italie, la Chine repousse la dynastie mongole dans les steppes de Mongolie et permet d’établir la dynastie Ming6. Cette période ouvre une renaissance culturelle dans l’Empire du Milieu : les arts, particulièrement la production de la porcelaine, se développent comme jamais auparavant. Avec la protection de la dynastie pendant plus que deux siècles de règne, la culture chinoise se restaure et se développe. Pourtant, dans un élan de xénophobie, la Chine, sous la dynastie Ming, ferme au fur et à mesure ses portes à tous les étrangers et se replie sur elle-même. Cette fermeture ne se restreint qu’aux relations politiques ; dans le domaine commercial, en revanche, les grandes portes du sud de la Chine, comme Canton, sont ouvertes aux marchands français qui font peser des caisses de thé et choisissent des porcelaines de Chine destinées à l’exportation. Leur présence n’est donc pas étonnante sur le territoire français et est même confortée par des preuves historiques. Un billet-témoignage d’un Lord anglais envoyé auprès de l’Empereur de Chine publié en 1798 à Londres et datant de mai 1767 atteste des chargements de marchandises effectués sur des vaisseaux à destination d’un port conçu spécialement pour les recevoir en France : Lorient.

La représentation de cette décoration de circonstance, liée aux relations commerciales de l’époque et permettant d’atteindre une certaine vraisemblance, reste toutefois très limitée dans Le Magicien d’Alphonse Esquiros.

La situation va changer lorsque d’autres auteurs français vont se pencher sur ce motif dans leurs romans historiques afin de donner un certain cachet à leurs évocations historiques. Chez le grand romantique Alexandre Dumas, dans le dernier volet de la trilogie des mousquetaires, Le Vicomte de Bragelonne, la porcelaine contribue à la représentation hyperbolique des repas de la Cour de Louis XIV, mêlant faste et opulence. Ce sont bien des objets de luxe dans cette scène :

Aussitôt un plateau de porcelaine de Chine, chargé des plus beaux fruits que l’on avait pu trouver, aussitôt le vin de Xérès, distillant ses topazes dans l’argent ciselé, servaient d’accessoires à ce tableau, dont le peintre ne devait retracer que la plus éphémère figure7.

Chez Charles-Augustin Sainte-Beuve, la représentation des objets de Chine s’amplifie et se précise. Dans son œuvre de critique Causeries du lundi, Sainte-Beuve évoque « le journal du marquis de Dangeau », reprenant la vie de la Cour sous Louis XIV et celle de son entourage. La scène d’exposition d’une série de cadeaux est l’occasion de préciser la nature des objets en provenance de Chine, leur qualité et leur richesse créant un effet de décalage avec le terme de « nippes » employé par le roi :

Un peu après que madame la Dauphine fut arrivée, le roi lui dit, en lui montrant un grand coffre de la Chine, qu’il était demeuré là quelques nippes de la dernière loterie qu’il avait faite, et qu’il la priait de se donner la peine de l’ouvrir. Elle y trouva d’abord des étoffes magnifiques, et puis un coffre nouveau dans lequel il y avait force rubans, et puis un autre coffre avec de fort belles cornettes, et enfin, après avoir trouvé sept ou huit coffres ou paniers différents, et tous plus jolis les uns que les autres, elle ouvrit le dernier qui était un coffre de pierreries fort joli, et dedans il y avait un bracelet de perles, et dans un secret au milieu du coffre, un coulant de diamants et une croix de diamants magnifique8.

Madame la Dauphine, dite aussi Marie-Anne Christine de Bavière, est l’épouse du dauphin Louis de France, fils aîné de Louis XIV. Cette princesse allemande, contrairement à la plupart des favorites frivoles de la cour de son beau-père, est une femme qui a de l’esprit. Imbert de Saint Amand, dans La cour de Louis XIV, souligne que Bossuet « était frappé du savoir de la princesse9 ». Presque tout le monde partage son avis : « Nous l’avons admirée dès qu’elle parut, et le roi a confirmé notre jugement10. » Ainsi, selon Imbert de Saint Amand, « Louis XIV fit à sa belle-fille l’accueil le plus courtois et le plus amical11 ». La pièce de la reine Marie-Thérèse, après la mort de cette dernière, est distribuée à madame la Dauphine, symbolisant le fait qu’elle est devenue « la femme principale de la cour » et que « le roi voulut faire du salon de sa belle-fille le centre le plus brillant de France12 ». Dans le texte cité par Sainte-Beuve, quand les coffres remplis des objets de Chine apparaissent devant les yeux des membres royaux, on voit que le roi s’adresse à sa belle-fille avec respect : il la « priait de se donner la peine » de les ouvrir. Instruite, la Dauphine sait très bien la valeur de ces chinoiseries : elle en choisit certaines, qui feront partie désormais des trésors du premier salon de France. L’énumération des objets chinois dont jouit Madame la Dauphine a toutefois un intérêt historique : elle suggère la progression considérable des échanges politiques au XVIIe siècle entre l’Empire chinois de la dynastie Tsin et Louis XIV, passionné de Chine13. En 1685, sous l’impulsion des Jésuites, le roi Soleil a envoyé cinq missionnaires jésuites à Pékin en qualité de « mathématiciens du roi ». Leur mission réelle ? Se charger des communications à la fois « religieuse, politique, scientifique et culturelle14 » avec l’empereur Kang Xi, que le roi Soleil considère alors comme son seul alter ego. Ces envoyés ne reviennent bien sûr pas en France les mains vides : ils rapportent évidemment de « grands coffres de Chine » remplis de cadeaux précieux offerts par l’empereur à un État français qui rayonne politiquement et culturellement.

