Loxias | Loxias 38. Doctoriales IX |  Doctoriales IX 

Anatoly Livry  : 

Mandelstam, disciple de Zarathoustra

Résumé

Ossip Mandelstam connaissait-il l’œuvre de Nietzsche ? Si tel était le cas, dans quelle mesure fut-il influencé par celle-ci ? Et, à supposer que l’ascendance de Nietzsche sur le poète russe d’origine juive eût été profonde, quand Mandelstam fut-il contaminé par la pensée nietzschéenne ? C’est à ces questions que tente de répondre le présent travail tout en mettant également en évidence les conséquences de ladite influence de Nietzsche et ce, depuis les apparitions directes de Nietzsche et de ses concepts dans les poèmes et la prose de Mandelstam jusqu’aux apparitions nuancées trahissant la présence permanente de l’image du Surhomme dans l’esprit de Mandelstam. Le lien entre l’héritage de Nietzsche et la Grèce antique se retrouve également chez Mandelstam, notamment de par sa lecture attentive et précoce de La Naissance de la tragédie. Les difficultés inhérentes aux recherches sur Mandelstam et Nietzsche, en Occident comme dans les pays russophones, sont également mises en relief.

Abstract

Did Ossip Mandelstam know Nietzsche’s work? In such a case, to what extend was he influenced by this one? And supposing that the ascendancy of Nietzsche over the Russian poet of Jewish ancestry was profound, when was Mandelstam caught by the Nietzschean thought. This article tries to answer to these questions by underlining the consequences of this Nietzschean influence, from the direct apparitions of Nietzsche und his concepts in Mandelstam’s poesy and prose to the more nuanced apparitions, which betray the permanent presence of the concept of “Übermensch” in the esprit of Mandelstam. The link between Nietzsche’s heritage and the Ancient Greece can be seen in Mandelstam, notably via his attentive and early reading of The Birth of Tragedy. The difficulties associated with the research on Mandelstam and Nietzsche, in Occident as much as in the Russian-speaking countries, will be singled out too.

Index

Mots-clés : Dionysos , Mandelstam (Ossip), Nietzsche, socialisme

Texte intégral

Ossip Mandelstam est catalogué comme « résistant au stalinisme » par cette vision simplificatrice consistant à classer les créateurs de façon approximative, accessible au commun, attitude qui n’apporte rien à la compréhension de celui que nous présenterons dans ce bref travail comme un poète nietzschéen, anti-systémique par excellence, et qui, de nos jours, serait voué aussi aisément à la mort médiatique, éditoriale et universitaire qu’il le fut à la destruction physique dans l’URSS encore jeune. Nous voyons plusieurs liens entre Mandelstam et l’auteur d’un « dithyrambe de la solitude1 » : la violence créatrice de Mandelstam face à la polis qui fut considérée comme « criminelle », sa prétendue « marginalité » (qui est, en effet, une élévation réelle, une accession vers l’acmé2 laissant loin derrière lui, l’un après l’autre, les compagnons dotés de jambes moins musclées et d’un souffle moins tonique) ou encore l’incompréhension qui est celle d’un non-initié devant ses écrits. C’est aussi Nietzsche qui avait armé Mandelstam pour une intense vie de combat contre la banalité socialiste au pouvoir – ce socialisme particulièrement détestable pour le philosophe en raison de son optimisme hérité du christianisme3 et de ses dogmes issus du socratisme qui exacerbaient l’« égalité innée » entre les hommes véhiculée par le marxisme4–, lui apportant la force nécessaire aux affrontements qui jalonnèrent son existence et ce, sans que Mandelstam ne cessât jamais de composer des poèmes. C’est encore Nietzsche qui a transformé Mandelstam, un Juif écrivant au XXe siècle de l’ère chrétienne, en un Hellène croyant en une divinité païenne et qui irait jusqu’à faire de sa destinée un sacerdoce, s’obstinant, envers et contre tous, à survivre dans cette antique modernité perpétuelle tellement angoissante pour les personnes entichées de l’esprit évolutionniste, s’il nous est permis de reprendre cette expression à un célèbre Académicien français, lesquelles étaient les véritables dictateurs de la Russie socialiste. Nous nous attacherons bien sûr à mettre en évidence les jaillissements sur les pages de Mandelstam de la Weltanschauung du Nietzsche helléniste ainsi que des prédications sur le Surhomme de son Zarathoustra. Cependant, c’est la genèse du fleurissement de cette pensée germanique chez un Israélite né en 1891 dans la capitale du royaume de Pologne intégré à l’Empire russe qui retiendra principalement notre attention.

À l’âge de cinq ans, Ossip Mandelstam est amené à Saint-Pétersbourg par sa famille : son père, d’abord étudiant le Talmud, puis accédant à la civilisation germanique par l’apprentissage de sa langue (« [...] отец пробивался самоучкой в германской мир из талмудических дебрей5. »), et sa mère appartenant à la première génération de ces femmes juives contaminées par l’amour des lettres russes. Mandelstam se retrouve donc dans la capitale impériale, qui était alors artistiquement et civiquement éclectique, bénéficiait de l’opulence propre à cette décennie naissante et où les fondements du pouvoir commençaient à être ébranlés par l’élan de « justice sociale » traversant ce pays qui n’avait libéré ses esclaves-paysans qu’une trentaine d’années auparavant6. L’élite du Saint-Pétersbourg de la fin du XIXe siècle est couramment germanophone – l’allemand étant la langue professionnelle indispensable des médecins, ingénieurs, officiers, … russes. Elle est donc wagnérienne et, par conséquent, ouverte à la pensée de Schopenhauer et de Nietzsche, « élève » de Schopenhauer7 et ami, jusqu’à la rupture, des Wagner, dédiant d’ailleurs à Richard la première version de La Naissance de la tragédie. L’œuvre de Nietzsche, partiellement interdite par la censure russe, trouve ses admirateurs dans la haute aristocratie qui la propage : la princesse Anna Dmitrievna Ténicheff8, correspondante de Nietzsche, est l’éditrice de son Der Fall Wagner et Dimitri Merejkowski, rejeton d’un notable impérial et futur adulateur parisien de Hitler, écrit une trilogie entre 1895 et 1904 portant le titre fort nietzschéen de Le Christ et l’Antéchrist, laquelle est consacrée à des personnages historiques admirés du philosophe.

