Alliage | n°39 - Juillet 1999 L'image dans la science 

Bruno De Dominicis  : 

Mettre la science en culture ou comment civiliser le progrès.

Plan

Texte intégral

Introduction

Mettre la science en culture, qu’est-ce que cela peut recouvrir ? Et quelle place pour une telle réflexion ? Nous voudrions nous situer dans un cadre non spécialisé, qui s’adresserait au public curieux des débats de son temps, tel le gentilhomme du XVIIIe siècle pour qui les savoirs n’étaient pas encore cloisonnés. Ce qui est à reconquérir, selon nous, c’est une problématisation du lieu où se dit la chose publique. Indépendamment des concepts valides pour telle ou telle discipline, biologistes qui ne voient la vérité du monde qu’à travers protéines et enzymes, physiciens à travers la théorie des particules élémentaires, qu’en est-il des concepts et des représentations qui permettent à tous les sujets de la modernité, c’est-à-dire à tous ceux qui sont plongés de fait dans le monde industriel, de penser la relation qu’ils entretiennent avec leurs semblables et avec eux-mêmes et comment situer les productions de la science et de l’industrie dans cette problématique ?
Ce pourrait être l’occasion de réfléchir, par exemple, à notre être au monde devant un écran, à ces instants d’absences fugitives de la raison qui nous laissent quelquefois rêveurs lors d’une sauvegarde de données un peu lente. La machine ne serait-elle pas encore assez rapide pour nous oublier à nous-mêmes totalement ? Grâce à Dieu, — mais est-ce bien l’endroit, dans cet article dédié à la science d’invoquer cet ancêtre à l’auréole délavée ? —, le processeur n’a pas encore colmaté toutes les béances de notre être, et nous pouvons encore nous absenter devant un écran.

Les dieux et les choses

Mettre la science en culture consiste aussi à penser l’être-là de ceux qui sont confrontés dans leur existence quotidienne à ces objets techniques qui nous parlent, dans lesquels d’autres ont auparavant inscrit des paroles, des processus, des formes.
Avant l’ère industrielle, les interlocuteurs de l’homme étaient hommes ou dieux. Depuis, les dieux sont tombés, ou plutôt ont été précipités ou condensés, au sens de la chimie, dans notre monde : les cieux sont vides désormais, et les objets produits en grande série sont montés sur les autels désertés. Nous engageons par leur truchement des entretiens qui s’adressent à nous-mêmes, mais nous ne le savons pas. Les mots qui jadis permettaient de dire la relation aux dieux ou à Dieu, sont à réinvestir, à réinterpréter, pour nous formuler à nous-mêmes ce à quoi nous occupons nos vies quand nous sommes en relation avec les objets industriels. Les mots du Moyen Âge européen, de la Grèce antique, sont là comme un disque que nous aurions désappris d’entendre.
Les grandes religions laïcisées en idéologies depuis le XIXe siècle, au sens de grands systèmes symboliques que l’humanité produit comme l’araignée sa toile, sont des élaborations collectives consubstantielles à l’humanisation : « les institutions du pouvoir sont partie prenante des institutions du moi de l’individu »,1 ce qui distingue l’homme des autres espèces dépourvues de la parole. C’est en quoi la qualité des institutions et des représentations collectivement partagées qui en découle est déterminante pour la survie, c’est-à-dire la possibilité du groupe à se reproduire, pour une génération de se reconnaître issue et distincte de la précédente. Les institutions et représentations doivent être portables d’une génération à la suivante, avec toutes les modulations, évolutions, qu’impose le temps. Ces évolutions n’empêchent pas le fait que « la structure n’oublie rien »2 : nous restons occidentaux et nous reconnaissons comme tels, différents des Chinois ou des Indiens.3
Mettre la science en culture revient à parler la science, ou bien à penser la science. Paradoxalement, « la science ne pense pas »,4 elle permet au contraire d’économiser la pensée au moyen des raccourcis fulgurants que les outils qu’elle produit induisent. Les opérations complexes sont “prépensées”, si bien que l’on n’a plus besoin de connaître le détail de la méthode pour l’utiliser, et néglige quelquefois ses limites de validité. Dans notre environnement urbain industrialisé, nous sommes en relations avec des objets à haute pensée, comme on parle de haute tension ou de haute couture. À ces objets si puissants, nous déléguons bien souvent la faculté de penser — c’est la faute à l’ordinateur — et même de sentir — nous pouvons nous surprendre regardant la pendule pour savoir si nous avons faim —, et nous y inscrivons nos peurs par défaut, par exemple sous la forme du bogue de l’an 2000 consécutif au codage de l’année sur deux chiffres.5
En ce sens, mettre la science en culture, c’est réinvestir l’espace de la subjectivité individuelle, afin de permettre le “parlage” de l’existence moderne au milieu des objets techniques. C’est reconquérir sur les objets industriels faits pour séduire toujours plus, un lieu de parole porteur d’une intersubjectivité qui fasse foi, c’est-à-dire qui soit porteur d’une représentation du monde partagée, considérée comme l’évidence pour nous, à laquelle nous fassions crédit, c’est-à-dire que nous y croyions. Le latin credere donne en français créance et croyance : croire, c’est faire crédit à quelque chose ou à quelqu’un. En l’occurrence, les musées de sciences et techniques, ces temples de la technoscience révélée, surtout en France, au nom de l’État, sont sommés par leurs publics de se porter garants d’une représentation du Monde et de l’Homme qui fasse foi, c’est-à-dire qui résiste à l’épreuve des faits, au nom de laquelle chacun puisse établir des relations avec ses semblables et se situer dans son existence.

