Loxias | 52. (Re)lectures écocritiques : l’histoire littéraire européenne à l’épreuve de la question environnementale | I. (Re)lectures écocritiques : l’histoire littéraire européenne à l’épreuve de la question environnementale 

Anne-Laure Bonvalot  : 

La robinsonnade dans les « romans de la crise » de la Péninsule Ibérique : scènes de l’inhabitable et faillite de l’« homme économique »

Résumé

Il s’agira ici d’analyser l’actuel procès de remotivation dont fait l’objet la robinsonnade dans les dystopies socio-environnementales de l’Espagne et du Portugal contemporains. Avatars particuliers de la fiction politique actuelle, lesdits « romans de la crise » – une catégorie critique, éditoriale et commerciale dont on s’attachera à examiner les contours narratologiques – prennent fréquemment des allures dystopiques qui contribuent à renouveler de l’intérieur les formes et les langages du réalisme critique. Si ces textes convoquent à l’envi les thèmes, les motifs et les structures de la robinsonnade, on verra que celle-ci est, plutôt que le schème d’une fiction de la table rase, tout à la fois le préalable et le prétexte au déploiement d’un imaginaire écologique spécifique dont on s’attachera à dégager les caractéristiques.

Index

Mots-clés : dystopie , écocritique comparée, écopoétique, robinsonnade, roman de la crise

Géographique : Espagne , Portugal

Chronologique : Période contemporaine

Plan

Texte intégral

1Dans ce travail, on se propose d’analyser l’actuel procès de resémantisation dont fait l’objet la robinsonnade – une notion que l’on déclinera selon une acception tantôt générique ou thématique, tantôt mythique ou figurale – dans quelques fictions dystopiques de l’Espagne et du Portugal ultra-contemporains. Dans la perspective de décentrement radical qu’ils cherchent à mettre en place, lesdits « romans de la crise » prennent fréquemment les traits de la dystopie socio-environnementale. La « crise » – sociale, économique, écologique, trois dimensions invariablement pensées de manière conjointe, du moins comme le lieu d’une compénétration constante – y constitue bien souvent l’accident ou la perturbation conduisant à l’isolement d’un sujet tantôt individuel, tantôt générationnel ou national, le récit se focalisant ensuite sur les tentatives de reconstruction de la civilisation ou du collectif dans un univers où l’espace habitable manque cruellement. Les motifs classiques du naufrage, de l’isolat ou du sauvage se déploient ici de plusieurs manières, dont on proposera une forme d’inventaire commenté. Si ces textes convoquent à l’envi la scène de la robinsonnade, c’est notamment parce que celle-ci constitue un lieu privilégié, voire un symbole ou une tentative de modélisation romanesque de l’anthropo-scène, et ce en raison du type de lien à l’environnement, rationaliste et utilitariste, qu’incarne la figure de Robinson dans la littérature européenne lato sensu – songeons que Robinson fait par exemple office de véritable parangon de l’agent économique rationnel chez les économistes néo-classiques.

2En appui sur un corpus d’étude composé de romans récents espagnols – El padre de Blancanieves (2007) et El comité de la noche (2014) de Belén Gopegui, Democracia (2012) de Pablo Gutiérrez, La habitación oscura (2013) d’Isaac Rosa, En la orilla (2013) de Rafael Chirbes, La trabajadora (2014) d’Elvira Navarro – et portugais – Despaís (2013) de Pedro Sena-Lino, Se não podes juntar-te a eles, vence-os (2013) de Filipe Homem Fonseca –, on montrera que la fiction péninsulaire du désastre socio-environnemental n’a de cesse de poser, par le recours récurrent au motif et à la structure de la robinsonnade, la question de l’habitabilité du monde contemporain, dans une perspective résolument défamiliarisante et contre-pastorale. Émerge alors la nécessité de relire la dystopie socio-environnementale du Sud de l’Europe au prisme du modèle de la robinsonnade, que l’on entendra comme un triple paradigme, à la fois littéraire, civilisationnel et économique, situé à la conjonction problématique de la théorie économique néo-classique et du roman réaliste. On montrera que ce corpus n’est pas le lieu d’une reprise à l’identique mais bien d’une remotivation particulière dont les procédés spécifiques méritent un examen minutieux, dans la mesure où il ne vient pas tant figurer la faillite générique de la civilisation que celle de l’homo œconomicus et du rationalisme économique qui lui est attaché. Pour des raisons pratiques, on limitera ici l’analyse au genre romanesque, qui n’épuise pas pourtant l’entier de la littérature et des récits auxquels ladite crise donne lieu.

Le « roman de la crise » luso-hispanique : formule d’époque ou catégorie narratologique ?