Il ne faut pas non plus négliger le fait que le tournant du vingtième siècle vit la parution en Russie – et plus particulièrement dans cette ville où Nietzsche, en quête de notoriété, s’enorgueillit d’être reconnu encore durant les dernières semaines de son « existence psychique9 » – d’un nombre considérable d’études consacrées au penseur allemand, et rares furent celles qui, analysant l’héritage de Nietzsche philosophe, faisaient l’impasse sur Nietzsche helléniste. À ce propos, nous pouvons citer, par exemple, Nietzsche et Dionysos de Viatcheslav Ivanov, L’Idée de Surhomme de Vladimir Soloviev ou Friedrich Nietzsche d’André Bely, auteur dont les obsèques sont chantées par Mandelstam, Dostoïevski et Nietzsche et enfin L’Idée du bien chez Tolstoï et chez Nietzsche de Léon Chestov. En outre, Léon Tolstoï contribua largement, et malgré lui, à la diffusion de Nietzsche dans le milieu des amateurs des lettres russes par son acharnement doctrinaire d’orthodoxe s’attaquant à l’influence prétendument nuisible du philosophe sur ses confrères de plume ; ainsi, l’immoralisme de La Dame au petit chien et le libertinage de ses héros ont comme origine unique la subversion nietzschéenne :

Люди, не выработавшие в себе ясного миросозерцания, разделяющего добро и зло. Прежде робели, искали : теперь же, думая, что они по ту сторону добра и зла, остаются по сю сторону, т.е. почти животные10.

Tout cela survient durant l’enfance de Mandelstam car La Dame au petit chien étant paru en 1899, Tolstoï réagit à cette publication le 16 janvier 1900.

La particularité du Saint-Pétersbourg de cette époque réside notamment dans le fait de ne plus trop s’attacher aux origines ethniques dans cet état multinational, bien que cette discrimination fût alors régie par la loi, et donc présente dans les mœurs de la majeure partie de la population de l’époque. Il se produit donc un phénomène qui ferait se dresser les cheveux sur la tête des « Grands-Russiens11 » : ce jeune métèque , Mandelstam, ne pratiquant pas la religion officielle qui était l’orthodoxie, est accepté dans un établissement fréquenté par la noblesse héréditaire, école fondée par le prince Viatcheslav Nikolaievitch Ténicheff dont nous venons de mentionner la première épouse avec laquelle Nietzsche entretenait des relations épistolières, correspondance dont le philosophe s’enorgueillit12. Ossip Mandelstam pénètre donc dans cette école « moderniste », fort étrange, il faut bien l’admettre, car se situant à l’opposé du gymnase classique13 de par son obstination idéologique à refuser l’enseignement du grec et du latin, bien qu’employant comme professeur de lettres le poète Vladimir Guippuis, l’un des fondateurs du symbolisme russe. Dans cette école, la pensée de Nietzsche, bien sûr vulgarisée, est évoquée, notamment via l’opposition doctrinale à l’Église et, quelques années plus tard, cet établissement accueillera un autre futur nietzschéen, Vladimir Nabokov, fils d’un député de la première Douma et futur ministre du gouvernement éphémère de Crimée14. Tout cela contribue à ce que, dès ses vertes années, Ossip Mandelstam se coupe du shtetl et de laTorah jusqu’à ce que son univers judaïque originel ne l’effraye en raison de ses capacités à l’étouffer psychologiquement. Plus tard, il écrira, suivant sa logique d’adulte et malgré l’absence de souvenirs précis, que c’était la « littérature russe » incarnée, sa mère, qui l’avait secouru contre le judaïsme oppressant « Мне стало душно и страшно. Не помню, как навыручку подоспела мать15. » Il a, comme la plupart des garçons russophones, des lectures venues de l’« extrême Occident », celles des aventures nord-américaines, charnellement violentes et bien sûr nietzschéennes (puisque traitant souvent de sujets tels que la volonté de puissance ou l’inégalité entre les hommes), narrées par Jack London dont l’œuvre fut et demeure, par un concours de circonstances, plus répandue dans sa traduction russe que dans ses États-Unis d’origine. Tout connaisseur de la Russie admet aisément ce fait. Quant à nous, nous nous référerons au témoignage de Vladimir Nabokov décrivant cette situation dans son roman pseudo-autobiographique, Pnin, – particularités vécues puisque l’auteur y apparaît lui-même :

Carrying his purchase, wrapped in brown paper and Scotch-taped, he entered a bookstore and asked for Martin Eden.

“Eden, Eden, Eden”, the tall dark lady in charge repeated rapidly, rubbing her forehead. “Let me see, you don’t mean a book on the British statesman ? Or do you ?”
“I mean”, said Pnin, “a celebrated work by the celebrated American writer Jack London.”
“London, London, London”, said the woman, holding her temples.
Pipe in hand, her husband, a Mr Tweed, who wrote topical poetry, came to the rescue. After some search he brought from the dusty depths of his not very prosperous store an old edition of The Son of the Wolf.

“I’m afraid”, he said, “that’s all we have by this author.”
“Strange !”, said Pnin. “The vicissitudes of celebrity ! In Russia, I remember, everybody–little children, fullgrown people, doctors, advocates–everybody read and reread him. This is not his best book but O.K., O.K., I will take it.”16

Une dizaine d’années après être sorti de l’école Ténicheff, Mandelstam, se souvenant sans doute de ses lectures juvéniles, consacra un article à une édition de Jack London, auteur qui, dans ses pages, ne cesse d’introduire le nom de Nietzsche et ses concepts, que ce soit celui de « volonté de puissance » ou celui de « Surhomme » :

These modern supermen were a lot of sordid banditti who had the successful effrontery to preach a code of right and wrong to their victims which they themselves did not practise17.

Cette réflexion demeure en revanche trop simpliste pour Mandelstam, lui qui, contrairement à un London vulgarisateur du philosophe, « nietzschéen » à l’usage de la jeunesse prépubère, prétendait connaître le vrai Nietzsche. Mandelstam, d’ailleurs, ne dissimule nullement son mépris à la fois envers le style « feuilletoniste18 » de London et envers le « toc du nietzschéisme » que, en sa qualité de bon Européen trop raffiné pour cette intoxication stylistique, il dénonce dans cette recension parue en 1913 : 

Идеология Джека Лондона поражает своим убожеством и своей старомодностью с европейской точки зрения : весьма последовательный и хорошо усвоенный дарвинизм, к сожалению, прикрашенный дешёвым и дурно понятым ницшеанством, – он выдаёт за мудрость самой природы и непоколебимый закон жизни19.

