anthropologie dans Loxias


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Loxias | Loxias 24 | Pour une archéologie de la théorisation des effets littéraires des rapports de domination

« Like Rum in the Punch » : le New Negro et la culture américaine

La parution de l’anthologie du New Negro marque, en 1925, l’avènement de nouvelles générations d’artistes, d’écrivains et de penseurs sur la scène culturelle et intellectuelle des Etats-Unis. Mouvement interracial et interculturel, puisque ses auteurs sont noirs et blancs, américains, antillais et européens, le New Negro est également polyphonique et rassemble des textes et des œuvres de création aussi bien que des essais critiques, sociologiques, anthropologiques, historiques, pour remettre en perspective et en question les rapports de domination auxquels on a soumis le monde noir. Il s’ensuit une indéniable tension de l’identité culturelle entre d’une part, l’affirmation d’une singularité et, d’autre part, la revendication d’une intégration pleine et entière à la société américaine. Vouées à réfléchir et à s’opposer aux représentations et aux relations sociales dominantes, la littérature et la critique africaines-américaines se développent au cœur de cette tension et cherchent alors à défendre une nouvelle logique, celle du don, pour penser la construction culturelle. The publication, in 1925, of The New Negro anthology, edited par Alain Locke, marks the rising of new generations of artists, writers and thinkers on the cultural and intellectual scenes of the United States and the western world. An interracial and intercultural movement, The New Negro brings together black and white, American, Caribbean and European authors of literary pieces, but also of critical essays on arts and literature or in sociology, history and anthropology. It questions in different perspectives the domination exerted upon the black world, and reveals a contradictory cultural identity, torn between the need to affirm one’s singularity and the claim to a fully integration in American society. Bound to reflect and oppose the dominating social relations and representations, African American literature and critical thought flourish within that tension and emphasize a new social logic – the spirit of the gift – to think about cultural making-up.   

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Loxias | Loxias 25 | Littératures du Pacifique

« L’ombre d’un grand oiseau me passe sur la face ». Le Baiser de la mangue d’Albert Wendt : lecture anthropologique

« Le Baiser de la Mangue : lecture anthropologique », est une traduction-adaptation de Samoan anthropology’s coming of age in Albert Wendt’s The Mango’s Kiss, cours de Serge Dunis sur le site doctoral de l’UPF (http://www.espadon.pf ). Le rôle principal du roman, tenu par Pele, y est cerné. Aussi irrépressible qu’une coulée de lave de la déesse éponyme du volcan, Pele met à nu les forces que déclenche l’entrée de son île natale dans la mondialisation. Or il s’agit de Savai’i, point de départ du peuplement pré-européen de la Polynésie orientale, creuset du Grand Océan. C’est à deux ans, en 1882, que Pele découvre le pouvoir d’attraction du monde extérieur par l’entremise d’une mangue fraîche pressée contre sa joue. Le succès en affaires l’attend. Pele a 20 ans lorsque Samoa devient colonie allemande en 1900. Elle survit à l’épidémie de grippe espagnole qui dévaste l’archipel et tire avantage du mandat que la Société des Nations confie aux Néo-Zélandais en 1920 pour parachever sa propre conquête économique des îles. Fidèle à la frégate, son oiseau totémique (d’où l’exergue persienne) et à l’union sacrée entre frère et sœur, feagaiga, Pele venge, en Nouvelle-Zélande, l’assassinat de son frère devenu truand. Dans la lignée de Dickens, Melville et Camus, Wendt transcende les chocs culturels pour dévoiler l’envers et l’endroit de la nature humaine.    In “Samoan anthropology’s coming of age”, Serge Dunis traces the deus ex machina role played by Pele, heroine of Albert Wendt’s novel The Mango’s Kiss. Pele, fully a match for the eponymous Polynesian volcano goddess, embodies, amongst other things, the irrepressible forces brought to bear upon Samoa in the age of globalism. At the age of two in 1882, Pele gains her first self-awareness of the driving force of the outside world through the startling freshness of a mango. Success in business awaits her. She is 20 when Samoa is declared a German colony in 1900. Pele survives the Spanish influenza epidemic and swoops triumphantly down upon her own island after New Zealand is awarded the League of Nations’ mandate to govern Samoa in 1920. True to her totem the frigatebird and the binding feagaiga special relationship that forever unites brother and sister, she avenges her murdered brother who had become a criminal in New Zealand. In the true lineage of Dickens, Melville and Camus, Wendt transcends cultural conflicts as he brings into focus both the bright and the shadowy sides of human nature.

