Loxias | Loxias 41 Le fragment en question | I. Le fragment en question 

Cyril Verlingue  : 

Une référence fragmentaire : la littérature seconde chez Pierre Senges et Mark Z. Danielewski

Résumé

Dans House of Leaves et dans Fragments de Lichtenberg l’intrigue principale repose sur la tentative de recomposition d’un texte fragmentaire. Qu’il soit conçu comme reconstruction d’un ensemble ou restauration de reliquats du texte source, ce projet, à la fois ludique, érudit et métalittéraire, se réalise sous le régime de la prolifération narrative comme de la mise en abyme énonciative. La cohésion de ces romans au second degré se trouve menacée par des listes en expansion, mais aussi par l’hétérogène ou par le vide, qui atteignent jusqu’à la matérialité de la page. Moins enracinée dans le « réel » que dans un autre texte littéraire, la référence de ces romans se construit par conséquent à travers un regard qui ne perçoit que des bribes, qui se fonde sur les seules traces de l’œuvre première.

Abstract

“A fragmentary reference : Mark Z. Danielewski’s and Pierre Senges’s literature in the second degree”. The narratives attempt to gather a fragmented subtext in House of Leaves and in Fragments de Lichtenberg. Be it a reconstruction of the whole text or a restoration of its remains, it leads to proliferation and mise en abyme, with an erudite, reflexive or sometimes more playful purpose. In these second degree fictions, the poetics of lists threaten the narrative’s cohesion, in the same way as the void spreads on the sheet. As a result, these novels’ reference relies less on reality than on another literary work and the world is perceived by a stare focused on remnants of fictions.

Index

Mots-clés : Danielewski (Mark Z.) , fragment, littérature seconde, référence, Senges (Pierre)

Géographique : États-Unis , France

Chronologique : Période contemporaine

Plan

Texte intégral

1Pour Antoine Compagnon le travail de la citation repose sur l’idée que la greffe nécessite toujours une opération de prélèvement, que le coller contient en acte le copier, geste ou intention dont le Pierre Ménard de Borges constitue à la fois l’aboutissement et le point de fuite, le « point limite vers lequel tendrait une écriture qui, jusqu’au bout, se concevrait comme devenir, dans la récriture, de l’acte de citation1 ». Mais il faut pourtant se demander, avec le narrateur de Ficciones, si l’œuvre seconde, bien qu’exactement identique à celle de Cervantès, n’effacerait pas le livre qu’elle copie. Pierre Ménard affirme en effet : « Yo he contraído el misterioso deber de reconstruir literalmente su obra espontanea2 ». La recréation de l’écrivain copiste suppose ainsi un travail bien plus virtuose que celui de « l’œuvre spontanée » et, tout fictionnel qu’il soit, le livre second peut en venir à remplacer le modèle dont pourtant il s’inspire. Deux romans publiés lors de la dernière décennie, House of leaves3et Fragments de Lichtenberg4proposent cette substitution comme point de départ de l’intrigue romanesque. Pierre Senges invente en effet une société savante dont la fonction serait de retrouver un roman fleuve à travers l’œuvre fragmentaire de Georg Christoph Lichtenberg. Le livre de Senges donne ainsi à lire plusieurs « reconstitutions » de ce roman, toutes aussi parodiques les unes que les autres. Le récit prolifère à partir de l’association de fragments de Lichtenberg mais il brosse aussi le portrait du philosophe allemand, hypocondriaque et « gibbeux », afin de décrire l’homme, tout en proposant un discours en filigrane sur l’œuvre. À cela s’ajoutent des recommandations utiles pour « morceler son roman fleuve », manifestes ludiques et ironiques pour un art de la fragmentation. House of Leaves, de Danielewski repose plutôt sur la reconstitution par Johnny Truant du manuscrit de Zampanò, un mystérieux vieillard. Cette œuvre – de simples feuillets éparpillés dans une valise – raconte le tournage d’un documentaire par le photoreporter Will Navidson. Ce dernier filme en effet le déménagement de sa famille dans une nouvelle maison. En réactivant le motif de la maison hantée, Danielewski fait de cet espace labyrinthique, plus grand à l’intérieur qu’à l’extérieur, un lieu très menaçant, que les expéditions successives de Navidson et de ses amis ne permettront pas d’épuiser. Pourtant ces aventures possèdent un sens surtout métalittéraire puisque le parcours des personnages dans la maison se voit reproduit dans des procédés de mise en page. Notes, annexes, blancs et formes typographiques en calligrammes, tendent à reproduire de manière mimétique l’espace de la maison mais cette fiction d’éditeur génère aussi quelques quatre cents notes qui fragmentent de manière vertigineuse l’espace diégétique. Dans ces deux romans, la présence matérielle de la fragmentation sur la page détourne et infléchit toute tentative de lecture linéaire. Pourtant, tout en s’attaquant à la cohésion textuelle, ce « désœuvrement » herméneutique joue un rôle décisif dans l’intrigue romanesque, que ce soit à travers les vaines querelles des « lichtenbergiens », qui se soldent d’ailleurs par la consomption de l’œuvre quand le débat est « devenu Colloque de Fumée et de Feu5 », ou encore dans le parcours archéologique que proposent les replis de la « maison », image fantasmée et insaisissable du livre total. Il faudra ainsi essayer de montrer que dans la littérature seconde, dont le « cadre de référence » s’appuie davantage sur une œuvre littéraire que sur le réel, se joue un tremblé de la cohérence qui passe par la fragmentation. La littérature seconde, « adventice », pour reprendre un mot de Senges, défait le caractère absolument détaché du fragment en même temps qu’elle empêche un accès direct, total, au réel représenté. Il ne semble ainsi plus possible de « reconstruir literalmente » la source et il faudra plutôt examiner la tension entre les deux sens du verbe reconstruir dans les œuvres au second degré, entre « reconstruction » sur de nouvelles fondations ou « restauration » depuis l’intérieur.