Pourquoi Mandelstam se croit-il autorisé à se proclamer familier de la nuance nietzschéenne, contrairement à London ? Ne serait-ce pas parce qu’en dépit de la « méthode progressiste » proposée à ses élèves par le prince Ténicheff, il reprit à sa base le parcours de Nietzsche, se tournant vers l’Hellade en étudiant notamment le grec ancien, apprentissage dont les échos se retrouvent dans ses vers20 : chaque expression poétique et spirituelle, pour être vraie, doit nécessairement passer par la chair :

Aber der Erwachte, der Wissende sagt : Leib bin ich ganz und gar, und Nichts ausserdem ; und Seele ist nur ein Wort für ein Etwas am Leibe21.

Mandelstam est ce Juif qui refuse le yiddish et l’hébreu de ses ancêtres et choisit le chemin grec. Dans cette aventure qui est pour ce jeune homme une affaire d’éducation, il a besoin d’une autre puissance spirituelle incarnée qui soit à la fois proche sur le plan temporel – un artiste et un poète en vogue –, mais également un professeur ayant dans sa propre jeunesse proposé, face à l’Université, une théorie iconoclaste, la violence exterminatrice faisant indissociablement partie de la création. Ainsi s’explique le fait qu’il ait choisi Nietzsche, lequel unissait toutes ces qualités et devint son géniteur poétique. Simultanément, le Dieu philosophe que Nietzsche avait mis en tête de son panthéon personnel, devenant par là même son dernier élève22, repousse les Tables de la Loi de Yahvé chez Mandelstam, lequel, à la sortie de son école, va chercher cette Hellade dionysiaco-nietzschéenne en Occident, et plus particulièrement dans la « France de l’esprit23 » mise par Nietzsche, germanophobe à ses heures, au-dessus de tout pour chaque bon Européen, bon Européen que Mandelstam entend devenir quand il s’apprête à diriger ses pas vers Paris, capitale de tout artiste, dixit Nietzsche24.

Pour suivre son nouveau père à la trace, Mandelstam sort officiellement du judaïsme, se convertissant à la religion des aïeux de Nietzsche, le luthéranisme. N’oublions pas que même Zarathoustra-Antéchrist reconnaît le « sang ecclésiastique » qui coule dans ses veines25 et que Nietzsche, dans son ouvrage autobiographique, conclut sur l’identité de sa propre personnalité avec celle de son père26. Cela n’est pas étonnant quand on connaît la famille de Friedrich Nietzsche : non seulement la lignée de son père mais également les hommes du côté maternel furent pasteurs27. Le luthéranisme charnel de Nietzsche est donc la marche nécessaire à Mandelstam dans son accession, depuis le judaïsme de son enfance, au polythéisme, où pour ces deux poètes règne le Dieu de la création extatique, Dionysos conducteur des Muses et supérieur à Apollon, à en croire le philosophe :

Les Muses et Dionysos ont à l’origine des affinités beaucoup plus étroites que les Muses et Apollon : ils étaient par exemple encore adorés ensemble à Éleuthères, dans les environs d’Éleusis, à Orkhomène on disait de Dionysos disparu qu’il s’était enfui vers les Muses et se tenait caché près d’elles28

Telles sont les notes des cours délivrés par Nietzsche helléniste à l’Université de Bâle, éditées dans leur version originale en 1913 à Leipzig par Alfred Kröner et dont l’existence, voire le contenu, furent probablement familiers à Mandelstam puisqu’il baignait littéralement dans un milieu pétersbourgeois philosophiquement axé sur l’Allemagne et au sein duquel toute thèse proférée par Nietzsche devenait objet de discussion.

Dès que son apostasie est décidée, tout autour de Mandelstam se met à porter le stigmate du Dieu extarque29 : chacune de ses démarches tend désormais soit à l’apprentissage de l’enseignement dionysiaque, soit à son service, les deux étant souvent agrégés. Ainsi, la cathédrale de Paris, ville où il est accueilli pour apprendre l’ancien français, n’est point perçue comme un édifice érigé à la gloire du Christ. Pour Mandelstam, ce serait Dionysos qui aurait inspiré les architectes de Notre-Dame :

То, что в XIII [веке] казалось логическим развитием понятия организма – готический собор, – ныне эстетически действует как чудовищное : Notre Dame ecть праздник физиологии, её дионисийский разгул30.

Mandelstam était tellement rompu à la lecture de l’œuvre nietzschéenne qu’il se rend compte du gouffre béant séparant l’être contemporain, dressé par la culture alexandrine portant le dieu émasculé en lui, et l’homme du lumineux « Moyen Âge », préservé de la tentation de l’égalité et de la vengeance civique grâce à un système de castes rigoureusement établi. Cette démarche de discrimination est chère à Mandelstam (« Средневековье дорого нам потому, что обладало в высокой степени чувством граней и перегородок31. »), hellénisé par la proximité du Christ encore partiellement bachique puisque vénéré par un peuple n’ayant pas encore été déchu du pays réel, ressentant donc son Dieu physiologiquement, ainsi que par les élites amassant le savoir antique dans les monastères – en somme une conception de l’univers, figée au XIIIe siècle dans la pierre, aujourd’hui perçue comme « monstrueuse ».

Résidant près de Notre-Dame, rue de la Sorbonne, université où il apprend l’idiome de l’époque de ceux qui avaient créé la cathédrale parisienne, Mandelstam se passionne, tout comme Nietzsche, pour la science bachique de cette terre gauloise tout en se préparant à une carrière de prosateur et de poète russe. Son œuvre sera inspirée par ces pierres assemblées de façon dionysiaque, voilà ce que se promet Mandelstam dans les vers consacrés à la cathédrale. Architecte et maçon de la plume tout à la fois, Mandelstam s’engage à se soumettre à ce sublime selon les canons antiques qu’il a pu apprendre chez le pseudo-Longin dans la traduction célèbre d’un autre Parisien, Boileau :

Но чем внимательней, твердыня Notre Dame,
Я изучал твои чудовищные рёбра, –
Тем чаще думал я : из тяжести недоброй
И я когда-нибудь прекрасное создам32.