Les pères et les fils

Chaque époque repense ses représentations, qui sont un compromis entre les exigences vitales de perpétuation du groupe social et les contraintes de la réalité. Jusqu’à la révolution industrielle, la réalité, — climat, récoltes, épidémies, etc. — était inaccessible à l’homme, de l’ordre de la providence divine. Désormais, nous disposons de multiples moyens d’intervention sur nous-mêmes et notre environnement, si bien que les évidences d’hier ne sont plus pertinentes pour nous. En même temps, la norme, qui était définie par l’éternité de la structure dont la divinité était le sceau, est devenue évolutive, avec le darwinisme d’abord6 — l’homme est une espèce en devenir, qui descend du singe, et non plus le canon fixé dans le récit de la Genèse par la descendance adamique —, avec l’industrie ensuite, qui impose par son Standard évolutif, des normes sans cesse renouvelées, sur un rythme toujours plus rapide.
Désormais, le savoir des pères n’est plus valable pour les fils, étant devenu obsolète en moins d’une génération. Pères et Fils se voient ravalés sur un même plan, roulés par la même vague du progrès de l’industrie, mettant en péril la différenciation des générations, à savoir l’interdit de l’inceste au plan symbolique,7 et donc la perpétuation du groupe. Corrélativement, le temps accélère en même temps qu’il s’étiole : nous passons notre vie à gagner du temps pour être à la page, dans le coup, rester jeunes. L’échéance qui nous guette est le passage du mur du temps, quand la vitesse du changement imposé par l’industrie entre en résonance, au sens de la physique, avec le rythme du renouvellement des générations.8 Le passage génère une perte de mémoire collective, et nous sommes sonnés, de même que l’avion qui dépasse la vitesse du son induit un bang supersonique.9 Le groupe social entre alors en fusion, et les individus se confondent en une masse indivise, qui ne reconnaît plus d’altérité. Pour se fonder, la masse désigne ceux qui, par leur expulsion ou leur disparition manifesteront la réalité de cette nouvelle identité fusionnelle. Nous avons déjà fait une fois cette expérience au XXe siècle, avec l’émergence de cette nouvelle forme de domination inédite10 dans l’histoire de l’humanité : le totalitarisme et le camp de concentration qui l’accompagne. Nous n’avons pas encore appris à maîtriser les tenants et les aboutissants de cette expérience historique trop récente, ni n’avons pris la peine d’analyser le rôle de la technoscience industrielle dans la genèse de cet événement nouveau. Voilà un vaste chantier qui s’ouvrirait aux musées de sciences et techniques si, d’aventure, ils venaient à se préoccuper de la pérennité du monde qu’ils promeuvent.

