Alliage | n°44 - Septembre 2000 Notes pour le musée 

Philippe Boutibonnes  : 

Bestioles, monstres et revenants

Une lecture de Maître Puce de Hoffmann
p. 67-76

Plan

Texte intégral

1À la mémoire de Sarah Kofman

2Ce texte a sa source dans l’amitié et le deuil ; dans ce devoir que nous devons aux morts, que vivants, nous avons aimés. Une amitié ? Celle dont m’honorait Sarah Kofman. Philosophe, exégète de Nietzsche, de Freud et de Derrida, Sarah Kofman avait, à plusieurs reprises, commenté l’œuvre de Hoffmann (Quatre romans analytiques, Galilée, 1974, et Autobiogriffures du chat Murr de Hoffmann, Galilée, 1984) et nous avions formé le projet d’une lecture commune de Maître Puce, texte où l’écrivain des contes interprète librement, à travers les figures de van Leeuwenhoek et de Swammerdam, la science de la nature à ses premiers balbutiements. En juillet 1994, quelques semaines avant la mort qu’elle s’est donnée, Sarah m’écrivait : « À Paris, j’aurai quelques articles à faire. Mais pas de grand projet d’écriture pour cet été. Est-ce cela que je redoute ? Je relirai Maître Puce pour voir si je suis inspirée. » Un deuil ?  Angoissante question : comment faire face à l’absence terrible qui creuse un trou sans bord, insondable ? Tout écrit est une adresse en réponse à la peur. Un mort est son destinataire comme si les mots écrits étaient seuls compris de ceux qui autrefois entendaient nos paroles. Ce texte vient de cette promesse que je me suis faite à moi-même : reprendre à travers Hoffmann la conversation interrompue que j’entretenais avec Sarah depuis plusieurs années.

« Je vis au-dessus d’un trou d’ombre », Franz Kafka

3Un siècle après la mort d’Anthoni van Leeuwenhoek,1 Ernst Theodor Amadeus Hoffmann2 achève la rédaction d’un récit fabuleux, Maître Puce3 (Meister Floh). Le texte, qui parvient à l’éditeur Wilmans de Francfort en cinq livraisons, de l’automne 1821 au printemps de l’année suivante, sera publié en avril 1822. Terrassé par d’intolérables souffrances dues au tabès, Hoffmann n’a plus que quelques semaines à vivre. Vivre : rester les yeux grands ouverts  pour observer, encore et encore, « les phénomènes réels qui présentent un aspect plus extraordinaire que tout ce que l’imagination la plus féconde peut inventer. »
Pourquoi rapprocher ainsi deux figures si dissemblables, toutes deux irréductibles à l’image convenue du philosophe de la nature et de l’écrivain ? Deux hommes célébrés en leur temps, qui vivent à des époques incomparables : le Siècle d’or hollandais et la fin des Lumières. Tous deux écrivent : le premier, des lettres — quelque trois cents nous sont connues — , où il décrit ce qu’il voit des infimes objets du monde ; le second, des contes où il consigne scrupuleusement ce qu’il a sous les yeux, « les images de la vie courante » , et dans la tête : illusions, rêves, divagations... Un livre cependant les réunit, dont Hoffmann est l’auteur et dont Leeuwenhoek, sous les traits d’un dresseur de puces, est l’un des personnages centraux, à la fois « magicien et revenant ». Quels projets sert ce récit de fiction, ou d’épouvante, qui mêle réalité, biographie, histoire, science aux images et situations les plus saugrenues ; en un mot, qui tisse le quotidien aux rêves et fait se mouvoir les monstres, les spectres et les bestioles dans un même espace fait d’encre et de papier.

4Que veut dire Hoffmann ? Que signifie ce pêle-mêle et ce trop-plein de personnages et de scènes ? Est-ce un testament, un thrène ou un délire inspiré par la mort proche et que l’ironie semble tenir à distance ? Maître Puce est-il un substitut sublimé de la douleur ? Signe-t-il le congé du rationnalisme récent dicté par les Lumières ? Dénonce-t-il les excès de la bureaucratie, l’arbitraire de la police et les ineptes mesures prises à l’encontre de son auteur par le gouvernement ? Ne restitue-t-il, au travers d’une apparente incohérence — une histoire à dormir debout — que l’entassement des souvenirs, des vexations, des amours déçues et des réminiscences de quelques lectures ? Instruit-il le procès, en forme de fable, de la science naissante du XVIIe siécle relue par le romantisme ou, plus précisément, par « l’imagination endiablée » d’un conteur ? Le roman est sans doute tout cela, et il suscite divers modes de lecture. Il y a mille façons, en effet, de décoder cette somme d’aventures, ce bloc de fiction auquel nous avons difficilement accès, au point qu’il paraît n’être, à première vue, qu’un réseau chaotique et désordonné.