Suite à ces premières expéditions réussies, le XVIIIe siècle approfondit son goût pour l’exotisme. Les livres de voyages sont abondants. Dans le souci de cerner les diversités, on insiste sur les différences de coutumes, de costumes, d’institutions des peuples du monde qui vont de pair avec l’affirmation de l’unité du genre humain car elles apparaissent comme des accidents dépendant des climats, des vicissitudes de l’histoire. Il pouvait être « politiquement correct » d’insister sur les différences pour faire triompher l’idée que les religions, les traditions, les mœurs ne sont ni essentielles ni rationnelles et qu’on pourrait en changer sans dommage, en France, pourvu que le peuple le veuille. C’est une nette différence avec le XIXe siècle. L’exotisme des Lumières tend à défendre l’idée de relativisme et de cosmopolitisme. Dans son discours préliminaire de l’Encyclopédie, d’Alembert prêche le décentrement du regard comme nombre de ses contemporains qui donnent la parole à des minorités dispersées à travers le monde réel ou imaginaire : ce sont les Lilliputiens des Voyages de Gulliver de Jonathan Swift, ce sont les sages Tahitiens du Supplément au voyage de Bougainville de Denis Diderot. Contrairement à l’exotisme du XVIIIe, celui du XIXe siècle en Europe trouve intéressants les peuples « bizarres » parce qu’ils semblent condamnés à se normaliser bientôt selon le modèle occidental – ou à disparaître, selon les principes colonialistes15. Loin d’être seulement « bizarres » ou « incompréhensibles » comme le suggèrent les commentaires de certains artistes du XIXe siècle16, les « objets d’art » de Chine sous la plume d’Alexandre Dumas restent des symboles de noblesse, de raffinement. Leur exquise étrangeté est équivalente aux meilleurs ouvrages européens. Au lieu d’être méprisés, ils sont acceptés et même absorbés complètement par les membres de la cour de Louis XV car ils sont signes de supériorité et permettent d’alimenter la vanité des courtisans – et de la royauté française. Par conséquent, la mise en valeur de la qualité supérieure des tissus chinois semble indispensable chez Alexandre Dumas pour montrer directement la satisfaction de madame Du Barry par exemple : « […] une admirable robe de satin de Chine avec des fleurs découpées et toute une garniture de dentelles d’un prix immense […]17 ». La satisfaction de la favorite se manifeste indirectement par les compliments d’un aristocrate et militaire français, le duc de Richelieu. La louange de la draperie est une flatterie détournée à l’attention de la dame, qui apparaît aussi belle et miraculeuse que le tissu qui la pare : « […] Je vous vois habillée d’une étoffe miraculeuse… C’est de la soie de Chine, n’est-ce pas, avec des fleurs appliquées ? 18 »

De la salle Renaissance du Magicien au palais du roi Soleil Louis XIV peint par Sainte-Beuve, jusqu’au salon de madame du Barry décrits par Alexandre Dumas, les objets de Chine restent des symboles silencieux d’un luxe qui rejaillit sur le pays qui les convoite. Bien qu’ils ne soient pas mis en avant de manière ostensible dans les œuvres littéraires cités, qu’ils ne soient que des ornements de l’Histoire, leur rôle en arrière-plan dans le roman reste indispensable pour glorifier et rendre vraisemblable un temps révolu. Leur description dissimule habilement une réflexion sur les événements historiques contemporains et participe à la chrysalide littéraire opérée par les écrivains du XIXe siècle pour renouveler leur art.

II. Les chinoiseries, matériaux poétiques et actuels du quotidien

Les objets venus de Chine ne sont pas condamnés à rester des bibelots luxueux dans la littérature française du XIXe siècle. Leur image passée est dépoussiérée et est exploitée, après le roman historique, par d’autres genres littéraires. La mise en scène des vases de Chine dans la poésie romantique préfigure la place d’objets poétiques qu’ils gagnent dans la littérature. Ainsi, à l’époque où l’intention principale de Victor Hugo est « de renouveler le style de l’ode ancienne19 », le poète leur confère une nature féerique puisqu’entourés de personnages des contes de fées germaniques :

Oh ! Certes, les esprits, les sylphes et les fées
Que le vent dans ma chambre apporte par bouffées,
Les gnomes accroupis là-haut, près du plafond,
Dans les anges obscurs que mes vieux livres font,
Les lutins familiers, nains à la longue échine,
Qui parlent dans les coins à mes vases de Chine20 […]

Or, Victor Hugo n’est pas le seul écrivain français qui met en œuvre la personnification des objets de Chine. S’ils n’occupent qu’une petite strophe dans une longue poésie, d’autres ont choisi d’en faire des motifs et matériaux poétiques plus conséquents. Dans un recueil contemporain de la parution des Voix intérieures, un grand écrivain sinophile, Théophile Gautier, met en scène dans un poème datant de 1838 une Chine imaginaire où une jeune fille, muse idéale du poète, devient le fin objet de sa rêverie. Le titre « chinoiserie » prépare l’énonciation de ce goût chinois en convoquant l’image d’un objet de luxe venu de l’Empire du Milieu. Cependant pour Gautier, le bibelot se fait talisman, le poète déclare son amour actuel, qui est sorti de celui du passé, en voici la deuxième strophe :

Celle que j’aime, à présent, est en Chine ;
Elle demeure avec ses vieux parents,
Dans une tour de porcelaine fine,
Au fleuve Jaune, où sont les cormorans21 […]

Dans le troisième vers de ce quatrain, on voit se confirmer les aspects précieux et fragiles (« porcelaine fine » rappelle la formule « vase unique » de Victor Hugo, symbole de la Chine tout entière), témoignant de son intérêt pour l’art chinois mais surtout pour sa « précieuse » et délicate jeune fille chinoise qui est prisonnière volontaire d’une tour semblable à celle de la Rapunzel des frères Grimm, mais dans une version chinoise plus luxueuse. Après avoir vu cette scène fantaisiste, le lecteur est conquis ; cette poésie est bien une œuvre aussi ciselée qu’un objet de Chine, une chinoiserie.

Les chinoiseries font depuis longtemps partie de la vie quotidienne des hautes sphères de l’élite sociale française. Ces accessoires de luxe confinés aux palais et aux salons de riches aristocrates parisiens vont pourtant étendre au XIXe siècle leur champ d’action et vont progressivement atteindre les tranquilles provinces de l’Hexagone. Les chinoiseries contribuent aussi à donner une facture moderne, ancrée dans le réel. George Sand redéfinit leurs conditions d’appartenance : ces objets ne sont plus réservés aux personnages historiques de haute volée ni le privilège des hommes de la Cour mais apparaissent dans le quotidien des bourgeois. Ainsi, les vases de porcelaine sont devenus monnaie courante et font partie des objets qui décorent la vie ordinaire des gens ordinaires. Dans son roman Elle et lui, ils sont mis au même niveau que les persiennes, les toiles et les meubles :

Catherine revint sans qu’il y fît attention, enleva les toiles, épousseta les meubles, ouvrit toutes grandes les croisées, qui étaient fermées, ainsi que les persiennes, et mit des fleurs dans les grands vases de Chine posés sur les consoles dorées. Puis elle s’approcha de lui et lui dit : Eh bien ! Voyons, que faites-vous ici22 ?

De même, les tissus de Chine ne sont plus réservés aux « Madame Du Barry » d’Alexandre Dumas mais deviennent des écharpes mises entre toutes les mains et d’utilisation commune, si bien que son personnage imaginaire, « en proie au vertige du suicide23 » dans Francia, « roule trois fois autour de sa taille la belle écharpe de crêpe de Chine que Mourzakine lui avait fait choisir24 ».