3Une formule littéraire d’un genre nouveau a vu le jour depuis quelques années dans la Péninsule Ibérique et semble y connaître une fortune critique et éditoriale significative : il s’agit dudit « roman de la crise », défini d’abord selon une aune strictement thématique. La critique repère en effet depuis quelques années une tendance manifeste à la prise en charge narrative de la crise économique au sein de textes aux formes diverses, mais dont le cœur thématique est inchangé1. L’abondante thématisation d’une précarisation généralisée, d’une faillite des métarécits de la mobilisation collective et d’une pénurie d’espace habitable est un phénomène trans-générationnel, que l’on identifie aussi bien chez des auteurs installés de longue date dans le paysage littéraire – Rafael Chirbes ou Belén Gopegui –, que chez Isaac Rosa, Elvira Navarro, Cristina Fallarás ou Pablo Gutiérrez. Majeur en Espagne, celui qu’on appellera ici pour des raisons pratiques le « roman de la crise » tend ainsi à devenir une catégorie narratologique dont la critique portugaise se fait également écho2. Si la formule désigne une tendance commune à l’ensemble de la Péninsule Ibérique3, on notera que le terme apparaît profusément dans les suppléments littéraires et plus généralement sous la plume de la critique journalistique, des libraires ou des bloggeurs et bloggeuses, sans se trouver dans un premier temps repris dans la sphère académique et universitaire, qui ne se saisit pas de cet objet de manière systématique. Si quelques rares manifestations scientifiques sont consacrées au sujet, elles ont lieu en-dehors de l’espace péninsulaire4. On peut supposer que la formule prend davantage son sens au sein d’un dispositif promotionnel, qu’elle constitue même une forme d’étiquette dont la nouveauté et l’actualité sont commercialement intéressantes. Par ailleurs, la locution est particulièrement percutante, dans la mesure notamment où elle reprend à son compte, en le redoublant qui plus est, l’emploi absolu que tend à proposer du vocable le discours médiatique : en banalisant l’usage du singulier générique, en faisant circuler à l’envi des termes comme « la crise » – ou dans une moindre mesure « le roman de la crise » –, les médias tendent en effet à proposer un métarécit téléologique en forme de grande fiction technique – un récit que le roman du même nom viendrait alors naturellement ratifier ou corroborer dans sa forme. Si l’on admet avec Julien Rault et Stéphane Bikialo que « [l]e mot crise repose sur un principe de fictionnalisation, servant à oblitérer la critique et à défendre des principes de régression (économique, sociale, politique, littéraire, linguistique, etc.)5 », on pourrait de prime abord penser que le « roman de la crise » ne consiste qu’en une entreprise de naturalisation supplémentaire de ce qui se présente davantage comme le sème privilégié d’une rhétorique experte que comme une réalité objective.

4Or, souscrire à une définition rhétorique du vocable n’empêche pas au fond de considérer que l’on a affaire, avec lesdits « romans de la crise », à un paradigme générique doté d’une réelle systématicité – en termes d’intentionnalité critique, mais aussi de choix formels et scripturaires – qui dépasse tout à la fois la simple présence thématique et la seule création médiatique ou mercatique. On propose ainsi d’envisager le « roman de la crise » comme une catégorie poétique effective, en tant qu’il recouvre un certain nombre de stratégies et de postulats d’écriture communs et identifiables. En Espagne et au Portugal, le texte dont la critique fait l’emblème du genre6 est le magistral En la orilla, de Rafael Chirbes7. C’est d’ailleurs en 2013, année de sa parution, que la locution « roman de la crise » – novela de la crisis ou romance da crise – apparaît sous la plume des commentateurs. Roman-somme, texte-kaléidoscope, En la orilla est notamment exemplaire en ce qu’il lie étroitement la dimension économique et les dimensions sociale, éthique, morale et écologique de ladite crise – qui, plutôt qu’un phénomène conjoncturel, se voit davantage conférer, au sein d’une écriture rhizomatique, une épaisseur systémique. Or, l’examen du corpus envisagé ici – un corpus non exhaustif mais que l’on espère représentatif – fait d’abord apparaître les contours d’un imaginaire écologique et politique commun : tous les textes considérés, malgré leurs différences incompressibles, font apparaître une vision métabolique de la crise, en tant qu’elle est une occasion de mettre au jour les failles d’une démocratie libérale8 invariablement saisie comme un choix civilisationnel devenu intenable.

5On a là des récits qui tous sont le fruit d’une intentionnalité critique – assumée, voire revendiquée –, un critère définitoire nécessaire mais non suffisant puisqu’il ne permet pas au demeurant de distinguer ces romans du courant plus large de fictions politiques au sein duquel ils s’inscrivent9. Pourtant, c’est précisément en ce qu’ils reprennent à leur compte la dimension rhétorique et fictionnelle de la crise, parce qu’ils donnent à lire cette dernière comme un métarécit technique au sein de récits d’enquête sur le caractère systémique de la précarité, que les discours littéraires que ces textes déploient sont susceptibles d’être pensés sous un même signe. Ces textes sont ainsi conçus comme autant de lieux d’un examen de la notion, voire d’un passage au crible de la poétique qui la constitue dans l’actualité – au moyen de procédures d’exhibition, de saturation ou de déconstruction largement expérimentales. Ces fictions apparaissent comme des espaces de mise en tension des rhétoriques contemporaines dont la notion de crise est le cœur : dans leurs dispositifs narratifs et énonciatifs propres, elles mettent en regard l’acception conjoncturelle ou accidentelle de la crise et une vision interconnectée, métabolique et structurelle. Cette mise en lice implique de configurer des régimes de temporalité non linéaires, qui tendent à proposer de la crise un autre récit que celui, téléologique, qui en fait la conséquence de dépenses publiques inconsidérées que des politiques d’austérité seraient les seules à pouvoir combattre. Dans La habitación oscura d’Isaac Rosa, la crise est ainsi signifiée comme profondément structurelle, et a trait à la faillite d’un régime historique d’accumulation du capital10. Cette dynamique d’accumulation intenable se trouve partout spatialisée, par le recours au motif de la décharge, une décharge historique débordant de toutes sortes de marchandises abandonnées et désormais perdues :

