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Érika Wicky  : 

La matière picturale comme limite de l’ekphrasis dans les romans sur l’art du XIXe siècle

Résumé

Au XIXe siècle, l’autonomisation des arts visuels et la revendication par les peintres de la matière de leur art ont considérablement modifié les rapports entre littérature et peinture. Alors que la peinture académique exigeait encore des tableaux lisses et transparents, vus comme des fenêtres ouvertes sur le monde, la peinture moderne a commencé à revêtir des épaisseurs, à présenter le relief et les effets de texture par lesquels le tactile envahit le visuel. Les auteurs d’ekphraseis ont alors été confrontés à la question suivante : Comment décrire la matière picturale lorsqu’elle ne représente rien ? L’observation du statut octroyé à la matière picturale dans les romans sur l’art suggère que l’ambition réaliste ait trouvé là sa pierre d’achoppement. Cependant, cette limite a pu être dépassée par une exacerbation de la réflexivité qui a entraîné le déplacement du niveau auquel se situaient les relations entre littérature et peinture. Ainsi, les auteurs ont renoncé à décrire le réel comme s’il s’agissait d’un tableau pour l’envisager plutôt comme le ferait un tableau, traitant leur propre matière en peintres.

Abstract

Painting material as a boundary of ekphrasis in art novels of the 19th century. In the 19th century, an increasing degree of autonomy in the visual arts and the claims laid by painters on the materials used in their artwork fundamentally modified the relationship between painting and literature. While academic painting still called for smooth and transparent paintings that were perceived as an "open window" onto the world, modern painting started to build up extra layers of paint, showing off relief and textural effects - a trend that caused the tactile to invade the visual. Authors of ekphrases were confronted with the following question : how to describe painting material whereas it represents nothing ? The analysis of the status given to painting materials in art novels suggests that it is the Achilles' heel of their ambition for realism. Nevertheless, the boundary could be crossed by intensifying the reflexivity that effectuated a shift in the relationship between painting and literature. Thus, authors gave up trying to describe the reality as if it were a painting and opted to treat it the same way a painter would do it, by handling their own primary materials.

Index

Mots-clés : art , ekphrasis, matière picturale, peinture moderne, réflexivité, roman sur l'art

Texte intégral

Lorsqu’elle résulte de l’appréhension par le langage d’une œuvre picturale, l’ekphrasis constitue un vecteur privilégié pour l’analyse des relations entre littérature et peinture1. Envisagée dans une perspective diachronique, elle nous renseigne sur les transformations qu’ont subies les modalités de la description des images au sein de la tradition littéraire dans laquelle elles s’inscrivent, c’est-à-dire sur les multiples interprétations de l’« Ut pictura poesis »2 qui se sont succédé depuis Horace. Nous proposons ici de saisir l’ekphrasis à un des moments stratégiques de l’évolution des rapports entre littérature et peinture : celui de l’acquisition par la peinture de son autonomie à l’égard de la littérature, au cours de la seconde moitié du XIXe siècle.

Alors que de nombreux peintres cessent de chercher leurs sujets dans le fonds textuel pour les choisir dans le monde qui les entoure, les écrivains d’obédience réaliste, au XIXe siècle, empruntent à la peinture le modèle de leur rapport au visible et encadrent des descriptions qui, souvent, regorgent de références picturales3. L’époque affectionne les romans sur l’art où des personnages d’artistes, notamment des peintres, jouent un rôle d’alter ego permettant à l’écrivain de projeter et de négocier les changements sociaux qui l’affectent, dans son statut et dans sa pratique. Ces romans sur l’art présentent des cas particuliers d’ekphraseis, descriptions autonomes4 relevant a priori de la critique d’art5, qui permettaient aux auteurs d’introduire dans leurs romans sur l’art des questionnements esthétiques partagés par la littérature et la peinture. Ces romans empruntant le plus souvent leurs sujets à la scène artistique contemporaine, les ekphraseis y revêtent la dimension d’un commentaire sur l’art en train de se faire, que le tableau auquel réfère la description ait existé ou non.

Dans ce contexte, on ne peut que s’étonner de ne pas rencontrer de véritables allusions à ce qui nous apparaît rétrospectivement comme une des plus importantes conquêtes de la peinture moderne : l’exploitation du substrat matériel – support et pigments de couleur – qui permet à la représentation d’exister. Cette absence de référence, dans les ekphraseis, à diverses formes de compressions de l’espace et à l’apparition d’épaisseurs de matière portant la trace du travail du peintre, semble approfondir le hiatus entre la pratique picturale et son évocation littéraire et rend d’autant plus manifeste l’inadéquation des deux médiums. Le surgissement du tactile6 apparaît donc être une véritable limite dans un cadre littéraire où les descriptions s’appuyaient sur des éléments exclusivement visuels. En effet, l’ambiguïté des rapports qu’introduisait la peinture moderne entre la représentation et la matière de la représentation semble avoir confronté la littérature à la question suivante : comment décrire la matière lorsqu’elle ne représente rien ?

Traditionnellement, on jugeait que la peinture avait en commun avec la littérature de raconter ou de décrire un lieu ou une scène. Diderot7, en particulier, a présenté de nombreuses ekphraseis sous forme de récits de manière à exploiter le dénominateur commun entre les deux pratiques. Dans la hiérarchie des genres qui s’était instaurée depuis la Renaissance, les tableaux qui impliquaient un récit, c’est-à-dire l’évocation d’une scène religieuse, mythologique ou historique, recevaient la plus grande faveur. On mesurait le talent et l’originalité du peintre à sa capacité de traduire en image le texte dont il s’inspirait. C’est entre autres cette prérogative de pouvoir formuler visuellement un sujet originellement développé dans un récit, qui avait soutenu les peintres réclamant pour leur pratique le statut d’art libéral.

