Loxias | Loxias 30 Doctoriales VII | Doctoriales VII
Virginie Privas-Bréauté :
Une lueur d’espoir au cœur des Troubles nord-irlandais : Pentecost de Stewart Parker
Résumé
Bien qu’écrite en 1987, la dernière pièce de théâtre de Stewart Parker (1941-1988), Pentecost, est un huis clos dramatique se déroulant sur toile de fond historique. Elle renvoie le spectateur treize ans en arrière afin que l’action couvre la première partie de l’année 1974. A cette date, une grève d’ouvriers loyalistes mettait un terme au pouvoir exécutif du gouvernement de partage du pouvoir entre nationalistes et unionistes en Irlande du Nord. Pour Parker, cette défaite politique représentait l’événement le plus décourageant dans le processus de réconciliation entre les communautés protestante et catholique en Irlande du Nord. Dans cette dernière œuvre, le dramaturge relate les Troubles, censés être de nature religieuse, et, à travers cet épisode précis de l’histoire nord-irlandaise, il rappelle le traumatisme, autant physique que psychologique, qu’ils générèrent. Pourtant, il garde foi en l’être humain. L’homme, non la religion, est à l’origine de ce conflit, et il lui incombe d’y remédier.
Abstract
Even if he wrote his last play, Pentecost, in 1987, Northern Irish playwright Stewart Parker (1941-1988) was more interested in dealing with the events which had taken place in 1974 in his Province. Indeed, it was in this year, throughout Pentecost, that a loyalist workers’ strike brought down the Executive of the power-sharing government between the nationalists and the unionists. Parker considered this collapse to be “the most hopeless moment in the history of Northern Ireland”. Throughout his last play Parker writes on the Troubles, which are said to stem from religious divisions; and through this particular episode, he recalls the trauma that they engendered, the disaster, physical and psychological, they led to. Yet, he still has faith in human beings. Man, not religion, is at the origin of the conflict, and he must solve it on his own.
Index
Mots-clés : Irlande du Nord , religion, théâtre, traumatisme, troubles
Keywords : drama , Northern Ireland, religion, trauma, troubles
Géographique : Irlande du Nord
Chronologique : Période contemporaine
Plan
Texte intégral
Stewart Parker (1941-1988) rédige Pentecost1un an avant son décès. L’œuvre du jeune dramaturge s’achève sur cette pièce de théâtre qui, bien qu’écrite en 1987, retrace des événements passés. Elle renvoie le spectateur treize ans en arrière afin que l’action couvre les cinq premiers mois de l’année 1974, soit la période qui marqua la première tentative de mise en place d’un gouvernement de partage du pouvoir entre nationalistes et unionistes en Ulster2. Cet essai prit fin suite à une grève générale menée par des ouvriers loyalistes protestants. Bien que né dans une famille protestante, Stewart Parker se souvenait de cet épisode comme l’un des événements historiques les plus décourageants dans le processus de rapprochement entre les communautés protestante et catholique en Irlande du Nord3. Si dans sa pièce, il met en scène cinq personnages (Marianne, Ruth, Lily, Lenny et Peter) enfermés dans une demeure presbytérienne d’un quartier protestant de l’est de Belfast, c’est pour donner un peu plus de profondeur dramatique à cet épisode qu’il nomme « la grande insurrection loyaliste4 », en écho à l’insurrection républicaine de Pâques 1916. Le passé compte en effet énormément pour les Nord-Irlandais. Pourtant le dramaturge ne se contente pas d’écrire les Troubles, de les représenter sur scène, il souligne également le profond traumatisme psychologique qu’ils engendrèrent. Malgré tout, il laisse transparaître un certain optimisme derrière cette ultime œuvre. Il déplore que la religion ait été utilisée à mauvais escient par les hommes. Ils ont détourné le message central du Christ ; il convient de le retrouver. Pour le dramaturge, l’Homme a engendré l’état de guerre, il revient donc à l’Homme de le résoudre. Les Troubles ne sont pas une guerre de religion. Il expose cette problématique dans son ultime œuvre théâtrale dont il se sert comme d’une arme pour reprendre le contrôle de la situation.
Contexte historique
Dès le premier acte, Stewart Parker évoque le lieu (Belfast) et la date (1974) de l’intrigue puis précise le temps qui passe à chaque changement de scène. Il se montre ainsi soucieux de retracer une partie de l’histoire des Troubles. Il est vrai que depuis la fin des années 1960, l’Irlande du Nord, territoire britannique, connaît un désordre politique, économique et social si grand que Londres en prend le contrôle direct en 19725. Néanmoins, ne parvenant pas à maîtriser la violence qui y règne, le gouvernement national s’empresse de proposer une solution. L’offre de John Hume, membre fondateur du SDLP (parti social démocrate travailliste), vient ainsi à point nommé en juillet 1972. Il envisage une autorité conjointe de l’Irlande et de la Grande-Bretagne sur l’Irlande du Nord. Les termes de cette proposition sont rédigés au sein d’un Livre blanc que Westminster présente en mars 1973. Le Premier ministre britannique, Edward Heath, le Premier ministre irlandais, Liam Cosgrave, ainsi que des représentants de partis politiques nord-irlandais6 en faveur de l’accord se rencontrent à Sunningdale (Grande-Bretagne) du 6 au 9 décembre de la même année pour entériner la proposition. Cette dernière envisage également la mise en place d’un gouvernement de partage du pouvoir entre nationalistes (majoritairement catholiques) et unionistes (composés d’un fort nombre de protestants) en Irlande du Nord. Un pouvoir exécutif mixte se voit donc constitué et prend ses fonctions au château de Stormont (Belfast) le 1er janvier 1974. Ainsi, Brian Faulkner, Premier ministre en Irlande du Nord avant le contrôle direct, devient le président du pouvoir exécutif de ce nouveau gouvernement7. Bien que cette décision semble apporter un espoir de réconciliation entre les deux communautés (catholiques et protestantes), elle ne satisfait pourtant pas certains unionistes qui se sentent trahis par Londres. Les désaccords autour de ce gouvernement atteignent leur apogée lorsqu’un groupe d’ouvriers loyalistes (protestants)8 mené par Glenn Barr, membre de l’Ulster Defense Association (UDA) et l’un des représentants unionistes à l’Assemblée nord-irlandaise, appelle les ouvriers protestants d’industries phares de la Province à une grève générale en mai 1974. Cette grève paralyse l’Ulster pendant quatorze jours. La démission de Faulkner9 de son poste de président y met un terme le jour de la Pentecôte, faisant, par la même occasion, chuter le pouvoir exécutif. Stewart Parker retrace cet événement qui s’inscrit dans la période des Troubles nord-irlandais à travers une pièce de théâtre où trois langages se superposent de façon à représenter le conflit prétendument religieux au mieux. Celui des mots, au travers des dialogues des personnages et des didascalies de l’auteur, en sera le vecteur principal. Le corps de l’acteur se fera pareillement le gardien de la représentation ; enfin, les sons et l’éclairage seront utilisés dans le but d’illustrer la situation au mieux.
