Alliage | n°50-51 - Décembre 2000 Le spectacle de la technique |  I. Les arts de la mise en scène de la technique 

Hélène Vérin et Luisa Dolza  : 

Les théâtres de machines

Une mise en scène de la technique

Plan

Texte intégral

Mécanique et politique

La Renaissance, jusqu’au seuil de l’époque moderne, est un moment singulier, et à plus d’un titre une expérience unique dans l’histoire des techniques.1 Lors même que l’enseignement de ces dernières est encore largement l’effet d’initiatives locales, voire individuelles, en marge ou aux marges des institutions scolaires, que les métiers constituent le cadre institutionnel dominant de leur tradition par apprentissage, que les professions relevant des mécaniques sont entachées d’un mépris et d’une méfiance ancestrale et durable, les machines, les dispositifs mécaniques, s’installent peu à peu dans les paysages, tant agricoles qu’urbains. Il suffit de suivre Montaigne, en 1580, dans son Voyage en Italie par la Suisse et l’Allemagne,pour prendre la mesure de l’étonnement que procurent ces machines par leur nouveauté et leurs dimensions, au point que leur renommée invite au détour touristique. Ainsi, le mardi 18 octobre, « par une singulière courtoisie des seigneurs de la ville » d’Augsbourg, Montaigne et son secrétaire vont-ils visiter un système de portes et de pont-levis, actionné à distance, à l’aide de roues, de chaînes et de ressorts, qui permet de faire entrer quelqu’un dans ladite ville et même de lui faire payer la taxe de passage, « sans qu’il voie nul à qui parler ». Et Montaigne de conclure : « C’est une des plus artificielles choses qui se puissent voir. La Reine d’Angleterre a envoyé un ambassadeur exprès pour prier la seigneurie de découvrir l’usage de ces engins : ils disent qu’il l’en refusèrent ».2 On peut comprendre cette réticence, en un temps où l’état de guerre est plutôt la règle que l’exception. Le perfectionnement des armes à feu et des moyens de s’en défendre contribue aussi à transformer les paysages. Diderot, reprenant Bacon, ne vantera-t-il pas dans la poudre à canon « ce qui a fait naître tous ces chefs-d’œuvre d’architecture, qui défendent nos frontières et celles de nos ennemis » ?3

C’est que les grands, des ducs aux princes et aux souverains, sont de plus en plus conscients de l’importance d’un appareillage technique sûr et compétitif, lors même que les garanties offertes demeurent fragiles. Ils en attendent le moyen non seulement de gagner les guerres contre leurs adversaires, ou de protéger leur territoire, que de surmonter les ruses de la nature par celles de la mécanique : gérer les eaux, gagner des terres arables par des drainages, des assèchements, des irrigations, mettant en œuvre des canaux, digues, machines élévatoires destinés à conduire les « eaux sauvages » jusqu’aux fontaines de leurs villes. Car ils rivalisent aussi par la beauté de leurs palais et jardins, ornés de grottes et de jeux d’eau, par leurs automates, et surtout dans les fêtes, jeux et tournois, ainsi que les fastes de leurs théâtres, grands pourvoyeurs de merveilles. Toutes festivités dont le rôle politique est bien connu.

Les rivalités entre les princes, les concurrences entre les villes, sont le terreau même où s’enracinent les mécaniques. Plus essentiellement, n’est-ce pas l’universelle contrariété que décrivent des humanistes comme Juan Luis Vivès, celle qui existe entre les nations, les peuples, les religions, dans la nature elle-même, entre  les forces, éléments, minéraux et plantes qui invite à recourir aux mécaniques ? En effet les experts mécaniciens n’affirment-ils pas hautement que leur art s’exerce par les contraires et dans la contrariété, pour le bien public. Il s’appuient pour ce dire sur Archimède, et aussi sur « Le philosophe », se référençant aux Questions Mécaniques du pseudo-Aristote. Car au-delà ou en deçà de la science qu’y découvrent ces experts, ce texte a valeur légitimante de la manière d’aborder les mécaniques qu’ils revendiquent. En effet quel est le premier mot de ce traité ? « Thaumazetaï » = « On s’émerveille ». On s’émerveille en particulier de « ce qui arrive outre-nature, ou contre-nature, lorsque cela advient grâce à l’art, pour l’utilité des hommes. »4 Cet art est celui par lequel une petite force en produit une grande, celui qui contrevient au mouvement naturel des corps, élevant les masses, les eaux, pour les conduire, selon « l’occurrent besoin », à l’avantage du Prince et de son peuple.