Afin d’affirmer sa capacité visuelle à raconter, la peinture devait obéir à un impératif de transparence qui avait pour résultat de rendre invisible le processus de production de l’image et le travail du peintre. Le topos de la peinture comme fenêtre ouverte sur le monde s’est imposé depuis le célèbre essai d’Alberti De pictura qui, dès 1435, établissait les lois de la mimesis8. Il semblerait, comme le remarque Philippe Hamon9, que cette métaphore de la fenêtre ait continué à nourrir la conception que l’on se faisait de la description dans les romans à visée réaliste au XIXe siècle10. Paradoxalement, les progrès de la science et de la technique devaient encourager le maintien de ce fantasme de transparence. Alors que le mouvement réaliste s’inspirait des techniques descriptives des sciences utilisant le microscope et la lunette, les écrivains invoquaient souvent les instruments optiques dans leur travail descriptif11. La reproduction photographique de tableaux a contribué, dès le milieu du siècle, a répandre des images lisses qui, privées de toute dimension tactile, continuaient à privilégier ce que la peinture avait de purement visuel.

En d’autres termes, selon la conception albertienne de la ressemblance, la peinture devait être essentiellement transitive, à la manière d’un signe linguistique ; le spectateur pouvait alors immédiatement reconnaître la scène représentée comme s’il n’y avait aucune médiation, aucun travail d’élaboration du signifiant. Ce modèle de transparence était d’ailleurs encouragé, dans le contexte de la formation académique, par une valorisation de la peinture «lisse», un mode d’apprentissage resté dominant jusqu’à la fin du XIXe siècle malgré quelques innovations et un changement notable dans les sensibilités. Les tableaux présentant de véritables épaisseurs de matière demeuraient peu nombreux, surtout au Salon officiel. Ce n’est que sous l’impulsion d’un petit nombre d’artistes identifiés au courant naturaliste (réalistes et impressionnistes) que la peinture moderne, qui accueillait l’utilisation de brosses et de spatules, a commencé à revêtir des épaisseurs. Pour la plupart, les nouvelles techniques d’exécution émanaient de la pratique de la peinture en plein air, réalisée sur le motif, qui s’est accompagnée d’une valorisation du travail esquissé et dont la spontanéité répondait au caractère éphémère de la sensation que l’on voulait capter12.

De façon paradoxale, le premier coup porté à la mimesis en peinture aura donc émané d’un courant qui voulait renouveler le rapport au réel et l’aborder plus directement, sans la médiation de l’écrit. Dans le domaine de la littérature, les auteurs d’ekphraseis semblent tout d’abord nier cette réflexivité croissante de la peinture. Ainsi, par exemple, dans L’Œuvre, Zola met dans la bouche de Claude, une remarque tout à fait surprenante : selon le peintre, Courbet ne se serait pas distancié de la tradition classique autrement que par le choix de ses sujets :

Puis, l’autre est venu, un rude ouvrier, le plus vraiment peintre du siècle, et d’un métier absolument classique, ce que pas un de ces crétins n’a senti. Ils ont hurlé, parbleu! Ils ont crié à la profanation, au réalisme, lorsque ce fameux réalisme n’était guère que dans les sujets ; tandis que la vision restait celle des vieux maîtres et que la facture reprenait et continuait les beaux morceaux de nos musées…13.

Pourtant, à de nombreux égards, Courbet a innové dans son traitement de la matière picturale. Des historiens d’art comme Linda Nochlin ont, en effet, insisté sur les épaisseurs de matière que le peintre, un amateur du couteau à palette, exploitait à l’occasion, notamment dans les paysages où sa facture mime littéralement les rugosités naturelles14.

Le cas de Zola est loin d’être unique et, de manière générale, les auteurs confrontés à l’opacité de la peinture continuent à chercher le sens de l’image du côté du représenté. Or, la matière enlève justement à la peinture sa faculté de représenter puisque toute observation attentive finit, lorsqu’il s’agit de peinture, par faire perdre de vue le motif15. La peinture perdrait alors sa signification, entendue comme sa capacité à transcender son propre substrat matériel pour amener à une signification autre. Ainsi, l’auteur de la description doit-il proposer un point de vue adéquat, choisir une distance qui permette de montrer ce qui est représenté sans que la matière ne surgisse, mettant fin à l’illusion.

Le Chef d’œuvre inconnu16 de Balzac présente une réflexion pertinente sur le seuil entre la mimesis absolue et ce que Daniel Arasse appelle « la matière imageante en gestation »17. Balzac y aborde ce moment de l’apparition de la matière lors de la perception d’une œuvre à travers l’évocation de la distance, comme s’il s’inspirait du célèbre précepte d’Horace : « La poésie sera comme la peinture : l’une te prendra davantage si tu te tiens plus près ; et une autre si tu te retires un peu plus loin »18. En effet, lorsque Frenhofer, peintre de génie, explique à son disciple et au jeune Poussin les secrets de son art, il les invite à s’approcher pour mieux voir le travail de transformation de la matière en réel qu’il effectue sur la toile : « “Approchez, vous verrez mieux ce travail. De loin, il disparaît. Tenez ? Là il est, je crois, très remarquable.” Et du bout de sa brosse, il désignait aux deux peintres un pâté de couleur claire »19. C’est tout le paradoxe de la peinture classique qui est exprimé ici. Pour apprécier un tableau, il faut en observer les effets de loin ; si le spectateur s’approche pour étudier la technique employée par l’artiste, l’illusion disparaît20 ; le travail du peintre perd toute sa valeur au moment même où le spectateur le perçoit.