Représentation artistique
En 1974, l’Irlande du Nord est prise en otage par la grève loyaliste. La province britannique se voit ainsi privée d’électricité, de lait et de transport en commun principalement, ses habitants n’ont plus qu’une liberté de mouvements limitée. Stewart Parker relate cet état de paralysie à travers les expériences des quatre personnages principaux de Pentecost,Marianne, Ruth, Lenny et Peter, enfermés par sécurité dans la maison d’une bigote presbytérienne récemment décédée, Lily Matthews. Lenny rappelle cette situation carcérale à son ami d’enfance Peter, musicien belfastois exilé en Angleterre mais de retour dans sa province natale. Il en profite pour lui préciser qu’il ne pourra manger les céréales qu’il a rapportées puisque le lait est devenu une denrée rare :
Peter, fais marcher ta cafetière – grève de protestation des ouvriers loyalistes, o.k. ? Coupures d’électricité. Pas de ravitaillement d’essence. Pas de produits animaux. Des barricades partout dans la ville pour rendre la circulation impossible. Toutes les vaches sont aux trois-quarts protestantes. Tu crois vraiment que le lait a une chance?10 (34)
Puisque sa pièce se veut avant tout réaliste (selon les propres mots de l’auteur), le dramaturge tente de recréer l’atmosphère tendue de l’époque sur scène, à travers les dialogues et les didascalies. Aussi chaque scène est-elle introduite par une date, suivie d’une fine description de la situation, comme la scène 3 de l’acte 1 :
La nuit du dimanche 19 mai.
La cuisine et l’office sont noirs et déserts.
On entend une bande de six ou sept jeunes en état d’ivresse courir dans la ruelle de derrière, avec des cris et des sifflements. Une bouteille de bière vole par-dessus le mur de la cour et éclate sur le sol sans faire de dommage. Le silence revient. Jusqu’à ce qu’on entende s’ouvrir la porte d’entrée et deux hommes légèrement ivres (Lenny et Peter) entrer dans le hall.11 (33)
Le dramaturge n’omet pas non plus de mentionner l’origine du conflit nord-irlandais : le sectarisme dû principalement aux différences de confessions religieuses. Si Lenny et Marianne sont tous deux catholiques, Peter, Ruth et Lily sont protestants. Néanmoins, Lenny, Marianne, Ruth et Peter ont su dépasser leur endogamie dans l’amitié qu’ils nourrissent et dans l’amour qu’ils portent ou ont pu porter les uns aux autres. Au contraire, Lily revient un instant sur terre pour hanter sa maison occupée et se faire le porte-parole du sectarisme nord-irlandais à l’origine des Troubles. Elle apparaît tout au long de la pièce afin d’en chasser ses occupants, et avant tout Marianne, son ennemie jurée. Elle a, à son égard, de violents propos tels que « Faites votre trafic entre vous et laissez-moi reposer en paix avec les miens12 » (19). De manière générale, les échanges verbaux des personnages sont empreints d’agressivité car le Belfast dans lequel ils évoluent est une ville divisée, dont les tensions balayent les rues et affectent profondément ses habitants.
Outre les indications de l’auteur qui fournissent des précisions quant à la représentation de la ville ainsi que les dialogues qui reflètent les tensions dues aux Troubles et à l’ampleur de la grève en question, le corps de l’acteur, en tant que lieu hétérotopique, se fait lui aussi représentation de la situation. Le jeu de l’acteur dramatique a pour vocation de mettre en relation les sphères privée et publique, mais doit aussi permettre de lier les mondes intérieurs et extérieurs sur scène. Si les tensions des Troubles ne pénètrent dans la maison de Lily que par les dialogues puisqu’il n’est jamais question de violence physique sur la scène, celle-ci est tout de même évoquée dans l’œuvre de Parker à travers le corps de l’acteur. En effet, il s’avère véritablement dangereux de quitter la maison de Lily puisque les personnages s’aventurant à l’extérieur n’en reviennent pas sans séquelles. Par exemple, Marianne, sortie un instant, revient chez Lily, blessée ; son agression est ainsi présentée :
Le trombone de Lenny continue à jouer pendant un moment à l’étage. Dehors, on entend soudain frapper à grands coups contre la porte de la cour. Voix de Marianne criant : « Lenny ! Lenny ! Tu m’entends ! Ici bas ! Ouvre-moi ! »
La musique du trombone s’interrompt et on entend Lenny descendre en trombe les escaliers : il apparaît en courant venant du hall d’entrée une torche à la main, et traverse directement la cuisine jusqu’à la porte de l’office, tire le verrou et l’ouvre ; il traverse la cour jusqu’à la porte de derrière qu’il déverrouille et ouvre d’un coup – révélant Marianne à la lumière de sa torche, éclaboussée de boue, le manteau déchiré, et des griffures au visage.