Quasi una fantasia

5Le récit s’ouvre sur les mots-clés qui intoduisent à l’espace imaginaire, à la féerie : « Il était une fois... »4, c’est, dit Hoffmann, « le meilleur début que l’on puisse donner à une histoire », celui qui produit l’impression de « vivre un rêve compliqué » ou la sensation d’« être plongé dans une lecture des Contes des Mille-et-Une nuits ». Nous voilà prévenus...
Nous sommes à Francfort, la veille de Noël : le bruit se répand qu’une jeune fille a été enlevée. Mais le conte va très vite s’affranchir de la double contrainte de lieu et de temps. L’intrigue, qui se joue sur deux scènes, est complexe, et de fréquentes digressions coupent la linéarité de la narration. Inracontable, elle ne peut être résumée sans d’inévitables approximations ou contre-sens. La paraphrase serait sans doute la seule méthode qui rendrait compte de la richesse sans pareille et de la déconcertante nouveauté de la fiction ; ce qui reviendrait, au fond,  à placer l’analyse critique dans le registre de la tautologie.
Les titres des chapitres5 composant les sept aventures consignées dans le récit donneraient quelque idée de cette fantasmagorie toute teintée d’humour, mais la liste des péripéties est longue ; suffirait-elle d’ailleurs à restituer l’étrangeté des situations et le mouvement du récit ? Ainsi, le texte déconcerte et semble échapper à toute analyse. Ce n’est que petit à petit qu’il livre la construction, à la fois logique et délirante, voulue par Hoffmann. Nous cherchons vainement un fil conducteur alors que l’épaisseur romanesque est traversée par deux histoires, paraissant, au premier abord indépendantes l’une de l’autre : elles se croisent, se jouent sur deux scènes, s’intriquent.
Torturé, meurtri dans sa chair, qui n’est qu’une plaie vive, effrayé par la mort dont il pressent les ravages, Hoffmann se préoccupe peu de pertinence. La vérité — ce faux semblant — n’est plus son affaire. Son esprit suspendu entre veille et sommeil, entre douleur et apaisement, est à la dérive ; il fait communiquer et se heurter des mondes étanches, ceux du songe et du quotidien.

Visages, masques et simulacres

6Les personnages sont nombreux : les uns de ce monde-ci, tantôt familiers ou domestiques, tantôt exotiques ; les autres venus d’ailleurs : personnages réels travestis en êtres fantomatiques, déplacés de Delft ou de Berlin, connus ou irréels, agrandis ou rapetissés, tour à tour présents puis portés disparus. Incertains et incernables, leur contour s’estompe sans cesse, comme si l’œil qui les dévisageait était atteint de diplopie.
L’inventaire des protagonistes et des relations binaires qu’ils entretiennent nous est  parcimonieusement révélés d’un chapitre ou d’une aventure à l’autre. Des personnages, nous en dénombrons treize, ou vingt : certains sont doubles, d’autres trois en un. Le héros, d’abord, Peregrinus Tyss : presque quadragénaire c’est « un homme assez enfantin », « qu’effarouchent le monde et surtout les femmes. » « Il mène un train de vie modeste », bien qu’il ait été, ainsi que nous l’apprend un entrefilet, le roi Sekakis, père de la princesse Gamaheh. Une double amitié le lie à George Pepusch et à Maître Puce.
Pepusch, « à l’esprit inquiet et instable », a pour doublure le « Chardon Zeherit (Cactus grandiflorus) en personne », « Chardon stupide, borné et entêté qui ne sait vraiment pas ce qu’il veut ». Quant au personnage qui donne son titre au récit, Maître Puce, « un petit monstre à peine plus grand qu’un empan », il a tout pouvoir sur ses sujets, les pulcidés : « Je suis un roi très puissant », affirme-t’il. La toute-puissance de Puce s’exprime à trois niveaux : il règne d’abord, « maître d’un peuple gouverné par une constitution républicaine et un sénat de quarante cinq mille neuf cent quatre vingt-dix-neuf membres » ; il a acquis ensuite, en vertu de sa « qualité de maître » et grâce à un verre grossissant, une loupe singulière qui permet de lire les pensées d’autrui, une expérience sans réserve de l’esprit et des activités humaines. Il préserve enfin, par l’insolite efficacité de sa morsure, la vie de la princesse Gamaheh. Non seulement sa vie, mais aussi sa jeunesse et sa beauté, « sinon son visage se ratatinerait et elle ressemblerait à un cadavre déjà dans sa tombe ». Le personnage féminin de ce quatuor central est Doertje Elverdink, qui est aussi la princesse Gamaheh et la « belle Aline », « ravissante et délicieusement parée » ; elle devient occasionnellement « un petit monstre, un véritable petit basilic », dont sont amoureux les trois personnages précédents. Aline elle-même, double accidentel de Doertje, n’est autre que la vieille Aline, « au visage couperosé, affreusement grimaçant », tenue « pour une curiosité biologique ». Servante de Tyss, elle endosse, à l’ultime chapitre, le rôle de la reine Galconde.

