Alliage | n°70 - Juillet 2012 L'imaginaire dans la découverte 

Laurent Loty  : 

L’invention du transformisme par Rétif de la Bretonne (1781 & 1796)

Plan

Texte intégral

De nombreux travaux d’histoire du transformisme ou de l’évolutionnisme ont mis au jour les idées partielles qui ont précédé l’émergence d’une véritable théorie générale de la transformation des espèces. Ce que Jacques Roger a appelé un « transformisme restreint » se développe surtout au cours du xviiie siècle, chez des auteurs comme Benoît de Maillet, Buffon, Diderot, Robinet, Bonnet, Maupertuis.1 Il est toutefois convenu que l’invention de la première théorie générale du transformisme serait due à Lamarck, dans des textes de 1800 à 1809, un demi-siècle avant le succès de la théorie darwinienne de la sélection naturelle (1859). Or, la première théorie générale de la transformation des espèces n’est pas due à Lamarck, mais à un auteur totalement méconnu dans l’histoire des théories de l’évolution, Rétif de la Bretonne (1734-1806). Rétif formalise cette première théorie générale quelques années avant Lamarck, dans un texte théorique de 1796, la Physique, lequel reprend et complète les idées de son « roman physique », une fiction utopique et scientifique intitulée La découverte australe et publiée en 1781.2

Les spécialistes de l’histoire du transformisme ou de l’évolutionnisme peinent à découvrir cette origine (et avec elle, la nature du transformisme ou de l’évolutionnisme) parce qu’ils sont précisément des spécialistes, en l’occurrence de l’histoire de la biologie ou des sciences de la nature. Or, comme l’œuvre de Rétif permet de le comprendre, l’idée d’une transformation des espèces ne provient pas d’abord des sciences de la nature, mais d’une expérience et d’une représentation du temps personnel et collectif, et d’un travail de l’imagination, qui s’inspire de cette expérience autobiographique et sociopolitique pour élaborer une théorie de la nature. L’histoire des sciences est aveuglée par les cloisonnements mis en place entre ce qu’il est convenu d’appeler « science » et ce qui s’en distinguerait radicalement, et entre les territoires des sciences de la nature, ceux des savoirs sur l’homme et ceux de la littérature de fiction. Ainsi, l’image ordinaire de la science empêche-t-elle de découvrir comment l’on découvre, ce qui empêche de percevoir le rôle de l’imagination dans la découverte.3

On peut supposer que c’est pour la même raison que Rétif parvient à une telle systématisation du transformisme et qu’en même temps, ses textes sont méconnus : il laisse libre cours à l’imagination, au moment même où une nouvelle étape d’institutionnalisation et de spécialisation des sciences (pendant la Révolution française) condamne le recours à l’imagination, et incite de plus en plus à dissocier les disciplines et à s’écarter d’un discours philosophique encyclopédique.
Toutefois, il existe aussi des gradations entre un Rétif totalement à l’écart des institutions savantes, et un Lamarck très bien intégré dans ces institutions, mais héritier lui aussi de l’encyclopédisme de Buffon. Si bien que l’on peut retrouver, de proche en proche, des auteurs que Lamarck a lus et qui ont eux-mêmes lu Rétif. Il n’est pas interdit de penser que Lamarck a pu être influencé par lui, mais il est sûr et certain, en tout cas, que l’idée transformiste est dans l’air du temps. Or, ce sont les textes de Rétif qui nous font le mieux comprendre d’où vient l’idée transformiste : Rétif laisse voir la diversité de ses motivations et enjeux, et explicite un recours à l’imagination que les auteurs reconnus par les institutions scientifiques s’efforcent au contraire d’occulter.4

L’étude des textes rétiviens permet aussi de relativiser les frontières entre sciences de la nature et sciences de l’homme, et entre ce que l’on appelle sciences et les autres activités mentales, intellectuelles, culturelles. Le transformisme, qui est une théorie de l’histoire de la nature, relève d’abord des théories de l’histoire avant de relever des sciences de la nature. En comprenant que le sens de l’histoire est en jeu, l’on peut comprendre comment et pourquoi est apparue l’idée transformiste. Enfin, l’étude des textes de Rétif permet de saisir les échanges complexes entre modèles naturels et modèles sociaux : des pratiques, théories et enjeux sociopolitiques servent d’inspiration à des théories de la nature que l’on utilise, en retour, comme modèles pour cautionner des conceptions de la société.

Rétif ou l’obsession du temps et la liberté de pensée de l’autodidacte

Parmi les écrivains de l’époque des Lumières, Rétif fait preuve, encore plus que tout autre, d’une hypersensibilité à la temporalité. En une époque favorable à l’encyclopédisme, il est aussi l’un des polygraphes les plus indisciplinaires et les plus imaginatifs. Rétif est l’auteur d’une des plus remarquables autobiographies, Monsieur Nicolas (1796-97), qui raconte un parcours exceptionnel : fils d’un paysan aisé, il va en pension dans une école janséniste, devient ouvrier typographe, imprimeur, puis, à Paris, auteur de plus de deux cents ouvrages. L’obsession du temps qui passe le mène à graver sur les pierres des dates qu’il retranscrit dans son autobiographie, ou encore à célébrer des anniversaires d’anniversaires.5 Observateur de la transformation de soi, Rétif s’intéresse aussi à l’évolution de la société paysanne et urbaine. Dans Le paysan perverti (1775), il analyse les effets de l’exode rural.6 Avant Balzac, il enquête sur les mœurs parisiennes et prend pour modèle l’histoire des mœurs animales de Buffon, qui avait envisagé la dégénération de certaines espèces en réaction à un changement du milieu. Enfin, Rétif est l’auteur de nombreuses fictions utopiques, l’imagination d’une transformation politique de la société pouvant contribuer à la théorisation d’une transformation de la nature. Il a écrit la première utopie d’anticipation inscrite dans une histoire repensée à partir de la rupture révolutionnaire (L’an 2000, 1789). Il est l’inventeur du néologisme « communisme » (1797) et conçoit un système « sénato-communiste » à l’ordre hiérarchique fondé sur des critères naturels et temporels : le sexe, l’âge et le mérite qui donne des bonifications en âge.7