Le roman « adventice »

2Dans Fragments de Lichtenberg et House of Leaves le travail de la citation consiste moins en une greffe, attentive et soignée, qu’en la propagation d’une plante sauvage. À l’instar les mauvaises herbes que Senges qualifie d’« adventices » dans Ruines de Rome6, où le narrateur-jardinier répand une apocalypse végétale dans les rues de Paris, l’œuvre seconde se nourrit du corps sur lequel elle prospère, tel un parasite sauvage et indiscipliné qui transforme ce qu’il phagocyte. Cette idée a été résumée, en utilisant une autre métaphore, dans la formule d’Emmanuel Bouju :

Pierre Senges n’est pas seulement un écrivain au second degré, mais un écrivain « au carré », qui démultiplie par elles-mêmes les valeurs des textes qu’il réactive7.

3Le rapport aux œuvres sources engendre en effet de nouvelles dimensions, ne serait-ce que par les fictions annexes créées dans l’œuvre seconde. Le personnage fictionnel est avant tout un lecteur actif, créateur, un compilateur des possibles en germe.

De savants commentaires

4Selon le procédé de la « métalepse » que Genette définit comme « une manipulation […] de cette relation causale qui unit, dans un sens ou dans l’autre, l’auteur à son œuvre, ou plus largement le producteur d’une représentation à cette représentation elle-même8 », les deux romans transgressent les limites de la représentation en disséminant des figures l’auteur, ou du lecteur, dans la fiction. L’intrigue romanesque repose sur un texte à recomposer, que ce soit à travers le lieu commun du manuscrit trouvé chez Danielewski ou, chez Senges, par le truchement de la conjecture d’Hermann Sax, selon laquelle

huit mille aphorismes signés Georg Christoph Lichtenberg sont à la vérité les fragments éparpillés d’un seul livre – un roman, aussi bien, un roman-fleuve, une histoire d’amour, allez savoir, ou l’Odyssée sur la Vistule, qu’il s’agirait de remettre dans le bon ordre9.

5Cette hypothèse, programmatique du travail des lecteurs enchâssés, comme de la tonalité du livre, montre que les personnages sont avant tout des commentateurs savants, qui manient l’art de la glose et de la citation à l’instar du « rabbin de Katowice, [du] talmudiste de Kurylowka et [de] l’étudiant de Szczecin », et qui peuvent reconstituer sans livre l’œuvre de Lichtenberg grâce à leur « mémoire prodigieuse de spécialistes de la Torah10 ». La glose savante, menée par les érudits de la société lichtenbergienne, devient également une recomposition qui met en scène le caractère créateur de la citation. Les commentateurs sont autant de figures fictionnelles de l’auteur, qui proposent des « reconstitutions », en retrouvant par exemple le roman de « Polichinelle », le récit du retour d’« Ovide à Rome », ou encore des aventures du « Huitième nain de Blanche neige » dans les fragments de Lichtenberg. Pourtant, dès l’énoncé des titres, un régime parodique se fait entendre et l’autorité des figures auctoriales est aussitôt désamorcée. Les Irlandais Mary Mulligan et Stephen Stewart n’acceptent ainsi la bourse de la société Lichtenberg que par « esprit potache », avec « l’art des farces d’étudiant élevé au rang de philosophie pratique11 », et le projet de reconstitution est détourné dès son origine car, comme l’a montré Aurélie Adler, « le faux mine en amont le récit, sape sa crédibilité, en perturbe la genèse12 ». La conjecture d’Hermann Sax dont dépend « un siècle d’épistémologie lichtenbergienne13 » repose en réalité sur une escroquerie perpétrée par des faussaires. Eux-mêmes ont déjà été précédés par l’« art de la dérision mis au point par petites touches en cinquante ans d’écriture par Georg Christoph Lichtenberg lui-même14 ».

6Chez Danielewski, la métalepse permet surtout la création d’un dispositif constitué de notes et de références bibliographiques autour du film de Navidson. En effet, dans son manuscrit fragmentaire, Zampanò retranscrit le « Navidson record », en décrivant par écrit les événements qui se déroulent dans ce film, réalisé par le personnage éponyme. Mais il ajoute à ce premier niveau du récit des commentaires personnels, ainsi que les avis de spécialistes qui se seraient intéressés de près ou de loin au film, qu’ils soient philosophes, écrivains, artistes, historiens de l’art, psychiatres. Zampanò semble ainsi faire preuve d’un véritable travail d’érudition car il évoque à de nombreuses reprises l’abondance de la littérature critique consacrée au sujet. Diverses hypothèses sont développées pour comprendre les événements du film, notamment pour essayer d’expliquer pourquoi Navidson était retourné dans la maison alors qu’il y avait échappé de peu à la mort. Zampanò développe successivement les arguments de la « Kellog-Antwerk Claim », du « Bister-Frieden-Josephson Criteria » ou encore de la « Haven-Slocum Theory », pendant tout un chapitre15, ce qui ne va pas sans rappeler les « hypothèses », et autres « conjectures16 » des personnages de Senges. Les deux œuvres possèdent une allure scientifique, qui s’appuie notamment sur un appareil critique composé d’annexes, d’index et de tables des matières. Le livre commentaire, œuvre seconde, met ainsi en perspective le caractère fictionnel de l’œuvre romanesque.