Eran años de acumulación, de sumar un patrimonio que exigíamos como una cosecha que estaba ahí sembrada, a la espera de ser recogida, el contador luminoso proseguía sus revoluciones, su nervioso rodar que se confundía con nuestro pulso. Si pensamos hoy en aquel tiempo lo vemos como un enorme desguace, un vertedero por cuya ladera rodó todo lo acumulado, todo lo adquirido y luego desechado, sustituido por nuevas adquisiciones que no tardarían en rodar ladera abajo11 […]

C’étaient des années d’accumulation, où l’on constituait un patrimoine que nous voulions pareil à des fruits semés là, à portée de main, attendant d’être récoltés, le compteur lumineux poursuivait ses révolutions, son ronron nerveux qui se confondait avec notre pouls. Si nous pensons à ce temps-là aujourd’hui, il nous apparaît comme un énorme casse, un tas d’ordures sur la pente de laquelle a roulé tout ce que nous avions accumulé, acquis puis jeté, remplacé par de nouvelles acquisitions qui ne tarderaient pas à leur tour à rouler au bas de la pente.

6Sur le plan formel, les romans de la crise ont ainsi partie liée avec une poétique de la perte – de l’effritement, de l’écroulement, de l’émiettement ou de la déliquescence –, au sein de laquelle sont abondamment convoqués les motifs de l’île, de l’isolat ou l’archipel, du naufrage et de l’appropriation post-accidentelle d’un nouvel espace. Au moyen des procédures de généralisation qui leur sont propres, ces œuvres proposent des fables où est abordée la possibilité ou non de reconstruire une civilisation effondrée ; elles configurent ce faisant les rapports que celle-ci entretient avec son dehors, le monde sauvage. Il est frappant de constater que ces motifs constitutifs sont aussi ceux d’un genre littéraire moderne dont on peut même considérer que ces textes sont une manière de réécriture : la robinsonnade. Ce partage de séquences et de motifs dessine une communauté de structure et d’imaginaire : dans les textes du corpus se déploie un régime spatio-temporel spécifique qui les rend solidaires, selon des liens et des modalités de reprise que l’on va dès à présent tenter de sérier, du récit robinsonnien.

De l’île déserte à l’archipel des subalternes. Le « roman de la crise », entre robinsonnade urbaine et dystopie socio-environnementale

7Il est saisissant de remarquer qu’un certain nombre de caractéristiques classiquement attribuées à la robinsonnade font l’objet d’un clair procès de remotivation dans les textes du corpus. On tentera à présent de décrire les modalités particulières d’une telle réémergence, en passant en revue les principaux motifs qui se trouvent resémantisés tantôt sous les auspices de l’impossibilité ou de l’empêchement, tantôt sous le signe contraire de l’empowerment des collectifs subalternes que ces textes mettent en scène.

8Le point de départ d’un certain nombre de ces romans est en effet la mise en scène d’un isolement du ou des protagonistes par rapport à une civilisation ou une communauté d’appartenance d’origine. Dans les « romans de la crise », l’isolement est dû à un événement qui n’est pas strictement de l’ordre de la catastrophe ou du naufrage : il procède bien plutôt de dynamiques historiques, de modes de vie ou de nécessités socio-économiques – des motivations contextuelles englobant aussi la dimension environnementale qui, en accord avec une vision systémique du monde, ne se trouve jamais séparée des précédentes. L’expérience de la solitude urbaine que fait bien souvent le personnel romanesque est tout à la fois le symptôme et le résultat d’un naufrage du collectif qui est d’ordre écologique, économique, social, civilisationnel et culturel. L’isolement peut ainsi être dû à un repli massif sur un imaginaire défensif basé sur une quête de l’immunité, à une perte des langages du collectif ou à un effondrement de l’espace habitable.

