XVIe siècle dans Loxias


Articles


Loxias | Loxias 4 (mars 2004) | Identité générique: le dialogue

Le dialogue théorisé au XVIe siècle : émergence d’un genre entre dialectique et littérature

Il serait faux de dire que le dialogue naît à la Renaissance : le dialogue semble naître avec Platon, forme et fond. D’autre part, il ne cesse de ressurgir, servant à exposer les positions d’orateurs philosophes, de rhéteurs subversifs, des Pères de l’Eglise puis de certains philosophes du Moyen Âge. Pourtant, au début du XVe siècle, il est perçu comme un genre éminemment « renaissant », porteur de toutes les valeurs que l’humanisme exalte, utilisé avec ce même enthousiasme par les humanistes de tous les pays d’Europe. En France, c’est entre 1550 et 1570 surtout que le dialogue fleurit. Cependant, en tant que genre, le dialogue n’a fait l’objet, dans l’Antiquité, d’aucun ouvrage théorique particulier. Il n’est pas absent des spéculations critiques, mais c’est au XVIe siècle que le dialogue émerge peu à peu comme genre autonome.

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Loxias | Loxias 11 | Littérature française

L’Heptaméron ou la médiation narrative

La critique a toujours souligné l’ambivalence de L’Heptaméron. On a opposé d’abord l’inspiration profane et licencieuse aux préoccupations religieuses de Marguerite de Navarre ; on a plus récemment analysé les procédés d’une écriture éclatée, aux voix plurielles et divergentes, révélant des incompatibilités idéologiques. Ou bien, on essaie de trouver un compromis : puisque Marguerite donne des exemples à la méditation personnelle, elle parvient à concilier divertissement mondain et édification morale. Mais trop souvent, cette conciliation laisse l’œuvre dans un statut instable, et la renvoie à son éternelle ambiguïté.

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Loxias | Loxias 12 | I.

Le récit comme acte dans les tragédies bibliques du XVIe siècle

A travers un corpus de tragédies d’inspiration biblique (notamment : Jephté de Claude de Vesel, Les Juifves de Garnier, La Famine de La Taille, Pharaon de Chantelouve et La tragédie du sac de Cabrières, restée anonyme), il s’agit d’envisager la double singularité du récit de catastrophe : d’une part, situant hors scène le dénouement, il produit le paradoxe d’un discours qui prend le relais du spectacle, mais impose une rhétorique de l’évidence qui est un véritable substitut de l’action : plus que la scène, ce sont les effets presque hallucinatoires des images vives qui instaurent une terreur et une fascination médiates (quelqu’un parle) et immédiates (cette parole fait voir). D’autre part, ces récits finaux tendent à modifier la place du spectateur qui devient alors, à l’instar des personnages, le témoin direct de la scène évoquée. Alors la scène et le public se rassemblent en un cérémonial quasi-religieux autour de l’acte présent et absent du récit.

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Loxias | Loxias 15 | I. | Marot: réédition du colloque de Nice 1996 et autres articles

Le rire de l’Adolescence

L’Adolescence clémentine se présente comme une œuvre de gaieté, d'une gaieté sereine, où le rire a sa place. Mais de quel rire s'agit-il ? Et d'autre part, que signifie ce rire ?

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Loxias | Loxias 23 | Programmes de littérature des concours 2009

Les carnets de terrain de Jean de Léry : littérature et ethnographie réflexive dans l’Histoire d’un voyage en terre de Brésil