Pour accomplir cette destinée, Mandelstam ressent la nécessité de compléter son éducation par l’adjonction du Verbe russe originaire. Comme tout vrai poète, il perçoit qu’il ne doit surtout pas créer à partir d’une tabula rasa : son œuvre est en effet tout entière un hommage à ses illustres prédécesseurs. Ainsi, Mandelstam le versificateur doit son éveil à Pouchkine, fondateur de la poésie moderne russe et son éducateur en poésie, Homère russe par excellence. Semblable à un lettré de l’époque hellénistique et de l’empire romain, Mandelstam adresse à Pouchkine des glorifications en vers et en prose qui sont autant d’études nuancées et raffinées de son œuvre. En ce sens témoigne Anna Akhmatova, soutien de Mandelstam dans le malheur durant des décennies (et dont l’importance des écrits, nous en sommes certains, sera reconnue plus tard non en raison de la qualité de leurs rimes, mais exclusivement de par le compte-rendu de l’existence de deux poètes nietzschéens, Ossip Mandelstam et Nikolaï Goumiliov, qu’ils proposent), imprégnée du vocabulaire de Zarathoustra via la bouche de Goumiliov et trahissant un Pouchkine surhumain tel que vécu par Mandelstam :

К Пушкину у Мандельштама было какое-то небывалое, почти грозное отношение – в нём мне чудится какой-то венец сверхчеловеческого целомудрия33.

Mandelstam se laisse donc guider par un Pouchkine qu’il considère non comme purement russe mais comme nietzschéisé, puisque naguère mené par une Muse que le poète comparait à une ménade : 

Я музу резвую привёл
На шум пиров и буйных споров […] И к ним в безумные пиры
Она несла свои дары
И как вакханочка резвилась,
За чашей пела для гостей [...] 34.

L’on aurait presque l’impression que Pouchkine, poète anti-apollinien et dionysiaque puisque chantant de façon extatique son dieu, avait suivi les séminaires bâlois de Nietzsche sur le Bacchos-musagète ! Ainsi, même du côté purement créatif et exclusivement russophone, Mandelstam se choisit un professeur dissident face au pouvoir établi, et extrêmement versé dans la science de Bromios.

Nietzsche et Pouchkine sont liés, démon siamois par lequel Mandelstam perçoit l’univers. Ce phénomène peut être observé quand Mandelstam analyse le décès de Scriabine (le compositeur et le poète apparaissent comme étant des hypostases de Mithra, ce Dionysos diurne35, que Mandelstam paganisé adore dans sa prière apprise chez le Zarathoustra de Nietzsche : « Пушкин и Скрябин – два превращения одного солнца, два перебоя одного сердца36. »). Alors amené à se pencher sur l’initiation musicale, Mandelstam démarre sa réflexion critique non par un développement élaboré par lui-même, mais par : « Дух греческой трагедии проснулся в музыке37. ». Il saisit ainsi instinctivement le premier titre de l’ouvrage séditieux de Nietzsche sur la tragédie, Die Geburt der Tragödie aus dem Geiste der Musik38, lequel devient la base de sa dissertation. Nietzsche le bachique veille telle une étincelle éternellement présente en Mandelstam, éclairant ses travaux en prose et faisant exploser la dynamite psychique lorsque vient le tour de la poésie, composée, insiste Mandelstam, dans un idiome hérité directement d’Homère dont les épopées furent étudiées dans les écoles de l’époque hellénistique et qui fut la référence permanente de ceux qui y ont reçu leur paideia : « Русский язык – язык эллинистический39»

En somme, pareil au brahmane requérant le limes de sa caste afin de se préserver de la souillure des hommes inférieurs, condition sine qua non du sacerdoce, Mandelstam exige, pour sa création, ces quatre cloisons entre la cité et lui : Nietzsche-Zarathoustra, Bromios, Pouchkine, lui-même dionysiaque, et la langue russe hellénisée, ce dernier composant étant une gifle insupportable à la novlangue socialiste imposée pour mouvoir aisément la foule-demos. Il suffit qu’une brèche apparaisse dans cette forteresse intérieure carrée –car Mandelstam avait ses moments de faiblesse psychique, tenté par les biens civiques ou aspirant à une élémentaire sécurité corporelle, se mettant à glorifier le socratisme sanguinaire incarné, Staline40 – pour que la corde de son arc s’amollisse et que son art se détériore.

Une lecture vigilante de Mandelstam permet de retrouver les phénomènes que nous avons mentionnés. En revanche, cela demande non seulement de connaître Nietzsche mais surtout d’avoir cette capacité d’identifier en Mandelstam un nietzschéen pur et enthousiasmé et de lire ce poète en ayant Nietzsche à l’esprit afin de retrouver l’origine authentiquement nietzschéenne des premiers vers de la création de Mandelstam, celle qui a été propulsée par ses lectures d’Ainsi parlait Zarathoustra. Quant aux chercheurs non russophones, leurs possibilités d’accéder à la compréhension intégrale de l’œuvre de Mandelstam sont naturellement réduites, ses traductions – comme toute traduction – ne permettant pas de saisir vraiment la complexité totale de l’idiome d’origine.

En octobre 1905, Goumiliov, poète nietzschéen qui s’est ouvertement proclamé comme tel et qui avait soutenu les premiers essais littéraires de Mandelstam – puis l’avait suivi avec bienveillance, en Russie ainsi que lors de son séjour d’« études bachiques » parisien et ce, jusqu’à ce qu’il périsse de la main de socialistes russes vingt et un ans, jour pour jour, après le décès de Nietzsche –, publie le recueil poétique Le Chemin des conquistadores dont le troisième vers est consacré à l’œuvre majeure de Nietzsche et porte le titre de Le Chant de Zarathoustra41. Le Chemin des conquistadores fut immédiatement recensé par Valère Brussov dans Vessy. Puis, le 21 janvier 1906, un article critique dans Slovo42 lui est consacré. Les poèmes de Goumiliov ainsi « lancé » se retrouvèrent dans les périodiques, accessibles à Mandelstam. À noter que Mandelstam admirait ce poète et qu’il fut, plus tard, capable de braver la tyrannie socialiste, et donc de se mettre en danger de mort, en publiant en 1922 son De la Nature du Verbe flanqué d’une épigraphe de Goumiliov43, ce qui témoigne du lien ininterrompu unissant ces deux « criminels par essence » face à la dialectique socratique au pouvoir.

