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Paul Froment  : 

As Curious (Aux Curieux)

Résumé

Sonnet prononcé en clôture de colloque

Index

Mots-clés : occitan , Quercy, sonnet

Chronologique : XIXe siècle , XXe siècle

Texte intégral

Une dernière fois l’idiome, l’idiome qui « se contente de ce qu’il a ». Ce sonnet a été chanté, pour terminer la journée d’études. Il est de Paul Froment, dans son idiome du Quercy (traduction d’André Berry dans l’idiome national ; voir : Anthologie de la poésie occitane, Stock, 1961). Paul Froment, ayant quitté son terroir natal (canton de Floressas, près Puy-l’Évêque) pour la caserne, a fini sa vie à vingt ans dans le Rhône, à Lyon. Plaisir enfantin, à l’avant-dernier vers de faire la « faute » (« mourirei »), d’ouvrir et de déplier en trois syllabes ce que le français, inexplicablement, a compacté, disant « mourrai », comme l’école communale, domptant la nature, nous l’a inculqué. Mais l’idiome n’est pas un jeu et une liberté : il se rencogne, il n’est « que du Quercy » ; si on voulait transposer en « languedocien », on serait arrêté par les rimes des quatrains. Par exemple, à Pézenas (Hérault), on dit « nei » (« la nuit »), mais « sioi » (« je suis ») : grands effets de la petite différence, si on trouve que c’est un grand effet qu’une forme (une guirlande de rimes) qui se casse. Pour avoir pris, à un médiocre carrefour, une direction et pas telle ou telle autre (« sei » plutôt que « sioi », plutôt que « suis ») l’idiome et le poème s’en vont sur de tout autres chemins, et se trouvent habiter une tout autre contrée. Et aussi, qu’est-ce que ce mot inconnu « pet » pour dire « colline » ? Mais c'est, en languedoc, « pioch » ; « puy » ; le latin « podium » : car, aussi, l’idiome fait remonter et réunit tout le monde sur la place commune.

Philippe Marty

Se caùqu’un demando cal sei,
Per quin dret ma plumo rimalho :
Saùurès qu’aco Diù que m’a fei,
Mais que m’a bailhat so ni malho !

E, pitchou bailet que trabalho
Dumpei l’albo dinco la nei,
S’ei pa de fé, minji de palho
Mais me countenti de ço qu’ei.

Sul cami del brès à la toumbo
Y a bint ans leù, de pet en coumbo,
Amb lous esclots, marchi pelhous,

 D’artgen n’ei piel, ni desprit gaire,
E mourirei, coumo moun paire,
Paisan del cap d’inco as talous !

Si quelqu’un demande qui je suis,
De quel droit ma plume rimaille,
Vous saurez que c’est Dieu qui m’a fait,
Mais qu’il ne m’a donné sou ni maille.

Et, petit valet qui travaille,
Depuis l’aube jusqu’à la nuit,
Si je n’ai pas de foin, je mange de la paille,
Mais je me contente de ce que j’ai.

Sur le chemin du berceau à la tombe,
Il y aura vingt ans bientôt que de colline en combe
Avec les sabots je marche en haillons,

D’argent j’en ai peu, et d’esprit, guère,
Et je mourrai comme mon père,
Paysan de la tête jusqu’aux talons.

Pour citer cet article

Paul Froment, « As Curious (Aux Curieux) », paru dans Loxias, Loxias 1 (2003), mis en ligne le 15 décembre 2003, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html/index.html?id=13.

Auteurs

Paul Froment