9Cet isolement liminaire peut être la conséquence de l’expatriation forcée de personnages qui ne parviennent plus à vivre décemment dans des pays économiquement ravagés. Dans El comité de la noche de Belén Gopegui, c’est par exemple le cas de Carla, brillante hématologue qui se retrouve pour des raisons économiques forcée d’émigrer en Slovaquie. Dans Despaís de Pedro Sena-Lino, la déliquescence du territoire national portugais, devenu parfaitement inhabitable sous l’effet de sa privatisation intégrale, amène à un décentrement du regard : c’est depuis Berlin que l’on observe le naufrage fracassant du Portugal contemporain et la conséquente déterritorialisation de ses habitants. L’isotopie maritime fait dans ces textes l’objet d’un traitement particulier : qu’il s’agisse des mareas ou « marées », ces vagues d’émigration forcée en provenance d’Espagne et du Portugal, du ressac anti-impérialiste ou de ce qui est signifié comme une forme de naufrage du capitalisme financier – mais aussi de la civilisation occidentale dans son entier. Dans les textes envisagés, le motif de la mer est systématiquement solidaire de celui de l’insularité : dans Despaís, les habitants dépossédés de leur terre vivent sur des sortes d’îlots informes, les « crisiades ». Le vocable crisíadas peut être lu comme une reprise ironique et déformée des Lusiades, Os Lusíadas, le grand récit épique du poète Luís de Camões évoquant notamment la découverte de la route maritime par Vasco de Gamma et la splendeur maritime de l’Empire portugais. En 2023, date à laquelle se déroule l’action de Despaís, le pays souffre d’une « maladie maritime » qui ronge le pays et signe définitivement la fin du mythe de la grandeur impérialiste sur laquelle repose dans le discours épique la construction de l’identité nationale. De même, dans Se não podes juntar-te a eles, vence-os, de Filipe Homem Fonseca, les personnages évoquent profusément le phénomène de l’émigration forcée, et l’on retrouve dans leur propos ce retournement du récit épique de l’expansion impérialiste, motif constitutif de la robinsonnade, au même titre que la thématique de l’expansion coloniale sur laquelle elle repose12.

10Ainsi, l’isolement des personnages n’est pas tant signifié comme la condition préalable de refonte ou d’exportation d’une civilisation, que comme le symptôme de son naufrage récent ou imminent. Il se voit remotivé au sein d’une perspective résolument décoloniale, dans la mesure où les textes considérés évoquent de concert une forme de faillite du système politique et économique, mais aussi de la modernité envisagée comme le grand récit de la civilisation occidentale. C’est pourquoi la littérature de la crise prend bien souvent un tour eschatologique et largement dystopique. Jean-Paul Engélibert signale à ce propos l’étroite parenté qu’entretiennent dans le temps contemporain les notions de crise et de catastrophe :

Crise économique, crise civilisationnelle, crise écologique... Jamais sans doute telle profusion de discours ne s’est fait entendre sur les périls à venir. Au point que le mot « crise » cède la place à la « catastrophe », en attendant que l’inflation lexicale démonétise la catastrophe elle-même13.

11Par ailleurs, la solitude des personnages est elle-même vécue sur le mode de l’insularité. À l’image de l’île déserte, largement fantasmée dans la culture occidentale, elle est à la fois signifiée comme la marque ou le produit d’une culture violemment individualiste, et comme une chimère absolue – en tout cas comme une périlleuse et intenable fable collective. En témoigne l’omniprésence dans le corpus de ce qui devient une véritable isotopie : la thématique de l’impossible refuge, reliée à la culture d’une « démocratie immunitaire14 » et d’un culte de l’accumulation prédatrice. L’improvisation des moyens de survie dans un milieu hostile après un accident, élément typique de la robinsonnade, est l’objet d’une poétique de la débrouille, qui fait apparaître une multitude de personnages définis par la précarité de leurs conditions de vie. L’habileté, la virtuosité, l’acharnement au travail et autres qualités morales dont fait preuve Robinson afin de reconstruire sur l’île déserte la civilisation perdue, sont dans ces textes frappés au sceau impitoyable de l’échec et de la faillite. Malgré tous leurs efforts dans ce sens, la plupart des personnages échouent à mener une vie matériellement digne, sans apparaître pour autant comme des anti-héros ou comme des hommes sans qualité. Si la robinsonnade exprime une vision valorisante du travail, mais aussi une vision ethnocentriste, voire coloniale et impérialiste du monde15, il s’agit ici au contraire, en reprenant la structure narrative de la robinsonnade pour la vider de sa substance axiologique initiale16, de faire subir au thème du triomphalisme civilisateur une forme de déconfiture radicale.

12Dans La habitación oscura, la chambre noire est le refuge qu’un collectif de personnages – » nosotros » – s’applique à fabriquer afin d’y organiser toutes sortes de réunions devant se tenir à l’insu du monde extérieur. Pourtant, malgré l’intensité des orgies qu’il abrite et dans lesquelles on peut lire le symbole d’une dramatique légèreté consumériste, le refuge finit par craquer de toutes parts : si tous recherchent les faveurs de la chambre noire pour s’évader ou s’isoler d’un quotidien fait d’angoisse économique, la décomposition qui touche l’espace du dehors finit par gagner aussi ce qui était d’abord un îlot d’insouciance. Conformément à ce que Jean-Paul Engélibert identifie comme une tendance propre à la robinsonnade contemporaine17, le caractère initiatique du naufrage et l’isolement par rapport à la civilisation d’origine sont signifiés comme étant parfaitement impossibles. On passe ainsi de l’épique de l’île déserte à une contre-épique morcelée de l’archipel des victimes de la crise – et plus généralement des catégories subalternes. Dans les « romans de la crise », l’intériorité et la subjectivité font en effet l’objet d’un traitement similaire à celui de l’espace physique : elles-mêmes se présentent sous les traits de la décadence, de l’effritement et de la déliquescence. Dans La trabajadora, Elvira Navarro explore cette décomposition de la subjectivité subalterne : l’espace du dedans, loin du volontarisme et du rationalisme efficaces de Robinson, est gangréné par la pathologie qui naît du contexte socio-environnemental. La solitude qui succède à la perte des grands récits de l’émancipation est un isolement maladif et malade, un éclatement de soi dont la précarité économique apparaît comme la racine :

Por aquel entonces no tenía nada que hacer. Digo nada y quiero decir nada, abriendo así la boca [Susana abrió la boca y se metió el puño entero], y no sabes hasta qué punto deprime que lo real, o tu cabeza, sea un pedazo de vidrio roto, opaco, abandonado al borde de una acera18.