Ayant d’abord vécu dans la ferme parentale, Rétif dispose d’une connaissance empirique de la nature (et peut-être des pratiques d’amélioration des plantes et des animaux qui se développent à l’époque8). Son immense culture est ensuite celle d’un autodidacte des métiers du livre : il connaît les textes classiques comme ceux qui viennent de paraître ; il s’inspire de Maillet, qui explique qu’à la suite du changement du niveau de la mer, les animaux marins sont devenus terrestres, de l’Histoire naturelle de Buffon, dont le succès est immense, mais il a aussi lu le chimiste Lavoisier ou l’astronome Laplace, et cite de nombreux textes savants aujourd’hui méconnus. Romancier, il élabore une théorie de l’imagination dans sa Physique. Or, le transformisme exige beaucoup d’imagination, pour inventer ce qui ne peut pas s’observer — la transformation des formes naturelles dans la très longue durée —, et pour échapper aux dogmes religieux qui empêchent d’inventer des hypothèses dangeureuses pour un ordre fondé sur l’idée de stabilité de la nature.

Dans un article de synthèse sur l’histoire du transformisme,9 Jacques Roger a mis en évidence le paradoxe suivant : pour apparaître, le transformisme a eu besoin d’un double héritage contradictoire : le matérialisme épicurien, qui accorde puissance et autonomie à la Nature et, en même temps, une philosophie chrétienne, à travers l’idée leibnizienne d’une chaîne des êtres continue, selon laquelle Dieu a créé une gradation mènant de l’être le plus simple à l’homme (ou aux anges). Cette idée aurait permis d’échapper au chaos des matérialistes, et d’attribuer un sens, une dynamique temporelle à la transformation des espèces. Rétif hérite de ces deux tendances, sous la forme d’une sorte de panthéisme selon lequel Dieu est partout dans la Nature.

Mais l’imagination rétivienne est aussi obsessionnellement portée vers la sexualité. Or, la sexualité joue un rôle majeur dans les théories de l’évolution. Son pansexualisme mène d’ailleurs Rétif à imaginer une dynamique cosmologique dépassant de loin les hypothèses de Kant sur la formation des nébuleuses, ou la tentative de Laplace pour ramener à une stabilité périodique les irrégularités des mouvements des planètes. Par analogie, il imagine que les étoiles naissent et meurent, mais aussi la Nature entière : il y a d’abord explosion de l’Univers, auparavant réduit à un point et régénéré par la division du Tout en Dieu et la Matière, qui se livrent à la copulation ; puis éjections de soleils qui, par « une sorte d’émission séminale », éjectent à leur tour des comètes, qui se féminisent en devenant planètes ; enfin, affaiblissement de la force initiale et mouvement inverse, jusqu’à ce que tout recommence. Rétif formule, sous une forme qu’il sait proche du mythe mais qu’il appelle conjecture et qu’il juge heuristique, une représentation de l’évolution cosmologique qui préfigure les idées d’expansion et de contraction de l’Univers, de Big Bang et de Big Crunch.

schéma 1

Schéma représentant la haute physique ou cosmologie rétivienne (par L.L.)

Deux œuvres de Rétif constituent les deux étapes de son invention du transformisme. La première, publiée en 1781, est La découverte australe par un Homme-volant, roman utopique et scientifique, illustré de remarquables gravures de Binet et suivi de textes annexes comme les Cosmogénies, ou la Lettre d’un singe.10 En ces années 1780, Rétif exprime les espérances et les idées politiques et philosophiques des Lumières, et s’inspire, dans le domaine de l’étude de la nature, des idées de Buffon, Intendant du Jardin du Roi (1707-1788).11La seconde œuvre est la Physique, publiée en 1796.12 Ce traité fait partie de la Philosophie de Monsieur Nicolas, qui prolonge son autobiographie, Monsieur Nicolas. Le contexte est celui des années qui suivent la Terreur, et de la réorganisation des institutions scientifiques (Muséum en 1793, Institut en 1795). Cette seconde étape enrichit mais aussi transforme les hypothèses du roman de 1781, et permet de discerner à la fois la permanence des idées de la décennie précédente, et l’effet des circonstances culturelles et politiques du moment sur les mentalités scientifiques. Ce moment est aujourd’hui reconnu comme celui de l’émergence du transformisme, chez Lamarck (entre 1800 et 1809), et chez des auteurs moins connus et contemporains de Lamarck (1744-1829).13

Une fiction politico-scientifique à l’origine du transformisme : La découverte australe (1781)

