silence dans Loxias


Articles


Loxias | Loxias 14 | Doctoriales

Pascal Quignard : la voix du silence

Quiconque se penche sur l’œuvre de Pascal Quignard se doit de prêter l’oreille pour entendre mais aussi d’être à l’écoute afin de mieux entendre. Les écrits de Quignard donnent à entendre une parole poétique à la fois dilatée et elliptique, innervée par un ton et une voix uniques qui, fait singulier, transforment une activité lectorale en expérience auditive.

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Loxias | Loxias 18 | Doctoriales

Le silence dans le roman : un élément de monstration

Dans les romans de la fin du XIXe et du début du XXe, le thème de la sortie au théâtre peut être envisagé sous le prisme de la rhétorique du sublime. Une voie, jamais empruntée, peut-être parce que hantée par le vertige du sens, est celle du silence. Zola, Proust et Valéry, représentatifs de mouvances littéraires bien distinctes, lui donnent ses lettres de noblesse. Soupeser le silence, c’est l’envisager comme un rapport à l’intériorité du texte, comme passage neutre, pour ne pas parler de vide, que le romancier laisse à la charge du lecteur. A lui, à nous donc, de le combler, de lui donner un sens, de le faire raisonner dans le roman. Temps de latence et de vagabondage, c’est aussi un moment de discours. L’acte énonciatif et la rhétorique du sublime sont comme autant de clefs pour faire parler le silence du texte, pour faire sourdre ce qui se cache derrière la méditation qu’offre le temps théâtral thématisé dans le roman. In the novels from the end of the 19th century and the beginning of the 20th century, the topic of the theatre performance (characters going out to theatre performances) could be studied with the rhetoric of the sublime. So far, this way has never been studied, probably because it gives vertigo to meaning; this way is silence. Silence is linked to the inside text, it looks like a neutral passage since we do not speak of an empty passage. This empty passage is left to the reader by the writer. Therefore, we have to fill in this blank, we have to give it a meaning, we have to make it resonate inside the novel. It's a wandering and latent period, it is also a moment of discourse. The act of enunciation and the rhetoric of the sublime are some possible keys to make the silence speak in the text, to make appear what hides behind the theatral time in the text.

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Loxias | Loxias 22 | Doctoriales V

La mémoire comme plissement du Dehors dans Moderato Cantabile de Marguerite Duras et dans « A Doida » [« La folle »], (A China fica ao lado [La Chine se trouve à côté]), de Maria Ondina Braga

Dans Moderato Cantabile de Marguerite Duras et dans « A Doida » [« La folle »] de A China Fica ao Lado [La Chine se trouve à côté], de Maria Ondina Braga, le dehors intervient comme un élément de renaissance : intériorisé, il relance la mémoire, devenant ainsi garant d’une subjectivité. En revanche, le silence qui signe le secret et un gouffre de douleur souterraine, traduit parfois par un état de « passivité » extrême, semble vouloir tendre vers l’oubli de l’oubli lui-même. Le conflit entre ces deux forces, mémoire et silence, qui sauve de la mort, suppose néanmoins l’exténuation du sujet. Le cri, libérateur comme le mot qui dirait l’indicible, semble alors signifier  l’aboutissement ultime (inatteignable ?) de cette attente.

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Loxias | Loxias 32 | I.

Le silence, l’écrit. Vie secrète, les silences de Pascal Quignard

Pascal Quignard dans Vie secrète lie la recherche du silence à une triple expérience : choix existentiel originel, expérience musicale, activité littéraire. L’expérience du silence permet d’abord de comprendre un parcours de vie. Dans la mesure où cette vie se définit finalement dans la destination littéraire, la méditation sur le silence devient inséparable d’une réflexion sur la littérature. Mais cette réflexion est plus profondément une pensée de l’humain face au langage et à ses limites. L’opposition frontale de l’écriture et de l’oralité se révèle ici dans le vis-à-vis du regarder et de l’entendre. Manière de vivre autant qu’archéologie de l’espèce humaine, la littérature apparaît ainsi comme « la mise au silence du langage ».