Lenny : Tu es blessée ?
Marianne : un peu égratignée, mais pas autant que ma voiture.
Lenny : tu l’as retrouvée ?
Marianne : ils l’ont utilisée comme pièce centrale dans la barricade à l’entrée du quartier là-haut.
[…]
Rien que des femmes – couinant et hurlant après moi toutes griffes dehors […]13 (56).
La musique de Lenny, qui descend ici aux oreilles des spectateurs comme si elle était céleste, est brutalement interrompue. Tout se passe comme si la réalité extérieure se rappelait à l’esprit de tous, y compris de ceux qui cherchent à s’en soustraire. Puisqu’il incarne les déictiques, l’acteur assure également la relation spatio-temporelle. Son occupation de l’espace scénique et le rapport qu’il entretient avec le temps sont des facteurs visant à refléter la situation. Dans le cas de Pentecost, les personnages sont confinés dans une maison, et, par conséquent, sont comme privés de liberté de mouvement. Lenny l’évoque ainsi sur le ton de la plaisanterie : « Plus rien ne me retient ici maintenant. Si ce n’est quelques trois cents barricades et des milliers d’hommes en cagoule armés de matraques14 » (38). Lorsque les personnages tentent de s’affranchir des contraintes spatiales, c’est à leurs risques et périls ; ils sont donc contraints de se limiter à un espace clos. A travers cette situation, Parker évoque l’impasse dans laquelle le conflit s’est engagé. Alors, si sur scène, il ne peut maîtriser l’espace, il tente de le transgresser. Cette technique lui permet de reprendre le contrôle de la situation. Parker va même jusqu’à essayer de rééquilibrer l’occupation de l’espace nord-irlandais à travers sa pièce. Nous avons indiqué que Marianne, catholique, fait l’acquisition d’une maison presbytérienne dans un quartier protestant. Cette tentative de re-possession de l’espace est hautement symbolique dans cette partie de l’île où les catholiques se sont sentis dépouillés de leur terre depuis des siècles. Il serait donc juste que leur soient rendues leurs propriétés. En contrepartie, Marianne, qui possédait une boutique d’antiquités, s’en sépare et la vend à un galeriste protestant. Ce geste ressortit plus d’une décision personnelle qu’il ne résulte d’un acte de dépossession. Il est donc délibéré et légitime. Après ce jeu avec l’espace, l’auteur examine si le temps est lui aussi malléable. Dans sa pièce, de nombreux retours en arrière renouent avec le présent de l’action. Il existe dans Pentecost un effacement des repères temporels, notamment par le truchement du retour sur terre de feu Lily Matthews. Le rôle de ce fantôme, qui rajeunit au fil de l’intrigue, est capital. En effet, Lily, dévote presbytérienne, a gardé toute sa vie durant un lourd secret qu’elle doit livrer si elle veut reposer en paix. Puisque son traumatisme remonte à plusieurs années, son discours est émaillé du récit des épreuves historiques qu’elle traversa telles que la guerre civile irlandaise de 1922 ou encore les Première et Seconde Guerres mondiales. Sa maison recèle par ailleurs un véritable trésor constitué d’objets et de mobilier ancien qui rappellent le passé colonial de l’Irlande. Marianne, antiquaire de métier, s’émerveille de l’avoir découvert :
Regarde-moi ça. Soixantième anniversaire de la reine Victoria, noces de la reine Marie, couronnement de la petite Elizabeth II, 1953, ça doit être l’article le plus moderne dans la maison. Le plus gros du mobilier est de l’époque édouardienne, il y a une coiffeuse Régence à l’étage qui a dû lui venir de ses grands-parents15 (13).
L’auteur renvoie aussi subrepticement au siège de Londonderry en 1689, au cours duquel les protestants furent assiégés par les catholiques, lorsqu’il met dans la bouche de Peter la remarque suivante adressée à Lenny qui ne vit qu’avec Marianne et Ruth : « Te voilà donc assiégé depuis tout ce temps16 » (39). Fidèle à la tradition littéraire irlandaise, le dramaturge indique ainsi que le passé colonial occupe encore une place prépondérante dans le présent en Irlande du Nord, trop prépondérante comme il le laissait entendre puisque les divisions sont nées de cet emprisonnement :
Quand les Irlandais disent « le passé », ils se rappellent en réalité les années de Cromwell ou du roi Guillaume, ce qui veut dire trois cents ans en arrière, voire plus. […] Si vous grandissez en Irlande du Nord aujourd’hui, chacun de vos pas est dans le sillon de n’importe lequel des deux camps dans lequel vous êtes né. Vous pouvez vous y résigner, réagir contre lui, ou le fuir mais vous ne pouvez pas l’ignorer. Le passé est en vie, se porte bien et tue des gens à Belfast17.