Le retrait de l’État

En France comme dans tous les États industrialisés, nous assistons depuis dix ans à une privatisation générale des avoirs publics, à un désengagement des États de leurs prérogatives traditionnelles. Ce vaste mouvement planétaire signe le déclin de l’État-Nation tel que l’a promu l’Europe il y a deux siècles, et nous vivons corrélativement une reféodalisation progressive des institutions sous l’égide des grands groupes industriels transnationaux : les grandes compagnies s’échangent des usines avec leurs dizaines de milliers d’employés tout comme, il y a quelques siècles, des provinces étaient annexées par mariage.
En France, où depuis deux siècles la raison est sollicitée de fonder le lien social au nom de l’État, les musées de sciences et techniques dont c’est la mission implicite subissent le retrait des tutelles. De ce fait, ces institutions qui promeuvent les sciences et techniques sont prises en tenaille entre des exigences contradictoires : d’une part, les intérêts privés demandent une rétribution dans les espaces d’exposition conformes à leur influence grandissante, d’autre part, les publics se prêtent chaque jour un peu moins à un discours scientiste présentant la technoscience et le rapport homme/machine comme le signe d’un avenir radieux. Par ailleurs, face à la concurrence ludoéducative américaine (edutainment), la convergence progressive des parcs à thèmes et des musées des sciences et techniques américains, les institutions françaises se veulent plus “sérieuses” et didactiques, dispensatrices d’une culture scientifique, authentique héritière des Lumières et de Descartes.
Comment se situer devant ces exigences contradictoires ? La balance n’est sans doute pas facile à tenir entre deux extrêmes qui seraient, d’un côté, un discours scientiste triomphant mais déclassé qui date du XIXe siècle, et de l’autre, une description du monde d’un pessimisme qui se voudrait lucide. Le discours scientiste est déjà obsolète dans le sens où il ne laisse pas de place aux inquiétudes des publics, à la simple angoisse existentielle de se situer dans un monde industrialisé. Il ne permet plus de « présenter l’Homme et le Monde à l’Homme »11 et ne fait plus sens pour nos contemporains. En revanche, il permet de valoriser les réalisations de l’appareil industriel. Le risque en est la désaffection progressive de publics partis ailleurs quérir leur pitance existentielle sur le marché du sens, en dehors d’une allégeance à la raison (sectes, marginalité, etc.). Sur l’autre versant, un discours critique devant les réalisations de l’industrie, qui présenterait les catastrophes induites par une industrialisation effrénée risquerait d’effrayer les sponsors, qui sont amenés à prendre plus d’importance dans le financement des expositions, et de livrer les publics à une angoisse renforcée par le statut institutionnel du discours présenté.
Le ludoéducatif du parc à thème technoscientifique est une façon d’échapper à cette contradiction par l’étourdissement technologique, la fascination devant la technique, mais qui demeure insatisfaisante du point de vue français et où, en tout état de cause, les institutions françaises sont mal préparées à concurrencer le professionnalisme et les grands moyens américains. La responsabilisation des publics devant les défis de notre temps fait partie de la traditionnelle “mission civilisatrice de la France”, de cette propension que nous avons à proclamer la vérité au monde, parce que finalement, c’est ce que nous faisons le mieux, ou peut-être ne savons-nous pas vraiment faire autre chose de sérieux (cf. la mode, l’amour, la cuisine, et plus généralement le bon goût, qui ont fait notre réputation internationale plus que le TGV ou Concorde, sans parler du paquebot France et de Superphénix).
Cette troisième voie reste à élaborer, comme l’illustre l’attitude face au nucléaire qui est paradigmatique de cette situation. En France, ce secteur industriel reste une zone protégée, où l’État et des intérêts privatisés gèrent ensemble un vaste complexe industriel. En 1995, une exposition sur les réalisations du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) fut organisée à la Cité des sciences et de l’industrie à Paris. Seuls furent abordés les aspects emblématiques et flatteurs du nucléaire, et c’est le comité d’entreprise, en collaboration avec la CRII-RAD,12 qui assuma de sa propre initiative et dans un local accessible au seuls salariés, la présentation des conséquences de la catastrophe de Tchernobyl. Cette attitude encore tenable à l’époque le serait-elle aujourd’hui ? Depuis, des taches de radioactivité dites « taches de léopard » ont été découvertes dans les Vosges, les massifs alpins du Mercantour et des Écrins apparaissent contaminés, une fuite de radioactivité a été détectée dans les effluents de l’usine de la Hague à l’occasion des grandes marées annuelles, tandis qu’en Suède et en Allemagne, où des foules toujours plus nombreuses rendent chaque convoyage de produits de fission toujours plus onéreux et risqué, sont enclenchés des programmes de désengagement du nucléaire.

La place de la France

Le nucléaire, clé de voûte de la souveraineté nationale et de la dissuasion depuis la fin du dernier conflit mondial, est sans doute le domaine le moins facile à aborder sereinement. Poser la question du nucléaire en France revient à situer la France dans le monde vis-à-vis de ses alter ego que sont les autres États. Proposer aux sujets-citoyens visiteurs de la Cité une présentation de l’homme et du monde à l’homme passe par une présentation assumable par ces citoyens du sujet-France, sujet collectif se réfèrant à un passé, à une mémoire partagée.
Les Lumières qui explosent à la face du monde en 1789 affirment le progrès comme l’allié du bonheur, devenu industriel depuis, et ce par le moyen de la raison assimilée à la science par la suite. La souveraineté française se fonde alors sur une laïcité qui se réclame de la raison, également distante de tous les cultes, les tolérant tous et n’en privilégiant aucun. Auschwitz et Hiroshima ont depuis lors confronté les citoyens au retournement contre l’homme de la rationalité industrielle dans le premier cas, de la science pure dans le deuxième, tandis que l’indépendance de l’Algérie marquait l’échec de l’exportation de ce modèle raisonnable qui se voulait d’une universalité aussi irréfragable que le christianisme pontifical dont il était issu.
Nous sommes actuellement dans cette période où la structure-France se cherche de nouvelles raisons d’être. Cette structure mythique,13 fille aînée de l’Église14 dans le sens où le centralisme romano-pontifical a trouvé sur notre territoire son meilleur relais au cœur de l’Europe, qui fut habillée d’abord par la chrétienté féodale puis monarchique, ensuite par une laïcité révolutionnaire, puis impériale et enfin républicaine, se cherche désormais un nouvel emblème. Le nucléaire et la cinquième République en ont fait office pendant quarante ans mais se voient retirés leurs prérogatives par l’unification de l’Europe et la fin de la guerre froide. La France, qui a régné culturellement pendant deux siècles sur l’Europe et qui continuait, malgré la défaite de 1940, grâce au général de Gaulle et à la faveur de sa position de pivot dans le jeu est-ouest de la guerre froide, à se penser comme une grande puissance, se voit désormais ramenée à la dimension d’une puissance régionale, dont la souveraineté est progressivement déléguée aux instances bruxelloises et aux fluctuations de la sphère financière internationale.
Le choc est sans doute plus rude chez nous que chez nos voisins, dont les identités traditionnelles et les instances régionales ont gardé plus de vigueur. Le déclin de l’État dans un pays aussi statocentrique que la France, qui a incarné pour le monde entier la congruence exemplaire de l’État et de la nation sous l’espèce du peuple-souverain,15 et où le culte de la raison est élevé en culte national, engendre des perturbations identitaires douloureuses. Dans ce sens, la France, qui fut l’épicentre des Lumières, se retrouve en première ligne au moment où s’étiole ce messianisme et à l’épicentre d’un nouvel obscurantisme devenu plus vigoureux chez nous qu’en aucun autre pays européen.