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Manières de table, manières de silence

L’objet alimentaire utilisé dans la fiction semble toujours y apporter un supplément de sens qui instaure un langage au-delà des mots. Les scènes de repas, en particulier, permettent souvent d’associer des manières de table à une parole qui, bruyante ou murmurée, reste secrète. Si certaines de ces manières suggèrent l’utilisation de la nourriture comme moyen plus ou moins pathologique d’obturer un manque, d’autres, en revanche, laissent deviner un bonheur indicible que le plaisir alimentaire, onirique et concret à la fois, peut réussir à faire partager. Dans tous les cas, le goût qui, selon Barthes, est « oral comme le langage, libidinal comme Éros » semble tenir en échec la pulsion de mort. Dans trois textes de trois écrivaines de différentes nationalités, des scènes de repas dévoilent des manières de silence : bavard, éloquent ou oppressant, le secret s’y laisse dire plus par la langue du goût que par celle du discours.

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Silences de Pantagruel, silences de Rabelais dans le Tiers Livre : un paradigme heuristique ?

Des silences apparaissent dans le Tiers Livre de Rabelais : ils sont thématisés, comme le silence de Pantagruel qui refuse d’entrer dans une communication faussée avec Panurge, celui de la femme muette personnage de la comédie morale, ou ils sont inscrits en creux dans le récit, ils signalent alors un vide de sens, comme les gestes abscons des muets, ou le silence général du texte sur le discours féminin. Le Tiers Livre étant composé presque exclusivement de dialogues, ces silences sont fortement signifiants : ils opposent à une parole hyperbolique et centrée sur elle-même un retrait du sujet interlocuteur, qui impose réflexion, retour sur soi de celui qui parle trop. À ce titre, le silence de Pantagruel à l’égard de Panurge fonctionne comme paradigme du silence de Rabelais à l’égard de son lecteur, reproduisant à une autre échelle le travail heuristique et herméneutique vers lequel le géant guide Panurge. Silences are named in the Tiers Livre of Rabelais: they constitute a them, as the silence of Pantagruel who refuses to take part of a false communication with Panurge, as the silence of the mute woman in the play mentioned in the text, or instead they constitute hollows in the narrative, then they report a lack of meaning, such as the abstruse gestures of the mutes, or the general silence of the text on female speech. Above all, the Tiers Livre is almost entirely composed of dialogues, so the silences are highly meaningful: they oppose to an hyperbolic and self-centered discourse a withdrawal of the listening-subject, which finally requires an introspection of the speaker too. As such, Pantagruel’s silence to Panurge works as a paradigm for Rabelais’s silences to the reader, replicating to another level the heuristic and hermeneutic work to which the giant guides Panurge.

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Entre le désir de dire et la tentation du silence : la narrativité de Maïssa Bey

Le silence n’est pas situé à l’extérieur du discours narratif, mais il en fait partie intégrante : les pauses, les hésitations du récit, les éléments typographiques (les points de suspension ou les espaces blancs) sont constitutifs du discours et disent les difficultés et les pièges de l’acte de raconter. Cela est encore plus évident dans la littérature maghrébine, surtout chez les femmes écrivaines. Leur prise de parole est devenue un véritable engagement, un instrument de lutte contre le silence imposé par leur culture et leur société. La femme, selon le mot de Marc Gontard, se libère ainsi des mythes et assume son regard sur le monde en tant qu’acteur et témoin social en prise avec l’Histoire et le temps. Le désir de narrativité participe souvent du besoin de “se raconter”, de se re/construire une identité – perdue, cachée, oubliée, niée – face à l’anonymat auquel sont traditionnellement réduites les femmes. L’écriture est ainsi étroitement liée à la convocation des souvenirs ensevelis, à l’exploration de la mémoire, en ayant parfois recours à la structure du récit encadré dans un autre récit avec une conteuse qui remémore son passé et devient personnage. Le silence et la parole se modulent avec une constante tension émotionnelle dans les romans et récits de Maïssa Bey, où l’auteur prend la parole pour revendiquer la liberté de vivre le désir et la passion, pour donner corps à l’insatisfaction et à l’ennui dans la relation de couple et pour lever le voile sur les crimes de guerre. Mais le silence reste toujours aux aguets : contrepartie de la parole, tentation dangereuse, espace suggestif qui, comme l’affirme Michel Le Guern, seul peut dire l’indicible. Between the desire of telling and the temptation of silence : the narrative by Maïssa Bey: Silence is not situated outside narrative speech, but it is an integral part of it: pauses, hesitations in the storytelling, typographic features (such as for example suspension points or blank spaces) constitute the narration and tell us about the difficulties and the traps of the narrative act. This is even more evident in the field of the Maghrebi literature, especially produced by women. Their embrace of the word has become a real engagement, an instrument to fight against that silence imposed by their culture and their society and by which they free themselves and take a look at the world as protagonists and social witnesses, in contact with History and time. The desire of narrative is often linked to the need of “self telling”, to the search for identity re-construction. So writing becomes strictly connected with the evocation of hidden memories, resorting sometimes to the structure of second degree narrative with the presence of a storyteller. Silence and words modulate themselves with a constant emotional tension in the novels such as in the short stories by Maïssa Bey, especially in Sous le jasmin la nuit (2004), where she takes up the challenge to revenge her freedom for life, her desire and passion, or to denounce war crimes. But silence always lies in ambush, as a dangerous temptation and an attractive space that only it can express what is inexpressible. Narratological instruments will be helpful to analyse the unpredictable alternation of silence and words.