Les indices de la fiction

7Le jeu sur la fiction et sur son degré de vérité s’effectue selon deux mouvements opposés dans ces romans. L’avant-propos de Senges, tout en citant l’édition sur laquelle il s’appuie, manie déjà l’ironie :

Les fragments de Lichtenberg sont cités dans la traduction de Charles le Blanc, publiée par les éditions José Corti sous le titre Le Miroir de l’âme. (Il leur est arrivé, rarement, de subir de légères modifications17.)

8Le caractère réel de l’œuvre de Lichtenberg, que Senges nous pousse à consulter en se référant comme il se doit à une édition scientifique, se voit pourtant détruit par la parenthèse, qui consacre l’entrée dans le domaine de la fiction. Bien évidemment, aucun « critère d’exactitude18 » ne vaut et Senges, tel Zoltán Kiforgat, autre figure d’auteur, se voit lui aussi obligé de dissimuler son œuvre dans un tiroir « sans fond », parodique et démesuré, puisque, comme pour « l’écrivain sous les soviets »,

seuls le miracle et le grotesque lui viennent en aide ; comme le miracle se fait rare, reste l’esprit grotesque : l’Europe en fournit des charretées entières, c’est l’avantage19.

9Ornement extravagant, grottesca destinée à proliférer autour de l’œuvre de Lichtenberg, le récit de Senges constitue ainsi un parcours de lecture fantaisiste, qui tend à mettre en fiction la composition de l’œuvre première, alors que Danielewski joue plutôt avec l’effet inverse en tentant de rendre réelle l’œuvre fictive. Au début du chapitre IX, Zampanò cite par exemple des épigraphes latines à propos de la question du labyrinthe. Cependant le lecteur du manuscrit, le personnage Johnny Truant, retrouve la source de toutes ces citations dans l’ouvrage, lui bien réel, de Penelope Reed Doob, The Idea of the Labyrinth : From Classical Antiquity through the Middle Ages. Il cite même les pages des emprunts, ce qui montre « how Zampanò likes to obscure the secondary sources he’s using in order to appear more versed in primary sources20 ». Ce dispositif savant utilise ainsi des éléments référentiels afin de valider la fiction. Mais cet effet de « vérité », plus que de réel, repose avant tout sur le caractère médiatisé du rapport au récit. En effet, en raison des récits délégués, on ne partage pas de manière directe les pensées des personnages, critère que Käte Hamburger définit comme un « indice de fictionnalité21 ». Tout est toujours interprété à travers un média, que ce soit la caméra ou le discours analytique et savant, si bien que le lecteur du manuscrit est porté à croire qu’il s’agit d’événements avérés. Le dispositif critique et l’absence de focalisation interne tendent à valider le caractère réel du film. On peut rapprocher ces effets de l’analyse que Dorrit Cohn propose du Sir Andrew Marbott de Wolfgang Hildesheimer :

Sir Andrew Marbot représente l’inversion exacte du type des biographies fictionnelles […]. Dans celles-ci, un discours spécifiquement fictionnel relate la vie d’un personnage historique. Dans Sir Andrew Marbot, en revanche, un discours spécifiquement non fictionnel (historiographique) relate la vie d’un personnage fictionnel22.

10Chez Danielewski, le dispositif fictionnel emprunte des types de discours propres à la recherche savante mais l’enjeu n’est pourtant pas, à la différence du Marbott, de créer une supercherie littéraire. Ces procédés, dont le lecteur n’est pas dupe, mettent plutôt en abyme le processus de validation de la fiction, en poussant les lecteurs intra- comme hétérodiégétiques à franchir les niveaux de la représentation.

Les possibles du livre

11Les continuations fantaisistes de Senges ou les mises en abyme de l’illusion référentielle chez Danielewski tendent autant à travailler les potentialités de la fiction que celles du livre. Le narrateur de House of Leaves comprend bien que « what’s real or isn’t real doesn’t matter here. The consequences are the same23. » En éditant le texte de Zampanò, Johnny Truant ajoute des commentaires qui constituent finalement le récit de sa propre descente aux enfers au cours de la lecture du manuscrit. Peu importe le caractère de vérité, ou d’exactitude de la fiction, le livre dévore ceux qui le parcourent. Pourtant, le manuscrit de Zampanò est tout de même édité, et de manière si réussie qu’il se retrouvera dans les mains de personnages intradiégétiques à la fin du roman. La page de titre du roman est même reproduite dans le livre de Danielewski24. À l’autre bout de la mise en abyme, au niveau le plus enchâssé du récit, le livre House of Leaves se trouve en possession de Navidson, alors qu’il est lui-même perdu dans cette maison. L’œuvre existe ainsi avant même d’être achevée. À travers la publication d’une première édition en ligne, le roman fait déjà l’objet d’un culte fervent d’amateurs avant que les lecteurs, intérieurs ou extérieurs, aient pu en finir la lecture. Ce parcours métaleptique de l’objet livre à travers les niveaux fictionnels rappelle le travail de Pierre Ménard, d’ailleurs mentionné comme modèle par Zampanò25.

12Une métaphore de ce « scandale26 », aurait dit Genette, de cette transgression des limites de la fiction, peut se lire dans la transformation des vêtements de Lichtenberg au début du livre de Senges. En effet, après la mort du philosophe, ses effets sont vendus à des chiffonniers, qui

les feront tremper, les passeront au pressoir, au pilon, pour fabriquer un très étal, très beau papier, comme on n’en fait plus : la trame se devine à contre-jour, comme le filigrane, et l’encre y est, dit-on, comme un poisson dans l’eau27.