À cette époque je n’avais rien à faire. Je dis rien et je voudrais dire RIEN, en ouvrant la bouche comme ça [Susana ouvrit la bouche et y mit son poing entier], et tu n’imagines pas à quel point ce peut être déprimant que le réel, ou ta propre tête, soit un bout de verre cassé, opaque, abandonné au bord d’un trottoir.

13On retrouve le même procédé d’écriture dans Democracia, de Pablo Gutiérrez, puisqu’à l’effondrement de Lehman Brothers répond la déstabilisation intérieure de Marco, personnage brutalement licencié :

Lehman Brothers. Lehman Brothers se desplomó delante de las narices del mundo atónito el mismo día que Marco fue despedido. Coincidencia cósmica : en el dietario de infortunios universales su insignificante tragedia empequeñeció frente a aquel monzón bursátil que, como dicen los locutores con precisas metáforas, quebraría los cimientos del blablablá internacional19.

Lehman Brothers. Lehman Brothers s’est effondrée à la barbe d’un monde impassible le même jour où Marco fut licencié. Coïncidence cosmique : dans l’agenda des infortunes universelles, sa tragédie insignifiante a encore rapetissé face à cette mousson de la bourse qui, comme disent les experts en usant de métaphores précises, ébranlerait les fondations du blablabla international.

14Les romans de la crise sont des robinsonnades, généralement urbaines, en ce qu’ils mettent en scène des personnages soudain forcés de faire, suite à une forme de naufrage, la double expérience du dénuement et de l’isolement. Soumis à un impératif d’appropriation d’une vie et d’un espace nouveaux, leur expérience sera différente selon les textes : pathologies et dépression, émiettement de soi, perte d’identité et enfermement ; mais aussi expériences de recréation de communautés et d’écologies alternatives.

Reterritorialisations : poétiques du commun et expérimentalisme social

15En effet, contrairement aux dystopies classiques mettant en œuvre de manière tendanciellement pessimiste ou nihiliste la fin du monde ou de l’histoire, on a affaire à des fictions d’intention politique qui n’ont rien de réactionnaire. Elles s’éloignent notamment du « mythe du chaos régénérateur20 » ou de l’idée de la reconstruction précaire d’une humanité dégénérée21 pour proposer plutôt une nouvelle pensée de la communauté politique, élaborée depuis ses décombres, depuis son envers ou son négatif – c’est ce qu’indique par exemple la mobilisation de la métaphore photographique de la chambre noire. Plutôt que l’extinction sans appel de l’humanité, c’est plutôt la fin d’un monde, d’un système politique et d’un imaginaire de l’accumulation prédatrice qui y est mise en scène. Dans Despaís, l’écriture de la perte et de l’effondrement du territoire donne à lire l’événement du naufrage national dans les termes de la responsabilité politique collective – la disparition du Portugal est d’ailleurs l’objet d’un référendum ! – plutôt que sur le mode d’une pédagogie de la catastrophe consacrant un imaginaire de l’impuissance – ou au contraire de la toute-puissance techno-optimiste, à laquelle le système de valeurs porté par le Robinson de Defoe n’est d’ailleurs pas étranger.

16La désorientation spatio-temporelle des personnages déterritorialisés – émigrés économiques, personnages délogés ou précaires retournant vivre chez leurs parents, exilés apatrides ou sujets éclatés à l’espace identitaire effondré – est également un trait caractéristique de la robinsonnade : s’il prend parfois des allures de science-fiction, notamment par et dans les régimes de futurité qu’il déploie (Despaís, La habitación oscura), le roman de la crise n’en reste pas moins profondément réaliste et prend volontiers le tour d’une critique mordante de la civilisation occidentale. La resémantisation de la thématique de la survie à la lumière de celle de l’impossible refuge, mais aussi la critique du productivisme dans un monde où les personnages fabriquent, achètent ou consomment des produits déconnectés de toute valeur d’usage (La mano invisible, La habitación oscura) en est un exemple patent. Dans El padre de Blancanieves par exemple, le motif de la bulle, symbole explicite de l’imaginaire obsidional d’une classe moyenne qui tente de se protéger à tout prix des assauts du monde extérieur sature le texte, mais celle-ci éclate irrémédiablement. Au niveau formel, le texte tisse d’ailleurs un réseau de bulles interdépendantes, et cette interconnection configure une structure rhizomatique qui vient signifier formellement le caractère intenable du fantasme individualiste sur lequel repose le système capitaliste. Contrairement à Robinson, la plupart des personnages font l’expérience d’une impossible reterritorialisation, puisqu’il n’existe pas d’espace susceptible d’échapper à l’irrémédiable décomposition du monde. On retrouve le même pessimisme chez Rafael Chirbes, le refuge ayant désormais pour seule forme l’argent, comme le suggère le monologue final de Pedrós, cher d’entreprise influent et cynique :