La réaction de Lévi-Strauss est désormais célèbre : après avoir affirmé qu’il s’agit du « premier modèle d’une monographie d’ethnologue » et, dans Tristes Tropiques, que le texte de Léry est le « bréviaire de l’ethnologue », il ajoute : « Le livre est un enchantement. C’est de la littérature. Qu’on laisse l’ethnologie aux ethnologues et que le public lise l’Histoire d’un voyage faict en terre du Bresil comme une grande œuvre littéraire. Et aussi comme un extraordinaire roman d’aventures. » Littérature ou ethnographie ? Littérature et ethnographie ? De quels attraits littéraires le Voyage fait-il preuve ? Car s’il a fait date dans l’histoire de l’étude des peuples étrangers, c’est aussi que son mode d’approche précède de très loin l’arsenal de protocoles et d’obligations que les anthropologues ont mis beaucoup plus longtemps pour établir, afin de codifier leur pratique comme une science ; il adopte spontanément ce que l’on désigne aujourd’hui du terme d’ethnologie réflexive, de celle qui ne fait pas abstraction des conditionnements de son auteur. Du reste, il n’est pas non plus le seul de son époque à avoir procédé de la sorte, comme Hans Staden.

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Le sujet à la marge : pratique de l’inhumanité chez Jean de Léry

Au-delà de l’intérêt historique de la découverte de l’Amérique, les récits des voyageurs de la Renaissance peuvent fonctionner comme des axes de renversement par lesquels les prétentions à un savoir « neutre » et reposant sur l’universalité de la raison, se trouvent confrontées à l’image de leur insupportable origine. Quel éclairage peut donner le texte de Léry, sur les limites entre le « respect » des spécificités – et l’aversion pour l’autre – ; la distance d’ « impartialité » – et l’ironie ou le cynisme – ; le « refus d’ingérence » – et la déresponsabilisation – ; les délimitations protectrices pour maintenir des « identités » culturelles ou ethniques – et l’exclusion – ? La différenciation est certes le principe qui régit la démarche d’écriture sur les autres peuples, mais au lieu de créer les conditions d’un échange, de laisser la place à l’autre, pour que soit composé avec lui un nouveau langage, le récit oriente vers l’altérité un effort qui en son terme souvent la récupère et l’annexe au lieu initial. Jean de Léry, devenu pasteur, fournit l’archéologie d’un regard prétendument rationnel et profondément cruel. C’est cette inhumanité fondamentale et dérangeante, au regard d’une interprétation religieuse, que nous voudrions interroger ici.

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Loxias | Loxias 31. | I. | Montaigne: livre I des Essais

Montaigne et les prières : sur le chapitre 56 du premier livre des Essais

Ce chapitre 56, intitulé « Des Prières », est l’avant-dernier du premier livre des Essais. Il traite d’un sujet important : la religion. Généralement, lorsqu’on parle de religion ou de croyance dans les Essais, on examine plutôt, non sans raison, le chapitre 12 du livre II, « Apologie de Raymond Sebon ». Mais, outre que le programme d’Agrégation ne retient cette année que le livre I, ce chapitre 56 évoque un aspect particulier de la vie religieuse : ses pratiques, et notamment celle de Montaigne lui-même, ce qui ne revient pas toujours au même que de traiter des croyances et des idées.

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Le pourceau de Pyrrhon et le cardinal Borromée. De la douleur, à partir de l’Essai I, 14

L’Essai I, 14 « Que le goust des biens et des maux depend en bonne partie de l’opinion que nous en avons » est consacré à trois thèmes qu’il annonce : douleur, mort, argent, et qu’il traite dans un ordre différent : mort, douleur, argent. Je n’aborderai ici que le second, la douleur, comprise dans ses aspects corporels et non psychiques (excluons les deuils et souffrances affectives).

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De quelques effets de deixis dans le livre I des Essais

“C’est un exercice périlleux de prétendre s’intéresser à l’écriture des Essais. Il est bien connu que Montaigne a découragé d’avance les meilleures volontés du monde : Je sçay bien [dit-il] quand j’oy quelqu’un qui s’arreste au langage des Essais, que j’aimeroye mieux qu’il s’en teust. (40, p. 251) Peut-être ferais-je donc mieux de ne pas m’aventurer dans cette voie interdite. Pourtant, au risque de « déprimer le sens » des Essais, je m’attacherai à l’une des caractéristiques les plus frappantes de l’écriture de l’œuvre, celle qui consiste ...”