Quelques mois après la parution de Le Chemin des conquistadores, Mandelstam, qui a encore une quinzaine d’années, compose un poème considéré par ses éditeurs russes comme ses premiers vers. Nous le citerons en entier : 

Среди лесов, унылых и заброшенных,
Пусть остается хлеб в полях нескошенным !
Мы ждем гостей незваных и непрошенных,
       Мы ждем гостей !

Пускай гниют колосья перезрелые !
Они придут на нивы пожелтелые,
И не сносить вам, честные и смелые,
       Своих голов !

Они растопчут нивы золотистые,
Они разроют кладбище тенистое,
Потом развяжет их уста нечистые
       Кровавый хмель !

Они ворвутся в избы почернелые,
Зажгут пожар — хмельные, озверелые...
Не остановят их седины старца белые,
       Ни детский плач !

Среди лесов, унылых и заброшенных,
Мы оставляем хлеб в полях нескошенным.
Мы ждем гостей незваных и непрошенных,
       Своих детей !44

Il apparaît donc que, en 1906, Mandelstam parle de ses « hôtes », « blasphémateurs » et « ivres », ainsi que, malgré son âge – bien que cet âge fût considéré par Héraclite d’Ephèse comme celui d’un père, ce qui est cependant quelque peu précoce pour notre époque –, de ses « enfants ».

Pour mieux comprendre ces vers de Mandelstam, il convient de nous tourner vers la fin d’un autre poème, celui d’Ainsi parlait Zarathoustra, lorsque le prophète réunit dans sa caverne l’Homme Élevé, ces multitudes de parcelles anthropoïdes et animales que nous nommons dans nos travaux précédents le « supra-androgyne platonicien45 ». Cet Homme Élevé est aux yeux de Zarathoustra grandement insatisfaisant. Alors, le Perse attend une créature plus parfaite puisque présentant davantage de parcelles, créature que, bien qu’annoncée, l’on ne découvrira jamais – le Surhomme. Mieux encore, le lecteur ne doit pas accéder au secret de son anatomie, Ainsi parlait Zarathoustra n’étant pas rédigé pour lui comme l’indique son second titre. Présentant l’arrivée de ces êtres, Zarathoustra, revendiquant sa parenté avec eux, les nomme ses « enfants46 » et il est prêt à accueillir ses « hôtes » dans sa caverne – cette « chambre d’enfants » comblée de l’esprit enfantin47. Ces « enfants » pressentis depuis longtemps et dont la quête fut fondatrice pour Zarathoustra48 ont été tellement ardemment désirés que l’extarque âgé se proclame leur « sacrifié49 ».

Or, l’une des caractéristiques premières du Surhomme, c’est bien son ivresse dionysiaque sans vin : Dionysos se trouvant en eux leur procure l’état d’ébriété créatrice permanente, supériorité spirituelle considérée ordinairement comme « impie » en Occident où le christianisme, se sécularisant, passe – sous les yeux du nietzschéen Mandelstam grandissant dans une Russie submergée par le nihilisme idéologique et politique – à son stade ultime, le socialisme50. Ostracisé par la dialectique vulgarisée de Socrate hors de la scène attique51 et donc déchu de ses mystes européens, Dionysos, divinité de la forêt et de sa sève52, avait abandonné la flore sauvage du continent, « triste » d’être délaissée – de Bacchus ! – constate Mandelstam, l’initié du dieu. De plus, à en croire le Tirésias des Bacchantes, quand cette « substance extatique humide », Dionysos, s’absente, elle est fatalement suivie de « sa face sèche et féminine », Déméter53 : les lugubres bois dépourvus de Dionysos ne peuvent, par conséquent, qu’entourer des champs non moissonnés, précise dans ses vers le poète.

Concluons donc sur ce jeune Juif composant son premier poème russe, faisant du Perse germanophone son alter ego, lui offrant son corps et, suite à la réincarnation momentanée en Zarathoustra-Mandelstam, rappelant ses « hôtes » et ses « enfants ». Ces figures correspondent aux Surhommes homicides, union d’êtres bestiaux, divins et humains. Ceux-ci furent élevés au contact permanent de l’homme-bête et des dieux et ont revêtu des traits anthropoïdes bien qu’étant expurgés d’un socratisme qui constitue l’une des principales sources du déclin de l’humanité. Le message surhumain de Nietzsche fut donc le « Big Bang » de toute la création de Mandelstam. Il l’avait naturellement enhardi au principe de vivere risolutamente que ce disciple de Zarathoustra a honoré, par sa « poésie au-delà de l’humain », jusque dans ses derniers vers.

Acceptant de son plein gré de subir la vengeance d’inférieurs au lieu de commettre, intégré dans leur collectif, l’« hybris intellectuelle » d’un Penthée blasphémateur courant à la perte éternelle, la sienne et celle des siens, par une confiance déraisonnée dans le bon sens humain54, Mandelstam entame ainsi une longue carrière d’auteur fréquemment condamné pour ses « fautes » ou pour son « manque de clarté » : porté par Dionysos, il adressera ses hymnes bachiques, si incompréhensibles aux yeux de ses contemporains médiocres, à l’humanité future et supérieure, œuvrant simultanément, par sa mania sage – « pieuse » si on la voit avec l’acuité d’un thiasote du Cithéron –, à son avènement.

Notes de bas de page numériques

1  « Mein ganzer Zarathustra ist ein Dithyrambus auf die Einsamkeit […]. » : Friedrich Nietzsche, Ecce Homo dans Kritische Studienausgabe, Berlin/New York, Walter de Gruyter, 1967, t. 6, p. 276.

2  Nous pensons bien évidemment à l’acméisme, ce courant littéraire russe en vogue du temps de Mandelstam et auquel celui-ci a pris part.

3 Cf. à ce propos, par exemple: « Wen hasse ich unter dem Gesindel von Heute am besten ? Das Socialistes-Gesindel, die Tschnadala-Apostel, die den Instinkt, die Lust, das Genügsamkeits-Gefühl des Arbeiters mit seinem kleinen Sein untergraben, – die ihn neidisch machen, die ihn Rache lehren […]. » : Friedrich Nietzsche, Der Antichrist dans Kritische Studienausgabe, Berlin/New York, Walter de Gruyter, 1967, t. 6, p. 244.