Le passé, à l’image de la maison où les personnages sont enfermés contre leur gré, est en effet une prison. Parker introduit des personnages historiques réels dans son œuvre afin de rendre plus floues les frontières entre le passé et le présent. L’acte II s’ouvre sur la retransmission radiophonique du véritable discours prononcé le 25 mai 1974 sur les ondes de la BBC18 par Harold Wilson, Premier ministre britannique alors récemment réélu. Les paroles du chef du gouvernement britannique inondent le salon où se trouvent les personnages. Parker fait également référence au Révérend protestant Ian Paisley : Peter se met à imiter cet homme charismatique qui se positionnait contre le gouvernement de partage du pouvoir. Il adopte son ton et sa voix, comme le dramaturge le note en didascalie : « Imitant les inflexions du protestant extrémiste, le révérend Paisley19 » (37).A travers cette intrusion de la réalité dans la fiction, l’auteur tente aussi d’abolir les frontières entre ces deux mondes, ce qui est confirmé par la présence du fantôme de Lily mais aussi le chant qu’elle entonne, Oh God, our Help in Ages past. Cet hymne protestant, que des techniciens de l’électricité et des politiciens loyalistes chantèrent à la lueur de chandelles20 le 28 mai 1974 pour marquer le jour de leur victoire, permet à Lily de se faire l’écho sur scène de ce pouvoir loyaliste (c’est-à-dire protestant).Grâce au personnage de Lily Matthews, le dramaturge saisit l’occasion de rappeler certains éléments historiques et mythiques sur lesquels les idéologies protestantes sont fondées. Par exemple, lorsque le spectre se défend de n’avoir pas bougé d’un pouce malgré toutes les difficultés que la Province et lui traversèrent, il reprend à charge le slogan unioniste « pas d’un pouce » utilisé lors des élections de 1925 au sujet du rapprochement de l’Irlande du Sud et du Nord contre lesquelles se prononcèrent les unionistes. Pourtant, si Parker se réfère bien souvent à ces mythes, il ne les reprend pas tels quels. Il les transpose aux situations présentes ou les déconstruit. En effet, Lily, aussi puritaine fût-elle, eut une aventure extraconjugale dont naquit un enfant. Son secret est d’avoir eu puis abandonné ce fils illégitime qu’elle n’aurait jamais pu avoir avec son mari très gravement blessé lors de la Première Guerre mondiale à laquelle il avait pris part, comme de nombreux soldats nord-irlandais.
Enfin, l’éclairage et les bruits viennent compléter la description de la situation.Les jeux de son et de lumière sont en effet des outils efficaces pour refléter le monde extérieur au théâtre. Les sons relatifs à l’époque tels que celui du vol d’un hélicoptère qui plane au dessus de Belfast pour en assurer la sécurité visent à recréer l’ambiance de l’époque. De la même façon, le son des tambours de procession orangiste (protestante) en provenance de l’extérieur résonne à l’intérieur comme pour marquer le territoire mais aussi et surtout célébrer la victoire des grévistes. A cette représentation sonore s’ajoute une représentation visuelle, notamment à travers l’absence d’électricité due à la grève des ouvriers loyalistes. Celle-ci se fait absolument ressentir sur scène et plonge la pièce dans une pénombre à double sens. Cette obscurité qui n’est pas rassurante, peut, par la même occasion, protéger du monde extérieur puisqu’elle permet la discrétion. En temps de conflit, mieux vaut ne pas attirer l’attention sur soi de peur de devenir une cible potentielle. Privés de lumière, les personnages se voient contraints d’allumer des bougies et autres lampes à pétroles. Cette technique visuelle renforce le sens du titre de la pièce, puisqu’il renvoie à la Pentecôte, épisode biblique qui relate comment des langues de feu descendirent sur les apôtres. Ainsi la situation extérieure chaotique, le clivage entre les deux communautés religieuses, se reflètent-ils dans toutes ces tensions qui règnent à l’intérieur de la maison et font de celle-ci un refuge bien précaire. L’auteur dévoile en effet que le traumatisme va bien au-delà puisqu’il est aussi ancré au plus profond de chacune des âmes des personnages de Parker.
Traumatisme
Lorsque Stewart Parker écrit sa pièce en 1987, plusieurs années se sont écoulées, ce qui lui permet de prendre assez de distance et d’adopter un regard critique sur la grève loyaliste. Or, pour ce faire, il préfère d’emblée traiter de la question indirectement puisque aucune scène de violence liée aux Troubles ou à la grève n’est jouée sur scène, le lieu de l’action étant exclusivement l’intérieur de la maison. Alors, si Pentecost prend des allures de huis clos, ce n’est que pour renforcer le traumatisme de cette crise : le conflit devient psychologique. Ce n’est pas uniquement la violence des Troubles qui conduit les personnages à communiquer dans la violence; ils cachent tous des secrets, des souffrances, dont ils n’osent pas parler lorsque la pièce débute. Ces souffrances se retrouvent dans leurs échanges verbaux. Le spectateur peut en effet d’emblée percevoir le malaise régnant entre les deux premiers personnages sur scène, Lenny et Marianne. La violence de leur dialogue reflète alors à quel point le monde peut être disloqué et divisé, véritable Tour de Babel où la communication menace de se rompre à tout instant. Lenny et Marianne tentent bien de communiquer mais leur dialogue n’est en réalité que la juxtaposition de deux monologues. L’échange suivant, ponctué de phrases courtes, en donne un exemple :
Marianne : C’est quoi ?
Lenny : C’est vieux. Alors. Ton estimation ?
Marianne : Il y a une tasse toute prête avec du lait et du sucre dedans. Merde.
Lenny : Je t’ai dit. Je n’ai touché à rien.
Marianne : Elle allait le boire quand c’est arrivé.
Lenny : Pas du tout.
Marianne : Même pas eu le temps d’y toucher.
Lenny : Les ambulanciers, ça doit être eux.
Marianne : Complètement froid;
Lenny : Les ambulanciers qui ont sonné à la porte, ça doit forcément être eux.
(Marianne lui accorde son entière attention pour la première fois.)
Marianne: C’est ça. Ils se sont fait une bonne tasse de thé, juste avant de déménager le corps.
Lenny: Elle est sortie d’ici à pied, portant son manteau et son chapeau du dimanche, son meilleur sac à main, tu m’entends, toute seule comme une grande, droit dans l’ambulance, c’est à l’hôpital qu’elle est morte…21 (11).