La découverte australe est une fiction qui raconte l’édification progressive d’un empire colonial à l’échelle d’un hémisphère. Sciences et techniques y sont le moteur d’une transformation combinée de la nature et de la société, passant par l’eugénisme, politique d’amélioration de la nature physique et morale de la population.14
Pour échapper à une société divisée en ordres, le fils d’un procureur fiscal, Victorin, invente (peu avant les montgolfières) une machine à voler qui lui permet d’enlever Christine, la fille de son seigneur.

gravure 1, vol

 La machine lui permet de voler marchandises et main-d’œuvre et de constituer la micro-société du Mont-Inaccessible. Une génération plus tard, Victorin et son fils Alexandre entreprennent la conquête du monde austral. Une île peuplée d’Hommes-de-nuit (possibles Albinos) devient l’Île-Christine, future métropole. Les Hommes-volants sauvent des marins et les invitent à s’accoupler avec les Femmes-nocturnes, pour perfectionner l’espèce en formant une race capable de travailler jour et nuit. Ce seront les artisans et agriculteurs, qui seront dirigés par une nouvelle noblesse issue du Mont-Inaccessible. La découverte de la Victorique peuplée des Géants Patagons est l’occasion d’un double perfectionnement : juridique, car les Géants offrent le modèle de lois supérieures ; physico-moral, par un nouveau métissage qui permet aux mâles (!) de la famille royale d’améliorer leur descendance.

gravure 2, mariage

De nouvelles découvertes s’effectuent selon deux axes : le long d’un parallèle, les Hommes-volants découvrent une série d’îles peuplées d’« Hommes-animaux » qui, des Hommes-serpents aux Hommes-singes, suivent un ordre emprunté à la tradition biblique et à la continuité des espèces des naturalistes. De chaque île, Victorin rapporte un couple qu’il éduque et soumet à des expériences d’hybridation, et l’hémisphère devient le lieu d’un vaste échange commercial.

gravure 3, éléphant

Un second voyage s’effectue le long d’un méridien. Les princes y découvrent des terres habitées par des peuples toujours plus éclairés, jusqu’à la Mégapatagonie, société parfaite, aux antipodes de la France, où l’on parle une langue qui inverse les lettres du français. Le vieillard Noffub (Buffon) expose la physique et la métaphysique des Mégapatagons, et Teugnil (Linguet), leur morale et leur religion. Victorin édicte finalement une Constitution pour les trente îles australes qui instaure un système communiste, sexiste, méritocratique et gérontocratique, et prévoit un perfectionnement ultérieur de ladite Constitution.

Ainsi, ce texte utopique remplace la perfection utopique traditionnelle par le récit d’un perfectionnement continu. La métropole australe se trouve au croisement de deux axes qui présentent le perfectionnement continu des espèces et des modèles sociaux. Son évolution dépend des échanges biologiques, économiques et scientifiques que favorise cette situation. La découverte australe est l’instrument littéraire qui permet de formuler une hypothèse transformiste, et d’imaginer une utopie coloniale et eugéniste, précédant d’un siècle l’invention du terme « eugenics » par le cousin de Darwin, Galton, lui-même auteur d’une utopie eugéniste.15

La gravure représentant César, l’auteur de La lettre d’un singe, donne une idée de l’ambivalence de cette utopie.16 Ce texte, qui suit le roman, est censé être écrit par le descendant d’un homme-singe austral croisé avec une femme. César écrit à ses frères singes (on peut comprendre : tous les peuples colonisés) pour proclamer la confraternité de tous les êtres vivants, et l’injustice consistant à les maltraiter. C’est affirmer que les peuples colonisés sont humains, mais aussi de race inférieure…

gravure 4, singe

Qu’en est-il de l’hypothèse transformiste ? La transformation des formes du vivant ne peut s’observer. Les mots et gravures qui représentent les Hommes-animaux sont ambivalents, puisqu’ils combinent deux représentations : celle d’animaux en marche vers l’humanisation (qui serait le stade ultime de l’animalité) ; et celle de métis issus du croisement de races fécondes entre elles (Rétif croit en une interfécondité universelle).

Ce sont les discours de Noffub et l’exposé de la physique mégapatagonne achevant les Cosmogénies qui permettent de se prononcer sur ce transformisme. Noffub explique que lorsqu’une Comète devient Planète,

« les germes des Plantes se revivifient d’abord, & vont de nuances en nuances depuis les Mousses jusqu’aux Arbres ; depuis l’Éponge jusqu’à l’Animalité : celle-ci paraît sortir de la Végétation, toujours de nuances en nuances, depuis les Animaux-végétants, comme les Orties-de-mer, les Anémones, &c., qui sont le premier degré jusqu’à l’Homme qui s’effectue le dernier de tous, en passant par toutes les nuances de l’Animalité, dont il est la perfection connue. La Nature a fait mille essais, mille efforts (pour me servir de nos expressions imparfaites) avant de produire l’Homme. Plusieurs de ces essais subsistent par Races : telles sont les différentes espèces de Singes ; d’autres se trouvent mélangés : tels sont les Hommes-bêtes que vous avez vus dans les Îles de cet Hémisphère. » (3e vol., pp. 461-462).

Rétif combine l’idée épicurienne d’une Nature qui, par hasard et avec le temps, peut produire une infinité de formes, celle d’une échelle des êtres qui s’oriente vers l’homme, et l’idée transformiste selon laquelle les organismes complexes sont issus des plus simples par transformations progressives, à quoi il ajoute que tous les êtres sont interféconds, et que des hybrides peuvent avoir subsisté (dans l’hémisphère austral) ou avoir été détruits par des races supérieures (en Europe).