La progressive banalité des objets venus de Chine pour la petite bourgeoisie est partagée également par les romanciers réalistes. Ces objets, accompagnant des histoires réelles et imaginaires, étoffent les fonctions esthétique, narrative de la description. Dans le roman Fanny, roman réaliste d’Ernest Feydeau, centré sur les méandres d’un amour adultère les vases de Chine deviennent le motif du temps qui passe. Pour le narrateur, les fleurs qu’ils portent ne sont plus que des souvenirs lointains, apportant son lot de regrets : « Là, desséchées, dans leurs vases de Chine, s’effeuillaient tristement les fleurs qu’elle aimait […]25 ».

Témoins du désenchantement des personnages chez Ernest Feydeau, les vases de Chine chez Gustave Flaubert sont associés à la joie. Dans L’Éducation sentimentale, dans la future maison que le héros Frédéric s’imagine avec enthousiasme en utilisant force points d’exclamation et verbes au conditionnel présent, les objets de Chine apparaissent indispensables, faisant partie d’un imaginaire collectif idéal, contribuant à donner de la valeur à l’héritage qu’il s’apprête à recevoir. C’est le gage d’une ascension sociale : « Il les recevrait chez lui, dans sa maison ; la salle à manger serait en cuir rouge, le boudoir en soie jaune, des divans partout et quelles étagères, quels vases de Chine ! Quels tapis ! Ces images arrivaient si tumultueusement, qu’il sentait la tête lui tourner26. »

Chez Maupassant, les lampes en porcelaine de Chine qui tamisent la lumière donnent une ambiance sentimentale, douce et intimiste à l’entrevue du peintre et de sa vieille maîtresse : « Aux quatre coins de l’appartement, quatre autres lampes en porcelaine de Chine, portées sur des colonnes anciennes de bois doré, répandaient sur les tapisseries une lumière douce et régulière, atténuée par des transparents de dentelle jetés sur les globes27 ».

Il faut attendre le symbolisme pour que la scène empreinte d’une délicatesse sentimentale revête un caractère plus érotique et moderne, dans le recueil mineur de Paul Verlaine, Odes en son honneur. Le papier de Chine avec sa souplesse et sa douceur participe à la volupté, à la sensualité et à l’amour charnel en rappelant les courbes et les lignes du corps de l’être aimé par le poète maudit :

Du dessous des genoux,
Souple papier de Chine,
Fins tendons, ligne fine
Des veines sans nul pouls
Sensible, il est si doux !
Et maintenant, aux Fesses !
Déesses de déesses,
Chair de chair, beau de beau 28.

Ainsi, l’omniprésence des objets de Chine dans la littérature française au XIXe siècle reflète leur généralisation dans la vie quotidienne des Français issus de classes sociales aisées. Elle suit un tournant historique contemporain dans les romans populaires : la montée en puissance d’une petite bourgeoisie qui voit désormais dans ces objets d’apparat un signe d’égalité financière avec les grands du monde. Chez les auteurs « fin de siècle », elles reflètent une forme de désenchantement, une fuite vers un espace imaginaire figé dans le temps passé destinés à faire oublier le présent. Le port de Canton accueille désormais des « factoreries » européennes, appelées les hongs – « centres commerciaux » ou « magasins » en français. Ces magasins sont illustrés par le britannique William Daniell dès 1805 et leur image perdure. Les relations commerciales se sont accélérées depuis la guerre de l’opium de 1840. De plus, l’expédition franco-anglaise de 1858-1860 permet aux soldats de remporter leurs trophées : des objets impériaux issus du sac du Palais d’été. La Chine idéalisée n’est plus qu’un lointain rêve. Ces chinoiseries posent question quant à leur valeur artistique.

III. Les chinoiseries : œuvres d’art ou d’artisanat ?

Bien que les objets en provenance – ou imités – de Chine se soient banalisés au XIXe siècle, leur qualité et leur valeur ne se sont pas réduites : certains jouissent même d’une bonne réputation auprès des Français et des auteurs. Dans un article intitulé « La Chine et les Chinois » rédigé par Honoré de Balzac pour le journal La Législature en 1842, peu de temps après la publication d’un album du même nom de son ami Auguste Borget, l’auteur affirme et confirme les propos de son ami, à savoir la garantie de qualité des produits exportés en France : « Qu’un Français de Paris commande en Chine quoi que ce soit, il aura ce qu’il demande comme il l’aura demandé ; jamais il n’y aura de tromperie, ni dans la qualité, ni dans la fabrication, une fois le prix convenu29 ».

Cette exceptionnelle « haute moralité » dans les lois du commerce vantée par Honoré de Balzac – qui contraste aussi avec certains récits d’escroqueries réalisées par des Chinois à la fin du XVIIIe siècle – détone face à celles du marché français. Les réalisations françaises sont accompagnées d’adjectifs péjoratifs – « mauvais », « défectueux », « inférieur », « méchants » – qui mettent sérieusement en doute l’honnêteté des marchands français et la qualité de leur service : « Au rebours, en France, tout ce qu’il y a de mauvais, de défectueux, d’inférieur, est destiné pour l’exportation. La pensée du commerçant français est de se débarrasser au loin de ce qui ne peut pas être vendu à ceux qui s’y connaissent trop bien pour acheter de méchants produits30 ».

Ce sont en fait deux conceptions du commerce d’export qui s’opposent. La Chine vue par Balzac conserve un artisanat d’art. Répondant à une commande, la construction de l’objet est patiente et consciencieuse, non délimitée dans le temps. C’est la vitrine d’un savoir-faire considéré comme art. Du côté français, on reconnaît les pires défauts de l’industrialisation de masse apparue au XIXe siècle, dépréciés par les auteurs et artistes français. La rapidité de production d’objets à l’identique entraîne nécessairement des malfaçons et des contrefaçons préjudiciables car il faut écouler cette marchandise qui doit être nécessairement rentable.