Apparitions : esprits, ombre et ange

7Autour de cette étrange « bande des quatre », dont les mouvements, attractions et répulsions, forment l’ossature du récit, gravitent deux personnages historiques, revenants ou immortels. Le montreur de puces, oncle putatif de Doertje, « exerce de curieux talents », de ville en ville (La Haye, Berlin, Francfort). À la fois dresseur de bestioles, par l’entremise de Puce, qu’il retient un moment prisonnier, et manipulateur d’étonnants appareils d’optique (microscope, lunette de torture et nyctascope6), avec lesquels il exhibe à ses contemporains tout un monstrueux bestiaire exagérément agrandi. Son statut humain et corporel est imprécis : il ne peut se faire lui-même à l’idée « qu’il est vraiment cet Anton van Leuwenhoeck. »7 Non pas le descendant de cet homme célèbre mais « ce savant en personne », que l’on a pourtant inhumé et dont Pepusch, son ami, est le « seul à savoir dans toute la ville de Francfort qu’il est enterré depuis 1725 dans la vieille église de Delft. »
Le vieux Swammerdam8 — homologue de Monsieur Swammer, locataire de Tyss — « prétendument mort en 1680 », auteur d’une Biblia Naturae,  parle une langue étrangère, le hollandais, et revendique quelque lien de parrainage avec Doertje, dont il a été autrefois le précepteur. Collègue du dresseur de puces, dont il est tour à tour l’ami et l’adversaire, ils sont tous deux utilisateurs du microscope. Leibniz9 affirme d’ailleurs, qu’ils furent, avec Malpighi, « les plus excellents observateurs de leur temps ». Véritables « magiciens et savants », tantôt grandioses, tantôt minables, ils finissent par se battre en duel avec leur lunette d’approche ou lunette de torture.
À ce couple de magiciens tragi-comiques, répond, latéralement, celui qui est formé par deux piètres duettistes : le « barbier, ex-douanier français Lasansue », et le « bel esprit, maître de ballet Legénie », tenu aussi pour un « séduisant officier », incarnations respectives de « l’affreux buveur de sang, le prince des Sangsues » — envers terrible et risible de Puce — et du génie Thétel, ennemi juré de la reine des Fleurs. Homologues falots et belliqueux des deux microscopistes, inséparables et insupportables, ils en viennent  toujours aux mains. Leurs chamailleries perpétuelles, leur bagarre dans l’auberge et leurs interventions malencontreuses nous rappellent les actes irréfléchis et les facéties, toujours en porte-à-faux, de Laurel et Hardy. Autre double d’un personnage historique, celui-ci contemporain d’Hoffmann, l’adjoint au conseiller à la Cour, Knarrpati, « sorte de factotum », « personnage grotesque et tracassier, (...) un peu borné, imbu des préjugés les plus singuliers et qui fait preuve d’un égoïsme frisant l’absurde », portrait charge du directeur de la police, le sinistre von Kamptz. La caricature à peine déguisée du modèle vaudra à Hoffmann mille tracasseries juridiques. Elles inspirèrent l’un des épisodes du récit. Comme l’arpenteur du Château, Joseph K, Tyss est accusé, par le Grand Conseiller, d’un délit qu’il n’a pas commis. Avec morgue, Knarrpati prétend que rien « n’est plus facile de découvrir le méfait dès que l’on a mis la main sur le coupable ». Sûr de son innocence (« Je ne suis coupable d’aucune faute »10),  il se soumet sans révolte et sans répugnance aux ordres absurdes de l’autorité. L’incident aurait pu n’être qu’irrationnel ; il fut pénible, tragique même, pour Hoffmann, qui dut supprimer, dans la première partie de la fiction, des passages jugés subversifs par l’autorité.
Le dernier protagoniste du récit est le seul à être un « corps simple » : hors de toute combinatoire, on ne lui connaît, décrit ou suggéré, ni doublure, ni contretype, ni ombre, ni substitut. Röschen, fille sans référent, « dont le visage respire cet ineffable mystère de pure virginité et de charme céleste que certains primitifs allemands ont su fixer sur leurs toiles », « ange de lumière », « douce aurore », est la fille du relieur Lämmerhirt auquel Tyss a confié quelques volumes. Röschen, que Tyss épousera,  symbolise « l’éclat du plus pur amour » : celui que Hoffmann vouait à son élève Julia Mark ; celui que Hölderlin portait à Diotima...

Qui pro quo ?