Rétif pense bien ici la transformation des espèces dans le cadre d’une « temporalisation » de la nature. Cet ordre de la nature est celui du perfectionnement. Rétif rompt avec les angoisses de dégénération d’un ordre souhaité immuable par la monarchie absolutiste et chrétienne sous Louis xiv, et que l’on retrouve encore lorsque Buffon pense d’abord la transformation en termes de « dégénération », ou que Lamarck met des années à passer de l’idée de « dégradation » à celle de « gradation » des êtres vivants.17

À la fin des propos de Noffub, des Cosmogénies ou de la Lettre d’un singe, Rétif insiste sur l’idée d’une « Confraternité générale » :

« Faire naître une bienveillance générale entre les Hommes de toutes les couleurs & et de toutes les formes. Tel a sans doute été le but de cette fiction (supposé que les faits soient inventés). » (3e vol., p. 621)

Cette insistance nous met sur la piste d’une autre hypothèse relative à l’émergence du transformisme dans cette utopie qui fonde son colonialisme et son eugénisme sur la participation volontaire des populations exploitées à l’action de civilisation. La théorie transformiste combine confraternité générale et hiérarchisation des races humaines. L’eugénisme, qui semble une application du transformisme, pourrait bien être en partie à l’origine même de l’idée transformiste (Darwin s’inspirera quant à lui des pratiques de sélection artificielle des éleveurs pour formuler l’idée de sélection naturelle). Rétif invente, en même temps, la fiction la plus transformiste et la plus eugéniste qui ait jamais été écrite avant lui. Il se pourrait que la politique de perfectionnement de l’homme, de la nature et de la société ne prenne pas pour modèle un processus naturel de perfectionnement de la nature, mais qu’à l’inverse, elle l’invente, pour mieux fonder en nature sa politique eugéniste.

La Physique (1796), entre « perfectionnement » et « révolution »

Quinze ans plus tard, Rétif publie un traité qui développe ses hypothèses transformistes, en les intégrant davantage à une histoire cosmologique.18 Une autre nouveauté consiste à proposer deux conjectures en concurrence. La première est biologiquement créationniste et fixiste, mais suppose toutefois une temporalité ordonnée, progressive puis régressive, de l’apparition puis de la disparition des espèces. Si la chaîne des êtres est biologiquement discontinue, elle se « réalise » progressivement et dépend de l’évolution du milieu géologico-chimique, selon une série de « cristallisations », la référence étant La théorie de la terre (1795) de Delamétherie que Lamarck connaissait d’ailleurs très bien.

schéma 2

Schéma représentant la première conjecture de la physique terrestre rétivienne (par LL)

La terre, enrichie par les dépouilles des espèces inférieures, constitue la matrice adéquate au développement des germes des espèces supérieures. Rétif confirme l’existence passée des géants et des chimères, en développant une idée qu’il a trouvée dans l’« Histoire du Castor » de Buffon : les variétés européennes du rongeur ont dégénéré sous le règne d’une espèce humaine imposant sa supériorité. La thèse permet de reconstituer, par récurrence, l’ensemble de l’histoire politique de la nature. Lorsque les singes sont apparus, ils ont tenu le « sceptre de l’animalité », jusqu’à ce que les hommes aient pris le pouvoir. Puis les germes des Géants se sont développés à la surface d’une terre enrichie par les dépouilles des humains, qui à leur tour ont perdu le sceptre. Réduit à la bestialité, l’homme s’est accouplé avec les autres animaux, tout en cherchant à obtenir les faveurs des femelles de l’espèce dominante, comme s’y essaie aujourd’huile singe avec les femmes africaines (hypothèse répandue du temps de Rétif). Enfin, des conditions climatiques, nutritives ou politiques, ont entraîné l’extinction des Géants, dont on découvre encore des restes fossiles. En attendant de connaître le même sort, les hommes ont exterminé les traces de leur ancienne bestialité.

C’est cette conjecture qui s’intègre le mieux dans la théorie cosmologique. Les espèces disparaissent dans l’ordre inverse de leur apparition. À la fin du cycle, tout retombe en « Dieu, dissolvant général de toute la nature » (§ 294, p. 350). Rétif a utilisé les fables, Buffon et Delamétherie, conservé les avantages du créationnisme fixiste (l’espèce humaine séparée des autres animaux), tout en maintenant le métissage et une évolution de la Nature, cyclique et réversible.

La seconde conjecture s’intègre plus difficilement dans la cosmogonie. Elle développe l’idée de perfectionnement irréversible de l’animalité de La découverte australe. Les animaux marins les plus simples, issus des végétaux, ont donné des poissons évolués, puis des amphibies. Plusieurs embranchements sont apparus et, finalement, l’homme descend du singe.

schéma 3

Schéma représentant la seconde conjecture de la physique terrestre rétivienne (par L.L.)