13« Indifférent au culte des reliques », le travail des chiffonniers évoque pourtant à travers une image, aussi réflexive que ludique, le palimpseste auquel se livre Senges. Ce qu’il reste de l’homme devient livre, au sens propre « être de papier », et l’œuvre adopte en retour l’aspect dévié, fragmentaire et hypocondriaque de l’homme. Plus que de l’auteur, les « métalepses » sont ainsi celles du livre dans ces deux œuvres. Mais ces transferts fictionnels ne sont pas simplement exprimés à travers des images. Ils découlent intrinsèquement de la forme fragmentaire car, selon le narrateur de Senges,

si les fragments sont des reliquats, tout peut avoir lieu, tout est également envisageable, ou presque (or, on sait que l’anarchie, disons l’apocalypse des mœurs, commence aux yeux de certains dès que le possible l’emporte en nombre, en charme, et même en consistance sur le réel28).

14L’ouverture de possibles provient de la nature fragmentaire du texte source. Les « reliquats » sont des traces d’un ordre passé, des bribes aujourd’hui destinées à rester dans le domaine de l’irréalisé. Le fragment, dans son inachèvement, fonctionne donc selon le mode d’existence du projet qui, selon Jean-Luc Nancy et Philippe Lacoue-Labarthe, « ne vaut pas comme programme ou prospective mais comme projection immédiate de ce que pourtant il inachève29 ». Il ne s’agit pas de projeter ce qui pourrait être mais de faire advenir une possibilité, immédiatement réalisée, de l’œuvre, tout en constatant sa disparition. Laurent Demanze, dans un article consacré à « l’apocalypse selon Senges », a évoqué le thème de l’amuïssement dans les fictions lichtenbergiennes, qui sont selon lui « autant de déclinaisons du motif de la disparition : évanouissement de Robinson, fuite de Polichinelle, disparition du huitième nain de Blanche-Neige30 ». Il faudrait cependant postuler que ce motif de la disparition se joue sur le mode de la prolifération et que les fragments, tout en essayant de recouvrir le livre dans sa totalité, ne peuvent qu’en dérouler les possibles, qu’en ressasser dans un tropisme hypocondriaque, l’unité perdue.

La tentation du « hérisson »

15La formule « l’hypocondriaque est encyclopédique31 » pourrait peut-être résumer l’esthétique nécessairement fragmentaire d’une littérature qui, tout en recherchant l’exhaustif, sait pertinemment qu’elle ne peut qu’accumuler la liste de ses traumatismes, ou de ses récits, comme autant d’excroissances « gibbeuses ». Ce caractère semble s’opposer à la conception du fragment comme écriture la plus « mimologique de l’organicité individuelle32 », comme organon absolu de l’œuvre, telle que l’Absolu littéraire la développe, notamment au regard du fragment 206 de l’Athenaeum :

Pareil à une petite œuvre d’art, le fragment doit être totalement détaché du monde environnant, et clos sur lui-même comme un hérisson33.

16Détaché, « absolu », le fragment « hérisson » constituerait ainsi à lui seul un tout de l’œuvre. Les traces d’une telle tentative peuvent être perçues dans notre corpus : le plein n’y reste le plus souvent qu’à l’état de bribe et l’écriture « gibbeuse », qu’elle témoigne du vide par le blanc laissé sur la page ou qu’elle emprunte au contraire l’abondance de la liste, menace la cohésion discursive plus qu’elle ne retrouve une unité disparue.

Les traces du plein

17La conception du fragment en tant que « coprésence » organique de l’ensemble est énoncée chez Senges, dans une extrapolation de la conjecture de Sax :

Il n’est pas interdit de supposer que chaque fragment contient à sa façon la clef de l’œuvre entière, à défaut de son résumé34.

18La formule, a priori gnomique, est néanmoins travaillée par la double modalisation de l’énoncé, qui met à distance ce qu’il semble affirmer. La « supposition » semble ironiquement se dérober, alors même qu’elle recherche l’exhaustif. D’autres fragments pourraient cependant remplir cette fonction de résumé ou de « clef », comme le fragment réflexif : « De nos jours nous écrivons déjà des livres sur d’autres livres et des descriptions de descriptions35 ». Pourtant, cette trace du plein est désamorcée par une aspiration inverse, exprimée à plusieurs reprises, comme dans : « Fasse le ciel que je n’écrive pas un livre sur d’autres livres36 ». La voix de Lichtenberg subit le « travail » déformant de la citation, lorsqu’elle est insérée dans le texte second. Alors que le fragment « hérisson » se vouait à une forme de clôture, l’œuvre seconde repose sur une énonciation fondamentalement « double », qui met en rapport le livre avec l’« autre livre » sur lequel il écrit. La voix ironique empêche ainsi toute formulation suffisamment stable pour faire unité et le caractère absolu du fragment reste une chimère.

19D’un autre côté, la somme des parties fragmentaires ne conduit pas non plus à faire œuvre, à réaliser une unité organique par addition, même si Johnny Truant, dans House of Leaves, tente de recomposer l’œuvre fragmentaire de Zampanò : « when [he] first started assembling The Navidson Record, [he] arranged the various pages and scraps by chapter or subject37. » Ce travail d’édition des « scraps », des débris, fragments en tant qu’ils se rapportent à un tout préexistant, se heurte aux blancs du manuscrit indiqués dans le livre par des lignes biffées ou par la mention « X pages missing », ainsi qu’à la folie rampante du personnage éditeur, qui détruit l’œuvre, parfois volontairement. La tentative de description du corps de Lichtenberg reproduit également cette impossible unité. C’est ainsi que les amateurs

en viennent à aimer Georg Christoph Lichtenberg, en composant son portrait petit à petit par l’ajustement plus ou moins exact de ses parties, l’œil, l’oreille, le sourire et cette excroissance sur l’épaule qui a précisément l’air d’être le morceau de trop38.