Si les inventeurs peuvent ainsi en appeler à Aristote, c’est que le texte des Questions mécaniques est dorénavant disponible. On sait que les manuscrits précieux rapportés d’Orient, ceux, récents, des grands ingénieurs et architectes italiens, commencent à circuler très tôt entre les bibliothèques des grands et des riches curieux ; mais c’est l’imprimerie et son pouvoir de diffusion qui va solliciter traductions et commentaires, bientôt en langue vernaculaire, des mécaniciens de l’Antiquité, d’Archimède à Héron et Vitruve. Très vite l’imprimerie s’empare de ce domaine des mécaniques, pour produire des livres de fortifications et d’engins de guerre, puis d’instruments de mesure, de machineries propres aux mines, aux chantiers de construction, aux ateliers, aux usages de l’eau. L’imprimerie va contribuer à faire de la machine le symbole, l’emblème d’un monde où l’invention est promue comme une valeur. Dans les années 1570, l’art de la gravure, se perfectionnant, met à la disposition des amateurs, un fascinant spectacle livresque de la mécanique, les théâtres de machines.5 Longtemps les belles planches de ces ouvrages constituèrent la principale source des études sur la technique mécanique au début de l’époque moderne. Aujourd’hui, l’édition de fac-similés accompagnés d’études critiques favorise une approche plus complête, traitant chacun de ces livres comme un tout, dont chaque partie doit être considérée en elle-même et dans son articulation à l’ensemble.6

Qu’est-ce qu’un  théâtre de machines

En ouvrant un théâtre de machines, généralement, un grand in-folio, on découvre d’abord le frontispice, suivi d’une dédicace à un grand personnage, puis d’un avis au lecteur, parfois accompagné d’une préface, où l’auteur annonce comment et pourquoi il a décidé de rendre publiques ses inventions. Ces inventions apparaissent dans la suite des planches gravées en pleine page qui constituent l’essentiel de l’ouvrage. Chacune représente un instrument ou une machine, avec la légende, souvent en latin, qui la décrit. Un texte plus ou moins développé l’accompagne, la « déclaration de la figure ». Celle-ci consiste pour l’essentiel à préciser en quoi la machine est utile, à quelle condition l’utiliser, et aussi comment mouvements et forces s’y propagent et sont transformés.

Dès le premier théâtre de machines, celui de Jacques Besson, en 1578, ces caractéristiques se mettent en place, grâce à la convergence d’un ensemble de conditions qui vont contribuer à les fixer.7 En 1569, dans la dédicace d’un autre ouvrage, adressée au roi Charles IX, l’auteur, expert mécanicien, professeur de mathématiques et pasteur protestant, annonce qu’il « travaille aussi à présent, pour dédier à sa Majesté, un ample livre, distribué en plusieurs inventions nouvelles d’instrumens & machine utiles. »8 Selon Besson lui-même, cette dédicace vise à « mettre sous (l’)autorité et protection royale », « le Livre de (ses) machines et inventions manuelles » qu’il prépare « pour les géomètres, pour les marmiers, pour les marchands, pour les artisans, pour les gentilzhommes, bref pour pauvres et pour riches qui y voudront (tant  peu que ce soit) entendre et tout ce pour la conservation, utilité et entretien du bien public. »9

