Stéphane Mallarmé dans Loxias


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Loxias | Loxias 33 | I.

Le Silence du faune – note sur L’Après-midi d’un faune

Cet article cherche à analyser l’itinéraire d’écriture de L’Après-midi d’un faune, de Stéphane Mallarmé, de 1865 à 1876. Il s’agit en particulier de s’interroger sur la disparition de la scène qui, dans la première version de 1865, faisait paraître les deux nymphes poursuivies par les assiduités du faune – et qui finissent par lui échapper puisqu’il s’interroge sur leur existence. Cette disparition a une double conséquence : la première est la radicalisation du doute du faune quant à l’existence des nymphes (puisqu’elles ne font littéralement plus partie du texte, du moins comme personnages), la seconde est la transformation du monologue faunesque originel en un discours accueillant des séquences dialogiques. Notre hypothèse est que cette transformation affecte le genre même dans lequel le poème se produit, en altérant la forme classique de la parole lyrique, en direction, peut-être, de ce qu’il faudrait appeler (avec Alain Badiou, mais aussi avec Mallarmé lui-même) une « prose » incluse au poème. The aim of this article is to analyse the literary itinerary of L'Après-midi d'un faune, by Stéphane Mallarmé, between 1865 and 1876. It involves, among other things, discussing the disappearance of the scene in which, in the first version of 1865, the faun forces his attentions on the two nymphs – and they eventually escape from him. He's left alone, questioning their existence. This disappearance has a double consequence: the first one is the radicalization of the faun's uncertainty about the existence of the nymphs (since they literally no longer belong to the text, at least as characters), the second one is the transformation of the original monologue of the faun into a discourse that includes dialogical sequences. Our hypothesis is that this transformation affects the very genre in which the poem is written by altering the classical formal aspects of the lyric speech, thus maybe leading towards what should be called (with Alain Badiou but also with Mallarmé himself) a "prose" included in the poem.

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Loxias | 68. | I.

POEtiques de Baudelaire, Mallarmé et Verlaine : Poe dans la critique littéraire des poètes français

L’ombre emblématique d’Edgar Allan Poe transparaît derrière la poésie et les écrits critiques de Charles Baudelaire, Stéphane Mallarmé et Paul Verlaine, qui furent tous trois traducteurs et/ou enseignants d’anglais. Nous nous proposons d’étudier la manière dont ils lisent, interprètent et commentent Poe, l’évoquent et l’invoquent. Baudelaire pose les fondements du culte de Poe en tant que poète-modèle, sinon poète idéal ou, comme dirait Verlaine, « absolu » : Poe est un poète essentiellement moderne, profond, « démoniaque », malheureux et impertinent aux yeux de la foule. Mallarmé s’en sert d’étalon pour mesurer la grandeur d’un Villiers de l’Isle-Adam ou d’un Banville ; il suit également ses avis sur la place de la philosophie dans la poésie et la longueur des poèmes. Mallarmé et surtout Verlaine s’appuient sur Poe pour renouveler la pratique du refrain poétique jusque-là popularisé par Léon Dierx. En même temps, l’appropriation de l’héritage de Poe dans la critique littéraire de Baudelaire, Mallarmé et Verlaine ne se passe pas seulement au niveau des idées : c’est la totalité de l’œuvre et la figure même de l’écrivain qui nourrissent la réflexion et le discours sur la littérature. Baudelaire le définit comme « un singulier philosophe », qui s’exprime au travers de fictions (La Lettre volée, Les Souvenirs de M. Auguste Bedloe, L’Homme des foules). Mallarmé voit dans son aveu autobiographique : « Pour moi, la poésie n’a pas été un but qu’on se propose, mais une passion » la définition prototypique du poète. Pour le Pauvre Lelian, Poe rejoint Shakespeare dans la lignée des poètes maudits de langue anglaise. Le cercle se referme lorsque Verlaine cite le Tombeau d’Edgar Poe de Mallarmé pour parler de Baudelaire, qui – lui aussi – « donne un sens plus pur aux mots de la tribu ». The emblematic shadow of Edgar Allan Poe is reflected behind the poetry and critical writings of Charles Baudelaire, Stéphane Mallarmé and Paul Verlaine, all of whom translators and / or teachers of English. We propose to study how they read, interpret and comment on Poe, evoke him and invoke him. Baudelaire lays the foundations of the Poe cult as a model poet, if not an ideal poet or, as Verlaine would say, "absolu": Poe is a poet essentially modern, profound, "demoniaque", unhappy and impertinent in the eyes of the crowd. Mallarmé uses him as a standard for measuring the size of a Villiers de l’Isle-Adam or a Banville; he also follows his opinions on the place of philosophy in poetry and the length of poems. Mallarmé and especially Verlaine rely on Poe to renew the practice of the poetic refrain until then popularized by Léon Dierx. At the same time, the appropriation of Poe’s legacy in the literary criticism of Baudelaire, Mallarmé and Verlaine does not only happen at the level of ideas: it is the totality of the work and the very figure of the writer which nourish reflection and discourse on literature. Baudelaire defines him as "un singulier philosophe", who expresses himself through fictions (The Stolen Letter, The Memories of Mr. Auguste Bedloe, The Man of the Crowds). Mallarmé sees in his autobiographical confession: “With me poetry has been not a purpose, but a passion” the prototypical definition of the poet. For the Poor Lelian, Poe joins Shakespeare in the line of damned poets of English language. The circle closes when Verlaine quotes Mallarmé’s Tombeau d’Edgar Poe to talk about Baudelaire, who – too – « donne un sens plus pur aux mots de la tribu ».

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