L’erreur de Frenhofer dont la toile n’est plus qu’un amas informe de matière, met en doute la croyance dans le pouvoir de transmutation, voire de transsubstantiation puisqu’il s’agit de changer un substrat inerte en chair vivante, de la peinture. Il s’agit bien, de part et d’autre, d’une opération tégumentaire. Frenhofer aurait tout d’abord obtenu, selon sa propre description du processus, ses effets lumineux par superpositions de touches ; mais il lui a fallu ensuite caresser ses contours pour atténuer toute trace d’épaisseur. On comprend mieux alors le constat horrifié que fait Poussin : « Je ne vois là que des couleurs confusément amassées et contenues par une multitude de lignes bizarres qui forment une muraille de peinture »21. Or, cette muraille de peinture renvoie directement à la résistance du support qui, avec la matière, constitue l’une des caractéristiques les plus concrètes de l’objet peinture. Paradoxalement, puisque l’apparition de l’image dépend de la prise de distance, les deux peintres doivent s’approcher de la toile de Frenhofer et se pencher pour apercevoir un pied, seul élément figuratif épargné par les débordements matiéristes  ; il leur semble alors que la peinture a caché le sujet du tableau auquel il ne peuvent plus accéder : « “Il y a une femme là-dessous” s’exclama Porbus en faisant remarquer à Poussin les diverses couches de couleur que le vieux peintre avait successivement superposées en croyant perfectionner sa peinture .»22 L’échec de la transsubstantiation est ici lié, on le voit bien, à l’incapacité de l’œuvre de trouver son point d’achèvement.

Balzac évoque de façon récurrente cette limite à partir de laquelle l’œuvre serait finie. Dès le début du roman, préfigurant son échec final, Frenhofer avertit Poussin : « Vois-tu, petit, il n’y a que le dernier coup de pinceau qui compte. Porbus en a donné cent, moi, je n’en donne qu’un. Personne ne nous sait gré de ce qui est dessous. Sache bien cela! »23. À plusieurs reprises Balzac se réfère à un dosage technique subtil dont on s’attend qu’il culmine dans une touche finale24 : « Il y a de la vérité ici, dit le vieillard en montrant la poitrine de la sainte. – puis, ici, reprit-il en indiquant le point où sur le tableau finissait l’épaule. »25. Cette obsession n’est pas sans rappeler une préoccupation majeure de la littérature d’ambition réaliste qui, comme le remarque Ricardou26, éprouve des difficultés à arrêter la description, à identifier quel sera le dernier détail retenu. Cependant, il ne saurait y avoir de dernier détail dans l’aperception d’un tableau car l’opération de cadrage qui cible le détail, opération reconductible à l’infini, finit toujours par aboutir non pas au plus petit motif mais au monochrome, à l’aplat de couleur.

En ce qui concerne la toile de Frenhofer, l’accumulation de matière ne semble s’expliquer que par la folie du vieillard ; Porbus et Poussin s’accordent sur un mot pour décrire le phénomène : il n’y a, selon eux, rien sur la toile. Les deux peintres confondent ainsi, d’une certaine manière, voir et reconnaître. Pour eux, la peinture ne pourrait s’incarner que dans la figuration, et particulièrement dans la figuration d’un corps beau, jeune, vivant… et féminin. Cherchant à définir ce qui différenciait la simple bonne peinture de ses propres chefs-d’œuvre, Frenhofer remarquait : « Qu’y manque-t-il ? Un rien, mais ce rien est tout. Vous avez l’apparence de la vie mais vous n’exprimez pas son trop plein qui déborde… »27. Cette oscillation entre le rien, élément non-figuratif et par le fait même in-signifiant, et le tout, mimesis parfaite, nourrit l’idée qu’une œuvre peut atteindre la plus entière complétude. La ténuité de ce seuil entre tout et rien se trouve exacerbée dans la notion d’incarnat que Didi-Huberman28 développe à partir de la lecture de Balzac et de Diderot. Il s’agit de l’idéal d’une peinture qui, ayant trouvé une juste nuance entre l’opacité et la transparence de la matière, entre sa profondeur et sa surface, pourrait rendre l’illusion de la vie, la peinture et la chair présentant deux dispositifs analogues de couches interdépendantes.

Bien que Le Chef d’œuvre inconnu ait été rédigé en 1832 et mette en scène des peintres de l’époque classique, on peut déjà établir l’influence dans ce roman de la peinture moderne dont Delacroix présentait les premières caractéristiques. Vers la fin du siècle, alors que ceux que la comtesse de Fort comme la mort appelle « les maçons de la peinture »29 se trouvent au cœur des débats sur l’art moderne, les romans sur l’art continuent à exclure la matière picturale hors des descriptions. Il arrive parfois qu’on l’évoque en filigrane, lorsqu’il s’agit pour les romanciers d’aborder le travail du peintre à proprement parler. Souvent, cette tension entre la figuration et la matérialité de l’œuvre sert à mettre en scène des peintres déçus ou découragés, qui prennent du recul par rapport à leur art. Ainsi, confronté à l’attrait amoureux que suscite en lui son modèle, un personnage de Maupassant voit sa peinture perdre son sublime comme si la magie de l’art cessait d’opérer pour lui :

Il s’en alla dans un coin triturer sa palette ; mais, tout en vidant sur la fine planchette les tubes de plomb d’où sortaient, en se tordant, de minces serpents de couleur, il se retournait de temps en temps pour regarder la jeune fille absorbée dans sa lecture. Son cœur se serrait, ses bras tremblaient, il ne savait plus ce qu’il faisait et brouillait les tons en mêlant les petits tas de pâte, tant il retrouvait soudain devant cette apparition, devant cette résurrection, dans ce même endroit, après douze ans, une irrésistible poussée d’émotion30.