8Personnages ou signes ? Il y a treize signes qui peuvent se conjuguer deux par deux. Les protagonistes ont une double vie ; ils vont par paire et par couple : chaque paire a son répondant, et chaque couple se dédouble. Ici, à Francfort, et ailleurs, dans un Orient mythique. Ils sont doubles : moins répliques qu’alter ego. Non pas dupliqués mais abritant un double-en-soi. Ce qui importe, cependant, est moins ce qu’ils sont (leur qualité ou leur fonction sociale) que les liens d’affection, de parenté, de dépendance qui les rassemblent. Ces relations interpersonnelles « arment », à la manière des tiges de fer dans le ciment, la machine romanesque de Maître Puce. Ce sont ces tensions, ces fils d’arc tendus à se rompre qui se détendent, ou les rapprochements, lâches et volatils, susceptibles de se déplacer ou de s’inverser, qui font  progresser la narration.
La fiction se joue, en effet,  par deux. Deux par deux égale :
(4 x 2) + (2 x 2) + (2 x 2) + 2[(1 x 2)] + 1.

9Ainsi pourrait être formulée l’énigme. On reconnaîtra dans l’équation, entre les crochets et parenthèses, le quatuor nucléaire autour duquel se noue la double intrigue ; le duo des savants puis celui insignifiant formé par le prince et le génie ; les doubles isolés (la vieille Aline et  Knarrpati) ; l’unique enfin, « l’ange de lumière », Röschen.
Double ou triple est aussi le théatre des événements. À un espace myhique auquel Hoffmann associe sa rêverie — ou son délire — (Famagouste, ville de la côte orientale de Chypre), répond un espace historique où il puise la réalité de Leuwenhoeck et de Swammerdam. Ces deux territoires déversent leur contenu dans l’épaisseur du conte, lieu de l’impossible conciliation du rêve et de la réalité la plus crue. Ici, dans les pages du livre et dans l’enceinte d’une ville de Hesse, s’accomplissent des relations tissées ailleurs, à moins qu’elles ne soient seulement réactualisées dans un tout autre registre : un roi impérissable devient un vieil enfant rêveur et trop gâté. Les acteurs échangent leur masque : est-ce un jeu de rôles ? Est-ce l’advenue ou la dégringolade sur terre, à Francfort, des demi-dieux d’une Olympe chypriote ? Leur fatum, moins glorieux que dans les mythes, ne se délie pas à Thèbes, à Colone ou à Ithaque, mais dans une ville allemande, patrie des frères Grimm.
Le noyau ou le foyer qui sous-tend la construction du récit, et en est littéralement le ressort, est une triple affaire de cœur, qui  fonde un nœud topologique, ou nœud borroméen ; soit, trois cercles intriqués, chacun symétrique des deux autres figurant les couples : Sekakis/Gamaheh ou Tyss/Doertje ; Chardon Zeherit/Gamaheh ou Pepush/Doertje ; Puce/Gamaheh ou Puce/Doertje. Triple nœud autour duquel s’articulent des tensions secondaires, lieux de dépendance, de possession ou d’accaparement (de Swammerdam et de Loewenhoeck pour Doertje ; de Loewenhoeck et de Doertje pour Puce ; du génie Thetel et du Prince des Sangsues pour Gamaheh) et de haine (de Lasansue pour Legénie ; de Knarrpati pour Tyss). Qu’une coupure ait lieu sur l’un des cercles, qu’un acteur des complots amoureux disparaisse, et l’édifice s’effondre. Comme Hélène, cause de la guerre de Troie, Gamaheh/Doertje, et les affects qu’elle suscite ou éprouve, est le foyer de la fiction, son motif et la raison d’agir des héros, soumis à une peu conventionnelle loi d’attraction.

Qu’attendre d’un fantôme ? Qu’il soit absent...