Puis, au fil de l’intrigue, des bribes d’informations à leur sujet seront données au spectateur. Ainsi apprend-il que Marianne et Lenny, autrefois mariés, vivent désormais séparés :
Lenny : […] La maison t’appartient comme indiqué, marché conclu. En échange d’un divorce.Marianne : Nous sommes divorcés – dans les faits. Lenny : Je veux parler d’un document signé de ta main.Marianne : Qu’est-ce que ça change ?Lenny : Ça devient officiel, obligatoire, et irrévocable22 (16).
Plus loin, le spectateur se voit confié la raison de cette séparation. Lenny et Marianne eurent un enfant, mais ce dernier mourut à l’âge de cinq mois :
Marianne : […] J’ai eu un enfant une fois.
Lenny : Arrête. Marianne…
Marianne: Je l’appelais Christophe. Parce qu’il était une sorte de Christ pour moi, il apportait l’amour avec lui… la vérité et la vie23 (76).
Il est possible de constater ici à quel point cette expérience personnelle fur traumatisante pour Marianne qui rend les Troubles nord-irlandais responsables de la mort de son enfant. Il existe un lien fort entre l’événement public et la vie privée de cette Nord Irlandaise catholique. Pour corroborer cet argument, notons que la naissance de Christophe (dont le prénom est assez évocateur puisqu’il rappelle celui du Christ) coïncide avec une date significative des Troubles nord-irlandais : « Christophe aurait eu cinq ans en août. Commencé l’école. S’il ne m’avait pas quitté. Abandonné. Rendu l’esprit qui était en moi. Ma propre âme laissée pour morte24 » (47). Le mois d’août 1969 fut en effet chargé en événements tels que le renfort des troupes paramilitaires en Irlande du Nord et les émeutes éclaboussant la province. Suite à ce traumatisme, cette perte de l’enfant tant attendu et qui fut comme sacrifié, Lenny indique au spectateur combien Marianne fut bouleversée, et invite son épouse à prendre conscience de sa perte de lien avec la réalité :
Marianne : A quelle réalité fais-tu référence ?
Lenny : La tienne, Marianne, ta réalité à toi, tu n’as pas cessé de parler toute seule, de compter les cuillères, de délirer en trente-six langues25 comme une illuminée au milieu de la nuit26 (40).
Une situation qui le poussa à envisager une psychothérapie pour elle. Il semble que l’emménagement dans cette maison en particulier et à ce moment très précis, va lui épargner une visite chez un psychothérapeute. En effet, le fantôme de feu Lily Matthews apparaît à Marianne lorsqu’elle est seule pour jouer le rôle d’alter ego. Cette apparition, dont elle est parfaitement consciente, vise ultimement à la ramener à la réalité et à l’aider à exorciser ses douleurs. Marianne découvre progressivement que Lily eut elle aussi une expérience traumatisante quelque peu similaire à la sienne, celle de l’abandon de son fils illégitime :
Marianne : Et la vie de ton enfant, qu’en fais-tu ?
Lily : Mon enfant était robuste, solide…il était né coiffé…
Marianne : Tu l’as abandonné. […]
Marianne : Toi et Alan Ferris. Sur le canapé du salon. Pas le moindre soupçon de ça ?
Lily : O Dieu du ciel pardonne-moi dans ta bonté !
Marianne : Alfie était impuissant, n’est-ce pas ? […]
Lily : J’ai péché contre ma propre chair dans la luxure et la fornication, j’ai été obligée d’abandonner mon bébé, personne n’a su, seul le Seigneur notre Dieu l’a su et Son œil était rivé sur moi, brûlant jusqu’au fond de mon âme, Lui seul fut témoin du tourment que j’ai enduré chaque heure de ma vie dans cette maison où même les murs et les portes me hurlent leur accusation, avec personne à qui parler du poignard qui me transperçait mille fois par jour, rappelant comment j’avais abandonné mon enfant, tranquillement, le laissant comme un paquet, là dans une caisse en bois, personne pour m’aider, seulement moi ici, dans cette maison, me rongeant et me déchirant sans arrêt le cœur et la lumière, jour après jour… jusqu’à ce que je sois entièrement dévorée par ma propre méchanceté, à l’intérieur, sans plus rien qui reste de moi, que l’écorce, pour le bien des apparences…27 (63-64).
Cette révélation de Lily, véritable rédemption, va faciliter le travail de deuil de Marianne, qui en parle librement alors que la pièce touche à sa fin. C’est en soulageant leur conscience que Marianne pourra continuer à vivre, et que Lily reposera en paix.