Son hypothèse est complétée par des conjectures sur le mécanisme de la transformation, parmi lesquelles une idée attribuée au transformisme lamarckien (les habitudes créent l’organe) : Rétif explique que « le besoin déterminant la formation des organes intérieurs et extérieurs, [les herbivores] seront demeurés, avec leur vaste ou double estomac, dans leur état, plus facilement que les carnivores ». Une autre hypothèse est souvent attribuée au transformisme darwinien : des variations dues au hasard sont l’objet d’une sélection sexuelle qui favorise l’émergence d’une population différenciée. Rétif explique à propos des singes :

« Peut-être que la bouche aplatie et l’adresse des mains furent l’effet du hasard dans un ou quelques individus ; que ces individus, charmés de cette différence, cherchèrent à la maintenir, comme une distinction des autres animaux, en ne s’unissant qu’à des femelles à bouches aplaties comme eux : alors l’espèce humaine ne se serait configurée humainement que petit à petit » (§ 269, p. 333).

Mais Rétif reste, comme de nombreux savants, anthropocentriste. Une formule, assez obscure, doit être prise à la lettre :

« L’homme a passé par toutes les gradations animales. »

L’homme est présent virtuellement dans tous les stades de l’évolution. L’arbre généalogique suppose la préexistence d’une espèce finale : tous les animaux mènent à l’homme. Les embranchements des herbivores, des carnivores, des omnivores et des grands pachydermes, lorsqu’ils n’ont pas été déviés dans leur évolution, mènent à l’espèce simienne, puis humaine, ce qui rend complexe le concept d’espèce chez Rétif (mais une telle complexité se retrouve chez d’autres, dont Lamarck19). Du coup, cette hypothèse explique aussi le comportement des individus : les méchants viennent de l’embranchement des carnivores.

Rétif ne donne qu’une seule fois sa préférence entre les deux conjectures, pour la cristallisation de germes préformés :

« [cette hypothèse] me paraît plus conforme à la marche de la nature, quoique l’autre [...] ait de grandes probabilités ; […] on trouve mieux, dans cette hypothèse […], cette gradation commençante, et cette dégradation finissante des êtres vivants : elle est plus digne de la Physique générale […]. Voilà mon opinion: lecteur, aie aussi la tienne. » (§ 298, p. 353)

L’hésitation de Rétif traduit celles des auteurs de l’époque, en histoire politique ou naturelle. Lamarck met des années à inverser l’ordre d’exposition de la complexification des organes, d’un ordre décroissant prétendument didactique à l’ordre croissant de la marche de la nature. Il met des années à imaginer que la matière organique n’est pas nécessairement à l’origine des minéraux, et que l’organique pourrait surgir de l’inorganique. L’hésitation de Rétif est un symptôme des interrogations de l’époque sur le sens de l’histoire, entre progrès et régression. À la fin de sa Morale (1797), Rétif explicite l’un des enjeux de sa Physique, par une nouvelle conjecture, appuyée sur la doctrine de l’optimisme selon laquelle Dieu a tout prédéterminé à l’optimum :

« Cette opinion, dont le germe est dans l'Optimisme, me paraît grande et belle ! À chaque Révolution, tout se reformerait comme il fut éternellement formé : Les mêmes Soleils, les mêmes Cométoplanètes renaîtraient ; […] Notre Espèce se serait perfectionnée de même ; les mêmes Républiques, les mêmes Empires, auraient eu lieu : Nous en serions, à l’an 100.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000 par 100.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.077 = la même somme répétée, de la Révolution générale subséquente, 8 de la Révolution française, 5 de la République, ... Nous en serions (dis-je) au même point où nous en sommes : Moi, Mr-Nicolas, […] je serais dans le même désespoir où j’étais hier, 25 floréal (14 mai) [...] le mieux possible est nécessairement Unique, comme Dieu. Dans les Révolutions passées, tout a donc été, dans les Révolutions futures, tout sera donc le même que dans la Révolution actuelle. »20

La révolution politique, les vicissitudes et le désespoir individuels sont intégrés dans une révolution cosmogonique de l’éternel retour célébrée comme occasion de se réjouir. L’hypothèse qui, pour Rétif, est une fiction heuristique susceptible de s’avérer véridique, semble relever du délire. Elle aborde, en même temps, l’histoire autobiographique, l’histoire politique, et l’histoire des planètes et des espèces. Mais précisément : qui peut, à cette époque, réfléchir à la révolution des astres ou à la transformation de la nature sans avoir à l’esprit la révolution politique en cours ? Les théories de Rétif sont peut-être d’autant plus irrecevables qu’elles explicitent ce qui relève des motivations du savoir.
La réception de Physique a été un échec, mais il existe une gradation du non recevable au recevable, et Lamarck s’inspire de Delamétherie (1743-1817), que célèbre Philippe Bertrand (1730-1811 env. ), par ailleurs fasciné par Rétif. Bertrand consacre à celui-ci un « Post-scriptum » de dix-huit pages dans ses Nouveaux principes de géologie de 1797.21 Ses différents propos sur le recours de Rétif à l’imagination sont remarquables :

« C’est une théorie si vaste, si neuve et originale, que je ne puis me dispenser de l’ajouter à celles qui viennent d’être analysées » (p. 521) « malgré l’espèce de désordre où se jette Monsieur Nicolas, par l’abondance et le croisement de ses idées ; je me trouve d’accord avec lui plus qu’avec tout autre, sur les faits principaux de la théorie » (p. 531) ;
» Prétendre remonter à des époques plus reculées, même à l’origine et à la cause des causes ; cela n’est pas d’un géologue, mais d’un romancier qui déshonore ou discrédite tout ce qu’il a dit de bon et de vrai. […] Il dira peut-être que j’ai moi-même encouru ce reproche. » (p. 532)
» Je laisse donc le citoyen Restif de la Bretonne penser autrement, et s’élancer encore jusqu’aux régions inconnues et aux choses imaginaires. Moi-même j’ai peut-être déjà transgressé la ferme résolution que j’avois prise, de ne marcher que terre à terre, et de ne raisonner que physiquement ou d’après les sens. » (p. 538)