Culte de la raison et retrait de l’État

Alors quid du culte de la raison et du retrait des tutelles ? Traditionnellement, et cela depuis huit siècles, l’Église, puis l’État qui en est le descendant, sont les porteurs de la figure mythique au nom de laquelle le Pape, puis le souverain, et enfin le chef d’État, exercent le pouvoir. Dans un monde ou les États se désengagent de leurs prérogatives traditionnelles, les allégeances généalogiques16 des sujets sont livrées aux quatre vents de tous les fournisseurs de sens, donc de pouvoir, du marché multimédiatique. On peut désormais être en même temps sujet-chrétien, sujet-citoyen, sujet-consommateur, sujet-rationnaliste,17 simultanément informaticien, astrologue, scientologue ou témoin de Jéhovah. Ces références se superposent en strates plus ou moins rivales chez un même individu sans qu’aucune assure une allégeance univoque. Notre époque se rapproche de ce point de vue, de celle des premiers siècles du christianisme, quand pullulaient les sectes gnostiques avant l’institutionnalisation de l’Église. Ce qui maintenant achève de se défaire ressemble à ce qui était alors en cours d’élaboration.
Que peuvent les institutions de vulgarisation de la technoscience devant une telle situation ? Eh bien, elles peuvent en faire le constat. Moyennant un pas de côté relativement à leur démarche habituelle, elles peuvent proposer à leurs publics une présentation de ces enjeux, présenter le rôle d’une figure d’ancêtre mythique et montrer la filiation historique dans laquelle nous nous situons, ainsi que les remaniements en cours. Elles peuvent donner à leurs publics des outils de la pensée qui s’écartent de la science « dure », pour aborder des concepts qui permettent de mettre en mots les situations dans lesquelles nous sommes plongés. L’inquiétude s’apaise quand le sujet n’est plus aliéné à des représentations insues et les affects négatifs encombrant la conscience et susceptibles de générer de l’agressivité tournée vers le sujet lui-même (dépression, suicide individuel ou collectif), ou bien l’autre (racisme, violence infondée), peuvent se muer en énergie tournée vers l’action et le remaniement de la situation du sujet dans le monde. Le travail de la pensée est le seul capable de prévenir des explosions de violence dues à des remaniements identitaires trop rapides et qui demeurent sans élaboration consciente.
Chez nous, cela pourrait consister à élaborer le remaniement des allégeances que nous subissons en mettant en perspective le culte de la raison, lequel prend en France une place déterminante, et les échéances auxquelles il fait face actuellement. Ce faisant, la place des institutions de vulgarisation scientifique dans le paysage français en tant que temple de la technoscience publique révélée au nom de l’État, et les vacillements consécutifs au retrait de celui-ci trouveraient une illustration.
Parler raisonnablement de la figure mythique qui fonde l’institution ne peut se faire qu’en recourant à la « mise en scène esthétique »18 de cette figure. En effet, la figure mythique est ce qui précède le discours raisonnable. La raison qui est là la limite du discours scientiste, ne peut s’instituer qu’en se fondant sur une narration mythique ou une mise en scène esthétique opèrant une « mise en forme maîtrisée de la folie »,19 du fantasme, du rêve, de l’arrière-boutique de la conscience. C’est la prérogative fondamentale du pouvoir que de trancher, d’assumer un choix esthétique  distinguant une nation d’une autre, une institution d’une autre. Les marques commerciales, les patries assument et revendiquent farouchement — et avec raison — leur logo ou leur drapeau. La science, au sens positiviste laplacien, qui se veut une vérité hors de la subjectivité, ne tranche pas et refuse d’assumer un tel choix, de même que la laïcité refuse de favoriser un culte. C’est ce qui vient à échéance aujourd’hui, aussi bien à travers les problématiques de la mesure en mécanique quantique,20 que celles de la laïcité vis-à-vis de l’islam français. La physique découvre qu’elle prend parti dans sa description du réel, tandis que la laïcité découvre que pas de culte, c’est déjà un culte : les Lumières sont confrontées à leur présupposés sur leur propre terrain.
Institutionnellement, promouvoir un message public implique inévitablement la mise en scène d’un « au nom de »  fondateur de l’ordre humain et du sujet. Cet « au nom de » qui vient ligaturer le pourquoi vivre ?, pourquoi le monde ?, inhérent au tourment humain d’exister, est arbitraire et culturel, caractéristique d’un espace de souveraineté et porté par un nom mythique, un mot-emblème (la Révolution, IBM, Dieu, Liberté-Égalité-Fraternité, etc.). Ce nom, qui est à la place de la figure mythique de l’Ancêtre, permet la saisie emblématique de l’institution par le sujet qui peut s’en réclamer, et ainsi s’instituer21, registre sur lequel la publicité ne cesse de jouer pour s’imposer. Or, l’emblème n’est pas scientifique au sens des Lumières, et l’objectivité au sens positiviste n’est pas équipée pour aborder cette problématique, dont le refoulement est précisément le socle sur lequel s’est bâtie la conception du monde dominant depuis trois cents ans. Pour les musées de sciences et techniques, c’est là que gît le cœur de la mutation à engager pour rester plausible. Cette mutation est déjà bien élaborée par les modernes développements des sciences de la forme (cf. les travaux de René Thom, Jean Petitot, Ilya Prigogine du côté des sciences exactes, ceux de Pierre Legendre pour les sciences humaines22).
Ce retour de la forme n’est en fait qu’un nouvel épisode de l’archaïque dialectique entre mythos et logos, qui fonde depuis la Grèce antique la dynamique de la civilisation européenne, nouvel avatar, mais à fronts renversés, de la querelle entre anciens et modernes : le refoulement énergique de la figure ancestrale consécutif à l’exécution de Louis XVI, marque l’interruption de la lignée monarchique et l’effondrement consécutif de la narration chrétienne en tant que discours normatif, signant ainsi le triomphe du logos scientifique. C’est ce qui arrive maintenant à échéance. Le logos des Lumières a exprimé sa sève, et une refondation mythique, forcément paisible,23 est désormais en gestation.24