Une leçon d’humanité
Néanmoins, malgré les traumatismes physiques et psychiques que les Troubles générèrent, le dramaturge reste optimiste. Ce n’est pas seulement pour des raisons politiques qu’il choisit d’intituler sa pièce Pentecost, c’est aussi pour des raisons religieuses. La Pentecôte, est, en effet, l’épisode biblique qui explique comment les hommes, en recevant le don de l’Esprit saint, purent communiquer entre eux à nouveau malgré leurs différences. Cet épisode vint remédier à celui de Babel où Dieu avait puni les hommes en leur ôtant le pouvoir de se comprendre. Ainsi, à travers le langage, les dialogues mais aussi la gestuelle et les transgressions spatio-temporelles, Parker tente d’abolir les différences de religion et de transcender l’état de guerre pour revenir à une certaine humanité et se réconcilier avec l’Autre. Son but ultime, comme il se plaisait à le répéter, notamment dans son introduction à la pièce de théâtre Over the Bridge (1958) de Sam Thompson, était de jeter des ponts entre les deux communautés en Irlande du Nord. Le dramaturge déplorait la situation de crise que l’Ulster traversait. C’est pourquoi, il choisit l’époque de la fête religieuse de laPentecôte comme temps de sa pièce. C’est un instant privilégié dans la recherche de l’intégrité comme le stipule le Révérend John Dunlop dans A Precarious Belonging, Presbyterians and the Conflict in Ireland : « La Résurrection rompit les liens de fer entre le passé et le futur et la Pentecôte apporta joie et beauté en lieu et place de la tristesse et de l’horreur28. » A travers des expressions telles que « Quand arriva la Pentecôte (le cinquantième jour après Pâques), [les apôtres] se trouvaient réunis tous ensemble »29, le texte de cet épisode biblique, raconté dans les Actes des Apôtres, a pour objet « de montrer comment la mosaïque des peuples païens se transforme en une collectivité cohérente et unifiée, à partir de l’audition de la prédication des apôtres30. » Dans son œuvre, Parker se rapproche de ce message chrétien puisque Pentecost, comme la Bible, commence par une mise en perspective du désordre et de la confusion, pour se terminer sur une note positive. Si Marianne explique que la maison doit être aérée, Ruth ouvre la fenêtre, image qui clôt la pièce sur l’espoir de voir se lever des jours meilleurs en Irlande du Nord. Lenny et Peter, quant à eux, s’emparent de leur instrument de musique respectif et s’accordent pour jouer ensemble Just a Closer walk with Thee, cantique chrétien. Tout se passe comme si le Saint-Esprit était descendu sur ces cinq personnages confinés dans cette maison, et ce, indépendamment du désordre qui règne au dehors et de leur dénomination religieuse. Ils deviennent des « apôtres de Lilliput »31. En effet, si Lily, au début de la pièce, se positionne complètement en défaveur de l’occupation de sa demeure par Marianne, car cette dernière appartient au clan ennemi, elle apprend à reconnaître en Marianne des qualités humaines qui lui permettront de dépasser sa haine envers cette catholique. Les deux femmes, partageant des douleurs de même nature, se réconcilieront d’abord avec elles-mêmes puis entre elles.
L’ultime œuvre de Parker retrace donc les Troubles nord-irlandais de manière visuelle et sonore afin que le spectateur plonge avec les acteurs au cœur de la situation. Elle indique pareillement que le conflit supposé religieux engendra des troubles plus profonds, invisibles à l’œil nu, pour faire comprendre à quel point le désastre nord-irlandais ravagea la Province. Pourtant, le dramaturge laisse entendre que le traumatisme n’est pas insurmontable. Si l’Homme a su engendrer pareil désastre, il doit être en mesure d’y remédier. Par le théâtre, Parker reprend le contrôle de la situation nord-irlandaise et donne à ses personnages la possibilité de choisir. C’est en somme une belle leçon d’humanité que nous inculque Stewart Parker à travers Pentecost. La maison de Lily se fait le symbole de l’Irlande du Nord où tout n’est que désordre, tension, violence et division. Mais les personnages, en revenant au sens premier du mot religion, en retrouvant le message central du Christ, sont capables de réconciliation. A travers cette œuvre, Parker montre que la co-habitation, au sens propre comme au sens figuré, des deux communautés est possible en Irlande du Nord. Il convient de faire de ces différences culturelles et de cette dualité une richesse et une force plutôt que de les laisser scléroser la Province et permettre aux Troubles de régner. Le dramaturge nourrissait sans doute l’espoir qu’un jour les politiciens parviennent à trouver un accord pour que catholiques et protestants se partagent le territoire en paix.
Notes de bas de page numériques
1 Afin de faciliter la lecture du présent article, toutes les citations sont extraites de la traduction française de Pentecost faite par Jérôme Hankins, Pentecôte, Paris, Éditions Théâtrales, 1996, SACD. Leurs versions originales, extraites de l’œuvre de Parker, seront indiquées en notes de bas de pages (Parker Stewart, Plays 2: Northern Star, Heavenly Bodies, Pentecost [1989], Londres, Methuen Contemporary Dramatists, 2000).
2 Le second gouvernement de partage du pouvoir fut mis en place le 8 mai 2007, soit 33 ans plus tard. Le révérend Ian Paisley, fondateur du Democratic Unionist Party (DUP) ainsi que de la Free Presbyterian Church, fut nommé Premier ministre et Martin McGuinness, ancien dirigeant de l’IRA, membre du Sinn Fein, vice-Premier ministre.
3 Selon les propres termes de l’auteur : “One of the most hopeless moments”. Cité in Marilynn Richtarik, “’Ireland, the continuous past’: Stewart Parker’s Belfast History Plays”, in A Century of Irish Drama, Stephen Watt, Eileen Morgan et Shakir Mustafa (dir.), Bloomington, Indianapolis, Indiana University Press, 2000, p. 269.
4 “The Great Loyalist Insurrection”. Stewart Parker, Plays 2: Northern Star, Heavenly Bodies, Pentecost [1989],Londres, Methuen Contemporary Dramatists, 2000, p. 200.
5 Cf. Henry Patterson, Ireland since 1939, Oxford, Oxford University Press, 2002.
6 Ulster Unionist Party (UUP), Social Democratic and Labour Party (SDLP), et Alliance Party of Northern Ireland (APNI).
7 Gordon Gillepsie, “The Origins of the Ulster Workers Council Strike”, Études irlandaises, vol. 29 n° 1, 2004, pp. 129-144.
8 Ils avaient créé le Ulster Workers Council suite à une grève menée en mars 1973 pour protester contre les internements des loyalistes. James Loughlin, The Ulster Question since 1945, Londres, MacMillan Press, 1998, p. 74.