La remarque de Bertrand selon laquelle il pratique lui-même ce qu’il reproche à Rétif (dépasser les faits par la spéculation et l’imagination) me semble devoir être méditée pour réfléchir à cette chaîne des auteurs que l’on pourrait classer selon leur degré croissant d’insertion dans les institutions savantes et leur degré décroissant de recours (explicite) à l’imagination et à la spéculation philosophique. Tout en critiquant Delamétherie pour son usage abusif du mot « cristallisation », Bertrand le considère comme le meilleur géologue du temps. Et le commentaire de la Physique de Rétif est une sorte de post-scriptum à Delamétherie, désormais reconnu comme un inspirateur du transformisme lamarckien.22

Conclusions générales

Le transformisme est d’abord un savoir d’ordre historique avant d’être d’ordre biologique. L’histoire de son émergence témoigne de la complexité des relations à la temporalité et à l’idée de progrès. Ce qu’on appelle le siècle des Lumières ne se caractérise pas par une foi dans le progrès, mais par la double montée en puissance de l’espérance d’un progrès et de la crainte d’une régression. La Révolution a accentué cette tension, comme elle a accentué cette autre tension entre la croyance en l’action politique, et la croyance en une histoire orientée par la Providence. La période a laissé espérer les conditions d’un progrès continu (c’est l’espérance que Condorcet place dans l’action politique, juridique et pédagogique, très éloignée de la légende d’un Condorcet croyant en un progrès inhérent à l’histoire.23 La Révolution a aussi laissé craindre le surgissement d’un chaos, et suscité la recherche d’un ordre stable, ou de nouvelles théologies de l’histoire. Rétif explicite ces tensions au cœur même de sa théorie sur l’évolution du cosmos et des espèces. On peut supposer que ces tensions affectent aussi les œuvres de Lamarck, ou d’autres naturalistes, comme Cuvier qui invente une théorie mêlant catastrophes géologiques et fixité des espèces créées par Dieu pour sauver l’idée d’un ordre naturel fondé sur une transcendance.

Le vocabulaire des savoirs relatifs à l’interprétation de l’histoire de la nature et de la société est lui-même ambivalent. « Progrès » porte les traces de l’hésitation entre le sens de développement (le déploiement d’une chose encore enveloppée) et celui d’amélioration dans le temps. Ce mot « progrès » prête ainsi à un malentendu majeur en étant employé à la fois par les partisans d’une action productrice de progrès et par ceux qui croient en une histoire naturellement ou divinement orientée. De même, le mot « évolution » a d’abord désigné le développement d’un embryon déjà préformé dans le cadre d’une conception fixiste des espèces, avant de devenir le mot majeur d’une théorie de l’amélioration (plutôt prédéterminée) de la société, puis de devenir l’un des termes-clés du transformisme darwinien.

Quels seraient les meilleurs termes pour qualifier les conceptions de l’histoire de la nature qui émergent à la fin du xviii siècle et au début du xix siècle ? Pour exprimer l’idée que les espèces ne sont pas parfaitement adaptées mais se transforment, sous l’effet de forces naturelles (déterminées ou non par Dieu) et selon une direction, le mot « perfectionnement » (inventé en 1723) semble le meilleur (et doit être rapproché de « perfectibilité » employé par Turgot en 1750, par Rousseau en 175524). Mais il faudrait aussi mettre l’accent sur ces couples de termes exprimant progression et régression, réversibilité, cyclicité (comme « génération » et « dégénération », « gradation » et « dégradation »). La Physique rétivienne met sur la piste d’un autre terme majeur, d’abord employé en astronomie : le mot « révolution ».25 La concurrence entre les deux conjectures rétiviennes sur les espèces, et leur intégration dans une révolution cosmologique inciteraient à considérer une partie de son évolutionnisme comme un « révolutionnisme ». Entre 1781 et 1796, Rétif est passé d’une temporalité naturelle fondée sur l’idée de perfectionnement à une temporalité naturelle fondée sur l’idée de révolution.

Le « progressisme » biopolitique de La découverte australe révèle le changement des mentalités de l’époque, et l’usage de l’idée de Nature au service d’une politique prétendument éclairée. Il préfigure la mise en place effective de programmes étatiques eugénistes. Cette idée du progrès mérite aussi d’être confrontée aux formes actuelles d’un imaginaire biomédical de l’amélioration du bien-être individuel.26 L’évolutionnisme et le révolutionnisme de la Physique en disent long sur ce moment d’intense activité intellectuelle et politique qu’a été la Révolution, qui avive, en une décennie, et bien avant le xx siècle qui vient de s’écouler, les espérances et les désillusions. Notre temps rendrait-il nécessaire de perfectionner ou de révolutionner la manière même de concevoir ou de pratiquer le progrès ?27

