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Loxias | Loxias 16

Les anamorphoses d'une bestiole dans Histoire de la chauve-souris de Pierrette Fleutiaux

« Comment c’est d’être une chauve-souris ? » lisait-on dans Pensées secrètes de David Lodge. En fermant le roman de Pierrette Fleutiaux, Histoire de la Chauve-souris, le lecteur se demande : « C’est quoi une chauve-souris ? ». C’est à cette question que je tenterai de répondre dans ce que j’appellerai « les anamorphoses d’une bestiole », car on s’en doute, la réponse n’est pas simple. La bête, pas tout à fait oiseau, pas tout à fait mammifère, cette forme de l’entre-deux, vit accrochée à la nuque de la narratrice qui, à son tour, n’est plus tout à fait femme, sans être pour autant bête. L’hybridation doublée d’un parasitisme appelle plusieurs lectures, selon qu’on voit dans la chauve-souris un être réel, imaginaire ou symbolique. Le lecteur doit alors démêler l’écheveau des sens… au risque de ne rien trouver ainsi que le laisse entendre la narratrice : « il se peut qu’après avoir démêlé tant de fils j’arrive au dernier fil et n’y trouve rien. » L’hybridité en favorisant la coexistence d’éléments disparates s’élève alors à la dignité d’une complexité créatrice de sens.

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Loxias | Loxias 26 | Doctoriales VI

La Damnation de Faust : une oeuvre d'inspiration anglaise ?

La plupart des introductions au livret de La Damnation de Faust se contente de souligner que l’œuvre fut inspirée à Berlioz par la lecture qu’il fit en 1828 du Faust de Goethe dans la traduction de Nerval. Mais en réalité, le tissu intertextuel de cette légende dramatique est bien plus dense qu’il n’y paraît et comprend de nombreux emprunts à des œuvres d’origine anglaise (de Shakespeare, Byron ou encore Milton), emprunts dont les réécritures dramatiques françaises du Faust de Goethe antérieures à 1846 se font l’écho. Cependant, La Damnation de Faust ne se résume pas à la synthèse de différentes œuvres en vogue au début du siècle. En effet, plus qu’une simple réécriture du drame goethéen, cette légende dramatique se révèle être une nouvelle version du mythe de Faust et une « réponse » (dans le sens jaussien du terme) à la pièce de Goethe, réponse selon laquelle l’Homme court à sa perte en refusant de s’inscrire dans la société à laquelle, malgré lui, il appartient. Most introductions to the libretto of La Damnation de Faust only emphasize that the work was inspired to Berlioz in 1828 by his reading of Goethe’s Faust in Nerval’s translation. In fact, this dramatic legend contains much more intertextuality than expected, especially from English works (by Shakespeare, Byron or Milton) and French rewritings of Goethe’s Faust prior to 1846. These rewritings also incorporate features from the English works. But La Damnation de Faust does not come down to a simple synthesis of works that were fashionable at the beginning of the century. Indeed, more than a remake of Goethe’s work, this dramatic legend turns out to be a new version of the myth of Faust. It is a response (in Jauss’s acceptation of the term) to the German drama in which Man is on his way to ruin because he refuses to be part of the society he unwillingly belongs to.

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Loxias | 54 | I.

La Paméla de Voltaire des Lumières au XXIe siècle - changements de statut et réception générique du texte

En 2004, André Magnan reconstitue une œuvre voltairienne jusqu’alors non identifiée qu’il intitule L’affaire Paméla. Lettres de Monsieur de Voltaire à Madame Denis, de Berlin. Une seconde édition, réalisée par Jonathan Mallinson pour les Œuvres Complètes de Voltaire, paraît en 2010. L’introuvable Paméla est en réalité un récit épistolaire autoréférentiel. Fondé sur la réécriture littéraire a posteriori de missives privées authentiques, l’œuvre relate les mésaventures vécues par l’auteur à la cour de Frédéric II de Prusse entre 1750 et 1753, et n’a jamais été présentée au public avant la parution des deux récentes éditions reconstituées. Or, il apparaît que les changements successifs de statut du texte (correspondance authentique privée, puis récit épistolaire autoréférentiel, et enfin récit épistolaire autoréférentiel reconstitué) entraînent une tension dans sa réception générique par la critique scientifique contemporaine. C’est pourquoi je propose une mise au point sur les liens entre, d’une part, la structure et la génétique particulières de Paméla ; et, d’autre part, l’évaluation contemporaine de sa généricité et son rapport au « vrai ». Au cœur de ce questionnement se trouvent les enjeux d’autoreprésentation inhérents à toute écriture de soi par l’épistolier, qui sont ici exacerbés par la visibilité du processus de réécriture.

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Loxias | 59. | I.

Réminiscences lucrétiennes chez André Chénier

Souvent mentionnée, l’importance de Lucrèce pour Chénier n’a guère été étudiée alors qu’elle peut ouvrir sur l’œuvre du poète une perspective féconde et unifiante car elle est perceptible dans tous les registres de son activité littéraire et pas seulement dans sa poésie scientifique. Le dialogue que Chénier engage avec le De rerum natura est peut-être plus profond que celui de nombre de ses contemporains, en raison d’une relation privilégiée avec la littérature antique mais aussi de réelles affinités avec la philosophie épicurienne.