[...] el dinero no tiene patria, tú procura que no te falten en el bolso euros convertibles, dólares convertibles, ¿se dice así ?, procura, sobre todo, almacenar lingotes de oro que fíjate si hace siglos que van en danza los lingotes de oro, las joyas brillantes, rubíes y zafiros, milenios de acá para allá, y siguen conservando el valor que tenían el octavo día de la creación del mundo, cuando Eva vio una serpiente y le echó mano creyéndose que era un collar de esmeraldas22.

[...] l’argent n’a pas de patrie, fais en sorte d’avoir toujours en poche des euros convertibles, des dollars convertibles, c’est comme ça qu’on dit ? Fais en sorte, surtout, d’amasser des lingots d’or, regarde comme les lingots d’or voyagent depuis des années, les bijoux brillants, rubis et saphirs, des millénaires qu’ils transitent entre ici et là-bas, et ils conservent la valeur qu’ils avaient le huitième jour de la création du monde, quand Ève a vu un serpent et l’a attrapé, pensant que c’était un collier d’émeraudes.

17Plutôt que de donner à lire dans les actes des personnages et dans ce qu’ils construisent la grandeur axiologique d’une civilisation, c’est préférentiellement la logique démentielle ou sauvage qui s’y exerce que les textes donnent à voir. Tous les textes du corpus confectionnent la fable d’un retournement radical de la hiérarchisation du sauvage et du civilisé telle qu’elle existe chez Defoe. La rencontre problématique avec l’autre ou avec l’étranger est une thématique omniprésente dans tous les textes envisagés, elle est l’envers ou le dehors de la dynamique de repli sur soi précédemment décrite. Mais au lieu de chercher à fonder sur une peinture péjorative du sauvage la puissance de la civilisation occidentale, ces textes mettent davantage en lumière la sauvagerie inhérente à cette dernière. Dans La habitación oscura, la violence et la barbarie sont en fait à l’intérieur de la chambre et des sujets qui peuplent cet espace imparfaitement confiné. Dans l’espace en décomposition, dans le caractère intenable du désir d’isolement, du productivisme et du consumérisme à outrance, on a affaire à une mise en échec toujours recommencée d’un universalisme axiologique et d’un volontarisme rationaliste produisant sur tous les plans des dommages irréversibles – c’est ce qu’indique de manière récurrente l’encombrant motif de la pourriture, du déchet ou du décombre.

18Mais si les textes se montrent extrêmement critiques envers la possibilité contemporaine de l’isolement, de l’île ou du refuge, si les décombres d’un monde saturé de pourriture23 et la violence des rapports de race, de genre et de classe empêchent la recréation d’une civilisation à l’identique par la vertu du travail opiniâtre, on peut dire que le naufrage des trajectoires personnelles ou collectives n’est pas toujours saisi sous les auspices de l’apocalypse. Au naufrage à valeur initiatique de Robinson succède une expérience de reterritorialisation, d’appropriation d’un nouvel espace politique. Certes, la pénurie d’espace disponible, liée à une écriture de la perte, est nodale, et les lieux deviennent d’inhabitables non-lieux : dans Despaís ou La habitación oscura, le sol s’effondre littéralement sous les pieds des personnages, qui doivent pour vivre déployer des trésors d’ingéniosité. Dans El comité de la noche, Álex, médecin au chômage, écrit de » nulle part » l’histoire de son naufrage personnel, qui est indissolublement une fable générationnelle et collective. Mais à la violence de la déterritorialisation forcée s’oppose la densité de tous les corps en lutte, dont l’accumulation spatialisée devient lieu habitable :

No somos escapistas, nuestras palabras llevan nuestros cuartos o su falta, no nos desprendemos de nuestras raíces sino que somos individuos con metros cuadrados, con tiempos cúbicos, recuerdos y enlaces, acabar con nosotras sería acabar con lo que habitamos, y no me refiero a la propiedad que o no tenemos o puede caer, me refiero a lo que termina en nuestro cuerpo. No somos escapistas : cuando nos unamos todos nuestros metros cuadrados deberán poder hacer frente a los metros de sus casas, de sus cuarteles divididos, de sus ejércitos24.

Nous ne sommes pas dans la fuite, nos paroles charrient nos chambres ou leur absence, nous ne nous laissons pas derrière nous nos racines, mais nous sommes des individus tout en mètres carrés, tout en temps cubes, avec des souvenirs et des liens, en finir avec nous serait en finir avec les lieux que nous habitons, et je n’entends pas par-là à la propriété à laquelle nous n’avons pas accès ou qui peut s’effondrer, mais ce dont notre corps est le terme. Nous ne sommes pas dans la fuite : quand nous nous unirons, tous nos mètres carrés devront pouvoir faire face aux mètres carrés de leurs maisons, de leurs casernes individuelles, de leurs armées.