L’exemple de l’invention du transformisme permet aussi de réfléchir plus généralement au rôle de l’imaginaire dans la découverte. Celui-ci est, pour des scientifiques inventeurs, une évidence, une vérité d’expérience, mais la difficulté à le reconnaître peut tenir, entre autres, aux deux raisons suivantes :
1. Une ambivalence dans la signification du mot « imaginaire », qui correspond à une diversité des usages de l’imagination : l’imaginaire, qui désigne le produit de l’imagination, a aussi pour signification courante « ce qui n’existe pas dans la réalité, mais seulement dans l’imagination ». Or, l’imagination est ce qui permet de mettre en rapport des choses de la réalité, d’imaginer ces rapports, et de créer aussi bien des rapports impossibles (comme la chimère consistant à réunir le corps d’un animal et la tête d’un humain), que d’imaginer des rapports invisibles mais possibles ou réels (comme la parenté entre un animal et un être humain).
2. La deuxième raison tient aux pratiques scientifiques modernes et à la représentation imaginaire des sciences aujourd’hui, qui consistent généralement à occulter ce qui relève de l’imaginaire et d’ailleurs aussi ce qui relève de la découverte, pour se focaliser sur la collecte des informations, la rigueur formelle de la démonstration, la méthode expérimentale de vérification, etc. ; le tout en laissant croire que le savant n’est plus un être humain et culturel mais une sorte d’instrument de « la » science, qui ne sortirait pas davantage de son laboratoire que les instruments techniques qu’il utiliserait.
Enfin, une telle étude permet de discerner l’une des formes que peut prendre l’usage de l’imagination et le recours à l’imaginaire dans les découvertes scientifiques. L’imagination consistant à concevoir de nouveaux rapports entre les choses, si celle-ci s’exerce à l’échelle des grandes théories sur l’homme, la nature ou la société, elle passe alors par la mise en rapport de domaines de savoirs que l’on conçoit à tort comme totalement dissociés, et même par celle de phénomènes culturels et mentaux qui dépassent de loin les prétendues frontières du savoir ou des sciences. C’est la raison pour laquelle comprendre les sciences suppose de ne pas les dissocier d’une histoire générale de la culture. La réflexion sur le rôle de l’imagination dans la découverte scientifique est donc, en partie, une réflexion sur les interactions entre les différentes facettes de l’ensemble de la culture.

Notes de bas de page numériques

1  Jacques Roger, « Transformisme », Encyclopaedia Universalis, 1985, pp. 162-165 ; et « Les conditions intellectuelles de l’apparition du transformisme » (1967), repris dans Jacques Roger, Pour une histoire des sciences à part entière, C. Blanckaert éd., avant-propos de M.-L. Roger, postface de J. Gayon, Paris, Albin Michel, 1995, pp. 227-236.

2  Le présent texte reprend, en soulignant le rôle de l’imagination dans la découverte du transformisme, et dans la méconnaissance de son premier théoricien, mon étude : « L’invention d’un transformisme généralisé (1781-1796) : l’imagination d’une temporalité naturelle, entre "perfectionnement" et "révolution" », dans Temps, durée dans la littérature des Lumières et ses marges, J. Goulemot éd., Paris, Le Manuscrit, 2010, pp. 33-72.

3  Laurent Loty et Marc Renneville, « Penser la transformation des rapports entre le scientifique et le non scientifique », dans L’histoire des sciences de l’homme. Trajectoire, enjeux et questions vives, C. Blanckaert, L. Blondiaux, L. Loty, M. Renneville et N. Richard dir., Paris, L’Harmattan, 1999, pp. 247-263 ; et Laurent Loty, « Pour l’indisciplinarité », The Interdisciplinary Century ; Tensions and convergences in 18th-century Art, History and Literature, Douthwaite and M. Vidal ed., Oxford, Voltaire Foundation, 2005, pp. 245-259 (1e version en 2000).

4  Joël Castonguay-Bélanger, Les écarts de l’imagination. Pratiques et représentations de la science dans le roman au tournant des Lumières, Presses de l’université de Montréal, 2008 ; Laurent Loty, « Métaphysique et science de la nature : Dupont de Nemours contre la théorie de l’instinct », Nature, Histoire, Société. Essais en hommage à Jacques Roger, C. Blanckaert, J. – L. Fischer, R. Rey dir., Paris, Klincksieck, 1995, pp. 327-340 ;

5  Pierre Testud, Rétif de la Bretonne et la création littéraire, Genève, Droz, 1977 ; Rétif, Monsieur Nicolas (1797), Pierre Testud éd., Paris, Gallimard, 1989.

6  Pierre Hartmann, Rétif de la Bretonne. Individu et communauté, Paris, Desjonquères, 2009.

7  Laurent Loty, « L’an deux mille (1789) : une utopie révolutionnaire », et « La philosophie de l’Histoire et les choix politiques de Rétif après la Terreur », Études rétiviennes 17, déc. 1992, p. 77-98 ; et 11, déc. 1989, pp. 25-39.

8  Jean-Louis Fischer, « L’hybridologie et la zootaxie du Siècle des Lumières à L’origine des espèces », Revue de synthèse, 3e série, 101-102, 1981, pp. 47-72.

9  Jacques Roger, « Les conditions intellectuelles de l’apparition du transformisme » (1967), art. cité.

10  La découverte australe par un Homme-volant, ou le Dédale français (1781), réimpr. de l’éd. de Leipzig, 1781, P. Vernière éd., Genève, Slatkine Reprints, 1979 (texte tronqué chez France Adel, 1977, et Laffont, 1990). Je prépare, avec Anne-Rozenn Morel, une édition critique aux éditions Champion.