À l’époque de Balzac, ce sont les produits en provenance de Chine qui gagnent donc en popularité grâce à leur qualité et à une réputation savamment entretenue sur le marché tant par les commerçants chinois que par les clients européens. Qu’en est-il de leur prix ? Pour justifier le coût d’une travailleuse en ivoire exportée de Chine, Honoré de Balzac se lance ainsi dans une description exhaustive de la complexité et de la longue durée de fabrication. L’énumération hyperbolique des effets du sculpteur rend son coût « incroyable » et permet de mettre en valeur la richesse – et le bon goût – d’Eugène des B. Un rapprochement s’opère subtilement entre la nature artisanale et la nature artistique de l’œuvre. L’expression « trois générations de Benvenuti-Cellini » établit un pont entre le savoir-faire artisanal et le talent esthétique de l’orfèvrerie italienne. La travailleuse, objet banal, devient un ouvrage d’art dont l’utilité effective – ranger des affaires – est délaissée au profit d’une valeur esthétique non commerciale puisque le prix est incommensurable :

Eugène des B. avait rapporté de Chine à sa mère une travailleuse, véritable monument, fait principalement en ivoire. Je fus abasourdi d’un pareil travail. Il me sembla que trois générations de Benvenuti-Cellini devaient s’y être usées. Il y avait des mondes d’animaux et de personnages taillés dans l’ivoire, et d’un arrangement, d’une richesse d’exécution, d’une beauté de matière à faire rester un mois-là, devant, à examiner, sans avoir tout vu. En égard au travail, le prix de ce meuble était inimaginable, incroyable ; mais il s’expliquait par cette facilité de la vie que M. Borget a observée et dont il rend compte31.

Ces produits exportés directement en France ne sont pas seulement commandés mais aussi des objets antiques, vendus en tant que tels dans Le Comte de Monte-Cristo. La richesse de deux pots de porcelaine de Chine, qui émerveille la baronne lorsque le héros d’Alexandre Dumas les lui montre, gagne en prix non seulement par son travail mais aussi par son âge :

Monte-Cristo souriait à ce silence, qui dénonçait une humilité inaccoutumée, tout en montrant à la baronne deux immenses pots de porcelaine de Chine, sur lesquels serpentaient des végétations marines d’une grosseur et d’un travail tels, que la nature seule peut avoir cette richesse, cette sève et cet esprit. La baronne était émerveillée.
– Eh ! Mais, on planterait là-dedans un marronnier des Tuileries ! dit-elle ; comment donc a-t-on jamais pu faire cuire de pareilles énormités ?
– Ah ! Madame, dit Monte-Cristo, il ne faut pas nous demander cela à nous autres faiseurs de statuettes et de verre mousseline ; c’est un travail d’un autre âge, une espèce d’œuvre des génies de la terre et de la mer32.

Son prix est donc lié à l’histoire entourant sa création. Sa provenance impériale et le four particulier dans lequel celui-ci figurait avec onze autres ouvrages similaires est racontée sous forme de légende urbaine, transmise de génération en génération : « […] j’ai ouï dire qu’un empereur de la Chine avait fait construire un four exprès ; que dans ce four, les uns après les autres, on avait fait cuire douze pots pareils à ceux-ci33 ». Le travail conjugué du temps et de la « déesse-mer », personnifiée pour l’occasion, contribue à renforcer l’idée de destinée légendaire de ces objets magnifiques : « La mer, qui savait ce que l’on demandait d’elle, jeta sur eux ses lianes, tordit ses coraux, incrusta ses coquilles ; le tout fut cimenté par deux cent années sous ses profondeurs inouïes […]34 ». La nature exceptionnelle de l’ouvrage est également scellée par d’autres éléments : l’unicité de l’expérience (« car une révolution emporta l’empereur qui avait voulu faire cet essai et ne laissa que le procès-verbal qui constatait la cuisson des vases et leur descente au fond de la mer35 ») et l’unicité du vase restant. La disparition des autres modèles plus la difficulté de la découverte augmentent intrinsèquement sa valeur et donc son prix :

Deux se brisèrent sous l’ardeur du feu, […] on descendit les dix autres à trois cents brasses au fond de la mer. Au bout de deux cents ans on retrouva le procès-verbal, et l’on songea à retirer les vases. Des plongeurs allèrent, sous des machines faites exprès, à la découverte dans la baie où on les avait jetés ; mais sur les dix on n’en retrouva plus que trois, les autres avaient été dispersés et brisés par les flots36.

Cette convergence de points de vue des grands écrivains permet de faire évoluer la représentation de la Chine. Aux yeux de la plupart des écrivains français, ces objets sont même devenus un critère permettant d’évaluer la qualité et les coûts des objets sur le marché. Ainsi, chez George Sand, dans Un hiver à Majorque, le terme « cher » est substitué par l’expression « porcelaine de Chine », démontrant que l’imaginaire collectif français a associé désormais leur fabrication avec leur grand prix :

Le seigneur Gomez, notre ex-propriétaire de Son-Vent, ce riche personnage qui nous avait loué sa maison en cachette, parce qu’il n’était pas convenable qu’un citoyen de Majorque eût l’air de spéculer sur sa propriété, nous avait fait un esclandre et menacés d’un procès pour avoir brisé chez lui (estropeado) quelques assiettes de terre de pipe qu’il nous fit payer comme des porcelaines de Chine37.

Un autre stéréotype concernant ces chinoiseries est leur association immédiate au XIXe siècle à la notion d’exotisme, renvoyant à un ailleurs à la fois étrange et fascinant. Dans Le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas, les adjectifs permettant de se représenter les « boudoirs en étoffes de Chine, aux couleurs capricieuses, aux dessins fantastiques, aux tissus merveilleux38 » participent à la création d’un espace exotique pour les lecteurs français mais qui laisse parfois les auteurs perplexes. Profondément marqués par l’ethnocentrisme, ils repoussent cette étrangeté en la qualifiant de « mauvais goût » puisque qu’elles représentent des choses jolies mais extravagantes, c’est-à-dire sortant de la norme fixée par les Occidentaux. D’où une contradiction flagrante dans les propos d’un personnage dans André de George Sand entre l’objet originaire de Chine, de manière factuelle beau, et la volonté d’adaptation à la culture et au goût français, qui le dénature et le fait « sortir de la norme » :

Il y a des gens de si mauvais goût ! reprit Geneviève, tous les jours on me demande des choses extravagantes. J’avais fait des millepertuis de Chine assez jolis ; aussitôt toutes ces dames en ont demandé ; mais l’une les voulait bleus, l’autre rouges, selon la couleur de leurs rubans et de leurs robes. Que voulez-vous que devienne la vérité devant de pareilles considérations39 ?

Ainsi, les chinoiseries dans la littérature française du XIXe siècle, soit par leur qualité de travail, soit par l’anecdote merveilleuse qui accompagne leur création, sont considérées comme des objets de grande valeur capables d’éveiller la convoitise et de réveiller l’imaginaire des Français. Elles brouillent les frontières entre artisanat et art et invitent les artistes et les esthètes à se pencher sur des notions complexes en cours de distinction au XIXe siècle. Ces chinoiseries exotiques alimentent une réflexion sur l’art moderne.