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Loxias | 62. | I.

Les Paradoxes du lecteur de Nassur Attoumani

Qui lit l’écrivain francophone de Mayotte : Nassur Attoumani ? Le présent article se propose de répondre à cette question en analysant les langues du discours littéraire de l’écrivain francophone de Mayotte afin de voir comment le lecteur idéal est sélectionné en fonction de ses compétences linguistiques. Un certain nombre de lectures réelles sont ensuite analysées afin de dresser une typologie des lecteurs de Nassur Attoumani. Ces données empiriques récoltées, il s’agit de proposer une esthétique de la réception de Nassur Attoumani qui, en se fondant sur la théorie de Hans Robert Jauss, questionne l’horizon d’attente du lectorat de Nassur Attoumani, les modalités de l’entrée en littérature de l’écrivain francophone de Mayotte ainsi que la contextualisation de son discours littéraire. Le but de l’article est à la fois de fonder les conditions de possibilité de la lecture de Nassur Attoumani, mais aussi de redéfinir le concept européen de littérature dans le contexte de l’océan Indien, où il mérite peut-être d’être remplacé par celui d’oraliture. Who reads the francophone writer of Mayotte: Nassur Attoumani? This article wishes to answer this question by analyzing the languages in which Nassur Attoumani’s literary works are written in order to see how an ideal reader is chosen by his linguistic skills. Several real readings are then analyzed to build a typology of Nassur Attoumani’s readers. After collecting those data, the purpose is to offer a theory of Nassur Attoumani’s reading thanks to Hans Robert Jauss’s works. To do so, reader’s expectations, the way Nassur Attoumani enters literature and the situation of his writing among others will be examined. The goal of this article is, on the one hand, to determine how it is possible to read Nassur Attoumani and, on the other, to define again the european concept of literature in the Indian Ocean by replacing it with oraliture.

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Loxias | 67. | II.

Cahiers Sens public : « Simone de Beauvoir. Réceptions contemporaines »

“Publication papier de l’Association Sens-Public : Cahiers Sens public, 2019/3 n° 25-26 et version en ligne : https://www-cairn-info.proxy.unice.fr/revue-cahiers-sens-public-2019-3.htm * Le projet IDEX ExFem « 1918, 1968, 2018 : Cent ans d’expressions féminines. France, Italie, Espagne », financé par l’Académie 5 de l’Université Côte d’Azur est porté par une équipe interdisciplinaire de six chercheuses (Marie-Joseph Bertini, Odile Gannier, Magali Guaresi, Barbara Meazzi, Maria-Grazia Scrimieri et Francesca Sensini) adossée à trois laboratoires de l’Université Côte d’Azur ...”

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Loxias | 76. | I.

George Orwell et le roman noir - un rendez-vous manqué

George Orwell a consacré trois articles au roman policier, une recension en 1936 d’À tombeau ouvert, le roman de Paul Cain, ainsi que deux textes : une longue étude du roman de James Hadley Chase, Pas d’orchidées pour Miss Blandish en 1944, et la même année, un texte plus court dans une revue française. Orwell n’a que peu fréquenté ce genre littéraire et ces trois articles restent marginaux dans ses écrits. Ils font néanmoins sens dans la façon dont il l’appréhende, identifiant la métamorphose du roman à énigme en « crime stories » qui plongent les lecteurs dans une atmosphère où règnent violence et cynisme, un climat propice au fascisme. En pensant ainsi le phénomène dans son historicité et dans sa réception, Orwell rejoint le geste critique de certains auteurs allemands qui se sont intéressés au genre, tels que Siegfried Kracauer ou Theodor W. Adorno. Pour autant, si Orwell porte un regard sévère sur le genre, des liens peuvent s’établir avec ses écrits documentaires ou fictionnels, dans la volonté notamment d’écrire depuis le point de vue des proscrits de l’Histoire et dans sa manière d’être un témoin désillusionné de son temps. En ce sens, la rencontre entre George Orwell et le roman noir fut un rendez-vous manqué. George Orwell devoted three articles to the detective novel, a review in 1936 of Paul Cain’s Fast One, as well as two texts: a long study of James Hadley Chase’s novel No Orchids for Miss Blandish in 1944, and the same year, a shorter text in a French magazine. Orwell had not been much involved in this literary genre and these three articles remain marginal in his writings. Nevertheless, they make sense in terms of his understanding of it, identifying the metamorphosis of the detective novel into "crime stories" that immerse readers in an atmosphere of violence and cynicism, a climate conducive to fascism. By thinking of the phenomenon in its historicity and reception, Orwell joins the critical gesture of certain German authors who were interested in the genre, such as Siegfried Kracauer or T.W. Adorno. However, if Orwell takes a severe look at the genre, links can be established with his documentary or fictional writings, in particular in the will to write from the point of view of the outcasts of History and in his way of being a disillusioned witness of his time. In this sense, the meeting between George Orwell and the « hard boiled » genre was a missed appointment.

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