C’est aussi pour mener à bien son projet, qu’il s’adresse au roi : il est alors en quête de moyens financiers, qu’il obtient en effet de Charles IX quelque temps après. La mise en œuvre de l’édition suppose en outre le soutien d’un réseau d’amis et de collaborateurs : ici, c’est bien évidemment le réseau huguenot. Jacques Androuet du Cerceau, accepte de se charger de la gravure. Son atelier est l’un des plus réputés de France, et René Boyvin, célèbre graveur de l’école de Fontainebleau, contribue à l’ouvrage en taillant quatre planches. Besson parvient ainsi à faire un premier tirage de son Livre d’instruments.10 Tirage sans doute limité, et ne répondant qu’imparfaitement à son projet, faute des « moyens et appuis à ce requis » dit-il dans son « épistre au lecteur ». En effet, le livre prendra sa forme définitive de théâtre dans l’édition posthume, quelques années plus tard : un jeune humaniste, François Beroald, soutenu par un prestigieux éditeur protestant, Bartholomée Vincent, conçoit et organise un véritable coup éditorial. Il fait orner le livre d’un frontispice, complête et enrichit les déclarations de figures, y joint des sonnets à la gloire et à la renommée de l’auteur disparu,

« …qui suant sous son aleine
n’espargna jamais sa peine,
tant qu'es os il eut vigueur ».

et demande au lecteur que « d’un œil débonnaire (il veuille) de cœur accueil faire à ce théâtre divin. »11

Et  Beroald inventa le nom de « Théâtre de machines ».
La dénomination de théâtre, alors très en vogue, s’applique à des ouvrages variés : les atlas sont des théâtres du monde, des recueils d’exemples moraux sont des théâtres de la vie, des dispositifs ordonnés dans un espace imaginaire ou matériel, sont des théâtres de mémoire. Le dernier ouvrage de Jean Bodin est « un tableau de tout le monde universel (…) pour y arregarder comme dans un théâtre ». Cette mise en scène, en lumière, implique une mise en ordre, qui seule permet de saisir la structure cachée de « ceste belle machine du monde (…) afin que nous puissions cognoistre (…son) très sage Architecte (…) et l’aimer en toutes choses. »12 Les théâtres d’inventions mécaniques, ces manifestations du labeur et de l’ingenium de l’auteur, comme l’énonce l’ode à Besson, sont aussi des monuments pérennes qui perpétuent sa renommée. Dans cette période de troubles et d’incertitudes, le thème est commun. Jean Errard, l’un des plus grands ingénieurs de France avant Vauban, inscrit son théâtre de machines sous la devise vivitur ingenio, cataera morti erunt. L’homme est mortel, mais survit par son ingenium, son esprit d’invention.

Utiles et agréables, plaisants et merveilleux, au service du roi et à la gloire de Dieu, les théâtres de machines concentrent les thèmes rhétoriques les plus en vogue à l’époque. C’est le génie propre de Besson et de Beroald que d’avoir su les mettre au service de la mécanique et, du même pas, d’offrir à celle-ci un nouveau public. Le succès est immédiat et durable. Le genre littéraire, fixé dans les années 1570, est d’abord franco-italien : Jean Errard publie son Livre d’instruments en 1584, à Nancy, Agostino Ramelli, à Paris, en 1588, produit, avec le Diverse et artificiose  machine,  le premier livre bilingue, français et italien, tandis qu’en 1595, Fausto Veranzio présente les déclarations de figures des machines de ses Machinae Novae, publiées à Venise, en cinq langues : latin, italien, espagnol, français et allemand. Jusque dans les années 1620, les auteurs sont essentiellement italiens : Vittorio Zonca (1607), Jacopo Strada (1617-18), Giovanni Branca (1629) ; et français :  Ambroise Bachot (1587 et 1598), Joseph Boillot (1598) et Salomon de Caus (1615). Le succès éditorial est considérable, et presque tous connaissent des rééditions en plusieurs langues, de sorte que les théâtres de machines du XVIe siècle et du début du XVIIe se retrouvent encore aujourd’hui dans les bibliothèques du monde entier, du Japon à l’Amérique latine. Ils étaient déjà dans celles des grands ingénieurs et des collectionneurs. Vauban comme Perronet avaient leur Ramelli.