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Les Grands Hommes dans le livre I des Essais

Qu’est-ce qu’un grand homme ? Cet article analyse le modèle des « grands hommes » dont la tradition remonte à l’Antiquité et à l’usage des exempla. Le Livre I dessine une conception de ces figures, qui pourra être différente dans la suite des Essais, et qui repose sur des qualités emblématiques parfois définies par défaut.

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Loxias | Loxias 34 | Doctoriales VIII

Rabelais poète : prose et vers dans les « romans » rabelaisiens

Dans les « romans » de Rabelais, vers et prose se confondent, si bien que G. Steiner a qualifié de « prose poétique » l’œuvre de Rabelais, ainsi l’écriture rabelaisienne peut être caractérisée comme une écriture de l’entre-deux, de l’entr’ouvert. La poésie dans l’œuvre de Rabelais n’a jamais été traitée pour elle-même par la critique. Ainsi, il reste à faire le point sur le domaine, car s’il existe un aspect des « romans » rabelaisiens fort peu exploré, c’est bien celui-ci : la question de la poésie. Nous verrons que la poésie dans les « romans » de Rabelais se donne à lire à deux niveaux : 1) formel, car la poésie est une forme définie par les règles de versification ; 2) sémantique, car la poésie est un langage doté d’un sens par l’intermédiaire de l’allégorie et du symbole.

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Loxias | Loxias 43. | I. Questions de Littérature comparée à l'agrégation de Lettres modernes

Retour de flamme dans Lysistrata d’Aristophane et As You Like It de Shakespeare, ou la parade comique

Dans Lysistrata d’Aristophane et As You Like It de Shakespeare, la haine, l’envie, la guerre menacent la cité grecque ou la cour ducale, les liens conjugaux, fraternels, la vie même. Or cette flamme destructrice se retourne contre l’incendiaire et le brûle. Ce retour de flamme n’est en aucun cas le résultat d’une vengeance, mais tient à la nature propre du feu guerrier. Les deux comédies développent chacune à sa manière une « parade », au double sens de cortège et de riposte, contre l’incendie, en commençant par une révélation, ou initiation, à la nature versatile du feu, entre haine et désir, peur et admiration.

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Thalie au miroir : héroïsme féminin et métathéâtralité

Cet article fait l’hypothèse d’une métathéâtralité spécifique à la comédie dans laquelle la question du genre revêt une importance significative. Induite par les conditions concrètes de la représentation sur la scène antique et élisabéthaine où les rôles féminins sont joués par des hommes, la part de jeu inhérente à la comédie interfère avec le topos du théâtre du monde, dont les incidences sur la métathéâtralité ont été soulignées d’emblée par l’inventeur de la notion de métathéâtre. Lorsque des protagonistes féminins occupent le devant de la scène, l’interrogation sur le jeu de l’acteur semble l’emporter sur la lecture métaphysique de la métaphore qui privilégie les fonctions de l’auteur et du spectateur, confondues en Dieu dans la lecture chrétienne du topos. Sous le signe du féminin, la comédie semble plutôt interroger les rôles sociaux et remettre en question la naturalité du genre.

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Loxias | 62. | I.