10Tyss interpelle le microscopiste : « Il se peut que vous en sachiez plus long en votre qualité de revenant que de simples mortels comme nous. » Double vie des fantômes qui leur confère, sans aucun doute, une double vue. Drôles d’esprits : l’œil fixé à la lentille, la pupille démesurément dilatée par le deuxième œil de verre et le corps ectoplasmique se mouvant dans l’épaisseur du temps, ils traversent siècles et contrées. En proie à l’inquiétude : qui sont-ils vraiment ? Errants, ils se déplacent, vont et viennent et entraînent leurs comparses dans une interminable vadrouille.
Territorialement, ils n’ont pas de point fixe, d’où des changements constants de perspective et d’échelle : une minuscule princesse réduite à n’être qu’un « corps étranger » dans la corolle d’une fleur, se révélera une perfide séductrice. Déplacés, les personnages du conte le sont doublement : ils ne sont pas là il faut ; ils ne sont pas comme il faut, étrangers et insensibles à leur sort. Celui qui revient, le revenant, a perdu la mémoire de celui qu’il fut : le dompteur ne peut admettre qu’il puisse être ce Leeuwenhoek inhumé à Delft. Celui qu’il est devenu dans le conte est doublement célèbre ; il est montreur de puces, c’est sa fonction officielle ou sa raison d’être : « Il a réussi, au prix de mille peines et de constants efforts, à faire exécuter de ravissants tours d’adresse à ces petites créatures sur une table de marbre blanc. » Par ailleurs, « son habileté dans la fabrication des loupes et des lentilles lui a garanti depuis longtemps une confortable assurance. » Aussi, la nuit venue, les curieux admirent le nyctascope, invention à laquelle Leuwenhoeck doit « une considération exceptionnelle et l’estime véritable que l’on porte aux savants. » Hoffmann définit précisément l’appareil, qui ressemble à une lanterne magique, projettant sur le mur blanc, « avec une précision et une netteté absolument parfaites l’objet fortement éclairé » et  exagérement agrandi. Lorsque Pepusch rend visite au montreur d’insectes, il croise une horde de gens « vociférants et effrayés dont les visages empreints d’une pâleur mortelle expriment une indicible terreur. » Quelle est la cause de cet effroi ? Qu’ont vu ces gens qui fuient ? Un grouillement d’immondes créatures : « Pucerons, scarabées, araignées et parnes, tous grossis au centuple (...) d’affreux fourmis-lions, (...) des serpents venimeux, des anguillules, des polypes aux mille tentacules (...) et des infusoires avec leur face grimaçante d’êtres humains. » Les spectateurs de Francfort, talonnés par la peur, ont remplacé les pasteurs et juristes de Delft, inquiets et troublés, auxquels Leeuwenhoek avait révélé l’existence d’« étranges et minuscules créatures vivant et nageant dans les eaux. » Ces testes oculatis, ces témoins dignes de foi, affirment « qu’il s’agit bien là d’animaux, dont la taille est celle d’un pou, et de rien d’autre. » Incontestablement Hoffmann est informé de la découverte des animalcules par le microscopiste Hollandais, et ce sont les descriptions précises de Leeuwenhoek qui dictent  le contenu de cet épisode.

« Puis ce fut un silence de tombe », Maître Puce

11Quatre registres, étages ou niveaux divisent l’ensemble des personnages, hommes ou bêtes. Leur limite parfois incertaine permet d’établir une taxinomie improbable. Il y a :
1, les hommes simples ou duels, accouplés à des figures sans âge ;
2, les génies,tel Puce, intermédiaires entre le monde animal et celui du songe ou du fantasme ;
3, les revenants, hommes autrefois illustres, morts depuis un siècle ou davantage, et qui reviennent habiter l’espace des vivants ;
4, Les bêtes invisibles, enfin, et leur double excessivement grossi et projeté, non moins virtuelles que les fantômes.

12Typologie inadmissible, qui intègre à l’inventaire dressé par Hoffmann, une liste d’animaux fabuleux lesquels peuplent nos cauchemars et creusent des gouffres dans les strates ordonnées de la raison : « cétoines, parnes et polypes » (Hoffmann), « sirènes et kobolds des mines » (Burgh11), « créatures misérables qui font partie d’une espèce qui n’a jamais de jeunes ou de petits » (Leeuwenhoek), « animaux qui s’agitent comme des fous » (Borges), « animalcule en bonnet carré » (Voltaire), amibes, vorticelles, dileptes, stryges et sphynges qui « se rendent à volonté tantôt invisibles, tantôt visibles ». Tous plus vrais que nature. Bestioles incomparables, qui semblent nous narguer et nous menacer dans l’ignorance où nous sommes tenus de leur lieu d’origine et de leurs dispositions à notre égard : Sont-elles cordiales ? Ou hostiles ? Sommes-nous leurs proies ? Ou leurs maîtres ? Seule la voix de Spinoza12 pouvait rassurer les témoins sidérés de ces ébats de « monstres gigantesques » (Hooke) ou apaiser les cris des spectateurs de Francfort : « Cessez, je le répète, d’appeler mystères de funestes erreurs et de confondre piteusement l’inconnu, le non encore connu avec des croyances dont l’absurdité est démontrée. »
La foule des curieux est certes effrayée par les monstres qui s’agitent sur les murs, mais elle est surtout dépitée de la disparition d’un autre spectacle : les puces ont déserté la piste de marbre blanc, maintenant encombrée « de grains de poivre noir ou de pépins (...) encore revêtus de harnais, de cartouchières et d’uniformes. » Tout est saisi par le silence et l’absence de vie. Les puces ont suivi leur roi, leur maître, qui a vidé les lieux pour se réfugier dans la cravate de Tyss. « C’est parce qu’Il m’a abandonné, Lui, grâce à qui seulement je pouvais régner sur tous les autres. » Puce, comme les vrais fantômes,n’est jamais là où l’on croit le saisir. Sa fuite obstinée détermine l’attente.    