Une figure de l’Ancêtre

Face au retrait des tutelles, et pour persister sans se morceler en tant qu’institution délivrant un discours singulier et pertinent, l’institution sera vraisemblablement amenée à s’autonomiser progressivement aussi bien de l’État que des pouvoirs industriels, et à élaborer un discours qui se distingue du scientisme conquérant pour prendre en charge les présupposés de ce type de discours. Cela revient à dire que l’institution sera amenée à s’instituer en son nom propre, à devenir progressivement autocéphale, ce qui implique de s’autoriser d’une figure mythique au nom de laquelle l’institution peut délivrer son discours propre. Dans notre monde, c’est le rôle de l’art de prendre en charge la mise en scène de ce qui ne peut se dire mais permet à « la raison d’émerger du magma fantasmatique du rêve ».25 Sauf à se déliter, l’institution ne peut éviter la responsabilité institutionnelle « d’assumer le délire souterrain d’avant la mise en scène esthétique, et de trancher parmi toutes les virtualités possibles, en faisant venir au jour le discours de la raison instituée au moyen d’une mise en scène esthétique »26 de la causalité, du temps, et donc de la filiation.Ce faisant, l’institution manifesterait son allégeance au « principe généalogique »27 par une mise en scène esthétique de ce qui ne peut se dire mais qui doit être montré sur le mode poétique. Face à ces enjeux, la Cité des sciences et de l’industrie, temple emblématique de la science publique, pourrait accueillir dans son grand hall, parmi l’infinité des mises en scène possibles, une horloge monumentale stylisée afin de montrer le temps,28 maître des destins, Référence fédératrice sous l’égide de la Mesure du temps par l’homme.La célébration de l’an 2000 au nom de la science aurait pu être l’occasion d’un détour analytique faisant partie de la mission de la Cité, détour qui aurait présenté les enjeux d’une telle monstration sensible et l’aurait située dans le contexte de notre époque, comme s’efforce de le faire cet article. L’échéance de l’an 2000 eût été une occasion de présenter les enjeux de sens, de pouvoir et de structuration de l’identité29 qu’implique le choix d’un calendrier et de reconnaître en même temps la dette qu’entretient le monde industriel descendant de la normativité pontificale avec cette narration mythique qui continue de participer à la fondation de l’identité européenne.Dans cette optique, la proposition faite par la CSI de procéder à « un appel à création et à réalisation sur le thème du temps (...), appel [qui] porte sur la création d’une centaine d’horloges dont la seule obligation est d’indiquer l’heure exacte et de sonner spécifiquement à l’heure du passage de l’an 2000. Plusieurs catégories peuvent être proposées : artistique, écologique, symbolique, farfelue, high-tech, éducation, bricolage, jeux de construction (Meccano, Lego...), informatique... »30 mérite commentaire.Cette initiative peut se lire comme le reflet d’une volonté de créer des liens entre l’institution et la génération montante, sur le mode de la célébration du deuxième millénaire. Initiative louable dans le sens où elle cherche à établir un dialogue sur le mode du « tressage » de la technique et de l’imaginaire social entre l’institution et le jeune public en formation. L’intention est bonne, mais il nous semble qu’elle se retourne contre elle-même. En effet, posons la question : quel est l’acte de sens, la mise en liens, dans cette manœuvre institutionnelle ? Quel est le sens d’une demande institutionnelle adressée à la génération montante, consistant à concevoir des horloges de styles variés, c’est-à-dire des figures du temps ?Concevoir des figures du temps revient à élaborer des montages esthétiques de la fonction symbolique, autrement dit, de la fonction paternelle, de l’autorité, du tiers-social. Or, dans cette manœuvre, quel jeu joue la Cité en tant qu’interprète institutionnel de la Science publique ? Celle-ci sollicite institutionnellement de la part des jeunes qu’ils façonnent des images paternelles selon leur désir. Cela revient à dire que l’institution interprète du vrai scientifique n’a rien à dire sur l’origine, sur l’institution du sujet. Les jeunes sont priés de s’instituer sans l’intervention du tiers-social, en bricolant une figure paternelle chacun pour son propre compte. Corrélativement, la Cité, interprète de la “science publique”, propose de célébrer l’an 2000, moment réfèrant à une narration mythique qui fonde l’origine du temps pour notre culture. Or, sur ce point aussi, la Cité n’a rien à dire en tant qu’interprète de la “science objective”, puisque la fondation mythique du sujet comme de la civilisation et du calendrier ne fait pas partie du champ de la science objective. Cette double manœuvre institutionnelle est en accord complet avec les représentations du sujet autofondé caractéristiques du monde industriel, dans lesquelles est déchue la figure paternelle. Le message implicite est : l’institution ne propose pas de sens à investir collectivement, chacun doit se bricoler un sens pour son usage narcissique, sa tribu. Au mieux, le lien collectif est l’accumulation des bricolages individuels. En toute bonne foi et à son propre insu, la démarche vise à éviter de créer du sens ou du lien au nom de l’institution, en reportant la responsabilité d’instituer le temps sur les générations montantes, et cela sur un mode morcelé, atomisé. Implicitement, l’institution dit : « Instituez-vous seuls, nous, anciens, n’y sommes pour rien, n’avons rien à transmettre du point de vue de l’esthétique du montage de la fonction symbolique, de la créance généalogique. »