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« Behind the story I tell is the one I don’t » : Le cri silencieux de l’enfant abusée dans l’œuvre de Dorothy Allison

Dans L’Histoire de Bone, son premier roman semi-autobiographique, l’écrivaine américaine survivante d’inceste Dorothy Allison raconte l’abus physique et sexuel qu’une fillette subit aux mains de son beau-père. En proie à la terreur et incapable de dénoncer la violence, Bone est réduite au silence et s’enfonce peu à peu dans le désespoir. Pourtant, bien qu’elle décrive l’inévitable enfermement de la victime d’abus dans le cercle vicieux de la violence et du silence, Dorothy Allison donne en réalité une voix à l’enfant silencieuse et relève le défi, essentiellement féministe, de mettre des mots sur ce silence et de le briser. Ainsi, le travail d’écriture permet à l’auteure-survivante de pousser son propre cri : grâce à l’écriture autobiographique, Allison dénonce enfin, des années plus tard, l’enfer que lui a fait subir son abuseur. L’œuvre littéraire, en tant que « cri silencieux », brise le tabou de l’inceste, raconte l’inénarrable et l’expose aux yeux du monde. In Bastard Out of Carolina, her first semi-autobiographical novel, the American author and incest survivor Dorothy Allison tells the story of a girl who suffers repeated physical and sexual abuse at the hands of her stepfather. Bone is racked by terror and unable to denounce her abuser, so that she seems condemned to remain silent, and sinks deeper and deeper into despair. Although she describes the child as being trapped in a cycle of violence and silence, Allison in fact gives the silent child a voice, and takes up the feminist challenge of putting words upon silence in order to break it. The writing process thus allows the author-survivor to finally cry out : years after suffering the abuse, and thanks to life-writing, Allison manages to denounce the living-hell she went through as a child. The literary work, a “silent scream”, finally breaks the taboo that surrounds child sexual abuse, allows the victim to speak up about the unspeakable, and to expose it for the world to see.

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Loxias | Loxias 33 | I.

« J’écrivais des silences » (Rimbaud). Mais comment dire ceux des choses et du monde ?

L’article est fondé sur la quête par les écrivains d’une parole que le monde nous adresserait. Si certains n’ont rencontré qu’un mutisme obstiné, un silence infranchissable, d’autres ont cru percevoir une réponse à leur appel angoissé. Des choses sourdrait un murmure qui nous interpellerait. Cependant la question reste ouverte : quelle est la part de réalité d’un tel répons ? Se pourrait-il qu’il ne fût que l’écho de notre inquiétude, que le retour de notre propre voix, renvoyée par le mur du silence du monde ? C’est à travers le dialogue entre tous les écrivains sollicités, de Gracq et Robbe-Grillet à Nietzsche et Villiers de l’Isle-Adam, de Glissant et Bergounioux à Bouvier et Nabokov, d’Hoffmannsthal et Althusser à Régy et Novarina, à d’autres encore, qu’une voix, issue des choses, finit peut-être par se faire entendre.