Dans L’Œuvre, la peinture est présentée comme dérisoire du point de vue de Christine : « Une poussière, un rien, de la couleur sur de la toile… »31. Une nouvelle fois, le mot rien employé nominalement vient souligner une impuissance à reconnaître la matière dans l’image.

Cette matière picturale renvoie le peintre à sa simple condition d’artisan, d’homme de métier, plutôt qu’à celle de démiurge inspiré. Ces précisions sur le travail des peintres et sur les techniques qu’ils emploient interpellent le projet romanesque, elles satisfont sa fascination pour les types sociaux, saisis dans leur entourage, leur décor et leur pratique, à l’aide d’un vocabulaire spécialisé qui leur confère un supplément de réalité. Ainsi, les accessoires d’atelier abondent dans les romans sur l’art où sont toujours mentionnés la palette et les tubes de couleur, en plomb ou en fer blanc, dont l’invention a révolutionné la peinture du XIXe siècle. Invoquant le travail de Claude32, Zola introduit un autre outil du peintre dans ses descriptions : il s’agit du couteau que le peintre utilise non pas pour nettoyer sa palette mais plutôt pour gratter sa propre toile et recommencer la figure dont il n’est pas satisfait. Une trop grande épaisseur de matière appelle donc éradication et reprise ; elle évoque l’échec. L’auteur n’a d’ailleurs pour la décrire que des termes péjoratifs : « un empâtement de tons lourds, un effort épaissi et fuyant du dessin »33. De plus, le personnage travaille à la brosse plutôt qu’au pinceau, ce qui implique un traitement plus rugueux de la matière.

Dans le roman des Goncourt, Manette Salomon, les allusions à la matière picturale sont assez rares pour qu’on puisse aisément les recenser et, de la même manière, elles sont sous-tendues par des considérations sur le matériel et la technique utilisés. Ainsi, pour Crescent, la peinture est affaire de résistance et de poids sur la palette :

J’ai toujours les brosses et la palette du tableau que je peins… Changer de palette et de brosses, c’est changer d’harmonie… Ma palette, vous le voyez, c’est comme une montagne… J’ai de la peine à la porter… La brosse sèche mord comme un burin, cela devient un outil résistant34.

Chez Coriolis, l’activité matiériste s’est transportée sur le tableau : « plein de retroussis de pinceau, d’accentuations qui, dans les masses, relevaient un détail, jetaient de l’esprit sur une figure, sur une silhouette. »35 Il semblerait ainsi que les auteurs donnent à voir, à travers leurs descriptions, la résistance que peut opposer à un artiste la matière de son art.

Enfin, certaines ekphraseis semblent explorer la limite entre matière et représentation à travers la question chromatique. En effet, les couleurs ont une importance capitale dans le jugement esthétique que Zola et les Goncourt formulent à travers leurs romans sur l’art. Or, suivant un procès métonymique, le mot couleur est utilisé chez eux pour désigner à la fois l’élément visuel et la pâte colorée. On trouve infailliblement, dans les couleurs, une épaisseur qui les oppose au dessin. Cette ambiguïté, si l’on s’y attache, donne une nouvelle dimension à l’ekphrasis que Zola fait du tableau de Claude :

Le Monsieur en veston de velours était ébauché entièrement ; la main, plus poussée que le reste, faisait dans l’herbe une note très intéressante, d’une jolie fraîcheur de ton ; et la tache sombre du dos s’élevait avec tant de vigueur, que les petites silhouettes du fond, les deux femmes luttant au soleil, semblaient s’être éloignées dans le frisson lumineux de la clairière ; tandis que la grande figure, la femme nue et couchée, à peine indiquée encore, flottait toujours, ainsi qu’une chair de songe, une Ève désirée naissant de la terre, avec son visage qui souriait, sans regard, les paupières closes36.

On peut en effet reconnaître, dans cette description de taches et d’aplats de couleur, le sentiment de la matérialité de la peinture, celle du tableau de Manet dont elle est inspirée. L’extrait témoigne aussi de ce que l’auteur a perçu la remise en cause de la perspective par ces taches qui introduisent dans le tableau une succession de plans ne relevant pas du contrôle du dessin.

Ayant repéré cette sensibilité de Zola, qui s’exprime pleinement dès ses premières critiques d’art, Daniel Arasse interprète ainsi sa description de L’Olympia de Manet : « Si Zola préfère en effet Manet à Meissonnier, c’est au nom de la peinture contre l’image. Ce qu’il décrit de près n’est pas l’artifice d’une illusion, mais l’expérience physique d’une matière manipulée. »37 Cependant, chez Zola, la matière picturale n’est présente qu’en tant qu’allusion, il semble qu’elle soit toujours demeurée rétive à la description. Le recours aux taches, pour décrire la peinture de Manet n’est pas satisfaisant dans la mesure où elles peuvent être vues comme des éléments figuratifs ou métaphoriques. Déjà, vingt ans auparavant, au sujet de l’Olympia, il opposait le motif à la tache : « Voyez maintenant le bouquet, et de près, je vous prie : des plaques roses, des plaques bleues, des plaques vertes »38. Là encore, la distance fait son œuvre, mais le commentaire en restera là même si l’affirmation de la matière picturale fait partie des conquêtes importantes de l’art de Manet. Le seuil, la frontière ténue qui sépare, en peinture, la couleur de la matière picturale, semble donc être une limite à l’ekphrasis zolienne, sa pierre d’achoppement39. D’ailleurs, lorsque, après de nombreuses années d’interruption, Zola reprend brièvement ses activités de critique d’art, c’est justement pour mesurer les limites de son système descriptif face à l’art moderne :

C’est comme pour la tache. Ah! Seigneur, ai-je rompu des lances pour le triomphe de la tache! […] au Salon, il n’y a plus que des taches, un portrait n’est plus qu’une tache, des figures ne sont plus que des taches, rien que des taches, des arbres, des maisons, des continents et des mers40.