Transmission et Interdit

Le nom propre de l’institution Cité des sciences et de l’industrie situe celle-ci au confluent de la référence citoyenne et de la référence scientifique et industrielle. On peut avancer que la référence citoyenne est fondée anthropologiquement dans le sens où elle assume sa négativité en se référant à la mémoire de ses morts, et en assurant un renouvellement pacifique du pouvoir démocratique par le moyen du suffrage universel. Le Droit civil qui la garantit ordonne pour ses sujets la filiation et les rapports généalogiques entre les sexes. Il institue ainsi le sujet-citoyen mortel issu de deux lignées, paternelle et maternelle.
Au contraire, la référence scientifique et industrielle n’assume pas sa négativité mais la nie, sur le versant scientifique, selon des critères méthodologiques d’objectivité (la mort du sujet-scientifique ne fait pas partie des objets d’études de la science, seule la chose corporelle fait l’objet d’investigation). Sur le versant industriel, la négativité est niée sur des critères de rentabilité et d’efficacité (l’offre désirable de la publicité est toujours jeune, dans un présent éternel, la mort ne fait pas vendre). Elle se fonde sur la représentation d’une filiation non sexuée qui nivelle les générations : pères et fils sont ramenés au même niveau devant le Standard évolutif imposé par l’industrie, nouvelle figure d’une mère-usine parthénogénétique incestueuse qui produit choses et personnes dans le vrac de la grande série, sans filiation repérable.
En ce sens, un monde basé sur cette référence n’est pas anthropologiquement fondé, ne prenant pas en compte le minimum nécessaire à l’institution de la reproduction de l’espèce : mort, filiation sexuée et différenciation des générations.