Pierre Gringore dans et hors de Notre-Dame de Paris

Dans Notre-Dame de Paris, Victor Hugo fait découvrir la fin du Moyen Âge à ses lecteurs. C’est en 1482, dernière année de règne de Louis XI, qu’ont lieu les aventures de la Esmeralda, de Quasimodo, mais aussi de Pierre Gringoire. Dans cette atmosphère de mutation historique et politique qui fait écho à celle des années 1830, Gringoire est le seul des protagonistes principaux à avoir un alter ego clairement identifiable dans la réalité. Pour créer ce poète ridicule mais talentueux, pauvre mais prétentieux, lâche mais ingénieux, Victor Hugo s’inspire librement de Pierre Gringore. Également actif durant une période de transition, entre Moyen Âge et Renaissance, il a de nombreux points communs avec son homologue fictionnel. Ainsi, le fait de s’intéresser aux activités, à la vie et aux textes du poète Gringore permet d’enrichir l’analyse du personnage Gringoire, analyse qui nourrit à son tour l’étude de l’œuvre du poète authentique. In « Notre-Dame de Paris », Victor Hugo helps his readers discover the end of the Middle Ages. In 1482, during the last year of Louis XI’s reign, la Esmeralda’s and Quasimodo’s adventures take place, but also those of Pierre Gringoire. In this atmosphere of historical and political changes – echoing that of the 1830s, Gringoire is the only one among the main characters, to have an alter ego, clearly identified in real life. To create this ridiculous but talented poet, poor but pretentious, coward but inventive, Victor Hugo freely drew his inspiration from Pierre Gringore. Active during a transition period, between the Middle Ages and the Renaissance, Pierre Gringore has a lot in common with his fictional double, so that the poet’s activities, life and literary works provide as much information on the character’s as the character does on the analysis of the author’s work.

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Loxias | 67. | I. | Agrégation de Lettres

La condamnation de la navigation dans La Troade de Garnier : devenir d'un motif original de la poésie augustéenne

Nous montrons ici comment Garnier reprend le motif de la condamnation de la navigation élaboré par les poètes augustéens dans son chœur final de l’Acte III de La Troade. L’originalité de Garnier est d’intégrer au genre tragique et au cycle troyen des éléments étrangers : le motif de la cupidité des marins, la déploration de la première navigation et les métaphores élégiaques du feu et de la navigation amoureuse.

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Loxias | 71. | I.

François Ier dans L’Heptaméron : remarques sur les nouvelles 17, 25, 42 et 63

Par petites touches, Marguerite de Navarre contribue dans son Heptaméron à l’édification de l’image du roi François Ier, son frère bien aimé. Oisille témoigne de l’attitude hardie et généreuse du roi à l’égard d’un gentilhomme allemand (N17). Trois autres nouvelles, contées respectivement par Longarine, Parlamente et Dagoucin (N25, 42 et 63), relatent de façon plus discrète les aventures amoureuses de François Ier, dès son plus jeune âge. Dans ces récits et les débats qui les suivent, nous verrons que la figure du prince et du roi conserve une part d’ombre irréductible sous la plume de sa sœur, qui pourtant le « cognoissoit comme son propre cueur ». Marguerite of Navarre plays a part in her Heptameron in creating with small touches the image of King Francis I, her beloved brother. Oisille bears witness to the bold and generous attitude of the king towards a German nobleman (N17). Three other short stories told respectively by Longarine, Parlamente and Dagoucin (N25, 42 and 63), recount in a more discreet manner the amorous adventures of Francis I from a very young age. In these accounts and the debates that follow, we will see that the figure of the prince and the king nevertheless remains partly secret under the pen of his sister, although she “knew him like her own heart”.

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Loxias | 73. | I. | 2.