Là encore, le mot rien est convoqué pour désigner l’ensemble de ce qui n’entre pas dans le discours, ce à quoi est reléguée la matière de la peinture. La récurrence du mot paraît symptomatique des difficultés que connaissent les auteurs pour intégrer la nouvelle réalité que leur impose la peinture.

Cependant, cette limite allait être dépassée par un changement de stratégie de la part d’écrivains de plus en plus engagés, comme les artistes, dans une approche réflexive de leur pratique. En déplaçant le niveau auquel se situent les relations entre littérature et peinture, ils ont cessé de vouloir décrire le réel comme s’il s’agissait d’un tableau pour l’envisager plutôt comme le ferait un tableau. Prenant eux-mêmes conscience de la matière de leur art, les auteurs ont commencé à la traiter en peintres. Comme les photographes pictorialistes, certains se sont d’abord attachés à imiter le flou de leurs représentations.

Dans Manette Salomon, le texte ne suggère pas vraiment d’image41, le sujet même du roman se perd dans sa propre structure, comme en témoigne la maigre place qu’y occupe le personnage éponyme. Le caractère hétérogène du contenu de chaque chapitre donne à l’ensemble du roman l’allure d’un carnet d’esquisses et accentue l’aspect inachevé qui est déjà à l’œuvre dans la volonté de produire des effets de flou. De plus, la description y apparaît désordonnée. Alors qu’habituellement, chez les auteurs réalistes, cette dernière semblait suivre la trajectoire motivée d’un regard, les Goncourt procèdent par touches, illuminant tour à tour différents éléments du tableau à décrire. Les termes imprécis ou légèrement déplacés, les abstractions, les néologismes, les épithètes rares, la syntaxe fuyante, tout concorde pour présenter un spectacle brouillé, comme ici, dans la description d’une soirée chez Coriolis :

Le bleuâtre du soir commençait à se mêler à la fumée des cigarettes. Une vapeur vague où les objets se perdaient et se noyaient tout doucement, se répandait peu à peu. Sur les murs salis de traînée de fumée, culottés d’un ton d’estaminet, dans les angles, aux quatre coins, il s’amassait un voile de brouillard42.

Si la narration subsiste, le récit semble commencer à se disloquer ; comme la peinture dont on s’approche de très près, sa matière ne forme plus d’image et, par moments, ne laisse rien voir qu’elle-même.

Comme chez les peintres, tout devient alors question de couches : palimpseste où s’embusque – plutôt qu’il ne s’échoue – le travail créateur. On a vu que Frenhofer avait caché le sujet de sa toile sous de nombreuses applications de peinture et que Zola voyait dans les taches de Manet les différents plans du tableau. Dès son Salon de 1859, Baudelaire écrivait qu’un bon tableau consiste « en une série de tableaux superposés, chaque nouvelle couche donnant au rêve (qui a enfanté le tableau) plus de réalité et le faisant monter d’un degré vers la perfection »43.

Au début du XXe siècle, chez Proust, cette métaphore à connotations matérielles qu’est celle du recouvrement, de la superposition, devient la base d’une théorie générale des arts. Ainsi, Bergotte, l’écrivain de À la Recherche du Temps perdu, meurt en regardant un petit pan de mur jaune qu’un critique lui a indiqué sur un tableau de Vermeer après s’être fait la remarque suivante : « C’est ainsi que j’aurais dû écrire, disait-il, mes derniers livres sont trop secs, il aurait fallu passer plusieurs couches de couleur, rendre ma phrase en elle-même précieuse, comme ce petit pan de mur jaune »44. Peu avant, le narrateur avait décrit l’expérience de Bergotte face au tableau :

Enfin, il fut devant le Ver Meer qu’il se rappelait plus éclatant, plus différent de tout ce qu’il connaissait, mais où, grâce à l’article du critique, il remarqua pour la première fois des petits personnages en bleu, que le sable était rose et enfin la précieuse matière du tout petit pan de mur jaune45.

Ces quelques lignes où se trouve mis en abîme le regard de l’auteur, attribuent au critique d’art le mérite d’avoir su voir et montrer l’œuvre différemment et introduisent la matière picturale dans l’ekphrasis, non pas comme un moyen de reconnaissance ou de défiguration du réel mais comme un sommet de l’expérience esthétique. Ici, la matière picturale n’est plus seulement l’apanage de la peinture ; elle devient, dans ce moment épiphanique, la métaphore même de l’art.

Cette image de l’art comme superposition et enchâssement de couches est récurrente dans l’œuvre de Proust : ici, elle est partagée par la littérature et la peinture mais, un peu avant, elle servait à évoquer le théâtre en termes de peinture. Dans du Côté de Guermantes, Marcel évoque en ces termes une performance de la grande tragédienne La Berma :

Et comme le peintre dissout maison, charrette, personnages, dans quelque grand effet de lumière qui les fait homogènes, la Berma tendait de vastes nappes de terreur, de tendresse, sur les mots fondus également, tous aplanis ou relevés, et qu’une artiste médiocre eût détachés l’un après l’autre46.