IV. Les chinoiseries, sources et objets de réflexion sur l’art moderne

À mesure qu’apparaissent dans la vie quotidienne des Français les objets en provenance de Chine, leur grande qualité et leur parfum d’exotisme suscitent l’intérêt des collectionneurs, nouveaux esthètes du XIXe siècle. Comme l’assure Dominique Pety dans sa Poétique de la collection au XIXe siècle – du document de l’historien au bibelot de l’esthète, « la collection est l’une des grandes passions du XIXe siècle40 ». Elle revêt plusieurs formes selon elle : « accumulations sérielles souvent qualifiées de manies (des porcelaines aux timbres-poste) ; collections de livres, d’autographes, d’estampes, à visée plus érudite ; collections sélectives d’objets d’art ; compositions décoratives fondées sur le seul goût personnel […]41 ». Parmi elles, la collection de chinoiseries figure en bonne place. Cependant, il faut souligner que ces mêmes objets de Chine sont regardés différemment selon qu’ils soient observés par des collectionneurs de l’Empire du Milieu ou des experts sinophiles détachés par les musées hexagonaux. Les frères Goncourt notent ainsi quelques détails sur l’art de collectionner en Chine dans Le Journal de 1874 d’après les récits recueillis auprès du jeune comte de Balloi :

Il me donne ce détail curieux, que les collectionneurs chinois n’exposent jamais leurs objets d’art. Là, l’objet d’art est toujours enfermé dans une boîte, dans un étui, dans un fourreau d’étoffe, et presque caché dans quelque coin du logis. Le collectionneur chinois le possède pour en jouir et s’en délecter, lui tout seul, la porte fermée, dans une heure de repos, de tranquillité, de recueillement amoureux42.

Cette image du collectionneur chinois, dont l’usage personnel des objets précieux est mis en exergue par le resserrement des contenants (boîte, étui, fourreau d’étoffe) correspond à l’image que l’on a à l’époque de cette Chine autosuffisante et repliée sur elle-même. Une fois possédées, ces œuvres deviennent un membre de la famille, un ami, fidèles à l’idée chinoise que tous les objets possèdent une âme qui conserve des sentiments profonds. L’art appartient à la sphère du privé, du loisir.

À l’inverse de cet amour possessif et exclusif des collectionneurs chinois, les collectionneurs français conçoivent leur passion comme un art du partage, sous forme d’expositions au musée ou de salons. Ainsi, grâce à la générosité des collectionneurs français, des objets rares de Chine, presque introuvables dans la vie quotidienne, permettent à ceux qui n’ont pas les moyens de voyager ou aux novices de découvrir rapidement une Chine mi-réelle, mi-imaginaire, à travers l’univers des chinoiseries, d’élargir leur connaissance de l’altérité et de former leur goût pour l’art chinois. Car selon Théophile Gautier, « cette merveilleuse collection » a le mérite de réduire les distances géographiques et de courber le temps : elle est « [pour celui] qui ne sortira pas de France, et vous fait franchir pour quelques instants la muraille de la Chine ». Si les objets de Chine dans les romans ou dans les poésies jouent le rôle soit de décoration, soit de source d’inspiration nourrissant l’imagination du poète, ils ne sont plus représentés de manière éparse dans la première série du compte rendu Beaux-arts en Europe de Théophile Gautier mais classifiés dans une catégorie d’art spécifique, décrits et envisagés systématiquement comme objets de recherche sollicitant une réflexion complexe : l’art chinois. Comment les chinoiseries décrites par Théophile Gautier et les descriptions d’exposition permettent-elle de donner une définition de l’« art chinois » pour les contemporains et, à plus long terme, de tracer les voies d’une réflexion sur l’art moderne occidental ?

De Lagenevais, dans son article « Salon de 1849 » paru dans Revue des deux mondes, voit émerger, suite à sa visite de l’exposition nationale, une nouvelle vision de l’art moderne, une esthétique « éclectique » et « tolérante » : « à tous on a demandé leur secret, à tous on a pris quelque chose, et de ces débris, on s’est efforcé de construire un édifice nouveau43 ». À partir de 1849, dans le sillage du discours d’ouverture du Congrès de la Paix prononcé par Victor Hugo et dans ce contexte d’ouverture à d’autres modèles d’art, l’Europe s’interroge et accueille progressivement des objets venus de Chine. Cette même année, un peu avant le fameux discours de Victor Hugo, Théophile Gautier se déplace sur les docks de Londres pour observer une jonque achetée par quelques Anglais, qui alimente un article paru dans La Presse le 25 juin 1849. En 1855, vingt ans après la parution de sa poésie de jeunesse « Chinoiserie » dans le recueil Poésies diverses, Théophile Gautier s’émerveille devant la collection chinoise de Charles de Montigny, ouverte au public durant l’Exposition universelle. « Traversez une petite salle […] et vous vous trouverez en pleine Chine44 », s’extasie l’auteur du Pavillon sur l’eau. Cette exposition regroupe pour la première fois comme œuvres artistiques les porcelaines, tableaux et œuvres de Chine mais elle offre également la possibilité de côtoyer des objets d’art introuvables sur le marché. Plusieurs superlatifs sont ainsi employés par l’auteur pour affirmer la rareté, la diversité et le grand prix des matières de cette collection. Ces pièces anciennes finement ciselées et constellées ne peuvent qu’animer la flamme du concepteur de la théorie de l’art pour l’art, à la recherche de la perfection formelle :

Mais laissons de côté ces bagatelles, et arrivons à la partie vraiment sérieuse de la collection composée des objets les plus rares et les plus précieux en émaux, bronzes, porcelaines, laques, cabinets et meubles de toutes sortes ; l’on n’a admis que les types les plus purs et les plus anciens : les pièces modernes ne servent que comme point de comparaison45.