20Ce mirage de l’unité se décompose bientôt face à cette « excroissance », cette bosse qui provoque autant de « variations sur la gibbosité », développées dans des listes de caractéristiques diverses, voire contradictoires, puisqu’elle est à la fois un ornement, ou un « autel » destiné à accueillir les princes, mais aussi un instrument d’évitement, une vision courbe qui s’oppose à la géométrie « euclidienne39 », ou encore un point d’appui, « point d’Archimède à partir de quoi un géomètre peut soulever le monde40 ». Le portrait de Lichtenberg est ainsi brossé « de long en large41 » mais cette accumulation de caractères n’atteint jamais l’organon fragmentaire et les parties accumulées qui visent l’exhaustivité en arrivent à représenter un objet impossible, un objet sans référent, même dans le monde littéraire qui le représente.

Un tropisme de la consomption

21La volonté de détruire le tout et de réduire l’unité au néant s’exprime à travers une même imagerie pyromane dans les deux œuvres puisque, selon l’aveu même de Lichtenberg dans un fragment cité par Senges : « Mettre la dernière main à son œuvre c’est la livrer aux flammes42 ». C’est sur cette injonction que se fondent Stewart et Mulligan pour transformer l’idée selon laquelle les fragments seraient les parties éparpillées d’un tout décomposé et pour montrer qu’ils sont plutôt les restes, les reliquats du livre, « un dixième, ou dixième de dixième, sous forme de confettis échappés par le trou de la cheminée, vers le haut43 ». Mais cette destruction est aussi programmatique pour le livre de Senges qui, de manière métaleptique sera contaminé par le feu de Lichtenberg, puisqu’il n’y a « aucune raison que ces feuilles soient ignifugées par miracle44 ». Le déictique renvoyant ici aux feuilles du livre, la dernière page se consume littéralement sous les doigts du lecteur. Une image tout à fait identique se retrouve à la fin du livre de Danielewski puisque Navidson, après s’être perdu dans les replis de la maison, entouré par le vide, le froid et l’obscurité ne possède plus que le livre House of leaves comme source de lumière et de vie. Il doit donc lire une page tout en brûlant la précédente,

and then as the fire retreats, dimming, the book is gone leaving nothing behind but invisibles traces already dismantle in the dark45.

22La métaphore de la consomption atteint le livre et empêche finalement la lecture linéraire. Il ne reste plus que la trace, distribuée au hasard de l’incendie sur la page, ce dont le lecteur de Danielewski a déjà fait l’expérience puisque des cendres « in some places burning away small holes, in other places eradicating large chunks of text46. » Le texte de Johnny Truant est troué, et les mots eux-mêmes sont attaqués par une matière tombée sur les pages, quand ce n’est pas par la folie de l’écrivain intradiégétique, qui voit son monde se fissurer au contact du manuscrit :

Everything falls Apart.
Stories heard but not recalled.
Letters too.
Words filling my head. Fragmenting like artillery shells47.

23En effet, au-delà de ces seuls vers libres, certains mots se fragmentent littéralement sous la plume de Danielewski dans de nombreuses pages dont le feu, ou la folie, provoquent la disparition. Cette poétique de la consomption s’incarne dans le mot valise « dis(as)sembling48 », à la fois dissimulation et dislocation. Dans la fragmentation à l’extrême, telle qu’elle se développe dans les pages du livre de Danielewski, la cohésion est menacée par cette rupture de la continuité textuelle.

Interruption et saturation

24La progression thématique, qui s’effectue notamment grâce aux procédés anaphoriques, et sur laquelle repose la cohésion grammaticale du discours49, est perturbée chez Danielewski. La prose étymologiquement associée à la linéarité se disloque par exemple dans le chapitre III de House of Leaves. La première phrase de ce chapitre, qui s’interroge d’ailleurs sur la pertinence du récit, sur la gratuité de la fiction – « Why Navidson ? why not someone else50 ? », – est interrompue par une note de deux pages qui propose de lire le récit enchâssant de Jonnhy Truant comme un développement digressif. Le lecteur de Danielewski, souvent confronté à de tels détours, se perd dans le livre comme Navidson dans la maison. Cette expérience devient mimétique quand l’espace de la page se fragmente à partir du chapitre IX, consacré à l’aspect labyrinthique de la maison. Par exemple, la note 144 de Zampanò se présente comme un carré de dix centimètres de côté, littéralement encastré dans le livre, qui se prolonge sur l’épaisseur d’une vingtaine de pages. Mais cette note est entourée par tout un système de contrenotes qui dissocient jusqu’à six espaces de lecture différents et nécessitent des allers et retours dans le livre. Cette interruption de la linéarité provoque surtout une saturation de la cohésion textuelle, puisque ces notes sont essentiellement des listes extrêmement longues, « résultat d’une succession de copier-coller » et « degré zéro du texte51 », comme l’a montré Anaïs Guillet. Pourtant, il faut remarquer l’exception que constitue la note 144 puisqu’elle conserve un sens, une cohérence, malgré son aspect répétitif. Il s’agit en effet d’énumérer tous les objets qui ne sont pas dans la maison. Enumération par la saturation, destinée à dire le vide, à montrer l’absence par la prolifération, cette note propose sans doute plus que toute autre une image de cet espace de la maison, insaisissable, mobile et dévorateur, métaphore du livre et de ses effets sur le lecteur. La liste ne provoque donc pas seulement l’épuisement du sens, elle permet aussi de montrer le fonctionnement du livre fragmentaire, dans une dialectique entre le vide et le plein, à la recherche d’une cohérence malgré son absence de cohésion. La saturation chez Senges repose plutôt sur une composition par variation, sur les « gammes52 » romanesques que propose l’écrivain. Comme chez les académiciens de la « reconstitution de L’Arche de Noé », l’un des romans attribués à Lichtenberg, la « nature nominaliste53 » l’emporte sur le choix, et l’œuvre devient une machine à créer de la cohésion, sans pour autant retrouver la cohérence entre ces fragments a priori hétérogènes.