Roman de la vue double, du trouble et de la confusion

13Maître Puce n’est pas un laborieux exercice manipulant la substance des rêves. Hoffmann tient à nous faire admettre les évidences qu’il place sous nos yeux — oh « La Lettre volée » — et que nous ne voyons pas. Ce qui est vu, par quelque artifice que ce soit, existe ; nulle explication n’est nécessaire. Ce fut le credo des plus excellents observateurs du Siècle d’or : établir avec exactitude l’existence des choses.
Les instruments d’optique, en doublant l’œil, élargissent ou approfondissent le champ visuel. Ils rendent visible le « non encore vu ». Ils font se confondre imperceptible et imperçu. Ils tirent de l’ombre où ils stagnent les animalcules ou « les éperons, les harnachements ou les boutons d’uniformes » des puces. Ils obligent à franchir la frontière longtemps interdite. Renonçant aux instruments d’optique habituels, Hoffmann introduit dans le cours du récit une loupe, « un verre qui n’a pas son pareil au monde », « fabriqué par un très habile et très ingénieux opticien de mon peuple — c’est Puce qui parle — alors qu’il était au service de Leuwenhoeck. » Le verre fort mystérieux, « cent vingt fois plus petit qu’un grain de sable », se place spontanément dans la pupille de l’œil gauche et devient un révélateur, un « exhumeur », de pensées et d’idées. Il rend au domaine du visible ce qui lui était étranger, ce qui en était exclu : la pensée d’autrui, oblitérée par le mensonge et les rêves les plus dissimulés, « où s’ébattent toutes sortes d’animaux bizarres (...) qui parlent d’étranges langages. » Les instruments d’optique : lentille, microscope, nyctascope, lunette hollandaise, lunette à puces (Descartes) ou lunette de torture (Hoffmann), scellent dans l’épaisseur romanesque les domaines de la science et de la magie. Ils nient les catégories et assignent à des objets si différents, parnes ou vermicules, un statut identique. Les bêtes infimes devraient rester dans leur rang, à leur place, celle que leur assignent les lois de la nature. Elles deviennent au contraire des intruses et frayent dorénavant avec notre monde. D’où, peur, déroute, embarras.
Imperceptiblement, le texte dilue et déjoue les registres et les catégories, — phénomènes réels, rêves — jusqu’à l’invraisemblable. « L’inquiétante étrangeté », dont Freud voyait en Hoffmann le maître inégalé, nous conduit, chancelants,  près des « trous d’ombre ». Nos certitudes cèdent. Le doute et l’effroi nous saisissent. Maître Puce compte quelques sujets de plus : nous, lecteurs, abandonnés au charme ravageur du texte.

« La gloire comme les revenants danse sur les tombeaux », (R. Roussel)

14George Sand, qui s’était inspirée de Maître Puce, pour écrire une pièce de marionnettes (La nuit de Noël, 1865), destinée au théâtre de Nohant, se demandait si « l’une des plus bizarres créations de Hoffmann n’était pas une critique de certaine science puérile et inféconde. » Les savants, qui sont aussi des magiciens, « l’infortuné Swammerdam et le pitoyable Leuwenhoeck », y sont traités de pauvres fous, dont « la vie tout entière ne fut qu’une interminable erreur. » La science, à laquelle ils consacrent leur vie pitoyable, n’est pas moins médiocre, puisqu’elle les tient dans l’ignorance. Tyss accuse : « Vous avez tenté de sonder les secrets de la nature sans en soupçonner la signification profonde. » Dans l’ombre qui talonne ou qui déserte les deux fantômes se dessinent Bouvard et Pécuchet, et leur insondable foi dans la science qu’ils glorifient. Leur intégrisme anime citent  Vaucanson, Lamarck, Geoffroy-Saint-Hilaire et Élie de Beaumont. Ils fréquentent, à leur manière, le monde invisible.13
« Y a-t-il dans Maître Puce, continuait George Sand, une moralité cachée ? » Les impressions confuses ressenties à la lecture du conte tiennent assurément, nous l’avons relevé, à la duplicité des personnages. De tous les personnages, sauf un, Röschen Lämmerhirt. Röschen est unique. Elle ne vit qu’en un lieu : ici, dans la maison de son père à Francfort. Ici, et nulle part ailleurs. C’est ici qu’elle retient définitivement Tyss et le fil de l’histoire. Le « pur rayonnement du véritable amour » cloue en cet endroit, en ce topos « dernière limite immobile de l’enveloppe des corps » (Aristote), le héros, Peregrinus Tyss et le sauve de l’errance et des errements. Du doute et des hésitations. Des pérégrinations entre Famagouste et Francfort. L’amour, qui retient aussi dans les liens de la mort Gamaheh et Zeherit, met un terme au destin inconfortable, aux péripéties vagabondes des protagonistes, qui se retrouvent enfin, tels qu’en eux- mêmes et tels qu’ils furent à l’origine, dans l’aimé(e).14 En perdant ses ombres, son autre, Sekakis, et son ami Pepush- Tyss trouve sa moitié, Röschen. En quittant Pepush, Chardon Zeherit ne fait qu’un avec « l’instant suprême », le « sommeil des fleurs » et Gamaheh, éternellement fanée.
Comme d’autres livres, Maître Puce décline les étapes d’un voyage. Tout voyage a ses limtes et sa fin. Le conte s’accomplit et se clôt sur la disparition dans l’amour (Tyss), la mort (Pepush) et l’évanouissement (Puce). Le chuchotement à peine audible de Puce, « sa faible voix », annonce le « piaulement douloureux » de Gregor Samsa et le couinement sans timbre de Joséphine, la cantatrice, dont les mélodies insaisissables, frappent de stupeur le peuple des souris. Comme la diva murine, Puce est près du peu. Il est en route vers le rien. Sa vérité, toujours remise et différée, est dans l’effacement mais non dans la nullité. Un, plus que zéro, atteste du passage, des traces, des cendres. Tout alors se ressemble puis se  rassemble. Tout se résout dans l’unité, dans le monde unique. Le monde est un et simple, comme le mot fin. Fin si proche d’Hoffmann, dernier mot qu’il écrit dans le conte.