9 Il démissionna car Merlyn Rees, ministre de l’Irlande du Nord, ne souhaitait pas s’entretenir avec les grévistes.
10 “Peter, use the loaf – protest strike by Loyalist workers, right? Electricity cuts. No petrol supplies. No animal foodstuffs. Barricades all over the city turning back the traffic. Three quarters of all cows are Protestant. What chance has the milk got?” Stewart Parker, Plays 2: Northern Star, Heavenly Bodies, Pentecost [1989], Londres, Methuen Contemporary Dramatists, 2000, p. 198.
11 The night of Sunday, 19 May. The kitchen and scullery are dark and deserted. The sound of half a dozen drunken youths running up the back entry, shouting and whistling, is heard from off. A beer bottle sails over the yard wall and smashes harmlessly on the floor of the yard. Then silence returns. Until the front door can be heard opening and two slightly drunk men (Lenny and Peter) coming into the hall. (Stewart Parker, Plays 2: Northern Star, Heavenly Bodies, Pentecost [1989], Londres, Methuen Contemporary Dramatists, 2000, p. 196).
12 “I want no truck with any of you, stay you with your own and let me rest easy with mine.” (Stewart Parker, Plays 2: Northern Star, Heavenly Bodies, Pentecost [1989], Londres, Methuen Contemporary Dramatists, 2000, p. 181).
13 “Lenny’s trombone continues for a while upstairs. There is a sudden hammering from outside the backyard door. Marian’s voice is heard shouting “Lenny! Lenny! Hello! Down here! Open up!” / The trombone music stops and Lenny is heard thundering down the stairs: he appears, rushing in from the hall carrying a torch, and continues straight through the kitchen to the scullery door, which he unlocks and opens; and thence down the yard to the yard door which he unbolts and flings back – to reveal Marian, in the light of the torch, mud-spattered with her coat ripped, and scratch marks on her face. [… ]. / Lenny: Are you hurt bad? / Marian: Scratched a bit, but not as much as my car is. / Lenny: You found it? / Marian: It’s the centrepiece of the barricade at the entrance of the estate up there. […] It was all women – shrieking and squealing and scrabbing at me […]. (Stewart Parker,Plays 2: Northern Star, Heavenly Bodies, Pentecost [1989], Londres, Methuen Contemporary Dramatists, 2000, pp. 222-223).
14 “Nothing to keep me here now. Apart from three hundred-odd barricades, and thousands of hooded men with clubs”. (Stewart Parker,Plays 2: Northern Star, Heavenly Bodies, Pentecost [1989], Londres, Methuen Contemporary Dramatists, 2000, p. 202).
15 “Queen Victoria’s Diamond Jubilee, the wedding of Queen Mary, the Coronation of Lizzie the Second, 1953 – that must be the most modern item in the house. Most of the furniture’s Edwardian, there’s a Regency dressing table upstairs that must have come down through her grand-parents.” (Stewart Parker, Plays 2: Northern Star, Heavenly Bodies, Pentecost [1989], Londres, Methuen Contemporary Dramatists, 2000, p. 175).
16 “You’ve been besieged all that time.” (Stewart Parker, Plays 2: Northern Star, Heavenly Bodies, Pentecost [1989], Londres, Methuen Contemporary Dramatists, 2000, p. 204).
17 “When the Irish say ‘the past’, they’re gesturing back at least three hundred years to Cromwell and King Billy, and often beyond…. Grow up in Northern Ireland today, and your every step is dogged by whichever of the two camps you were born into. You can surrender to it, react against it, run away from it…you can’t ignore it. The past is alive and well and killing people in Belfast.” Marilynn Richtarik,“’Ireland, the continuous past’: Stewart Parker’s Belfast History Plays”, in A Century of Irish Drama, Stephen Watt, Eileen Morgan et Shakir Mustafa (dir.), Bloomington, Indianapolis, Indiana University Press, 2000, p. 256.
18 Discours dans lequel il condamnait les protestants nord-irlandais.
19 “Paisleyite voice”(Stewart Parker, Plays 2: Northern Star, Heavenly Bodies, Pentecost [1989], Londres, Methuen Contemporary Dramatists, 2000, p. 201).
20 Jonathan Bardon, A History of Ulster, Belfast, The Blackstaff Press, 2001, p. 711.
21 “Marian: What’s this? /Lenny: That’s old. So. What do you reckon?/ Marian: There’s a cup sitting here with milk in it and sugar in it. Christ. / Lenny: I told you. I haven’t touched a thing./ Marian: She must have brewed this up just before it happened. / Lenny: No such thing. / Marian: She never got a chance to pour it out. / Lenny: The ambulancemen, is all it would have been. / Marian: It’s stone cold. / Lenny: The ambulancemen at the door, is all it possibly could have been. / Marian turns her attention on him for the first time. / Marian: I see. They prepared a nice pot of tea, prior to removing the corpse. / Lenny: She walked out of here, in her Sunday hat and coat and best handbag, is what I’m saying, under her own steam, into the ambulance, it was in the hospital she died…” (Stewart Parker, Plays 2: Northern Star, Heavenly Bodies, Pentecost [1989], Londres, Methuen Contemporary Dramatists, 2000, p. 172).
22 “Lenny: The house is yours as stated, terms agreed. In return for a divorce. / Marian: We are divorced, as good as. / Lenny: I’m talking about your signature on a petition. / Marian: What difference does it make? / Lenny: It makes it official, it makes it binding, it makes it definite.” (Stewart Parker, Plays 2: Northern Star, Heavenly Bodies, Pentecost [1989], Londres, Methuen Contemporary Dramatists, 2000, p. 178).
23 “Marian: […] I had a child once./ Lenny: No. Marian… / Marian: I called him Christopher. Because he was a kind of Christ to me, he brought love with him… the truth and the life. He was a future. Until one day I found him dead. I thought like you for a long time. He chose death in the cot rather than life in this town, in these times, it was their fault, they had done it to me […]” (Stewart Parker, Plays 2: Northern Star, Heavenly Bodies, Pentecost [1989], Londres, Methuen Contemporary Dramatists, 2000, p. 244).