(Re)mise en scène d’une pièce sortie du répertoire : une aventure créative

Le travail proposé constitue une proposition de remise en scène d’un texte ancien : L’Histoire et Tragedie du Mauvais Riche, mené dans le cadre d’un séminaire de Dramaturgies et Mises en scène / Littérature et Théâtre codirigé par Mesdames Brigitte Joinnault et Stéphanie Le Briz. Le projet initié par Laure Sauret s’appuie sur la volonté de contribuer à réparer l’injustice de l’oubli des pratiques théâtrales du Moyen Âge en proposant une adaptation du texte en extérieur, dans un espace public emblématique de sa ville de résidence : la Place Masséna à Nice. Elle a souhaité prolonger l’exposition de vies parallèles présente dans le texte original par l’expérimentation d’une esthétique de montage. La présentation écrite du projet développe les différentes phases de ce processus créatif, qui passe par une déconstruction du texte, des enjeux et des personnages durant le travail de répétition, pour aller vers une recomposition au plus près de la version initiale du texte lors de la représentation de celui-ci. L’espace scénique est abordé comme un terrain de jeu pour les acteurs : alors qu’ils n’ont pas de rôles fixes et qu’ils jouent à la répétition des fragments de la pièce, les acteurs ont finalement pour objectif de dérouler l’ensemble de la fable dans l’ordre chronologique. Le spectacle propose une version permettant d’en voir tout ou partie sans perte de sens. Enfin, cette proposition de remise en scène met en jeu une dimension d’esthétique plastique faisant écho à certaines pratiques scéniques du Moyen Âge, en proposant la réalisation d’une fresque chronologique en direct, retraçant l’ensemble des micro-histoires proposées dans la pièce. This paper deals with a proposition to re-stage a medieval play: L’Histoire et Tragedie du Mauvais Riche. This proposal has been conceived after a Dramaturgy and Staging / Literature and Theatre seminar codirected by Mrs Brigitte Joinnault and Mrs Stéphanie Le Briz. The project initiated by Laure Sauret is based on the will to contribute to redress the injustice of forgetting Middle Ages’ theatrical practices. As a result, an outdoor adaptation of the text has been proposed, in an emblematic public space of the city where she lives: the “Place Masséna” in Nice. She wished to extend the exhibition of parallel lives present in the original text, by approaching it through a montage aesthetic. The paper develops different phases of this creative process which goes through a deconstruction of the text, of the issues and the characters during the repetitions. This process aims at going towards a re-composition – to the closest – of the initial version of the text for its representation. The performance proposes a version that allows to see all or part of the play, without any loss of meaning. At last, this re-staging proposal offers an iconographic dimension which echoes Middle Ages performances by proposing the realization of a chronological fresco, live, that retraces all the micro-stories offered in the play.

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Loxias | 79. | I.

« Des choses aussi bigerres et prodigieuses » : usages et fonctions des binômes dans l’Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil de Jean de Léry (1580)

À la Renaissance encore, les binômes synonymiques - attelages de deux mots de sens proche – sont l’une des « tendances stylistiques » de la prose narrative. L’Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil de Jean de Léry en contient un nombre important, que le présent article s’attachera à relever et analyser aux plans syntaxique (quelles sont les catégories grammaticales les plus utilisées ?) et sémantique (quelle relation les termes coordonnés entretiennent-ils l’un envers l’autre ?), avant d’en étudier certains usages stylistiques, rhétoriques ou narratifs. Synonymic binomials - coordinating two words with similar meanings - are one of the "stylistic trends" of Renaissance’s narrative prose. Jean de Léry’s Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil contains a large number of them. This paper aims at identifying and analysing them from a syntactic (what are the most used grammatical categories?) and semantical point of view (what are the relations between the coordinated terms?). Then it will study certain stylistic, rhetorical and narrative uses.

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Loxias | 80. | I.