11  Jacques Roger, Buffon. Un philosophe au jardin du Roi, Paris, Fayard, 1989.

12  Physique, à Paris, de l’Imprimerie du Cercle social, 1796 ; rééd. dans Œuvres complètes, Genève-Paris, Slatkine, 1988 ; et dans Monsieur Nicolas, Paris, Pauvert, 1959, t. 5 (je cite d’après cette dernière édition).

13  Pietro Corsi, Lamarck. Genèse et enjeux du transformisme, 1770-1830 (1983 en italien), Paris, Cnrs Éditions, 2001 ; Pietro Corsi, Jean Gayon, Gabriel Gohau et Stéphane Tirard, Lamarck, philosophe de la nature, Paris, Puf, 2006.

14  Laurent Loty, « La découverte australe (1781) : une utopie évolutionniste et eugéniste », Études rétiviennes 4-5, déc. 1986, pp. 27-36. Voir aussi Ilaria Lo Tufo, Rétif de la Bretonne’s La découverte australe and the Global Reshaping of Society, PhD, Cambridge University, 2000, et « La découverte australe et la littérature de voyage », Études rétiviennes 32, déc. 2000, pp. 113-127 ; Giulia Pacini, « Colonial Predicaments, Eugenics Experiments, and the Evacuation of Compassion : "Perfecting" the Hybrid Creatures in Rétif’s La découverte australe », Symposium 60, 3, fall 2006, pp. 171-186 ; Mary B. Cambell, « Les "hommes-brutes", les fins et la fin de la différence : le cas de La découverte australe de Rétif de la Bretonne », trad. C. Van den Bergue avec L. Loty, Études rétiviennes 43, déc. 2011, pp. 137-148.

15  Laurent Loty, « Science et politique en fiction », Dictionnaire des utopies, M. Riot-Sarcey, T. Bouchet et A. Picon dir., Paris, Larousse, 2002, 200-201 et 271.

16  Sur les gravures, voir Françoise Le Borgne, « Les gravures hybrides de La découverte australe », I. Lo Tufo, « Nature et histoire naturelle dans les images des "hommes-bêtes" de La Découverte australe », et Huguette Krief, « État de nature, état utopique : l’univers sexué des images de La découverte australe », Études rétiviennes 31, 1999, pp. 11-27, 29-48 et 129-143.

17  Jean Goulemot, Le règne de l’histoire. Discours historiques et révolutions, xviie-xviiie siècles, Paris, Albin Michel, 1996 (1e version, 1975) ; P. Corsi, J. Gayon, G. Gohau et S. Tirard, Lamarck, philosophe de la nature, ouvr. cité.

18  Voir Laurent Loty, « Évolution culturelle, évolution politique et révolutions rétiviennes », Études rétiviennes 2, mars 1986, pp. 3-18.

19  Histoire du concept d’espèce dans les sciences de la vie, J. Roger et J.-L. Fischer dir., Paris, Fondation Singer-Polignac, 1987 ; Wiktor Stoczkowski, « Lamarck, l’homme et le singe », Jean-Baptiste Lamarck, 1744-1829, G. Laurent dir., Paris, éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1997, pp. 447-464.

20  Morale, dans Monsieur Nicolas, Paris, Pauvert, t. 6, pp. 143-144.

21  Philippe Bertrand, Nouveaux principes de géologie […], Paris, chez l’auteur, an VI-1797.

22  Pietro Corsi, Lamarck. Genèse et enjeux du transformisme, ouvr. cité.

23  Laurent Loty, « Condorcet contre l’optimisme : de la combinatoire historique au méliorisme politique », Condorcet mathématicien, économiste, philosophe, homme politique, P. Crépel et C. Gilain dir., Paris, Minerve, 1989, pp. 288-296.

24  Florence Lotterie, Progrès et perfectibilité : un dilemme des Lumières françaises (1755-1814), Oxford, Voltaire Foundation, 2006.

25  Jean Goulemot, « Le mot révolution et la formation du concept de révolution politique », Annales historiques de la Révolution française, oct.-nov. 1967, pp. 417-444 ; Alain Rey, « Révolution ». Histoire d’un mot, Paris, Gallimard, 1989 ; F. Ellenberger, « Étude du terme "Révolution" », Documents pour l’histoire du vocabulaire scientifique 9, J. Roger et M. Groult dir., inalf-cnrs, 1989, pp. 69-90.

26  Jean Gayon et Daniel Jacobi dir., L’éternel retour de l’eugénisme, Paris, Puf, 2006.

27  Voir Pierre-André Taguieff, Le sens du progrès. Une approche historique et philosophique, Paris, Flammarion, 2004.

Pour citer cet article

Laurent Loty, « L’invention du transformisme par Rétif de la Bretonne (1781 & 1796) », paru dans Alliage, n°70 - Juillet 2012, L’invention du transformisme par Rétif de la Bretonne (1781 & 1796), mis en ligne le 26 septembre 2012, URL : http://revel.unice.fr/alliage/index.html?id=4055.

Auteurs

Laurent Loty

A enseigné en Lettres et présidé la Société française pour l’histoire des sciences de l’homme. Chercheur au Cnrs, il enquête sur la genèse des croyances et des idées scientifiques et politiques contemporaines. Il prône l’indisciplinarité (« Pour l’indisciplinarité », 2000), étudie les mots qui empêchent de penser (« L’optimisme contre l’utopie », Europe, 2011) et l’humanisme du livre au numérique. Anti-fataliste, il anime le programme « Alterréalisme » d’incitation à l’écriture de fictions utopiques et juridiques.