On voit bien là notamment dans la phrase elle-même que la superposition complexe de transparences se trouve au cœur de la création artistique telle que Proust l’envisage. En effet, comme l’a développé Genette47, la métaphore proustienne s’inscrit dans un réseau de métonymies qui la préparent et la prolongent en introduisant entre des objets très différents des relations de contiguïté qui révèlent des affinités sémantiques subtiles. Ces métonymies émaillent le texte et procèdent par épaississement, rendant difficile de dégager clairement l’objet de substitution de la métaphore ; elles permettent ainsi de rendre compte d’une impression fugitive au détriment du sens premier des mots, en multipliant les potentialités de signification. L’expérience de réminiscence elle-même, qui permet de retrouver le temps perdu, consiste en la superposition, grâce à la mémoire sensitive, d’un instant du passé et d’un instant du présent ; aucun des deux moments n’a à être singulier, ce n’est que de leur rencontre que naissent la beauté, l’art.

À la fin de À la recherche du temps perdu, lorsque le narrateur formule les fondements de sa poétique, il pose, en ces termes, la relation métaphorique comme la condition première de l’art :

… la vérité ne commencera qu’au moment où l’écrivain prendra deux objets différents, posera leur rapport, analogue dans le monde de l’art à celui qu’est le rapport unique de la loi causale dans le monde de la science, et les enfermera dans les anneaux nécessaires d’un beau style […] Le rapport peut être peu intéressant, les objets médiocres, le style mauvais, mais tant qu’il n’y a pas eu cela, il n’y a rien48.

On retrouve ici ce rien, ce mot qui nous a guidée dans le cheminement d’une lecture attentive aux relations de la littérature à la matière et aux changements de stratégies auxquelles elle a donné lieu. Cependant, ici, le mot rien n’exclue pas la matière ; au contraire, il contribue à poser l’épaisseur stratifiée de la métaphore en condition absolue de l’art. Nous pouvons alors mesurer la distance parcourue par la modernité depuis le Chef d’œuvre inconnu où le rien désignant la matière était la négation de l’art.

Entre ces deux pôles, on rencontre l’intuition de Flaubert qui confiait à Louise Collet, dans sa correspondance, son ambition d’écrire un livre sur rien : « Ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, c’est un livre sur rien un livre sans attache extérieure qui tiendrait par la seule force du style […]. Les œuvres les plus belles sont celles où il y a le moins de matière.»49 Naissait alors l’idée d’un roman dont le sujet, atrophié, aurait permis de voir l’écriture. Ainsi, avant que la réflexivité ne soit consacrée par Proust dans son grand roman sur l’art, Frédéric Moreau, le héros de L’éducation sentimentale, invitait déjà le lecteur à effectuer une lecture attentive au style lorsque, répondant à sa mère qui l’interrogeait sur ce qu’il allait faire à Paris, et donc sur la suite du récit, ce dernier répondait tout simplement : « Rien »50.