C’est là l’enjeu de la transmission. Si l’institution a l’ambition d’instituer une référence scientifique fondée anthropologiquement, elle ne peut qu’inscrire les conditions minimales de reproductibilité de la civilisation qu’elle porte —négativité et double filiation du sujet —, dans le message qu’elle promeut.
C’est là que les interprètes-médiateurs d’expositions technoscientifiques doivent s’exercer au cas par cas à la manœuvre de « l’interdit qui institue la vie ».31 Interdit qui sépare le licite de l’illicite, dans ce montage au nom duquel l’institution s’apprête à guider ses publics vers une interprétation du monde qui établit des représentations humanisantes, c’est-à-dire qui institue le « désenlacement narcissique »,32 la différenciation du sujet du magma originel, du « bruit de fond de l’information » multimédiatique, afin de proposer des repères dans un monde complexe. Dans ce cas licite, l’institution présente à ses publics des outils permettant de se déprendre des effets de fascination des techniques publicitaires industrielles, des nouvelles technologies de communication, et de comprendre pour leur propre compte les ressorts complexes et occultés par les médias qui régissent la vie contemporaine, production, chômage, marchés financiers, insécurité, etc. L’institution fournit ainsi aux publics des outils de maîtrise et de désaliénation de ce monde.
Dans le cas illicite, l’institution se fait serve des intérêts industriels et financiers, des lobbies scientistes, pour promouvoir un discours qui encourage la fascination et le collage narcissique aux nouvelles images, la représentation d’un corps-objet, produit industriel et démontable, dont la subjectivité serait un résidu historique, qu’il s’agirait de purger au nom de la “vérité objective scientifique”, et favorise un discours d’admiration béate devant la nouveauté technologique quelle qu’elle soit.
La négativité de la référence citoyenne, c’est-à-dire les morts pour la patrie, est la référence historique assumée par l’institution, mais qu’il n’est pas dans sa mission d’instituer ou de commémorer, l’État républicain en ayant la charge. Dans son champ d’activité, assumer la négativité de la citoyenneté revient pour l’institution à faire le choix de forcer33 la référence citoyenne à l’intérieur de la référence scientifique industrielle. Cela veut dire, interpréter la science et l’industrie au service de la référence citoyenne, et non pas l’inverse, ce qui revient à situer le citoyen au centre des préoccupations muséales et à présenter la science et l’industrie serves des intérêts du citoyen.
L’autre option est de présenter le citoyen comme un produit parmi d’autres de l’industrie, consommateur passif aliéné aux images publicitaires, bientôt purgé de sa subjectivité vieillotte par la science objective.
Selon la première option, qui est l’option licite, en se référant à l’interdit décrit plus haut, l’institution choisit de présenter dans son message la face obscure de la science et de l’industrie, responsabilisant ainsi ses publics devant les risques encourus par le développement industriel et scientifique, en témoignant des catastrophes passées pour les comprendre et les éviter. Corrélativement, les réalisations géniales de ce siècle sont mises en perspective par l’autre face du génie : la folie. C’est l’occasion de faire valoir la nécessité d’une limite en tant que norme sociale, donc d’une référence fondée sur des exigences de reproductibilité institutionnelle. C’est aussi la condition indispensable pour crédibiliser le discours institutionnel en affichant son indépendance vis-à-vis des pouvoirs industriels.
Au fil du temps, cette casuistique, patrimoine accumulé d’études de cas, pourrait s’instituer en autorité référentielle et permettre la légitimation de cette place de tiers-interprète institutionnel de la science publique revendiquée par l’institution, laquelle serait ainsi en position d’exercer une autorité morale reconnue vis-à-vis des groupes de pressions et ses médiateurs-interprètes se voir accorder un statut social spécifique.
L’institution est confrontée à une double contrainte : réinvestir un lieu discursif dans lequel la Science et l’Industrie seraient au service du citoyen, et cela dans un monde où le pouvoir se démembre en se privatisant. L’enjeu est la perpétuation d’un monde démocratique fondé sur la raison. Le pari n’est pas gagné d’avance. L’espace politique et sémantique ouvert et institué par le christianisme en scellant Jésus à Christos, que la Révolution française a refondé en scellant peuple à souverain, reste à réinvestir, en contribuant sous la forme d’expositions en et hors les murs, à sceller l’alliance de la Cité avec la science et l’industrie, désormais fusionnées en technoscience, c’est-à-dire à parler cette technoscience au nom des valeurs citoyennes, autrement dit à civiliser le progrès. Pour notre époque, cela veut dire, en particulier, réinstituer l’interdit qui marque la limite au-delà de laquelle règne le « tout est possible » de la domination totalitaire.

Notes de bas de page numériques

1 . Formulation de Pierre Legendre.

2 . Ibid.

3 . P. Legendre formule « qu’il s’agit de saisir que la société est une fonction du sujet : le mode de résolution des preuves de la culture fait partie de la procédure de construction du sujet ».

4 . J.-M. Lévy-Leblond, La pierre de touche, la science à l’épreuve..., Gallimard, Folio Essais, Paris, 1996, p 328. Remarque à nuancer étant donné les avancées dues à René Thom et Jean Petitot, qui réinstituent une réflexivité dans le champ scientifique.

5 . Le bogue de l’an 2000 vient nous rappeler que le temps ne se réduit pas à un comput sans origine. Le temps garant des filiations doit être fondé par un événement mythique, c’est-à-dire situé dans le présent de chaque génération. En l’ignorant, l’efficacité informatique organise le chaos, qui mêle les morts et les vivants. Elle ouvre le passage pour les revenants et les fantômes, c’est-à-dire les deuils infaisables qui tourmentent les vivants.

6 . Cette évolutivité date en fait du XIIe siècle, se manifeste institutionnellement vers 1150 avec le Décret de Gratien qui institue la possibilité de disjoindre la théologie du droit et inaugure ainsi ce que P. Legendre nomme la référence malléable. C’est l’événement fondateur de la civilisation romanochrétienne dont est issue l’industrialité. Le darwinisme marque une accélération et une amplification de la mutation de cette Référence. P. Legendre, Leçon III, Dieu au miroir, Étude sur l’institution des images, Paris, Seuil, 1995, p. 30.

7 . L’interdit de l’inceste est la procédure qui spécifie la différenciation des générations (la place du père est inaccessible au fils) et qui est repris par les instances symboliques pour être mise en scène socialement.

8 . La durée poignardée de Magritte est commentée par P. Legendre : « Une locomotive, objet magique qui a tant fait pour casser les vieilles idées d’espace et de temps dans l’Europe désormais rétrécie par l’industrie, sort à l’improviste du manteau d’une cheminée dans un banal appartement. » Leçon VII, op. cité, p. 125. J’ajoute : le dehors pénètre le dedans, le public pénètre le privé, les catégories fusionnent, le temps totem est aboli, le monde devient fou.

9 . Ce passage est l’équivalent pour la civilisation du meurtre symbolique de la Référence, soit un suicide de la civilisation comme l’ont mis en œuvre les exterminations massives du XXe siècle.