4 Cf. par exemple: « Nicht Voltaire’s maassvolle, dem Ordnen, Reinigen und Umbauen zugeneigte Natur, sondern Rousseau’s leidenschaftliche Thorheiten und Halblügen haben den optimistischen Geist der Revolution wachgerufen, gegen den ich rufe: „Ecrasez l’infame!“.» : Friedrich Nietzsche, Menschliches, Allzumenschliches dans Kritische Studienausgabe, Berlin – New York, Walter de Gruyter, 1967, t. 2, p. 299, c’est Nietzsche qui souligne.

5 ОсипМандельштам, ШумвременивСобраниисочиненийвчетырёхтомах, Москва, Арт-Бизнес-Центр, 1993, т. 1, с. 356. Nous traduisons : « […] mon père se frayait un chemin en tant qu’autodidacte vers l’univers germanique à partir des méandres tamuldiques ».

6  La réforme délivrant les paysans russes du servage fut promulguée en 1861 et mise en application au cours des années suivantes.

7  « Ich gehöre zu den Lesern Schopenhauers, welche, nachdem sie die erste Seite von ihm gelesen haben, mit Bestimmtheit wissen, dass sie alle Seiten lesen und auf jedes Wort hören werden, das er überhaupt gesagt hat. » : Friedrich Nietzsche, Schopenhauer als Erzieher, Unzeitgemässe Betrachtungen dans Kritische Studienausgabe, Berlin/New York, Walter de Gruyter, 1967, t.1, p. 346.

8 Nous utilisons l’orthographe des noms russes en vigueur à l’époque telle que Nietzsche la pratiqua.

9 « In Wien, in St. Petersburg, in Stockholm, in Kopenhagen, in Paris und New York – überall bin ich entdeckt: ich bin es nicht in Europa’s Flachland Deutschland [...]. » : Friedrich Nietzsche, Ecce Homo dans Kritische Studienausgabe, Berlin/New York, Walter de Gruyter, 1967, t.6, p. 301 (c’est Nietzsche qui souligne).

10 ЛевНиколаевичТолстой, Полноесобраниесочинений, Москва, Художественнаялитература, 1952, т. 54, с. 9. Nous traduisons : « Les gens n’ayant pas élaboré en eux une vision du monde claire sont incapables de séparer le bien du mal [sic]. Naguère, ils étaient gênés et en quête d’eux-mêmes ; maintenant, ils estiment qu’ils se trouvent au-delà du bien et du mal et demeurent au-delà de toutes bornes, c’est-à-dire presque des animaux ».

11  L’on avait appelé dans l’Empire russe « Grands-Russiens » la population appartenant à l’ethnie russe de cet Etat plurinational.

12  Cf. par exemple Friedrich Nietzsche, « An Heinrich Köselitz in Berlin », Turin, den 14.Oktober1888 dans Sämtliche Briefe, Berlin/New York, Walter de Gruyter, 1988, t.8, p.452.

13  Nous utilisons le terme de « gymnase » qui peut paraître à juste titre germanique de façon tout à fait légitime, l’établissement étant fondé en Russie par des Allemands, instructeurs naturels des Slaves.

14  Le gouvernement de Crimée a été fondé après le putsch d’octobre 1917 et se rapprochait des positions républicaines du régime ayant précédé à ce dernier. Cf. Anatoly Livry, Nabokov le nietzschéen, Paris, Hermann, 2010, 298p.

15  Осип Мандельштам, Шум времени в Собрании сочинений в четырёх томах, Москва, Арт-Бизнес-Центр, 1993, т.1, с.363. Nous traduisons : « J’eus l’impression que l’air me manquait et je pris peur. Je ne me souviens plus comment ma mère a accouru pour me sauver. ».

16  Vladimir Nabokov, Pnin, Cambridge, Robert Bentley Publishers, 1982. « Il porta sous le bras son achat enveloppé d’un papier sombre et soutenu par un scotch puis entra dans une librairie et demanda Martin Eden. / – Eden, Eden, Eden, répéta la préposée, grande et brune, en se frottant le front, que je réfléchisse un peu, vous voulez dire ce livre sur l’homme d’État britannique ? non ? / – Je veux dire, expliqua Pnin, une œuvre célèbre du célèbre écrivain américain Jack London. / – London, London, London, dit la dame, en se tenant les tempes. / Pipe en main, son époux, un Mister Tweed qui écrivait des poésies de circonstance, vint à la rescousse. Non sans quelque recherche il apporta des profondeurs poudreuses du magasin assez peu prospère, une vieille édition du Fils du Loup. / – Je crains, dit-il, que ce soit tout ce que nous possédons de cet auteur. / – Étrange, dit Pnin. Les vicissitudes de la célébrité ! En Russie, je me rappelle, tout le monde, les petits enfants, les grandes personnes, les médecins et les avocats, tout le monde lisait et relisait Jack London. Ce n’est pas le meilleur de ses livres, mais O.K. ! O.K. ! Je le prends. » : Vladimir Nabokov,Pnine, Paris, NRF, Gallimard, 1962, traduit par Michel Chrestien, p. 112-113. Par ailleurs, nous avions déjà analysé cette influence de Jack London sur Nabokov dans Anatoly Livry, « Nietzsche und Nabokov und ihre dionysischen Wurzeln » dans Der Europäer, Basel, Perseus Verlag, N 2-3, décembre 2008 – janvier 2009, p. 32-34 ; Anatoly Livry, « Nabokov le Bacchant » dans Nietzscheforschung 16, Berlin, Akademie Verlag, 2008, p. 305-319 ; ainsi que dans notre livre Nabokov le nietzschéen, Hermann, 2010, qui forme la matrice de notre thèse de doctorat achevée sous la direction de Patrick Quillier et soutenue à Nice-Sophia Antipolis le 4 juillet 2011.

17  Jack London, Burning Daylight, Sioux Falls, NuVision Publications, 2008, p. 130. Nous traduisons : « Ces surhommes modernes étaient un paquet de banditti sordides qui avaient l’effronterie brillante de prêcher à leurs victimes un code du bien et du mal qu’eux-mêmes ne respectaient pas. ».