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Le silence des hommes, le silence des choses dans l’œuvre de Francesco Biamonti

Francesco Biamonti (1928-2001) a vécu toute son existence à San Biagio della Cima, à la frontière franco-italienne. Ayant contemplé le paysage de cet arrière-pays ligurien durant des décennies, Biamonti fait ses débuts littéraires en 1983 à l’âge de 55 ans. Son premier roman, L’Angelo di Avrigue (L’Ange d’Avrigue), fut publié et présenté par Italo Calvino. Celui-ci remarquait : « C’est un livre où se passent beaucoup de choses mais qui est fait surtout de non-dits et de silences : et chaque personnage garde son mystère ». De fait, ce roman, tout comme les suivants, se caractérise par la présence fréquente de personnages réticents, d’ellipses narratives et d’un jeu incessant entre texte et espacements blancs. Ce n’est donc pas un hasard si le dernier livre de Biamonti, inachevé, a été publié après sa mort sous le titre Il Silenzio (Le Silence). Tous ses ouvrages témoignent de la recherche d’une utopie poétique ramenant les choses du silence à l’expression dans la lignée de Cézanne, et des réflexions sur l’art de philosophes tels que Merleau-Ponty – très étudié par Biamonti – ou Lyotard.

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« Être c’est dire », le silence dans l’œuvre dramatique d’Edmond Rostand

Dans l’œuvre d’Edmond Rostand, comme dans celle de ses contemporains, la mise en scène du silence est remarquable. Afin de comprendre le rôle que cette thématique y revêt, la présente étude remonte aux sources du silence dans l’imaginaire rostandien. À la base, le silence présent dans l’œuvre évoque les peurs secrètes d’un jeune auteur dramatique. Le mutisme revêt alors un aspect peu rassurant chez Edmond Rostand. Il semble être la preuve d’une montée de l’aveuglement et de l’ignorance chez les personnages. Le goût de l’auteur pour le théâtre, médium de l’éloquence, s’explique lorsque l’on comprend que, pour Edmond Rostand, le fait de dire permet d’appréhender l’univers et d’exister. In Edmond Rostand’s work, like that of his contemporaries, the staging of silence is remarkable. In order to understand the role this theme takes on in his work, the present article goes back to the origins of silence in Rostand’s imagination. The notion of silence present in his theatre, is reminiscent of the secret fears of a young playwright. It is thus not a very reassuring theme and seems to represent blindness and ignorance in the part of the characters. The author’s natural taste for the stage, medium of eloquence, can be explained when understanding that, for Edmond Rostand, speech enables man to comprehend the internal mechanism of the universe and to exist.

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Claude Régy, un théâtre au bord du silence

Dans Comme un chant de David –créé par Claude Régy en 2005 au Théâtre National de Bretagne à partir de quatorze psaumes de David traduits par Henri Meschonnic –Valérie Dréville est au bord du silence et de l’immobilité alors qu’elle parle et se déplace. Elle évolue dans un espace où il n’y a rien. Au vide scénique délimité par les jeux de lumière répondent la corporéité et la parole de l’interprète qui remplissent les trous. Les mots comblent l’espace, l’ordonnent et lui font acquérir une matérialité aux significations multiples. La comédienne parvient à une contention du corps, de la voix et du souffle – toujours à la lisière du vide. Elle habite un espace de retrait parce que, selon les mots de C. Régy dans L’Ordre des morts (78) : « il faut savoir se retirer. C’est dans l’absence, dans le retrait que quelque chose peut naître. Dématérialiser la matière pour qu’il y ait de la place où l’esprit de la matière puisse se voir ».

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Les paroles perdues de Vie secrète de Pascal Quignard

Comment musique, langage et silence se croisent dans Vie secrète de Pascal Quignard ? Le lien intrinsèque se manifeste lorsque la littérature pousse ses limites jusqu’à exprimer ce qu’elle ne peut dire. À cet effet, l’écrivain devient un « phonoclaste » rompant la voix immuable d’une longue tradition orale et le livre un « déserté de la voix » du collectif.