10 . Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme, Paris, Seuil, Points-Politique, 1972, tome III, p. 204 et suiv.

11 . Formulation de P. Legendre.

12 . Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité.

13 . Cf. Ernst Kantorowicz, Les deux corps du Roi, Paris, Gallimard, 1989.

14 . Cette filiation n’est-elle pas à l’origine de la mission civilisatrice de la France, qui ne serait que la version laïcisée de l’héritage pontifical ?

15 . La Révolution française, en substituant au roi, souverain de droit divin tout puissant sur les sujets de son royaume, le chef de l’État, président de la République française au nom du peuple des citoyens français rassemblés en nation, ouvre un nouveau champ sémanticopolitique. De même, en scellant Jésus à Christos au IVe siècle, le christianisme se différencie du judaïsme et ouvre une nouvelle ère. Le nouveau pouvoir politique impérial absorbe toutes les sectes en interdisant les démembrements privatifs du pouvoir, P. Legendre, Séminaire 1997.

16 . L’État est la figure parentale référentielle, tout particulièrement dans la France centralisée. Sur ces questions, voir Pierre Legendre, Leçon VI, Les enfants du texte, Étude sur la fonction parentale des États, Fayard, Paris, 1992.

17 . L’époque  médiévale se caractérise par une allégeance univoque à une référence unique, tandis que notre monde est fait de multiples allégeances intriquées et fragmentées.

18 . Formulation de P. Legendre.

19 . P. Legendre, Leçon VII, Le désir politique de Dieu, Fayard, 1988.

20 . Isabelle Stengers, Cosmopolitiques, Mécanique quantique, la fin du rêve, Paris et le Plessis Robinson, La Découverte/ Les empêcheurs de penser en rond, 1997.

21 . Pierre Legendre formule que « la société est une fonction pour le sujet » et corrélativement, qu’« il n’y a de sujet qu’institué ». L’institution qui fait miroir pour le sujet, propose un support identificatoire, une forme susceptible de fédérer les sujets qui s’en réclament. Cette forme est une métaphorisation emblématique qui réfère à tout un ensemble de signes et de croyances. Ainsi, le drapeau constitué de trois bandes colorées n’a de sens qu’en référence à tout un corpus accumulé au fil des siècles et qui est cette chose évanescente qu’on nomme l’« identité française ».

22 . Voir à ce sujet mon article « Le retour de la forme en Occident industriel : vers une nouvelle coupure épistémologique », Terminal, 79, 1999.

23 . Cf. le tableau de J.-M. Alberola intitulé Une icône des populations s’annonce hors des surfaces légales, Catalogue d’exposition (16 janvier au 23 mars 1997), éd. Paris-Musée.

24 . La Foire internationale de l’Art contemporain (FIAC) qui se tint au Grand Palais en octobre 96 était présentée dans la presse (Le Monde, 6/7 oct. 96) sous le titre : « La FIAC est marquée par le retour des représentations violentes du corps » : Toutes les techniques sont fédérées par l’omniprésence des représentations du corps. Anatomies, cadavres et visages sont partout, figurés avec une violence proportionnelle à leur effacement tout au long des dernières décennies. Retour du refoulé ? Retour poussé jusqu’à l’insupportable, le morbide, le satirique, l’obscène. Ce serait peu dire que regards et nerfs sont mis à l’épreuve. N’importe, un phénomène se dessine, qui, peut-être, passera plus tard pour décisif. Il est international, (...) »

25 . Formulation de P. Legendre

26 . ibid.

27 .ibid.

28 . On pourrait aussi imaginer des personnages monumentaux  inspirés de la statuaire africaine qu’a récemment mis à l’honneur le projet présidentiel d’un musée des Arts premiers. Ce serait une façon pour l’institution de rendre hommage à ces Arts premiers qui ont tant inspiré les artistes occidentaux du XXe siècle, leur permettant de symboliser la négativité de leur monde, réinstituant ainsi la vie pour les sujets de la science devant ces désastres majeurs qui restent récents. L’universalité du message de la Cité serait ainsi d’emblée proclamée en cette période de repliement identitaire.

29 . Ali Magoudi, Quand l’homme civilise le temps, La Découverte-Essais, Paris, 1992.

30 . Rapport Jantzen, diffusion interne, p. 29.

31 . Formulation de P. Legendre

32 . ibid.

33 . Rapport Jantzen, page 22 : « Disons-le tout net, la Cité doit s’engager là où les interrogations de notre société (...) sont les plus marquées. »

Annexes

Légendes illustrations :
La durée poignardée, tableau de 1939, René Magritte

Une icône des populations, 1995, peinture murale, Jean-Michel Alberola

Pour citer cet article

Bruno De Dominicis, « Mettre la science en culture ou comment civiliser le progrès. », paru dans Alliage, n°39 - Juillet 1999, Mettre la science en culture ou comment civiliser le progrès., mis en ligne le 07 septembre 2012, URL : http://revel.unice.fr/alliage/index.html?id=3965.

Auteurs

Bruno De Dominicis

Travaille à la Cité des sciences et de l’industrie, La Villette.