Le regard « fragmentiste »

25Dans ces romans au second degré, tout se rapporte à l’interprétation, à la manière dont les œuvres premières sont appréhendées, que cette réception soit érudite, créative, ou à la source d’un franchissement des frontières de la fiction. Pourtant la lecture ne parvient pas à reconstituer une totalité et la tentative de reconstruction d’une vision organiciste de l’œuvre d’art achoppe sur un regard « fragmentiste », concept développé par Anne Cauquelin dans son Court traité du fragment54. Ce regard est défini comme celui de l’observateur sur le pas de la porte qui perçoit à travers la serrure l’œuvre représentée et qui « construit cet objet qu’il croyait voir devant lui comme donné, et en retour, [qui] est lui-même prisonnier de ce qu’il voit, partie prenante et partie prise, simultanément55 ». Plus que d’une reconstruction, il s’agirait donc d’une reconstitution, d’une interprétation depuis l’intérieur. Il faut faire l’hypothèse – tout en se limitant au « postulat », ou à la « conjecture » – que le rapport référentiel entre œuvre première et œuvre seconde se noue à travers ce regard « fragmentiste. »

L’écho de la « maison »

26La forme typographique de la maison repose sur une harmonie imitative entre les éléments du film racontés par Zampanò et la forme de son manuscrit. Couloirs, portes qui se referment, escaliers, échelles sont matérialisés par une mise en page mimétique dans le livre. Par exemple, dans le chapitre X, pour signifier que la maison absorbe tout objet laissé dans ses murs, la place du texte s’amenuise sur la page où il ne reste souvent plus qu’un seul paragraphe, en haut ou en bas, ce que confirme de manière réflexive Navidson : « It looks like its impossible to leave a lasting trace here56. » Ainsi, cette matérialité de l’écriture et ses effets « calligrammes57 » ne signifient pas pour autant la construction d’un système cohérent de représentation. L’œuvre travaille au contraire l’aporie de cette maison plus grande à l’intérieur qu’à l’extérieur, trou noir toujours en recomposition dont la représentation relève de la gageure ou du défi. Mark B. N. Hansen a montré que les rapports de « médiation » entre les niveaux énonciatifs tendaient à pallier ce vide dévorateur, puisque

the effort to document or otherwise make sense of this physically impossible object generates a series of mediations which quite literally stand in for the void of referentiality at the novel’s core58.

27Pourtant ces niveaux narratifs enchâssés sont eux-mêmes producteurs d’apories, ne serait-ce que par les métalepses ou, plus simplement, par le fait que celui qui retranscrit le film soit un aveugle. « Blind as a bat59 », Zampanò n’en développe pas moins un sens profond et intuitif de l’espace. Il faut en effet entendre dans l’expression idiomatique anglaise le sens premier que le français, « aveugle comme une taupe », ne connaît pas. La chauve-souris interprète l’espace grâce aux ondes sonores, puisque

an echo, while implying an enormity of a space, at the same time also defines it, limits it, and even temporarily inhabits it60.

28La métaphore du verbe « inhabit » permet d’associer la problématique de la représentation de la maison à celle du livre. Les personnages, comme les lecteurs, doivent circonscrire cet espace, le parcourir afin de pouvoir en tracer le plan. Enfermé dans le labyrinthe de la maison, le regard ne suffit pas pour percevoir cet ensemble puisque la « vision ahead and behind [is] severely constricted and fragmented61 ». L’écho, dans la nouvelle dimension qu’il procure grâce au retour et à la répétition de l’onde sonore, pourrait être un moyen de représenter l’espace dans son ensemble, de l’extérieur :

Unfortunately the dichotomy between those who participate inside and those who view from the outside breaks down when considering the house simply because no one ever sees that labyrinth in its entirety. Therefore comprehension of its intricacies must always be derived from within62.

29Le rapport à cette maison, espace à la référence impossible sur lequel repose le roman, ne peut ainsi jamais être immédiat ou englobant. La reconstruction du sens se fait toujours depuis l’intérieur puisque le regard, « constricted and fragmented », ne perçoit que des éléments partiels de la réalité. La compréhension sera ainsi de l’ordre de l’inférence, de la tentative de perception logique d’un ensemble mais, en raison de ce regard « fragmentiste », il ne sera jamais possible de le reconstruire comme une totalité. Ce que nous dit le centre vide de House of Leaves, c’est que la réalité référentielle ne peut pas être perçue par l’œuvre d’art comme un ensemble cohérent. Il s’agira toujours de développer des interprétations, de reconstituer des possibles dans l’œuvre.

Détail et Witz

30Les morceaux d’un ensemble ne peuvent ainsi plus reconstruire l’œuvre littéraire comme un système mais cette suspension fragmentaire de la cohésion globale n’empêche pas des liens de détail, dans ce que Senges appelle la « lecture fragmentaire63 », inconfortable et « gibbeuse », à l’image de Lichtenberg. La lecture suit ainsi la forme d’un esprit tout en détours et lignes courbes, irrémédiablement tordu, voire retors :

Ce qui conduit d’un fragment à un autre fragment, ça peut être la ruse, le contresens, l’allusion, des sous-entendus, des digressions donnant sur d’autres digressions, ou toutes sortes de retours en arrière, parce que l’ordre du récit s’est perdu64.