Notes de bas de page numériques

1 Je tiens à remercier Isabelle Daunais de m’avoir suggéré plusieurs pistes de réflexion quant à ce sujet ainsi que Nicole Dubreuil pour ses conseils et ses commentaires éclairants.
2 Horace, Art poétique, Paris, Belles Lettres, « Budé », 1978, p. 221. La formule d’Horace que l’on peut traduire par « Que la peinture soit comme la littérature » a, en effet, connu une extraordinaire fortune critique ; elle a fait l’objet de multiples interprétations qui l’ont rendue susceptible d’étayer des conceptions très variées des relations entre littérature et peinture.
3 « Pour pouvoir en parler, il faut que l’écrivain, par un rite initial, “transforme” d’abord le réel en objet peint (encadré) ; après quoi il peut décrocher cet objet, le tirer de sa peinture : en un mot : le dé-peindre (dépeindre, c’est faire dévaler le tapis des codes, c’est référer non d’un langage à un référent, mais d’un code à un autre code). » Roland Barthes, S/Z, Paris, Seuil, « Points », 1970, p. 61.
4 Philippe Hamon développe ainsi une définition de l’ekphrasis comme élément autonome : « Il s’agit donc d’un beau développement « détachable » (ek), la partie d’un texte qui décrit artistiquement un objet déjà constitué comme une œuvre d’art. On comprend donc que s’y ébauchent à la fois une conception de la description littéraire comme valeur autonome, comme morceau de bravoure indépendant où s’inscrit une sorte de métalangage incorporé (une « mise en abyme » de l’œuvre d’art) et où, sans doute, s’esquissent les premiers linéaments de ce qui va se constituer peu à peu comme le discours de la critique littéraire et celui de la critique d’art ». Philippe Hamon, La Description littéraire : De l’Antiquité à Roland Barthes : une anthologie, Paris, Macula, 1991, p. 8.
5 Dans la mesure où, souvent, les écrivains exerçaient conjointement les fonctions de romancier et de critiques d’art et connaissaient très bien la création visuelle de leur temps, certaines œuvres faisant l’objet d’ekphraseis dans les romans font directement référence à des œuvres d’art réelles.
6 Anne Beyaert, « Texture, couleur, luire et autres arrangements de la perception », Protée, volume 31, n° 3, 2003, p. 81-90.
7 Denis Diderot, Essais sur la peinture, Paris, Hermann, 1984.
8 Alberti, De la peinture, trad. Jean Louis Schefer, Paris, Macula, Dédale, « La littérature artistique », 1992, p. 11. Jean Louis Schefer écrit, dans la préface de l’ouvrage : « Alberti entend s’assurer du caractère purement et pleinement transitif de la peinture. Elle ajoute à la nature, au réel, dont elle prend la figure, ce que nous considérons que la littérature leur ajoute, c’est à dire la constance du sens et la cohérence d’une histoire. Et toute cette question est d’ouvrir cette fenêtre qui fera surgir une histoire dans la nature (ou, si l’on veut, un vecteur de signification dans le réel). »
9 « … de la fenêtre d’Alberti et de la camera obscura de la renaissance à la vitre et à l’écran zolien, en passant par les diverses variantes de l’objet transparent (miroirs, microscopes, lunettes, speculums, loupes, etc.) invoqué par les écrivains ou les critiques parlant de la littérature, c’est la même métaphore qui parcourt le texte descriptif lui-même, ses marges (les termes de : miroirs, speculums, lunettes, fenêtres… apparaissent souvent dans les titres des textes), et le métalangage descriptif sur le texte (descriptif). ». Philippe Hamon, Introduction à l’analyse du descriptif, Paris, Hachette, 1981, p. 225.
10 Ainsi, par exemple, La maison du chat-qui-pelote débute par l’apparition d’Augustine dans le cadre d’une fenêtre. Honoré de Balzac, La maison du chat-qui-pelote, Paris, Flammarion, « GF », 1985, p. 47.
11 Émile Zola, Le roman expérimental, Paris, Sandre, 2003.
12 Anthéa Callen precise en ces termes l’importance du paysage dans l’évolution des techniques : « Because oil sketching had been seen purely as a preparatory stage in academic procedure, it was less self-consciously formulaic, more personal ; as such it became identified with « truth », a record of the individual painter’s « sensation » in front of nature. Focused on developing the techniques of the oil sketch, independent painters were free to exploit the sensuality of the oil medium. Applied using stiff, hogs’hair brushes made more versatile by the introduction of metal ferrules, in broad gestural strokes or in taches (patches), the painter’s marks could be almost metonymic, standing for the varied textures and effects observed in nature. Hence the personal, expressive tactility of the sketch came to replace the laboured, trompe-l’oeil illusionism and blended brushwork codified in the « finished » historic landscape ». Anthéa Callen, The art of impressionism : Painting technique and the making of modernity, New-Haven and London, Yale university Press, 2000, p. 11.
13 Émile Zola, L’Œuvre. Paris, Gallimard, « Folio », 1983, p. 65.
14 Linda Nochlin, Gustave Courbet : A Study On Style and Society, New York, Garland, 1976.
15 « Le regard approché ne sait pas « faire la différence », donc le sens. […] Mais cet effet du premier plan ou encore d’ « espace trop proche» est peut-être plus tyrannique encore, plus souverain, il me semble, dans les parties « non scénographiques » du tableau, - un lointain qui fait empâtement coloré, par exemple, et donc qui s’approche, malgré perspective, malgré mimesis, par l’effet même de sa lourdeur, de sa matérialité ». (Georges Didi-Huberman, La peinture incarnée. Paris, Minuit, 1993, p. 53).
16 Honoré de Balzac, Le Chef d’œuvre inconnu, Paris, Gallimard, « Folio », 1994.
17 Daniel Arasse, Le Détail : pour une histoire rapprochée de la peinture, Paris, Flammarion, 1996.
18 Cité par Daniel Arasse, Le Détail : pour une histoire rapprochée de la peinture, Paris, Flammarion, 1996, p. 239.
19 Honoré de Balzac, Le Chef d’œuvre inconnu, Paris, Gallimard, « Folio », 1994, p. 67.