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Le langage du silence : la peinture de Chardin dans les écrits sur l’art français du XVIIIe siècle

Parmi les genres picturaux, c’est sans doute la nature morte qui est le plus étroitement liée à la notion du silence : les objets mis en scène dans ces tableaux sont par leur nature même silencieux. La notion de silence en peinture ne se laisse cependant que difficilement aborder par des catégories discursives : elle se caractérise par des notions vagues telles que le je-ne-sais-quoi, le vide ou la couleur. Celles-ci apparaissent relativement souvent dans les écrits critiques sur Chardin dont les auteurs se heurtent à la difficulté de ne pas pouvoir dire la chose représentée dans les toiles du peintre. Dans cet article, nous abordons la peinture de Chardin à travers les textes des critiques d’art français de son époque, en particulier de Diderot. Devant les « peintures de silence » de Chardin, les écrivains d’art du XVIIIe siècle recourent à des stratégies différentes de celles qui sont aptes à la description de la peinture narrative, à un langage autre qui semble se dissoudre dans les expressions elliptiques et métaphoriques : au langage du silence. Language of silence : the painting of Chardin in the French writings on art of the 18thcentury Among the pictorial genres, it is probably the still life painting that is the most closely related to the notion of silence : the objects painted in the picture are silent by their nature. The notion of silence in painting however can be hardly tackled by the discursive categories. The still life painting is characterized by vague and elusive notions such as the je-ne-sais-quoi, the emptiness or the colour that are not at the same register but are still very close to each other. These notions appear relatively often in the critical writings on Chardin whose authors come up against the difficulty to not be able to say the thing represented in the painting of the painter. In this article, we discuss the painting of Chardin through the texts of French art critics of his time, especially of Diderot. About these paintings, the art critics of the 18thcentury turn to different strategies from those which were developed for the description of the narrative painting, to an other language that seems to dissolve in the elliptical and metaphoric expressions : to the language of silence.

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L’écriture transgressive du silence chez Samuel Beckett, une « indiscrétion à l’égard de l’indicible »

Comment écrire le silence sans le briser, sans le trahir, sans provoquer ce que Lévinas appelle une « indiscrétion à l’égard de l’indicible » ? L’implicite appelle cette « indiscrétion », ce désir de déchiffrement. Mu par la curiosité, le lecteur (et chercheur) se heurte à l’impossible élucidation du secret, à son silence inviolable, d’où cet appel infini à la transgression. Le silence résiste donc à l’analyse, se soustrait infiniment, et dans le même temps, il détient cette force d’attraction qui nous pousse à penser ce qui nous dépasse, nous excède, mettant en jeu une tension palpable. Comment donc, selon les termes de Derrida dans L’Écriture et la Différence, « trouver une parole qui garde le silence », sans l’anéantir, sans le faire taire, sans provoquer sa dérobade ? Beckett précisément s’évertue à faire apparaître la disparition. Ainsi la quête infinie du silence devient-elle celle du point d’énonciation inaccessible (car soustrait), déterminant toute identité. How to write silence without breaking it, without betraying it, without causing what Lévinas calls an “indiscretion with regard to the unspeakable”? “Indiscretion”, it is implied, is precisely the desire to decipher. Driven by curiosity, the reader (and researcher) faces the impossible elucidation of secrecy, the inviolability of silence, hence his endless call to transgression. Silence therefore resists analysis, evades endlessly, but at the same time holds a compelling force that pushes us to think what is beyond us, what exceeds us ; it puts into play a palpable tension. How, then, according to Derrida in Writing and Difference, might one “find a word that keeps the silence”, without destroying it, without silencing it, without allowing its escape ? It is Beckett who strives to make this disappearance appear. Thus the endless quest of silence becomes the search for an enunciation of the inaccessible (because removed), that determines any identity.

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Giacomo Lubrano, un exemple d’« éloquence muette »

Il s’agit d’analyser une partie de l’œuvre en prose et en vers, en italien ou en latin, du poète-prédicateur baroque Giacomo Lubrano (1619-1693), dernier représentant du Baroque littéraire italien, en tant qu’expérience d’un silence poétique, par quoi le texte devient méditation de la lettre, apparition énigmatique d’un langage de chiffres, qui n’est rien d’autre qu’une invitation à l’écoute de la disparition de la langue. L’expérience de son « éloquence muette », pour reprendre un titre d’un de ses sermons (« La muta eloquenza… »), relève d’une part de l’esthétique baroque du ‘concetto’ et de la ‘meraviglia’, et, d’autre part, d’une vision moderne du langage poétique encore actuelle.

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