31Une poétique de la réception s’inscrit donc de manière réflexive dans le roman de Senges, autant pour les lecteurs que par l’intermédiaire des personnages commentateurs, dont on observe les efforts pour essayer de reconstruire un sens dans les associations de détail. La machine à créer de la cohésion qu’est Fragments de Lichtenberg, se donne à voir dans ces rapprochements, par exemple lorsque Hermann Sax veut relier les fragments [C7] : « On trouve au Portugal, dans la bibliothèque de Mafra, cent volumes décrivant la vie de Saint Antoine » et [F909] « Écrire un texte sur les diverses façons d’offrir et de prendre du tabac à priser65 ». Une longue « variation » du narrateur, nouveau Sganarelle de Dom Juan, tente de trouver le sème commun entre le tabac et les vies multiples de saint Antoine. Successivement « pacte avec le diable », « recherche de l’inspiration par les stupéfiants », ou encore propension à « comprendre les hommes par n’importe quel moyen66 », l’artifice de l’association de ces fragments se révèle par le recours à l’ironie. Senges fait donc jouer ces associations, que ce soit par un jeu comique ou par celui des combinaisons. La suture se donne à voir et ne cherche pas à dissimuler que la cohérence des romans reconstruits est artificielle. Par exemple quand Polichinelle se glisse, entre crochets, dans une note : « Il [Polichinelle] se coupait lui-même la parole67 », l’ajout dans la marge de la page, comme dans les crochets de la phrase, montre la manière dont le personnage, à l’image de Senges, cherche à se fondre dans le corps de Lichtenberg. Le lien repose ainsi moins sur une progression thématique générale que sur cet humour fragmentaire appelé Witz, qui ressortit toujours à l’accident, sans se figer dans un mot ou dans une expression et qui, tel Polichinelle, « se coupe la parole ». Inachèvement et légèreté, l’esprit de Witz se trouve dans le détail des collisions de ces citations, dans les points de télescopage de ces œuvres. Aussi les « Lichtenbergiens au travail », se livrent-ils finalement moins à la reconstruction d’un espace global de lecture qu’à un jeu avec la référence spatiale :

Dans un espace euclidien (dit en substance Lichtenberg), les géodésiques d’une sphère, à savoir les lignes les plus courtes reliant les deux points d’une surface, sont des arcs de cercle – dans un espace lichtenbergien (ou espace gibbeux), les géodésiques de l’esprit, à savoir les lignes les plus courtes reliant deux idées (deux énoncés), sont elles aussi des arcs de cercle. Fatalement, plus la sphère est petite (façon d’entrer en elle-même), plus les arcs de cercle seront courbes ; de même, pour passer de l’espace euclidien (métaphorique) à l’espace lichtenbergien (réel), les courbes des trajets de l’esprit seront plus accentuées chez Georg Christoph Lichtenberg que chez, mettons Ademar Witz, si Lichtenberg s’inscrit dans une sphère plus réduite (ou rabougrie)68.

32La recomposition, aussi savante que labyrinthique, de l’espace littéraire qui prend forme chez Senges comme chez Danielewski ne doit ainsi pas occulter le plus important, le jeu de cet « Ademar Witz » qui se glisse lestement dans une pointe pour rappeler que même érudite, même seconde, la littérature reste œuvre de plaisir.

Notes de bas de page numériques

1  Antoine Compagnon, La Seconde Main ou le Travail de la citation, Paris, Éditions du Seuil, 1979, p. 35.

2  Jorge Luis Borges, Obras Completas, Buenos Aires, Emecé editores, 1956, p. 52 : « Moi j’ai contracté le mystérieux devoir de reconstituer littéralement son œuvre spontanée », Jorge Luis Borges, Œuvres complètes (trad. Roger Caillois, Nestor Ibarra, Paul Verdevoye), Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2010, p. 172.

3  Mark Z. Danielewski, House of Leaves, New York, Pantheon Books, 2000.

4  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008.

5  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 576.

6  Pierre Senges, Ruines de Rome, Verticales, 2002.

7  Emmanuel Bouju, « Consistency. Pierre Senges ou l’esprit de suite », éd. Minard, coll « Écritures contemporaines » (à paraître).

8  Gérard Genette, Métalepse, de la figure à la fiction, Éditions du Seuil, 2004, p. 14.

9  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 89.

10  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 243.

11  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 61.

12  Aurélie Adler, « La voix polémique du faussaire dans Fragments de Lichtenberg » (à paraître).

13  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p.26.

14  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 125-126.

15  Mark Z. Danielewski, House of Leaves, New York, Pantheon Books, 2000, p. 384-407.

16  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 414 ; p. 26.

17 Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 9.

18  Dorrit Cohn, Le Propre de la fiction (trad. Claude Hay-Schaeffer), Éditions du Seuil, 2001, p. 32.

19  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 338.

20  Mark Z. Danielewski, House of Leaves, New York, Pantheon Books, 2000, p. 107 : « la façon dont  Zampanò aime obscurcir les sources secondaires dont il se sert afin de paraître plus versé dans les documents de première main » (Les traductions, sauf indication contraire, sont de Claro).

21  Käte Hamburger, Logique des genres littéraires (trad. de l'allemand par Pierre Cadiot), Éditions du Seuil, 1986, p. 72-76.

22  Dorrit Cohn, Le Propre de la fiction (trad. Claude Hay-Schaeffer) Éditions du Seuil, 2001, p. 133.

23  Mark Z. Danielewski, House of Leaves, New York, Pantheon Books, 2000, p. xx : « Ce qui est réel ou ne l’est pas importe peu. Les conséquences sont les mêmes ». (Nous traduisons).

24  Mark Z. Danielewski, House of Leaves, New York, Pantheon Books, 2000, p. 553.

25  Mark Z. Danielewski, House of Leaves, New York, Pantheon Books, 2000, p. 42.

26  Gérard Genette, Métalepses, Éditions du Seuil, 2004 p. 31.

27  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 18.