L’auteur s’intéresse particulièrement aux « tableaux en relief ». Voici la définition qu’il donne à son lecteur français de cet art typiquement chinois : « Ce sont des vues de ports, des villes, des pagodes, des paysages, des oiseaux, des éléphants, rendus par une espèce de mosaïque saillante en pierre de couleur sur des fonds de laque de diverses teintes46 ». Quant aux matières utilisées et énumérées pour concevoir ces œuvres d’ailleurs, elles sont toujours décrites de manière élogieuse au moyen de superlatifs. Les assonances en [a] contenues dans le nom des pierres précieuses semblent mimer les cris d’admiration des badauds et de Théophile Gautier lui-même : « Rien n’est plus riche et plus amusant à l’œil que cette création de jaspe, de jade, de nacre, d’aventurine, de lapis-lazuli47. »

La comparaison entre l’art occidental et l’art chinois est fréquente tout au long du compte rendu de Gautier. Mais en parcourant la collection des bronzes chinois, le critique remarque des éléments familiers. En décortiquant les codes artistiques des chinoiseries, certaines caractéristiques du goût occidental dont il a toujours été imprégné émergent en effet. La découverte de l’altérité, c’est donc a priori la recherche de soi. Ainsi, le fait de retrouver des critères du goût occidental dans la conception de certains vases de Chine permet de conforter Gautier dans son idée – le beau universel prend appui sur une échelle de valeurs occidentale – et de justifier le rapprochement avec les œuvres d’Italie et de Grèce, certes ailleurs géographiques mais toujours sources de la culture européenne :

La collection des bronzes est aussi nombreuse que variée ; nous y avons remarqué des vases d’un goût très-pur et d’une simplicité de formes qui se rapproche de l’étrusque et du grec. – Un surtout nous a plu par son galbe correct et fin : des oiseaux grimpant après le col du vase composent ses anses avec leurs becs et leurs ailes. – Ce joli bronze damasquiné d’argent et incrusté de filets ne serait pas déplacé sur une tablette du musée de Naples, parmi les objets trouvés dans les fouilles d’Herculanum et de Pompeïa48.

Ainsi, la première étape de la connaissance de l’art chinois pour Gautier repose sur la capacité à se reconnaître chez l’autre. Mais cette joie de se retrouver soi-même dans l’altérité n’est qu’une facette de la réflexion entamée par le critique. Derrière la recherche de la ressemblance et à mesure que son observation se fait plus précise et plus fine, la réflexion de Gautier se tourne vers la particularité et l’étrangeté de l’art chinois, recherchant le « laid idéal » là où l’art occidental ne sert que le beau universel, rompant avec l’idée de mimesis artistique :

Les Chinois ont une manière d’envisager l’art qui leur est toute particulière. – Les autres nations, à commencer par les Grecs, qui l’ont atteint, cherchent le beau idéal ; les Chinois cherchent le laid idéal ; ils pensent que l’art doit s’éloigner autant que possible de la nature, inutile selon eux à représenter, puisque l’original et la copie feraient double emploi. La belle malice de rendre les choses comme elles sont ! Et le rare effort d’imagination49 !

C’est un renversement complet de la représentation occidentale de l’art conçue depuis l’Antiquité qui ravive un débat artistique sur la proximité de l’art et de la nature. De simple mimesis déclarée par Aristote dans sa Poétique – « L’art est imitation de la nature » – à la mise au point du rôle de l’art comme valeur ajoutée de la nature selon Francis Bacon – « L’art, c’est ce que l’homme ajoute à la nature50 » – on aboutit à la conception de Baudelaire qui affirme que « la nature n’est qu’un dictionnaire51 » ou plus tard de Paul Gauguin qui souligne que « l’artiste ne doit pas copier la nature, mais en prendre les éléments pour créer autre chose52 ». Ainsi, à travers la réflexion sur l’exposition des chinoiseries au XIXe siècle, c’est l’art que l’on repense et auquel on fait emprunter des voies modernes.

En mettant en opposition le goût chinois pour « le laid idéal » et le goût hellénique du « beau idéal » se pose également la question de la subjectivité de l’esthétique et surtout de son relativisme. Cette association particulière parcourt le XIXe siècle, atteignant son point culminant avec Baudelaire associant « beau » et « bizarre » dans sa critique de son « Exposition de 1855 ». Cette conception si subjective de Théophile Gautier ne manque pas d’appuis théoriques. La notion de laid est déjà mentionnée par Aristote : « Nous prenons plaisir à contempler les images les plus exactes des choses dont la vue nous est pénible dans la réalité comme les formes d’animaux les plus méprisés et des cadavres53 ». Aux yeux de Gautier, les thèmes les plus fréquents représentés dans l’art chinois selon la formule d’Aristote sont « des choses dont la vue nous est pénible » tels des monstres, des animaux déformés pour donner l’effet d’étrangeté. Cependant, cette représentation du laid n’abaisse point le niveau de l’imagination. La manière fantaisiste et artistique de reconstruire les animaux naturels est un moyen de reconnaître les vrais artistes :

Ce n’est pas ainsi qu’un artiste prouve sa puissance créatrice ; mais composer un monstre qui ait les apparences de la vie, inventer des paysages chimériques, peindre de couleurs fictives des êtres imaginaires, faire tenir dans le même cadre des objets que la perspective sépare, voilà à quoi un maître se reconnaît. Un tigre bleu-de-ciel, un lion vert-pomme, sont bien plus curieux que s’ils étaient tout bêtement coloriés de leurs nuances naturelles. Et puis le laid est infini et ses combinaisons monstrueuses offrent à la fantaisie des champs illimités. – Dans quel ciel étrange s’envole l’imagination d’un peintre chinois à cheval sur le dragon national, au dos verruqueux, aux aigles onglées, au ventre imbriqué de squames, par-dessus les nuages d’or d’un horizon de laque, les grottes de rochers factices, les pagodes aux huit toits retroussés en sabot, et les lacs où les hérons pensifs trempent leurs becs54 !

Si l’intention de l’art chinois pour Gautier consiste à chercher le laid idéal, le hasard lui semble indispensable pour atteindre justement cet idéal. Il est même aussi important que l’invention construite d’un projet artistique. Car le hasard est la condition qui permet de construire l’unicité du produit : « L’art chinois a dit au hasard de donner un échantillon de son savoir-faire, et le hasard a été presque aussi adroit que l’invention : – il a produit du premier coup une difformité inimitable55 ».

De plus, « le hasard, dans le mouvement libre et la marche des forces de l’âme », selon Kant, joue un rôle de base dans l’art : « Cela ne se passe pourtant pas sans méthode ; dans le conflit ou l’échange de la représentation : le plaisir réside à vrai dire dans le fait que quelque chose est de l’art, et pourtant semble n’être possible que par hasard […]56 ». Gautier prend plaisir lui-même devant d’innombrables chinoiseries qui semblent issues de hasard, puisqu’elles sont inimitables. À ce point, le critique n’hésite pas à montrer son admiration pour le savoir-faire chinois :

Dans l’arabesque pure, dans l’ornementation capricieuse du bronze, de la porcelaine, du bois, de laque et des pierres dures, les Chinois sont des maîtres inimitables, et l’on ne peut qu’admirer les mille produits de leur imagination inépuisablement fertile57.

