barbouillage dans Loxias


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Loxias | 80. | I.

Editorial
le blackface ou la représentation de l’identité raciale dans les arts de la scène

Cette introduction présente les actes d’un séminaire de recherche intitulé « Le blackface ou la représentation de l’identité raciale dans les arts de la scène » du CTEL UPR 6307 qui a eu lieu à l’Université Côte d’Azur à Nice le 16 juin 2022. Elle s’attache tout d’abord à définir la race et le racisme comme une question viscérale qui est trop souvent mal conceptualisée. Cet article se propose ensuite de contextualiser le « blackface », considéré comme le reflet d’une société qui tolère l’intolérable. Enfin, nous nous poserons la question du « blackface » dans les arts vivants en prenant les exemples de la scène contemporaine française et allemande ainsi que le monde du ballet classique en soulevant la problématique du théâtre de la suprématie blanche. This introduction features the proceedings of a research seminar entitled « Blackface or the representation of racial identity in the living arts » of the research center CTELA UPR 6307 that took place at University Côte d’Azur in Nice on 16 June 2022. It first focuses on the definition of race and racism as a visceral issue that is too often poorly conceptualized. Blackface on stage will then be contextualized and considered as the reflection of a society that tolerates the intolerable. Eventually, this article explores blackface in the living arts taking the examples of French and German contemporary stages as well as the world of ballet to raise the question of the theater of white supremacy.

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Déjouer le blackface au théâtre pour mieux dé-penser la race

Exhiber la race de l’Autre en jouant sur la couleur de peau est une pratique issue de la pensée coloniale et penser la race en termes d’apparence et de face barbouillée, c’est penser une hiérarchie chromatique. Dans la logique coloniale, le Blanc peut s’amuser pour rire à s’abaisser au Noir et foncer sa peau, mais le Noir ne saurait se hisser jusqu’au Blanc. Aussi même si le charbonnage de la face ne relève pas de la dérision, voire d’intentions racistes, reste-t-il perçu comme un geste réducteur et offensant qu’il s’agisse de « la comédie du barbouillé » à la française ou du blackface né aux Amériques. Le geste demeure un héritage colonial. Le Blanc peut jouer au Noir, mais, à ses yeux, il est impensable que le Noir puisse passer pour un Blanc. Ce qui a bien sûr des répercussions sur les modèles de représentation, notamment dans le monde du spectacle. C’est pourquoi il est nécessaire de déjouer et dé-jouer les gestes de blackface et d’apprendre à dé-penser la race au théâtre, d’en épuiser les imageries, d’en ruiner les fondements, d’en débusquer les stéréotypes. Dé-penser la race, c’est vider l’abcès de cet inconscient collectif colonial qui fermente encore dans les imaginaires, et penser le théâtre autrement. Nous reviendrons ainsi sur les controverses liées au blackface qui ont récemment agité la scène contemporaine en passant par l’histoire du grimage racial et par les enjeux politiques qui lui sont intimement attachés. Exhibiting the race of the Other playing with skin color is a colonial practice and thinking of race in terms of appearance and black-up imply a chromatic hierarchy. According to the colonial logic, the white man can have a good time lowering himself to play black in jest and darken his skin, but the black man cannot become white. Even if the blacking up process does not rely on derision, or even on a racist intention, it remains a reductive and offensive gesture whether it is the French « comédie du barbouillé » or the American blackface tradition. This practice is still inherited from colonialism. The white man can play black but, to him, it is unthinkable for the black man to play white. All this has had consequences on our models of representations, in particular in the living arts. It is the reason why it is necessary to foil and deconstruct the blackface practice and to learn how to un-think race in the theatre, to unpack its imagery, to destroy its foundations, to find stereotypes. Un-think race means to drain the abscess of this colonial, collective unconscious which is still festering in our imagination, and to think about theatre differently. We will come back to the controversies related to blackface which recently sparked a debate on the contemporary stage as well as explore the history of the blackface addressing its political dimension.

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Peau blanche, masque noir : que dit le phénomène du blackface sur la société occidentale contemporaine ?

Cet article se focalise sur l’origine, l’histoire et la représentation du blackface en Europe. Il examine plus particulièrement trois grandes attractions carnavalesques en profondeur : l’une en France, « La nuit des Noirs » au carnaval de Dunkerque, puis deux en Belgique, « Le sauvage » à la Ducasse d’Ath et « La sortie des Nègres » à la Ducasse des Culants à Deux-Acren. À la lumière de la théorie critique de la race et de la définition du racisme de Pap Ndiaye dans La Condition noire (2008), l’auteur démontre que ces trois événements folkloriques renvoient à un relent de pensées coloniales négrophobes. Au-delà de simplement examiner la pratique raciste du blackface dans ces trois événements, cet article soulève aussi la hiérarchisation des races dont la blanchité se trouve au sommet de la pyramide. Puis, l’article amène également à réfléchir sur la condition du Noir et le privilège du Blanc dans les nations occidentales qui s’affirment égalitaires en droit, se revendiquent postcoloniales et se prétendent ouvertes à la diversité raciale. This article focuses on the origin, history and representation of blackface in Europe. It examines more particularly three major carnival attractions in depth: one in France, “La nuit des Noirs” at the Dunkirk carnival, then two in Belgium, “Le sauvage” at the Ducasse d’Ath and “La Sortie des Nègres” at the Ducasse des Culants in Deux-Acren. In light of critical race theory and Pap Ndiaye's definition of racism in La Condition noire (2008), I demonstrate that these three folkloric events points out negrophobic colonial thoughts. Beyond simply examining the racist practice of blackface in these three events, this article also raises the hierarchy of races in which whiteness is at the top of the pyramid. Then, the article also leads us to reflect on the condition of the Black and the privilege of the White in Western nations which assert themselves to be egalitarian in law, claim to be postcolonial and claim to be open to racial diversity.

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