Notes de bas de page numériques

1 . Anthoni van Leeuwenhoek (1632-1723) vécut et mourut dans sa ville natale, Delft. Il fit toutefois un bref voyage à Londres (1668), où il vit la Micrographia de Hooke, parue en 1665. Sans aucune formation scientifique, il fréquenta cependant le milieu médical de Delft et les anatomistes de Graaf et s’Gravesande. Il ne fut pas, ainsi qu’on l’affirme souvent, l’inventeur du microscope tel que nous le connaissons aujourd’hui ; il s’appropria, au contraire, une tout autre technologie (la fonte et la taille des lentilles), qu’il porta à son plus haut degré de perfection. Utilisateur exclusif du microscope simple, dérivé de la loupe, plusieurs découvertes importantes sont portées à son crédit : animalcules (protozoaires, 1675, bactéries, 1683), spermatozoïdes (1777), globules « qui donnent au sang sa couleur » (1675)... et bien d’autres, concernant les domaines de la zoologie, de la botanique ou de la géologie, qui furent consignées dans quelque trois cents lettres, adressées pour la plupart à la Royal Society de Londres , mais aussi à d’autres prestigieux correspondants (Hooke, Huyghens, Leibniz, Magliabecchi). Certaines d’entre-elles furent rassemblées en volume de son vivant.

2 . Ernst Theodor Amadeus Hoffmann (1776-1822), juriste, musicien (tour à tour professeur de chant à Bamberg, critrique musical à Leipzig, compositeur à Varsovie et Berlin — on lui doit l’un des premiers opéras romantiques, Ondine, 1814 —, directeur de théatre à Dresde, peintre, dessinateur et caricaturiste et par dessus tout écrivain, animé, selon sa propre expression, d’une « imagination excentrique ». Il connut de son temps un grand succès populaire pour ses trois romans : (Les élixirs du diable, 1816 ; Les sages réflexions du chat Murr, 1821 ; Maître Puce, 1822), et ses nombreux contes (Fantaisies dans la manière de Callot, 1815 ; Contes nocturnes, 1817 ; Princesse Brambilla, 1820 ; Maître Martin, 1818 ; Le petit Zachée surnommé Cinabre, 1819 ; Mademoiselle de Scudéry, 1819 ; Les soirées des frères Sérapion, 1821 ; La fenêtre d’angle de mon cousin, 1822. Œuvre importante, écrite en moins de dix ans, qui inspira autant les écrivains (Heine, Baudelaire, Kafka et Roussel peut-être) que les compositeurs (Schumann,Wagner, Delibes, Tchakovsky, Offenbach).

3 . Maître Puce, traduction et préface de Madeleine Laval, Phébus, Paris, 1980 ; l’ouvrage fait partie de la traduction française de l’œuvre intégrale en quatorze volumes.

4 . De « Il était une fois... » à « ...la merveilleuse histoire de Maître Puce prend heureusement fin », le lecteur doit céder à l’injonction du conteur : « Ce livre étant un roman, il doit se commencer à la première page et se finir à la dernière. » Ce n’est pas Hoffmann qui parle, mais Raymond Roussel.

5 . Cette liste ressemblerait au « Guide-âne en forme de matinée », au pense-bête dressé par un critique littéraire pour rendre compte de la pièce qu’a tirée Roussel de son roman Locus Solus : « Entrée des hommes en fourrure ; traitement des cadavres par l’eau froide… », etc.