Mais ce savoir-faire ne se transforme pas forcément en art idéal chez les contemporains de Gautier. Barbey d’Aurevilly, en décrivant un tableau intitulé Narcisse et la Source du peintre et portraitiste Jules Machard (1839-1900), critique sévèrement l’artiste en comparant son œuvre aux chinoiseries exposées dans les salons. La rigidité, les couleurs fades des corps (blanc, couleur neutre par excellente et bleu, couleur froide) ne donnent aucune émotion aux personnages. La peinture est éteinte comme le soulignent les trois adjectifs employés par le critique et ne suscite aucun plaisir visuel :

Narcisse est étendu agréablement sur le ventre, et la Source, une nymphe, lui verse une cruche d’eau, pour parler avec révérence, sur les reins. Tous les deux sont exsangues, anémiques, que dis-je ! Inanimés, blancs et bleuâtres, comme des tasses à thé, imitation de Chine58.

Chez Barbey d’Aurevilly, il y a donc une certaine répugnance pour ce nouvel art considéré comme mal exécuté, qui reste confiné à des objets utiles et non esthétiques. Cependant, il ne peut nier, malgré son imperméabilité au goût chinois, que cette imitation de Chine infiltre l’art « occidental » et que son influence est inévitable :

C’est odieux pour moi, – et pour vous aussi peut-être ; mais pour les Mandarins du Jury, cette teinte impossible et chinoise a eu du charme et leur a rappelé leurs potiches, et ils ont, une seconde fois épris de cette peau impossible, médaillé le peintre porcelainier qui leur a bleui cela59.

Malgré cette voix discordante concernant l’imitation de l’art chinois dans l’art occidental, son rôle en tant que source de l’art moderne est acquis pour les contemporains. À ce point, Gautier est comme un prophète qui observe dès ses balbutiements la fonction de cet art étrange et prédit son influence sur l’art futur.

Conclusion

L’image de la Chine à travers la représentation des chinoiseries au XIXe siècle s’épanouit dans la littérature française. Ces objets de Chine, rares et précieux, en tant que témoins nostalgiques d’un Empire du Milieu d’autrefois, sont évoqués dans les romans historiques et rappellent les relations amicales et culturelles entre la Chine et une France valorisée par la possession de biens rares synonymes de luxe. Dans les œuvres contemporaines, leurs représentations se sont étendues à la vie quotidienne, en tant que décoration ou source d’imagination : elles deviennent omniprésentes à l’époque, parcourant le romantisme, le réalisme, le naturalisme et le symbolisme, dans les romans aussi bien que dans les poésies et s’arrogeant la place de matériaux poétiques actuels chargés d’histoire. Elles suivent l’évolution sociale du temps, traduisant la montée en puissance de nouvelles classes sociales bourgeoises d’un côté et la nostalgie d’aristocrates désabusés d’un autre côté.

Cette fascination pour les objets exotiques dont les chinoiseries font partie est devenue une tendance universelle au XIXe siècle. Plus ces objets de Chine apparaissent dans la vie quotidienne des Français, plus leur grande qualité et leur caractéristique suscitent l’intérêt des collectionneurs hexagonaux grâce aux expositions et aux musées. Le compte rendu de Théophile Gautier d’une collection chinoise démontre que l’art chinois est devenu un jalon important dans l’histoire de l’esthétique de l’art moderne en France : il permet de réfléchir dans un premier temps sur la conception de l’art occidental tout en le nourrissant et en recoupant des réflexions modernes sur les notions de beau universel et de sublime, approfondies par Baudelaire et Victor Hugo.

Cette belle image de la chinoiserie du XIXe siècle va toutefois changer de nature dans les siècles suivants. À mesure que l’industrie se développe en Chine au XXe siècle, la valeur de ses objets se réduit inéluctablement. L’originalité de cet artisanat d’art de valeur développée par certains grands théoriciens du renouveau artistique français est implacablement remplacée par la production de masse. Adieu les matériaux précieux : la loi du marché devient la grande consommation et amplifie la méfiance des usagers vis-à-vis des produits made in China. L’admiration pour les chinoiseries qu’expriment les écrivains français du XIXe ne se conserve qu’au musée, suscitant la nostalgie d’une nouvelle génération s’interrogeant sur ce revirement de situation esthétique et culturel.

Notes de bas de page numériques

1 Voir L’Encyclopédie Larousse en ligne : http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/chinoiserie/33380.

2 Voir « La comédie de la mort », dans Revue de Paris, au bureau de la revue de Paris, 1838, p. 102.

3 Alphonse Esquiros, Le Magicien, Paris, Dessart, 1838, p. 348.

4 Muriel Détrie, France-Chine : Quand deux mondes se rencontrent, Paris, Gallimard, 2004, p. 12.

5 Muriel Détrie, France-Chine : Quand deux mondes se rencontrent, Paris, Gallimard, 2004, p. 12.

6 La dynastie chinoise fondée par les Chinois a mis un terme à la dynastie sous domination mongole.

7 Alexandre Dumas, Le Vicomte de Bragelonne, Paris, édition Alexandre Cadot, 1848, p. 2158.

8 Charles Augustin Sainte-Beuve, Causerie du lundi, Paris, Garnier Frères, 1857, p. 38.

9 Imbert de Saint Amand, La Cour de Louis XIV, Paris, 1875, atramanta.net, p. 51.

10 Imbert de Saint Amand, La Cour de Louis XIV, Paris, 1875, atramanta.net, p. 51.

11 Imbert de Saint Amand, La Cour de Louis XIV, Paris, 1875, atramanta.net, p. 52.

12 Imbert de Saint Amand, La Cour de Louis XIV, Paris, 1875, atramanta.net, p. 55.

13 Louis XIV a fait construire notamment un petit Trianon en porcelaine à Madame de Montespan, qu’il déconstruit quand leurs amours s’éteignent.

14 Muriel Detrie, France-Chine : Quand deux mondes se rencontrent, Paris, Gallimard, 2004, p. 12.

15 Voir la théorie de Jean-Marc Moura à ce sujet dans Lire l’exotisme : « Chaque œuvre exotique doit être interprétée selon une triple détermination […]. Comme produit d’une conscience créatrice rêvant l’étranger, comme forme exprimant la sensibilité exotique d’une époque, comme signe – plus ou moins manifeste – de l’histoire coloniale européenne », Paris, Dunod, 1992, p. 18.