Déjouer le blackface au théâtre pour mieux dé-penser la race

Exhiber la race de l’Autre en jouant sur la couleur de peau est une pratique issue de la pensée coloniale et penser la race en termes d’apparence et de face barbouillée, c’est penser une hiérarchie chromatique. Dans la logique coloniale, le Blanc peut s’amuser pour rire à s’abaisser au Noir et foncer sa peau, mais le Noir ne saurait se hisser jusqu’au Blanc. Aussi même si le charbonnage de la face ne relève pas de la dérision, voire d’intentions racistes, reste-t-il perçu comme un geste réducteur et offensant qu’il s’agisse de « la comédie du barbouillé » à la française ou du blackface né aux Amériques. Le geste demeure un héritage colonial. Le Blanc peut jouer au Noir, mais, à ses yeux, il est impensable que le Noir puisse passer pour un Blanc. Ce qui a bien sûr des répercussions sur les modèles de représentation, notamment dans le monde du spectacle. C’est pourquoi il est nécessaire de déjouer et dé-jouer les gestes de blackface et d’apprendre à dé-penser la race au théâtre, d’en épuiser les imageries, d’en ruiner les fondements, d’en débusquer les stéréotypes. Dé-penser la race, c’est vider l’abcès de cet inconscient collectif colonial qui fermente encore dans les imaginaires, et penser le théâtre autrement. Nous reviendrons ainsi sur les controverses liées au blackface qui ont récemment agité la scène contemporaine en passant par l’histoire du grimage racial et par les enjeux politiques qui lui sont intimement attachés. Exhibiting the race of the Other playing with skin color is a colonial practice and thinking of race in terms of appearance and black-up imply a chromatic hierarchy. According to the colonial logic, the white man can have a good time lowering himself to play black in jest and darken his skin, but the black man cannot become white. Even if the blacking up process does not rely on derision, or even on a racist intention, it remains a reductive and offensive gesture whether it is the French « comédie du barbouillé » or the American blackface tradition. This practice is still inherited from colonialism. The white man can play black but, to him, it is unthinkable for the black man to play white. All this has had consequences on our models of representations, in particular in the living arts. It is the reason why it is necessary to foil and deconstruct the blackface practice and to learn how to un-think race in the theatre, to unpack its imagery, to destroy its foundations, to find stereotypes. Un-think race means to drain the abscess of this colonial, collective unconscious which is still festering in our imagination, and to think about theatre differently. We will come back to the controversies related to blackface which recently sparked a debate on the contemporary stage as well as explore the history of the blackface addressing its political dimension.

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Le blackface ou la saturation sémiotique du corps noir dans les mises en scène d’Othello de Shakespeare

La représentation du corps noir fait l’objet de nombreuses investigations, notamment la pratique culturelle du blackface qui permet à l’acteur blanc de subir une transformation raciale pour incarner un personnage afro-descendant. Dans quelle mesure le blackface est-il une pratique négrophobe qui repose sur la saturation sémiotique du corps noir sur la scène de théâtre ? Par « saturation sémiotique », j’entends la façon dont le corps noir est chargé de symbolique à connotation négative. Nous étudierons cette question dans les mises en scène d’Othello de Shakespeare en remontant aux pratiques théâtrales de la première modernité anglaise et en les mettant en résonnance avec le théâtre contemporain. La déconstruction du blackface permet de l’identifier comme une pratique à la longue tradition théâtrale dont la connotation négative ne fait aucun doute, du théâtre religieux médiéval au théâtre anglais de la première modernité et jusqu’aux spectacles des ménestrels raciaux américains. Le blackface est à l’origine d’une esthétique raciale qui mobilise l’acteur et le spectateur et leur fait vivre une expérience scopique qui leur donne un pouvoir de définition de la représentation de l’identité raciale sur la scène de théâtre. C’est enfin une pratique polémique qui ne fait toujours pas consensus aujourd’hui et qui fait l’objet d’interprétations parfois contradictoires, notamment si l’on oppose l’intention du metteur en scène à l’impact de la mise en scène. The representation of the black body has been widely studied, for instance through the cultural practice of blackface which enables the white actor to undergo a racial transformation to embody a character of African descent. To what extent is blackface a negrophobic practice which relies on the semiotic saturation of the black body on stage? With the phrase « semiotic saturation », I mean the way the black body is loaded with a negative symbolic. We will analyse this issue by going back to early modern English theatrical practices and by creating a dialogue between them and contemporary theatre. The deconstruction of blackface leads us to identify it as a practice with a long theatrical history the negative connotation of which leaves no room for doubt – from the religious medieval drama to the early modern English drama and to the American racial minstrel shows. Blackface is the source of a racial aesthetics that involves the actor and the spectator making them experience a scopic performance which gives them a power of definition of the representation of racial identity on stage. Eventually, it is a polemical practice that is still controversial today, for instance if we oppose the director’s intention and the impact of performance.

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