6 . Le nyctascope, sans doute inspiré de l’hélioscope de Hooke évoquée par Hoffmann dans le conte sous le nom de microscope solaire, anticipe l’apparition du phantascope du Dr Lake (1832) et du daedalum ou zootrope de Horner (1834). Fondés sur la persistance rétinienne, ils représentent l’ancêtre lointain du cinématographe. Notons que les instruments d’optique sont fréquemment présents dans l’œuvre d’Hoffmann (La fenêtre d’angle de mon cousin, qui fait songer à Fenêtre sur cour de Hitchcock), et dans toute la littérature romantique.

7 . Van Leeuwenhoek et von Leuwenhoeck. Hoffmann germanise le patronyme du microscopiste hollandais pris comme modèle du dresseur de puces. Il remplace van, particule que Leeuwenhoek lui-même n’avait ajouté à son nom qu’en 1685, par von. Il supprime la double voyelle du premier phonème et ajoute un c à la fin du nom. L’orthographe du nom patronymique du biologiste est sans cesse modifiée sur les documents autographes. À partir de 1683, Leeuwenhoek adopte les règles de la réforme orthographique, en vue d’un simplification de l’écriture. Dans les actes de la Royal Society, les dysorthographies sont fréquentes, et l’on dénonmbre dix-neuf versions erronées du nom. Si Leeuwenhoek est bien inhumé dans la vieille église (oude kerk) de Delft (tombe 12, section l9), ce n’est pas à la date indiquée dans le roman (1725), mais en 1723, le 31 août. La pierre tombale précise : « À l’âge de quatre vingt-dix ans, dix mois et deux jours. » La figure de Doertje, la nièce présumée du montreur de puces, s’inspire vraisemblablement de Maria, fille de Leeuwenhoek, qui l’accompagna sa vie durant et fit ériger un cénotaphe dans la vieille église.

8 . Jan Swammerdam (1637-1680), docteur en médecine (Leyde, 1667), il s’intéressa à la circulation pulmonaire et à la physiologie des nerfs. Il fut le premier à classer les insectes d’après leur mode de développement (métamorphose) et décrivit en 1668, soit sept ans avant Leeuwenhoek, les globules rouges de la grenouille. Son principal ouvrage Bijbel der nature (Biblia naturae) ne fut édité qu’après sa mort (1737), par Boerhaave.

9 . Système nouveau de la nature et de la communication des substances, (1695), GF-Flammarion, 1994, p. 68. À plusieurs reprises, dans sa correspondance, Leibniz déclarera à Arnauld son admiration pour Leeuwenhoek. En 1681, il écrivait à Huyghens : « J’aime mieux un Leeuwenhoek, qui me dit ce qu’il voit, qu’un cartésien, qui me dit ce qu’il pense. »

1 0. Paroles discordantes que celles que prononce l’officier chargé du fonctionnement de la machine de La colonie pénitentiaire de Kafka, et que n’aurait pas reniées Knarrpati : « La faute est toujours certaine. » La faute est d’avoir ridiculisé von Kamptz. Accusé, Hoffmann dut amputer le texte des passages litigieux. Il répliquera néammoins aux accusations du chef de la police dans une longue Déclaration. Hoffmann y défend sa cause avec véhémence : « Je certifie que je n’ai aucunement conscience d’avoir eu la moindre pensée malfaisante. J’ai laissé librement courir mon imagination. »

1 1. Lettre d’Albert Burgh à Spinoza, 11 novembre 1675. In, Spinoza, œuvres complètes, Gallimard, Paris, La Pléiade, 1954, p. 1268.

1 2. Réponse de Spinoza au « Très noble jeune homme Albert Burgh », non datée. op. cit., p. 1292.

1 3. Même s’ils considèrent que « les découvertes que l’on attribue au microscope ne sont pas si positives », ils sont « bien aise de savoir qu’il y a dans le tartre (dentaire) trois types d’animalcules. » Dans une lettre célèbre, adressée à la Royal Society (17 septembre 1683), Leeuwenhoek décrit « les minuscules créatures qui s’agitent dans l’écume des dents », « il y a plus d’animaux vivants dans l’écume des dents que de sujets dans un royaume. »

1 4. Dans les Passions de l’âme, Descartes transpose à l’homme ce qu’Aristote affirmait des animaux et de « la première fusion nécessaire de deux êtres incapables d’exister l’un sans l’autre. » Ce qu’explicite le nom de sexe (sectus : coupé, puis, à partir du XVIIe siècle, sexus). Descartes écrit : « En sorte qu’on imagine un tout duquel on pense seulement être une partie et que la chose aimée en est une autre. »

Pour citer cet article

Philippe Boutibonnes, « Bestioles, monstres et revenants », paru dans Alliage, n°44 - Septembre 2000, Bestioles, monstres et revenants, mis en ligne le 04 septembre 2012, URL : http://revel.unice.fr/alliage/index.html?id=3872.


Auteurs

Philippe Boutibonnes

Professeur de microbiologie à l’université de Caen ; auteur de nombreux articles et de Anthony van Leeuwenhoek ou l’exercice du regard, Belin, Paris, 1994.