16 Charles Baudelaire soutient dans son compte rendu « Beaux arts » de L’exposition universelle de 1855 : « Que dirait [un Winckelmann] en face d’un produit chinois, produit étrange, bizarre, contourné dans sa forme, intense par sa couleur, et quelquefois délicat jusqu’à l’évanouissement ? »

17 Alexandre Dumas, Mémoires d’un médecin - Joseph Balsamo, Paris, Michel Lévy frères, 1846, p. 610.

18 Alexandre Dumas, Mémoires d’un médecin - Joseph Balsamo, Paris, Michel Lévy frères, 1846, p. 610.

19 Chaudes-Aigues, « Les Voix intérieures de monsieur Victor Hugo », Revue de Paris, volume 16, 1837, p. 184.

20 Victor Hugo, Les Voix intérieures, Paris, Hetzel/Quantin, 1880, p. 96.

21 Théophile Gautier, Poésies diverses 1833-1838, dans Œuvres poétiques de Théophile Gautier, volume I, Paris, Lemerre, 1890, p. 346.

22 George Sand, Elles et lui, Paris, Hachette, 1859, p. 221.

23 George Sand, Francia, Paris, Calmann Lévy, 1872, p. 148.

24 George Sand, Francia, Paris, Calmann Lévy, 1872, p. 148.

25 Ernest Feydeau, Fanny, Paris, édition Amyot, 1858, p. 192.

26 Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale, texte de l’édition revue par l’auteur, Paris, Charpentier, 1880, p. 156.

27 Guy de Maupassant, Fort comme la mort, texte de l’édition originale, Paris, Ollendorf, 1889, p. 118.

28 Paul Verlaine, Odes en son honneur, Paris, Vanier, 1899, p. 16.

29 Honoré de Balzac, « La Chine et les Chinois » dans Œuvres diverses, Paris, Albin Michel, 1926, p. 220.

30 Honoré de Balzac, « La Chine et les Chinois » dans Œuvres diverses, Paris, Albin Michel, 1926, p. 219-220.

31 Honoré de Balzac, « La Chine et les Chinois » dans Œuvres diverses, Paris, Albin Michel, 1926, p. 208.

32 Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo, texte établi par Jacques-Henri Bornecque, publié par les éditions Classiques Garnier, 1962, p. 1230.

33 Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo, texte établi par Jacques-Henri Bornecque, publié par les éditions Classiques Garnier, 1962, p. 1230.

34 Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo, texte établi par Jacques-Henri Bornecque, publié par les éditions Classiques Garnier, 1962, p. 1230.

35 Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo, texte établi par Jacques-Henri Bornecque, publié par les éditions Classiques Garnier, 1962, p. 1230.

36 Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo, texte établi par Jacques-Henri Bornecque, publié par les éditions Classiques Garnier, 1962, p. 1230-1231.

37 George Sand, Un hiver à Majorque, Paris, F. Bonnaire édition, 1842, p. 188.

38 Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo, texte établi par Jacques-Henri Bornecque, publié par les éditions Classiques Garnier, 1962, p. 1247.

39 George Sand, André, Paris, Perrotin, 1842, p. 98.

40 Dominique Péty, « Présentation » dans Poétique de la collection au XIXe siècle, Nanterre, 2010, p. 368.

41 Dominique Péty, « Présentation » dans Poétique de la collection au XIXe siècle, Nanterre, PUF de Paris-Ouest, 2010. p. 368.

42 Edmond de Goncourt et Jules de Goncourt, Journal : mémoire de la vie littéraire, volume 10, Paris, Bibliothèque Charpentier, 1891, p. 185.

43 De Lagenevais, « Salon de 1849 », Revue des deux mondes, Nouvelle période, tome3, 1849, p. 559.

44 Théophile Gautier, Les Beaux-Arts en Europe, Paris, édition M. Lévy, 1856, p. 150.

45 Théophile Gautier, Les Beaux-Arts en Europe, Paris, édition M. Lévy, 1856, p. 151.

46 Théophile Gautier, Les Beaux-Arts en Europe, Paris, édition M. Lévy, 1856, p. 156.

47 Théophile Gautier, Les Beaux-Arts en Europe, Paris, édition M. Lévy, 1856, p. 156.

48 Théophile Gautier, Les Beaux-Arts en Europe, Paris, édition M. Lévy, 1856, p. 155-156.

49 Théophile Gautier, Les Beaux-Arts en Europe, Paris, édition M. Lévy, 1856, p. 146.

50 Voir Francis Bacon, Art is man added to nature, http://www.thefullwiki.org.

51 Charles Baudelaire, L’Art Romantique, dans Œuvres Complètes, Paris, Calmann-Lévy, 1885, p. 10.

52 Dictionnaire inattendu de Dieu, Paris, Albin Michel SA, 1998, p. 109.

53 Aristote, Poétique, 1488b, trad. R. Dupont-Roc et J. La Ilot, Paris, Le Seuil, 1980, p. 89.

54 Théophile Gautier, Les Beaux-Arts en Europe, Paris, édition M. Lévy, 1856, p. 146-147.

55 Théophile Gautier, Les Beaux-Arts en Europe, Paris, édition M. Lévy, 1856, p. 156.

56 Daniel Dumouchel, Kant et la genèse de la subjectivité esthétique, Paris, Vrin, 1999, p. 238.

57 Théophile Gautier, Les Beaux-Arts en Europe, Paris, édition M. Lévy, 1856, p. 152.

58 Jules-Amédée Barbey d’Aurevilly, Un prêtre marié, Paris, Lemerre, 1865, p. 8.

59 Jules-Amédée Barbey d’Aurevilly, Un prêtre marié, Paris, Lemerre, 1865, p. 8.

Bibliographie

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Pour citer cet article

Zhe Fan, « L’univers des « chinoiseries » », paru dans Loxias, 58., mis en ligne le 14 septembre 2017, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/index.html?id=8745.

Auteurs

Zhe Fan

Zhe Fan est de nationalité chinoise, docteur en Littérature Française et Comparée, à l’université Paul Valéry. Sa thèse s’intitule Les représentations de la Chine dans la littérature française de la Monarchie de Juillet au tournant du siècle, préparée au sein du laboratoire RIRRA 21. Depuis 2011, elle a présenté quatre articles aux colloques ainsi qu’aux séminaires sur « La poésie chinoise chez les poètes parnassiens », « Zaccone, Les Mystères de la Chine », « Les échos des Mystères de Paris », enfin, « Interdisciplinaire, inter-génération et international. La reproduction et la réception d’un chant chinois en France », conférence présentée en collaboration avec le professeur Jean-Pierre Nougier, janvier 2014.