19La reprise des séquences thématiques et narratives de la robinsonnade sur le mode de l’empêchement, de l’impossible, voire de la téléologie et de l’eschatologie, dans des fictions à caractère largement dystopique exprime, plutôt qu’une confiance dans l’intelligence de la civilisation, une conscience de l’impasse. L’opiniâtreté et l’ingéniosité ne permettent généralement pas aux personnages de refonder à partir du dénuement initial les bases d’un système vertueux. En revanche, il n’en va pas dans ces fictions d’une vision intégralement pessimiste ou conservatrice, puisque le déplacement donne lieu à toutes sortes d’expériences menées collectivement selon d’autres valeurs que celles de l’utilitarisme et du rationalisme. Loin de se constituer en fictions de la table rase, les « romans de la crise » donnent à voir des communautés ou des praxis porteuses de systèmes axiologiques alternatifs que ces romans déploient en réseau. Les écologies particulières que ces textes mobilisent s’inspirent en effet de traditions et de pratiques communautaires alternatives comme le communalisme, la décroissance, l’écologie urbaine ou l’écologisme populaire25. Selon Pilar Lozano Mijares, la lecture dystopique de La habitación oscura ne doit pas oblitérer l’existence d’une forme « d’anagnorisis ou d’illumination générationnelle, de réveil collectif26 » qui fait de la « crise » le moment d’une éclaircie politique fondamentale.

20Nodale sur le plan dramatique, la double thématique du naufrage et de la survie se décline finalement toujours au pluriel, sur le mode du singulier collectif. Que le naufrage soit national, générationnel, social ou individuel, on a toujours affaire à une narration collective qui emprunte des formes brisées pour tisser du monde contemporain un impitoyable portrait au kaléidoscope. On propose ainsi de considérer la portée réaliste et critique de ces robinsonnades contemporaines aux formes largement expérimentales : la coprésence d’une forte inscription référentielle et d’une grande inventivité formelle nous conduit à penser l’esthétique du corpus envisagé en termes d’expérimentalisme social – une catégorie qui n’a plus d’oxymorique que le nom et s’avère signifiante aussi bien sur le plan thématique que sur le plan poétique.

Conclusion. Robinson retourné ou l’universalisme capitaliste en échec

21Le naufrage, l’isolement par rapport à une communauté d’appartenance initiale, l’expérience inaugurale et inédite du dénuement, la mise en place de moyens de survie, l’appropriation post-accidentelle d’un espace d’abord inconnu et hostile, mais aussi les modalités de l’interface et de la rencontre entre le monde » civilisé » et le monde « sauvage » sont autant de caractéristiques de la robinsonnade qui font dans le « roman de la crise » l’objet d’un procès de réécriture : la première est même le modèle implicite, voire la condition de systématicité, du second. Si Robinson incarne classiquement un agent économique rationnel, organisant au mieux ses rares ressources afin de maximiser ensemble son profit et sa satisfaction, on peut considérer que la reprise paradoxale dont la robinsonnade fait l’objet dans les « romans de la crise » produit une forme de retournement axiologique. Patriotisme, moralisme et colonialisme d’une part ; rationalisme économique et utilitarisme de l’autre, se retrouvent formellement mis en échec au sein d’impitoyables dystopies socio-environnementales qui tiennent davantage d’une forme nouvelle, expérimentale, de réalisme social, plutôt qu’elles n’appartiennent au domaine de la science-fiction. S’il n’existe pas de terre vierge où instaurer une quelconque narration régénératrice, si l’île déserte est réduite à l’état de fantasme de classe, la mise en scène d’une pénurie de l’espace habitable, de l’émiettement et de l’archipélisation du monde n’empêche pas le déploiement d’une politique et d’une pensée écologique propres au « roman de la crise » – elle en est même bien plutôt la condition fondamentale.

Notes de bas de page numériques

1 Voir par exemple Javier Rodríguez Marcos, « Una crisis de novela », El País, 16/03/2013, http://sociedad.elpais.com/sociedad/2013/03/16/actualidad/1363470608_130051.html, consulté le 10/01/2016.

2 Catarina Moura, « A ficção portuguesa reflete sobre a crise que é real », Público, 18/07/2013, https://www.publico.pt/culturaipsilon/noticia/romances-crise-1600625 , consulté le 11/01/2016.

3 En plus des textes du corpus, on peut citer Crematorio de Rafael Chirbes (2007), Ejército enemigo d’Alberto Olmos (2011), Tiempo de encierro de Domenico Chiappe (2013), Últimos días en el Puesto del Este et A la puta calle (2013) de Cristina Fallarás ou Los combatientes de Cristina Morales (2013). En catalan, on évoquera Puja a casa, de Jordi Nopca (2014) ou, du côté de la non fiction, No ens calia estudar tant de Marta Rojals (2015).

4 On citera, et la chose fait à ce jour figure d’exception, la journée d’études organisée au Collège d’Espagne (Paris) le 15 avril 2015 par Isabelle Mornat, intitulée « Les romans de la crise en Espagne : contours/détours ».

