Matthieu Letourneux


Matthieu Letourneux est maître de conférences en littérature à l’Université Paris X. Ses travaux portent sur les cultures populaires et les cultures de jeunesse auxquelles il a consacré un grand nombre d’articles. Il a réalisé chez Robert Laffont (Bouquins) les éditions des œuvres d’Emilio Salgari et de Gustave Aimard, ainsi que le premier volume des Mystères du peuple d’Eugène Sue. Il a codirigé avec Pierre Brunel et Frédéric Mancier le Dictionnaire des mythes d’aujourd’hui et prépare avec Jean-Yves Mollier une étude consacrée à la maison d’édition Jules Tallandier.

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Loxias | Loxias 17 | I.

Répétition, variation… et autoplagiat

Depuis la seconde moitié du XIXe siècle et, de façon plus frappante encore, au XXe siècle, la littérature populaire propose généralement un système de classement qui joue un rôle fondamental dans les pratiques aussi bien des auteurs, des éditeurs et des lecteurs. Ce système de « genres populaires » – ou de « récits de genres », ou de « mauvais genres » – permet d’opérer des rapprochements thématiques, stylistiques, narratifs, entre les récits, sans qu’on puisse très clairement déterminer la pertinence d’une telle façon d’aborder les ouvrages. Approcher l’œuvre par le biais du genre, c’est privilégier le stéréotype au détriment de l’unicité d’une écriture. Ces traits de répétitions sont-ils toujours si importants dans l’œuvre ? Ne correspondent-ils pas à l’aspect le plus pauvre des ouvrages ? Le cas particulier de Jean de La Hire donne un élément de réponse à ces questions. Cet auteur prolifique s’est illustré, durant l’entre-deux guerres, dans tous les genres populaires : récits de cape et d’épée, d’aventures géographiques, romans sentimentaux, première science-fiction, etc. Or, des recherches passées ont montré que, pour répondre à ses trop nombreux contrats, l’auteur reprend textuellement des paragraphes, voire des chapitres complets d’un roman à l’autre, modifiant, en fonction des cadres et des genres, un faible nombre de propriétés du récit (costumes, décors, noms…). C’est bien la question de la stéréotypie générique, de son caractère superficiel ou fondamental, et des répétitions que l’on rencontre par-delà même les catégories, qui se pose ici. S’il est possible de glisser d’un genre à l’autre en modifiant quelques mots, c’est bien que ce que l’on identifie comme un genre repose parfois sur des traits extrêmement superficiels. Un tel procédé-limite d’écriture permet donc de penser tout à la fois le stéréotype, le genre et ses limites, et les pratiques de lecture sérielle.

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