24 “Christopher would have been five in August. Starting school. If he hadn’t gone. Left me. Given up the ghost in me. My own soul, left for dead.” (Stewart Parker, Plays 2: Northern Star, Heavenly Bodies, Pentecost [1989], Londres, Methuen Contemporary Dramatists, 2000, p. 212).
25 On peut ici noter un nouveau renvoi à l’épisode biblique de Babel.
26 “Marian: Which reality did you have in mind? / Lenny: Your own, Marian, your own reality, you’ve been talking to yourself, you’ve been counting spoons, you’ve been babbling in tongues in the middle of the night.” (Stewart Parker, Plays 2: Northern Star, Heavenly Bodies, Pentecost [1989], Londres, Methuen, Contemporary Dramatists, 2000, p. 226).
27 “Marian: What about the life of your baby? Lily: My baby was strong … he was well happed-up… / Marian: You abandoned him. / […] Marian: You and Alan Ferris. On the front parlour sofa. He’d no inkling of that? / Lily: Oh, sweet God in heaven forgive me. / Marian: Alfie was impotent, wasn’t he. […] / Lily: I sinned against my own flesh in lust and fornication, I had to desert my own baby, nobody ever knew only the Lord and His eye was on me all right, burning into the very soul of me, He alone was witness to the torment I’ve suffered every living hour in this house where the very walls and doors cry out against me, there was never anybody to tell the knife that went through me a dozen times a day, minding how I left my child, walking away from him, leaving him bundled up there in that wooden box, nobody to help me, only me there in this house, gnawing and tearing away at my own heart and lights, day in day out…until I was all consumed by my own wickedness, on the inside, nothing left but the shell of me, for appearance’s sake…” (Stewart Parker, Plays 2: Northern Star, Heavenly Bodies, Pentecost [1989], Londres, Methuen Contemporary Dramatists, 2000, pp. 230-231).
28 “The Resurrection broke the iron connection between the past and the future and Pentecost brought joy beyond sorrow and beauty beyond horror.” John Dunlop, A Precarious Belonging, Presbyterians and the Conflict in Ireland, Belfast, the Blackstaff Press, 1995, p. 132.
29 Actes 2, verset 1. Traduction œcuménique de la Bible. Textes traduits sur les textes originaux hébreu et grec. Paris, Alliance Biblique Universelle, 1988.
30 Anne-Marie Pelletier, Lectures bibliques, aux sources de la culture occidentale, Paris, Éditions du Cerf, 1973, p. 317.
31 Image évoquée par Jérôme Hankins, Pentecôte, Paris, Éditions Théâtrales, SACD, 1996, p. 82.
Bibliographie
Corpus
Version originale
Parker Stewart, Plays 2: Northern Star, Heavenly Bodies, Pentecost [1989], Londres, Methuen Contemporary Dramatists, 2000
Traduction
Hankins Jérôme. Pentecôte, trad. de Parker Stewart, Plays 2: Northern Star, Heavenly Bodies, Pentecost, 1989, , Methuen Contemporary Dramatists,2000), Paris, Éditions Théâtrales, 1996, SACD
Ouvrages cités
Bardon Jonathan, A History of Ulster, Belfast, The Blackstaff Press, 2001
Dunlop John, A Precarious Belonging, Presbyterians and the Conflict in Ireland, Belfast, the Blackstaff Press, 1995
Gillespie Gordon, “The Origins of the Ulster Workers Council Strike”, Études irlandaises, vol. 29 n° 1, 2004
Loughlin James, The Ulster Question since 1945, Londres, MacMillan Press, 1998
Patterson Henry, Ireland since 1939, Oxford, Oxford University Press, 2002
Pelletier Anne-Marie, Lectures bibliques, aux sources de la culture occidentale, Paris, Éditions du Cerf, 1973
Marilynn, “ ‘Ireland, the continuous past’: Stewart ’s Belfast History Plays”, in A Century of Irish Drama, Stephen Watt, Eileen Morgan et Shakir Mustafa (dir.), Bloomington, Indianapolis, Indiana University Press, 2000
Traduction œcuménique de la Bible, Textes traduits sur les textes originaux hébreu et grec, Paris, Alliance Biblique Universelle, 1988
Pour citer cet article
Virginie Privas-Bréauté, « Une lueur d’espoir au cœur des Troubles nord-irlandais : Pentecost de Stewart Parker », paru dans Loxias, Loxias 30, mis en ligne le 09 septembre 2010, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/index.html?id=6401.
Auteurs
Virginie Privas-Bréauté est professeure certifiée en anglais et enseigne à l’université Jean Moulin – Lyon 3 depuis 2002. En 2007, elle a soutenu un doctorat de troisième cycle dont le sujet explorait le rôle de la religion dans le conflit nord-irlandais filtré par deux dramaturges belfastois, Anne Devlin et Stewart Parker. Après avoir rédigé de nombreux articles sur la vision dramaturgique et la création d’une identité nord-irlandaise par des artistes ulstériens contemporains (« Stewart Parker (1941-1988) et Anne Devlin (1951-) : Porte-parole d’une génération en péril », in Discours sur l’autre, discours sur soi. Constructions identitaires face à l’altérité. Flore Kimmel & Thomas Meszaros (dir.). Lyon : Publications de l’Université Jean Moulin-Lyon 3, 2007, pp. 73-89.), ses recherches se tournent désormais vers la re-définition de l’identité théâtrale en Irlande du Nord (“Monological Drama to re-define a Northern Irish Identity : A Night in November by Marie Jones”, in Estudios Irlandeses n°5, mars 2010) et plus particulièrement sur les emprunts brechtiens par les dramaturges nord-irlandais.