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Contes des Mers du Sud de Robert Louis Stevenson : une approche littéraire et anthropologique

South Sea Tales de Robert Louis Stevenson est un recueil de récits de genres divers, tous écrits et situés dans les Mers du Sud à la fin du XIXe siècle. Riche d’un véritable savoir anthropologique, l’auteur y pose des questions fondamentales sur la Polynésie. Ici, il interroge le passé, tranchant dans le vif d’une vigoureuse tradition littéraire des Mers du Sud. Mythologue, il entraîne le lecteur à la fois à la source des fantasmes collectifs de l’Occidental, et au cœur des mythes polynésiens. Pour la première fois dans la littérature se tissent, en un palimpseste métis, les récits fondateurs des civilisations occidentale et polynésienne. Là, il examine le présent : ses îles sont le terrain de conflits pour une hégémonie occidentale, et le héros polynésien, loin du cliché du Bon sauvage, y est acculturé, s’est défaussé de son identité indigène. Écrivain postcolonial avant la lettre, Stevenson annonce la décadence de l’impérialisme, dénonce toute exclusion de l’Autre et, relevant avant l’heure la gageure de Genette, donne la parole au « Vendredi » de la fin du XIXe siècle. Là, il se tourne vers l’avenir : que sera la Polynésie de demain ? Stevenson clame qu’elle ne pourra se bâtir sans la femme polynésienne, mais ne conclut pas, car ses prédictions ne volent pas la parole à l’Autre. Au contraire, précurseur du postmodernisme, l’écrivain s’interroge sur la voix du narrateur, le statut de l’auteur, il questionne la relation entre réel et fiction. Les Mers du Sud deviennent un espace de rencontre où l’Autre est entrevu dans sa diversité, et où de nouvelles littératures, anthropologique, postcoloniale, postmoderne, sont esquissées. Robert Louis Stevenson’s South Sea Tales is a motley collection of stories written and set in Polynesia at the end of the 19th century. Deeply versed in anthropology, the author asks fundamental questions about the region. He revisits the past, hacking away at traditional South Sea literature. As a mythologist, he travels back both to the origins of Western myths of idyllic South Seas, and to the core of Polynesian myths. He interweaves the founding tales of both Western and Polynesian civilisations into a pioneering palimpsest. Stevenson also faces the present: he fiercely denounces the fight for a Western hegemony over the islands, and depicts the islanders’ acculturation. The natives prove to be neither noble nor ignoble savages, but hybrids who have lost touch with their indigenous identities. As a postcolonial writer-to-be, Stevenson proclaims the fall of imperialism and stands up against any kind of ostracising. He hands over to Genette’s « Vendredi », endeavouring to present things from the viewpoint of native islanders at the fin de siècle. The author also wonders about the future of the South Seas. Although he stakes Polynesian women will play a leading role, he provides no clear-cut foresight: typically, he steps back to let the Other have the last word. Instead of prophesising, as a forerunner of postmodernism he questions everything, including the boundaries between reality and fiction, the narrator’s status and the author’s authority. Stevenson’s South Sea Tales are a daring opening up onto Otherness in people and in literature.

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Loxias | 48. | I.

L’identité polynésienne au contact de l’Occident : une étude comparative de la nouvelle « La Bouteille Endiablée » de Robert Louis Stevenson et du roman The Bone People de Keri Hulme

En écrivant « La Bouteille Endiablée », Stevenson dresse le portrait d’une société polynésienne fragilisée, dont les autochtones sont tour à tour attirés par le faste occidental et mus par un désir de conserver leurs coutumes. Cette quête d’harmonie, notamment illustrée par le motif de la construction d’un foyer véritablement accueillant, voit également s’opérer un changement dans la représentation des personnages féminins. Hulme, dans un contexte forcément plus moderne, décrit elle aussi les errements d’une société biculturelle et bouleverse la figure de la femme en littérature. Un intérêt tout particulier sera accordé aux connaissances anthropologiques et mythologiques de Stevenson, qui profite d’un retour aux sources de ses protagonistes pour notamment réhabiliter le principe du don / contre-don. Hulme fait de même en reproduisant le mythe de création maori, depuis Te Kore jusqu’à Te Ao Mārama. Enfin, l’existence même de ces deux œuvres mêlant l’Europe et la Polynésie nous semble témoigner de la possibilité pour la culture occidentale de s’intégrer à la société océanienne. In “The Bottle Imp”, Stevenson describes a vulnerable Polynesian society, its autochthonous population being both enthralled by the opulence of the West and resolute to keep their traditions alive. This quest for stability, which is symbolised by the construction of a welcoming home, also allows female characters to be assigned a more critical role. Hulme, a contemporary author, writes too at length about the turmoil of a bicultural country while revolutionising the traditional depiction of women in literature. Some light will be shed upon Stevenson’s knowledge of anthropology and mythology as he rehabilitates the gift / counter-gift principle when he has his characters return to their roots. As for Hulme, she chooses to repeat the Maori creation myth, from Te Kore to Te Ao Mārama. This will lead us to conclude that both pieces of literature, as hybrids of European and Polynesian cultures, seem to indicate that there is a possibility for the West to be assimilated into the Pacific.

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