18  Cf. Осип Мандельштам, Джек Лондон в Собрании сочинений в четырёх томах, Москва, Арт-Бизнес-Центр, 1993, т. 1, с.189.

19  «L’idéologie de Jack London frappe par sa médiocrité et par son apparence démodée vue de l’Europe : l’on peut constater un darwinisme suffisamment logique coloré par un nietzschéisme bon marché et mal compris, – London présente la sagesse de la nature même comme la loi inébranlable de la vie.»: Ossip Mandelstam, Jack London, recension des Œuvres complètes de London avec préface de L. Andreev, traduction de l’anglais sous la rédaction d’A.N. Koudriavzeva, Saint-Pétersbourg, Édition « Prométhée », 1912, cité d’après Осип Мандельштам, Джек Лондон в Собрании сочинений в четырёх томах, Москва, Арт-Бизнес-Центр, 1993, т.1, с.190.

20  Cf. Осип Мандельштам, И глагольных окончаний колокол в Собрании сочинений в четырёх томах, Москва, Арт-Бизнес-Центр, 1993, т.1, с.155.

21  Friedrich Nietzsche, Also sprach Zarathustra dans Kritische Studienausgabe, Berlin/New York, Walter de Gruyter, 1967, t. 4, p. 39.

22 « – ich, der letzte Jünger des Philosophen Dionysos […]. » : Friedrich Nietzsche, Götzen-Dämmerung dans Kritische Studienausgabe, Berlin/New York, Walter de Gruyter, 1967, t.6, p. 160.

23  « Im Grunde ist es eine kleine Anzahl älterer Franzosen zu denen ich immer wieder zurückkehre: ich glaube nur an französische Bildung und halte Alles, was sich sonst in Europa „Bildung” nennt, für Missverständniss, nicht zu reden von der deutschen Bildung […] » : Friedrich Nietzsche, Ecce Homo dans Kritische Studienausgabe, Berlin/New York, Walter de Gruyter, 1967, t.6, p. 285.

24  « Als Artist hat man keine Heimat in Europa ausser in Paris […] » : Friedrich Nietzsche, Ecce Homo dans Kritische Studienausgabe, Berlin/New York, Walter de Gruyter, 1967, t.6, p. 288 (c’est Nietzsche qui souligne).

25 Cf. Friedrich Nietzsche, Also sprach Zarathustra dans Kritische Studienausgabe, Berlin/New York, Walter de Gruyter, 1967, t.4, p. 117.

26 « Auch noch in meinem anderen Punkte bin ich bloss mein Vater noch einmal und gleichsam sein Fortleben nach einem allzufrühen Tode. » : Friedrich Nietzsche, Ecce Homo dans Kritische Studienausgabe, Berlin/New York, Walter de Gruyter, 1967, t. 6, p. 271.

27  Sur son père, pasteur à Röcken, cf. Friedrich Nietzsche, Kommentar zu Band 6 dans Kritische Studienausgabe, Berlin/New York, Walter de Gruyter, 1967, t.14, p.472. Sur l’émerveillement du jeune Friedrich Nietzsche suppléant son oncle maternel lors des sacrements cf. Friedrich Nietzsche, Meine Ferienreise dans Autobiographisches aus den Jahren 1856 bis 1869 dans Werke in drei Bänden, München, Carl Hanser Verlag, 1956, t.3, p. 81-82.

28 Friedrich Nietzsche, Le Service divin des Grecs, traduit par Emmanuel Cattin, Paris, Éditions de L’Herne, 1992, p. 53.

29  Dionysos était une divinité qui guidait ses initiés vers l’état d’extase nécessaire pour participer à ses mystères.

30 Осип Эмильевич Мандельштам, Утро Акмеизма в Собрании сочинений в четырёх томах, Москва, Арт-Бизнес-Центр, 1993, т.1, с.179. Nous traduisons : « Ce qui était, au XIIIe siècle, l’évolution logique de la définition d’un organisme, une cathédrale gothique, a actuellement une influence esthétique monstrueuse : Notre-Dame est une féerie de la physiologie, une orgie dionysiaque. ».

31  Осип Эмильевич Мандельштам, Утро Акмеизма в Собрании сочинений в четырёх томах, Москва, Арт-Бизнес-Центр, 1993, т.1, с.180. Nous traduisons : « Le Moyen Âge nous est cher parce qu’il était pénétré du sentiment intense de compter en lui plusieurs facettes et plusieurs cloisons. ».

32  Осип Эмильевич Мандельштам, Notre Dame в Собрании сочинений в четырёх томах, Москва, Арт-Бизнес-Центр, 1993, т.1, с.80. Nous traduisons : « Mais plus attentivement, citadelle de Notre-Dame,/ J’ai étudié tes côtes monstrueuses/ Plus souvent je pensais : d’une pesanteur maligne/ Je créerais moi aussi un jour du sublime. ».

33  Анна Ахматова, Листки из дневника в Осип Эмильевич Мандельштам, Собрание сочинений в четырёх томах, Москва, Арт-Бизнес-Центр, 1993, т.1, с.17. Nous traduisons : « Mandelstam nourrissait envers Pouchkine une considération inouïe, quasi terrible, dans laquelle je crois apercevoir l’expression d’une chasteté surhumaine.».

34  Александр Сергеевич Пушкин, Евгений Онегин в Сочинениях в трёх томах, Москва, Художественная литература, 1986, т.2, с.315. «J’ai amené la Muse agitée/ Vers le bruit des festins et des disputes vives […] Et à ces festins fous/ Elle apportait ses offrandes/ Et s’agitait comme une petite bacchante/ Chantant, coupe à la main, pour les convives […]. »: Alexandre Pouchkine, Eugène Onéguine, nous traduisons.

35 Cf. L’Empereur Julien, Sur Hélios-Roi, à Saloustios dans Discours, texte établi et traduit en français par Christian Lacombrade, Paris, Les Belles Lettres, 1964, p.125.

36  Осип Эмильевич Мандельштам, Скрябин и христианство в Собрании сочинений в четырёх томах, Москва, Арт-Бизнес-Центр, 1993, т.1, с.201. Nous traduisons : « Pouchkine et Scriabine, deux métamorphoses d’un seul soleil, deux battements d’un seul cœur. ».

37  Осип Эмильевич Мандельштам, Скрябин и христианство в Собрании сочинений в четырёх томах, Москва, Арт-Бизнес-Центр, 1993, т.1, с.204. Nous traduisons : « L’esprit de la tragédie grecque s’est réveillé dans la musique. ».

38 Mazzino Montinari, « Vorbemerkung » dans Friedrich Nietzsche, Kritische Studienausgabe, Berlin/New York, Walter de Gruyter, 1967, t. 1, p. 7.