20 Bernard Vouilloux théorise ce problème en ces termes : « C’est la convergence de ces indications et elle seule qui forme l’image ressemblante, la figure. Pris indépendamment de cette configuration, le point, la ligne, la tache, éléments non mimétiques, sont susceptibles d’entrer dans d’autres combinaisons, à l’intérieur desquelles ils rempliront des fonctions différentes : ils peuvent alors être regardés « comme signe de l’objet réel et de ses parties au sens morphologique », tel le point qui, dans l’exemple de Schapiro, sera tantôt tête de clou, tantôt bouton, tantôt pupille ; ils peuvent aussi n’être réductibles à aucune signification mimétique, telles les tâches de couleur qui, dans la peinture impressionniste, figurent, à une certaine distance, le feuillage d’un arbre. » (Bernard Vouilloux, La peinture dans le texte XVIIIe-XIXe siècles, Paris, CNRS éditions, 1994, p. 87).
21 Honoré de Balzac, Le Chef d’œuvre inconnu, Paris, Gallimard, « Folio », 1994, p. 66.
22 Honoré de Balzac, Le Chef d’œuvre inconnu, Paris, Gallimard, « Folio », 1994, p. 66.
23 Honoré de Balzac, Le Chef d’œuvre inconnu, Paris, Gallimard, « Folio », 1994, p. 48.
24 Honoré de Balzac, Le Chef d’œuvre inconnu, Paris, Gallimard, « Folio », 1994, p. 47 « … trois ou quatre touches » ; p. 48 « ici deux coups de pinceau, là un seul ».
25 Honoré de Balzac, Le Chef d’œuvre inconnu, Paris, Gallimard, « Folio », 1994, p. 48.
26 « La description naturaliste essaie de tenir un juste milieu entre la notation minimale et les expansions à quoi ses propres tendances la portent et qui, fouillant trop minutieusement les détails, risqueraient à la fois de noyer l’objet référé (et son sens) et d’enliser la narration événementielle (d’où cette autre question : que donnerait à voir, à lire, un tableau, un texte, qui jouant complètement le jeu de la description, atomiserait la surface picturale et libèrerait, démesurément grossi, le détail ? » (Jean Ricardou, Problèmes du nouveau roman, Paris, Seuil, « points », 1967, p. 19).
27Honoré de Balzac, Le Chef d’œuvre inconnu, Paris, Gallimard, « Folio », 1994, p. 45.
28 « L’incarnat serait donc, autre fantasme, le coloris en acte et en passage. Une tresse de la surface et de la profondeur corporelles, une tresse de blanc et de sang… » (Georges Didi-Huberman, La peinture incarnée, Paris, Minuit, 1985, p. 25).
29 Guy de Maupassant, Fort comme la mort. Paris, Gallimard, « Folio », 1983, p. 37.
30 Guy de Maupassant, Fort comme la mort. Paris, Gallimard, « Folio », 1983, p. 200.
31 Émile Zola, L’Œuvre, Paris, Gallimard, « Folio », 1983, p. 280.
32 « il vida un tube de bleu sur sa palette » (Émile Zola, L’Œuvre, Paris, Gallimard, « Folio », 1983, p. 64).
33 Émile Zola, L’Œuvre, Paris, Gallimard, « Folio », 1983, p. 386.
34 Edmond et Jules Goncourt, Manette Salomon. Paris, Gallimard, « Folio », 1996, p. 391.
35 Edmond et Jules Goncourt, Manette Salomon. Paris, Gallimard, « Folio », 1996, p. 237.
36 Émile Zola, L’Œuvre, Paris, Gallimard, « Folio », 1983, p. 68.
37 Daniel Arasse, Le Détail : pour une histoire rapprochée de la peinture, Paris, Flammarion, 1996, p. 254.
38 Émile Zola, Écrits sur l’art, Paris, Gallimard, « Tel », 1991, p. 161.
39 Cette limite s’apparente à celle qu’Isabelle Daunais saisit ainsi : « Chez Zola, comme chez Huysmans, la difficulté à décrire prend souvent la forme d’une butée, d’une limite du langage qui se refuse à la précision, mais qui s’ouvre par cela même à la mobilité de la perception. Zola atteint très vite ce qu’on pourrait appeler la fin de la description, comme si, en privilégiant la synthèse, il allait directement à la conclusion» (Isabelle Daunais, « La réversibilité des arts : littérature et peinture au confluent de la critique (Zola, Huysmans) », Études françaises, volume 33, n° 1, 1997, pp. 95-108).
40 Émile Zola, Écrits sur l’art, Paris, Gallimard, « Tel », 1991, p. 469.
41 Marie-Hélène Létourneau, « La description picturale dans Manette Salomon : une métaphore vive », Recherches sémiotiques, volume 22, n° 1-3, 2002, pp. 294-304.
42 Edmond et Jules Goncourt, Manette Salomon. Paris, Gallimard, « Folio », 1996, p. 221.
43Charles Baudelaire, « L’œuvre et la vie d’Eugène Delacroix », Critique d’art, Paris, Gallimard, « Folio », p. 409.
44 Marcel Proust, La Prisonnière, Paris, Gallimard, « Pléiade », 1987, p. 468.
45 Marcel Proust, La Prisonnière, Paris, Gallimard, « Pléiade », 1987, p. 468.
46 Marcel Proust, Le Côté de Guermantes, Paris, Gallimard, « Pléiade », 1988, p. 351. Un peu avant, l’art théâtral était déjà décrit à travers l’image d’une superposition de couches matérielles : « … tout cela, voix, attitudes, gestes, voiles, n’était, autour de ce corps d’une idée qu’est un vers (corps qui, au contraire des corps humains, n’est pas un obstacle opaque qui empêche de l’apercevoir mais un vêtement purifié, vivifié où elle se diffuse et où on la retrouve), que des enveloppes supplémentaires qui au lieu de la cacher ne rendait que plus splendidement l’âme qui se les était assimilées et s’y était répandue, comme des coulées de substances diverses, devenues translucides, dont la superposition ne fait que réfracter plus richement le rayon central et prisonnier qui les traverse et rendre plus étendue, plus précieuse et plus belle la matière imbibée de flamme ou il était engainé ». (Marcel Proust, Le Côté de Guermantes, Paris, Gallimard, « Pléiade », 1988, p. 347).
47 Gérard Genette, « La métonymie chez Proust », Figures III, Paris, Seuil, 1972, p. 21.
48 Marcel Proust, Le Temps retrouvé. Paris, Gallimard, « Pléiade », 1987, p. 468.
49 Gustave Flaubert, Correspondance : Tome II, Paris, Gallimard, « Pléiade », 1980, p. 114.
50 Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale, Paris, Flammarion, « GF », 1985, p. 152.

Pour citer cet article

Érika Wicky, « La matière picturale comme limite de l’ekphrasis dans les romans sur l’art du XIXe siècle », paru dans Loxias, Loxias 22, mis en ligne le 25 septembre 2008, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/index.html?id=2527.

Auteurs

Érika Wicky

Érika Wicky est doctorante en histoire de l'art à l'Université de Montréal. Elle rédige, sous la direction de Nicole Dubreuil, une thèse sur la notion de détail dans les textes sur les images au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. Titulaire d'une maîtrise en lettres modernes et d'une maîtrise en études théâtrales, elle porte un grand intérêt aux approches interdisciplinaires.