5 Julien Rault et Stéphane Bikialo, « La “crise” : circulation et fiction », Épistémocritique, numéro 12, printemps 2013, http://www.epistemocritique.org/spip.php?article322 , consulté le 10/01/2016.

6 Voir par exemple Javier Rodríguez Marcos, « La gran novela de la crisis en España », El País, 02/03/2013, http://cultura.elpais.com/cultura/2013/02/28/actualidad/1362067884_779080.html , consulté le 10/01/2016.

7 Rafael Chirbes, En la orilla, Barcelone, Anagrama, 2013.

8 Démocratie représentative et néolibéralisme sont invariablement saisis dans ces textes sous le signe de l’indissoluble, l’économique et le politique y apparaissant comme étant les deux faces d’une même monnaie.

9 On a étudié ailleurs ce phénomène pour l’Espagne : Anne-Laure Bonvalot, Formes nouvelles de l’engagement dans le roman espagnol actuel, Paris, Classiques Garnier, « Littérature, histoire, politique », à paraître (2016).

10 Voir à ce propos Frédéric Lordon, La société des affects. Pour un structuralisme des passions, Paris, Seuil, « L’ordre philosophique », 2013.

11 Isaac Rosa, La habitación oscura, Barcelone, Seix Barral, 2013, p. 74. Notre traduction.

12 Anne Leclaire-Halté, Robinsonnades et valeurs en littérature de jeunesse contemporaine, Metz, Centre d’Études Linguistiques des Textes et des Discours, 2004, « Didactique des textes », p. 25.

13 Jean-Paul Engélibert, Apocalypses sans royaume. Politiques des fictions de la fin du monde, XXe-XXIe siècles, Paris, Classiques Garnier, « Littérature, histoire, politique », p. 9.

14 On reprend le concept au philosophe Alain Brossat, La démocratie immunitaire, Paris, La Dispute, 2003.

15 Pour une approche post-coloniale de la question, voir Isabelle Constant, Le Robinson antillais. De Daniel Defoe à Patrick Chamoiseau, Paris, L’Harmattan, 2015, « Espaces Littéraires ».

16 Certains commentateurs s’emploient à montrer qu’en dépit de cette interprétation axiologique courante, l’attitude du Robinson de Defoe est en réalité plus ambiguë. Voir par exemple Claire Pignol, « Quel agent économique Robinson Crusoé incarne-t-il ? », Épistémocritique, numéro 12, printemps 2013, http://www.epistemocritique.org/spip.php?article320 .

17 Jean-Paul Engélibert, La Postérité de Robinson Crusoé. Un mythe littéraire de la modernité, 1954-1986, Genève, Droz, 1997, p. 93-94.

18 Elvira Navarro, La trabajadora, Barcelone, Mondadori, 2014, p. 13. Notre traduction.

19 Pablo Gutiérrez, Democracia, Barcelone, Seix Barral, 2012, p. 11. Notre traduction.

20 Jean-Paul Engélibert, Apocalypses sans royaume. Politique des fictions de la fin du monde, XXe-XXIe siècles, Paris, Classiques Garnier, 2013, « Littérature, histoire, politique », p. 17.

21 On renverra à cet égard au roman catalan Mecanoscrit del segon origen, un classique du genre dans la Péninsule, qui vient de faire l’objet, en 2015, d’une adaptation cinématographique à succès. Voir Manuel de Pedrolo, Mecanoscrit del segon origen [1974], Barcelone, Edicions 62, 2012, « labutxaca ».

22 Rafael Chirbes, En la orilla, Barcelone, Seix Barral, 2007, p. 436-437. Notre traduction.

23 Le thème est central cher Rafael Chirbes, et le portrait qu’il livre de la déliquescence morale de l’humanité se reflète dans les eaux troubles et pourrissantes du marais d’Olba, véritable protagoniste d’un roman que l’on serait volontiers tentée de lire dans une perspective éco-narratologique.

24 Belén Gopegui, El comité de la noche, Barcelone, Mondadori, 2014, p. 47. Notre traduction.

25 Voir à ce propos Luis Iñaki Prádanos, « Descrecimiento o barbarie: ecocrítica y capitalismo global en la novela futurista española reciente », Ecozon@, numéro 2, octobre 2012, p. 74-92.

26 Pilar Lozano Mijares, correspondance privée, 02/03/2015.

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Pour citer cet article

Anne-Laure Bonvalot, « La robinsonnade dans les « romans de la crise » de la Péninsule Ibérique : scènes de l’inhabitable et faillite de l’« homme économique » », paru dans Loxias, 52., mis en ligne le 12 mars 2016, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/index.html?id=8282.


Auteurs

Anne-Laure Bonvalot

Anne-Laure Bonvalot est actuellement post-doctorante en écocritique comparée à l’Université d’Angers (CERIEC/ÉcoLitt). Ses principaux travaux portent sur les formes de la fiction politique et mémorielle dans l’Espagne contemporaine. Plus récemment, dans le cadre de travaux comparatistes portant sur les rapports entre le littéraire et l’écologique, elle cherche à établir les modalités épistémologiques et esthétiques d’une écopoétique méridionale, organisée autour d’un axe afro-luso-hispanique.