39  Осип Эмильевич Мандельштам,О Природе Слова в Собрании сочинений в четырёх томах, Москва, Арт-Бизнес-Центр, 1993, т.1, с.220. Nous traduisons : « La langue russe est une langue hellénistique. ».

40  Cf. ОсипЭмильевичМандельштам, ОдавСобраниисочиненийвчетырёхтомах, Москва, Арт-Бизнес-Центр, 1993, т. 3, с. 112 – 114.

41  Николай Степанович Гумилёв, Песнь Заратустры в Пути Конквистадоров в Сочинениях в трёх томах, Москва, Художественная литература, 1991, т.1, с.24-25.

42  Е. Степанов, Николай Гумилёв. Хроника в Николай Степанович Гумилёв, Сочинениях в трёх томах, Москва, Художественная литература, 1991, т.3, с.350-351.

43  Cf. Осип Эмильевич Мандельштам, О Природе Слова в Собрании сочинений в четырёх томах, Москва, Арт-Бизнес-Центр, 1993, т.1, с.217.

44  Осип Эмильевич Мандельштам, Среди лесов, унылых и заброшенных в Собрании сочинений в четырёх томах, Москва, Арт-Бизнес-Центр, 1993, т.1, с.31. Nous traduisons : « Au milieu des forêts tristes et délaissées,/ Que reste le blé non moissonné  dans les champs!/ Nous attendons les hôtes qui viennent sans être invités ni désirés,/ Nous attendons les hôtes !/ Que les épis blets pourrissent !/ Ils viendront dans les champs jaunis,/ Et vous, les honnêtes et les courageux, l’on vous coupera la tête,/ Vos têtes !/ Ils piétineront les champs dorés,/ Ils retourneront la terre dans le cimetière ombragé,/ Puis leurs bouches blasphématrices seront déliées par/ L’ivresse sanguinaire !/ Ils investiront les isbas noircies,/ Allumeront l’incendie – ivres, bestiaux…/ Ils ne seront pas arrêtés par les cheveux blancs d’un vieillard,/ Ni par les pleurs d’un enfant !/ Au milieu des forêts tristes et délaissées,/ Nous abandonnons le blé non moissonné dans les champs./ Nous attendons les hôtes qui viennent sans être invités ni désirés,/ Nos enfants à nous ! ».

45  Cf. par exemple, Anatoly Livry, « Le Surhomme de Nabokov » dans les actes du colloque Einige werden posthum geboren, Berlin – New York, Walter de Gruyter, 2012, p.393-404 ; Анатолий Ливри, Физиология Сверхчеловека, Санкт-Петербург, Алетейя, 2011, 310с., etc.

46 « Wohlan ! Der Löwe kam, meine Kinder sind nahe, Zarathustra ward reif, meine Stunde kam […]. » : Friedrich Nietzsche, Also sprach Zarathustra dans Kritische Studienausgabe, Berlin/New York, Walter de Gruyter, 1967, t. 4, p. 408.

47  « Aber nun lasst mir diese Kinderstube, meine eigne Höhle, wo heute alle Kinderei zu Hause ist.» : Friedrich Nietzsche, Also sprach Zarathustra dans Kritische Studienausgabe, Berlin/New York, Walter de Gruyter, 1967, t. 4, p.393 (c’est Nietzsche qui souligne).

48  Cf. Friedrich Nietzsche, Also sprach Zarathustra dans Kritische Studienausgabe, Berlin/New York, Walter de Gruyter, 1967, t. 4, p.204.

49  Cf.Friedrich Nietzsche, Also sprach Zarathustra dans Kritische Studienausgabe, Berlin/New York, Walter de Gruyter, 1967, t. 4, p.205.

50  « Nihilist und Christ: das reimt sich, das reimt sich nicht bloss […]. » : Friedrich Nietzsche, Der Antichrist dans Kritische Studienausgabe, Berlin/New York, Walter de Gruyter, 1967, t. 6, p. 247.

51  Cf. Friedrich Nietzsche, Die Geburt der Tragödie dans Kritische Studienausgabe, Berlin – New York, Walter de Gruyter, 1967, t. 1, p.83.

52 « Les épithètes cultuelles qui lui [à Dionysos] sont décernés relèvent clairement le véritable caractère de son pouvoir : Endendros, Dendritès, dieu de l’arbre, Phleus, génie de l’exubérance végétale. » : Jeanne Roux, « Introduction » à Euripide, Les Bacchantes, Paris, Les Belles Lettres, 1970, t. 1, p. 57.

53  Cf. Euripide, Les Bacchantes, v.274-285, traduit par Jeanne Roux, Paris, Les Belles Lettres, 1970, t. 1, p.131.

54  « […] Penthée, roi des temps héroïques, est aveugle aux manifestations du divin parce qu’il est un ”sophiste”, un ”intellectuel”.» : Jeanne Roux, « Introduction » à Euripide, Les Bacchantes, Paris, Les Belles Lettres, 1970, t.1, p. 44.

Pour citer cet article

Anatoly Livry, « Mandelstam, disciple de Zarathoustra », paru dans Loxias, Loxias 38., mis en ligne le 08 novembre 2012, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/index.html?id=7232.

Auteurs

Anatoly Livry

Anatoly Livry, ancien enseignant à Paris IV- Sorbonne, exerçant actuellement au département de russe de l’université de Nice-Sophia Antipolis dont il est docteur, a soutenu en 2011 une thèse sur travaux intitulée « Nietzsche et Nabokov » sous la direction de Patrick Quillier. Une première version en avait été publiée en 2010 chez « Hermann » (Paris) avant d’être réécrite en russe et éditée chez « Aletheia » (Saint-Pétersbourg). Ce travail est actuellement en train d’être traduit en allemand pour parution. Membre du CTEL de Nice-Sophia Antipolis, Anatoly Livry y prépare une HDR tout en continuant de faire paraître ses articles, notamment, chez « Akademie Verlag » ou chez « Walter de Gruyter » à Berlin ainsi qu’à l’Université de Moscou-Lomonossov. Écrivain de langue russe, Anatoly Livry publie depuis 2003, et son œuvre, étudiée dans certaines universités, fut récompensée en 2010 par le Prix américain Mark Aldanov qui est notamment décerné par des slavistes de Columbia University.