28  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 89.

29  Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy, L’Absolu littéraire : théorie de la littérature du romantisme allemand, Paris, Éditions du Seuil, 1978, p. 63.

30  Laurent Demanze, « L’apocalypse selon Senges », URL : http://remue.net/spip.php?article4949.

31  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 389.

32  Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy, L’Absolu littéraire : théorie de la littérature du romantisme allemand, Paris, Éditions du Seuil, 1978, p. 65.

33  Cité dans le texte édité par Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy, in L’Absolu littéraire : théorie de la littérature du romantisme allemand, Paris, Éditions du Seuil, 1978, p. 126.

34  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 40.

35  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 340.

36  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 82 ; p. 220.

37  Mark Z. Danielewski, House of Leaves, New York, Pantheon Books, 2000, p. 376 : « Quand j’ai commencé à mettre en ordre le Navidson Record, j’ai arrangé les diverses pages et fragments par chapitre et par sujet ».

38  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 72.

39  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 109.

40  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 150-151.

41  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 108.

42  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 76.

43  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 77.

44  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 577.

45  Mark Z. Danielewski, House of Leaves, New York, Pantheon Books, 2000, p. 467 : « et alors que la flamme recule et faiblit, sa lumière soudain épuisée, le livre disparaît, ne laissant derrière lui que des traces invisibles, déjà démantelées par l’obscurité. »

46  Mark Z. Danielewski, House of Leaves, New York, Pantheon Books, 2000, p. 323 : « faisant à certains endroits un petit trou, ou en d’autre éradiquant des blocs entiers de texte.”

47  Mark Z. Danielewski, House of Leaves, New York, Pantheon Books, 2000, p. 71 : « Tout s’écroule. // Des histoires qu’on a oubliées. / Des lettres aussi. / Des mots qui emplissent ma tête. Se fragmentent comme des obus d’artillerie. »

48  Mark Z. Danielewski, House of Leaves, New York, Pantheon Books, 2000, p. 71.

49  Patrick Charaudeau et Dominique Maingueneau (dir.), Dictionnaire d’analyse du discours, Éditions du Seuil, Paris, 2002.

50  Mark Z. Danielewski, House of Leaves, New York, Pantheon Books, 2000, p. 19.

51  Anaïs Guilet, « Du chaos domestique à l’impossible domestication du chaos dans House of Leaves de Mark Z. Danielewski », Trans, 6, 2008, URL : http://trans.revues.org/263 , consulté le 16/01/2013.

52  Pierre Senges, « Entretien », Remue.net, URL : remue.net/cont/Senges.html#1, consulté le 11/01/2013.

53  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 282.

54  Anne Cauquelin, Court traité du fragment. Usages de l’œuvre d’art, Aubier-Montaigne, coll. « L’invention philosophique », 1986.

55  Anne Cauquelin, Court traité du fragment. Usages de l’œuvre d’art, Aubier-Montaigne, coll. « L’invention philosophique », 1986, p. 22.

56  Mark Z. Danielewski, House of Leaves, New York, Pantheon Books, 2000, p. 162 : « On dirait qu’il est impossible de laisser une trace permanente ici ». (Nous traduisons).

57  Valérie Dupuy, « Le livre métamorphosé en volume : La Maison des feuilles de Mark Z. Danielewski. », Voix plurielles 5.1 (mai 2008), URL : http://brock.scholarsportal.info/journals/voixplurielles/article/view/480/454.

58  Mark B. N. Hansen, « The Digital Topography of Mark Z. Danielewski “House of Leaves” », Contemporary literature, Vol 45, No. 4 (Winter 2004), p. 599 : « La volonté de relater, ou de comprendre cet objet impossible crée une série de rapports de médiation qui se substituent littéralement au vide référentiel du cœur du roman » (Nous traduisons).

59  Mark Z. Danielewski, House of Leaves, New York, Pantheon Books, 2000, p. xxi.

60  Mark Z. Danielewski, House of Leaves, New York, Pantheon Books, 2000, p. 46 : « Un écho, tout en impliquant une immensité spatiale la définit également dans le même temps, la limite et en même temps l’habite ».

61  Mark Z. Danielewski, House of Leaves, New York, Pantheon Books, 2000, p. 113 : « Un champ de vision profondément retreint et fragmenté ».

62  Mark Z. Danielewski, House of Leaves, New York, Pantheon Books, 2000, p. 114 : « Malheureusement la dichotomie entre ceux qui participent de l’intérieur et ceux qui observent de l’extérieur s’effondre lorsque l’on étudie la maison, par le simple fait que personne ne voit jamais le labyrinthe dans sa totalité. Par conséquent, la compréhension de ses subtilités doit toujours être déduite de l’intérieur ».

63  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 139.

64  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 65.

65  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 69.

66  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 31.

67  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 128.

68  Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg, Paris, Verticales, 2008, p. 109.

Pour citer cet article

Cyril Verlingue, « Une référence fragmentaire : la littérature seconde chez Pierre Senges et Mark Z. Danielewski », paru dans Loxias, Loxias 41, mis en ligne le 09 juin 2013, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/index.html?id=7452.


Auteurs

Cyril Verlingue

Agrégé de Lettres modernes, titulaire d’un contrat doctoral à l’Université Paris III-Sorbonne Nouvelle et membre de l’équipe du CERC, Cyril Verlingue prépare depuis septembre 2012 une thèse en littérature comparée sous la direction de Florence Olivier et de Philippe Daros. Son travail porte sur la littérature de l’extrême contemporain et plus particulièrement sur le concept de référence en France et en Amérique, anglophone et hispanophone.