À partir du début du XVIIe siècle, des auteurs allemands lancent leurs propres Theatrum machinarum, en empruntant largement aux ouvrages précédents. Georges Boëckler annonce explicitement qu’il reprend les modèles présentés par Strada et Ramelli.13 Sa contribution propre est, dit-il, de faciliter leur compréhension en perfectionnant et en développant les déclarations des figures. Le genre se modifie, les thèmes rhétoriques s’infléchissent vers plus de rigueur, même si le thème des merveilles du spectacle de la mécanique demeure présent. Les planches, de plus en plus nombreuses, se rapprochent par le style de ce qu’elles seront dans la « Description des arts » de l’Encyclopédie, organisée par Diderot. Le Theatrum machinarum de Leupold, dont les derniers volumes paraissent à la fin du XVIIIe siècle, doivent encore aux ingénieurs du XVIe un certain nombre des dispositifs mécaniques présentés.14

L’économie du livre : sous la rhétorique, la transgression

Approfondissons cette approche consistant à mettre en relation les caractéristiques formelles de ce genre littéraire avec les conditions techniques et sociales de sa mise en œuvre, en évoquant successivement les différentes parties qui constituent les théâtres de machines publiés entre les années 1570 et 1630.

Le frontispice

Le livre in-folio avec frontispice caractérise à partir de cette époque toutes sortes de « beaux livres ». Ce modèle éditorial relève des normes instaurées par les libraires associés à des ateliers de gravures. Comme tout autre, le frontispice du théâtre de machines présente le titre dans une composition architecturale plus ou moins ornementée, sous un fronton souvent triangulaire, et encadré de colonnes et de cariatides. Les angelots perchés çà et là brandissent, certes, des couronnes de lauriers, mais aussi des instruments de mesure. Les cariatides, dans le Théâtre de Besson, les Desseins artificieux de toutes sortes de machines de Jacopo Strada, et Le Machine de Giovanni Branca, ne sont autres que les grands personnages qui soutiennent la mécanique : Archimède, Vitruve ou Euclide. Pour son Timon, Bachot inscrit le titre de l’ouvrage dans le plan d’une forteresse hérissée tout alentour d’instruments mathématiques et d’éléments de machines. Un compas trône au milieu, sous le titre, embrassant des figures géométriques. La référence au  sujet traité n’apparaît pas toujours aussi nettement. Le frontispice du Diverse et artificiose machine de Ramelli, très orné, n’évoque le sujet traité que par quelques boulets, et les deux grands et graves personnages qui font office de cariatides ne sont pas aisément identifiables. Les  Machinae Novae de Fausto Veranzio et le Novo Teatro de Zonca ne présentent en frontispice que des sortes d’entrées solennelles d’un temple, sans aucune référence à la mécanique. On sait que, dans les ateliers, des planches gravées étaient réutilisées, à peine réaménagées, pour toutes sortes d’ouvrages.

Parmi ces frontispices, seul celui des Raisons des forces mouvantes de Salomon de Caus rompt avec le modèle du genre, en offrant le spectacle d’un espace scénique animé. Au premier plan, Archimède, tenant une balance romaine et Héron, un siphon, s’adonnent à leurs activités emblématiques. Le souci d’information va jusqu’à la gravure de leur nom, à leurs pieds. Derrière eux, sur la scène en perspective, sont disposés des soufflets, ressorts, règles et compas. De part et d’autre, dans des niches, Mercure et Vulcain rappellent que le monde des mécaniques est au service du bien public, tandis que des angelots joueurs entrouvrent le volet sur lequel s’inscrit le titre, vers l’autre scène, celle du monde.

La dédicace

Tournons la page de titre, pour celle de la dédicace. Celle-ci est sans doute, avec l’avis au lecteur, l’élément où le rapport entre les caractéristiques de l’œuvre et les conditions de sa production est le plus patent, puisque en général, il n’y a pas de théâtre de machines sans « les moyens et appuis à ce requis », comme le dit Besson sans ambages. On quémande ceux-ci auprès de quelque grand auquel est alors dédié l’ouvrage. Il faut donc admettre que c’est bien à tort que quelques commentateurs tardifs ont pu s’indigner de l’emphase courtisane caractérisant ces dédicaces. Sans compter que cette rhétorique fait partie d’un jeu stylistique dont on se délecte alors, la dédicace est affaire sérieuse, puisque l’avenir de l’auteur dépend souvent de la généreuse protection d’un grand.  Presque tous nos auteurs sont architectes ou ingénieurs, et l’on est alors ingénieur de quelque puissant, attaché à sa personne autant qu’à sa fonction politique. Les historiens ont  donc souvent vu dans les théâtres de machines des genres de dossiers de presse qui servaient à la promotion des auteurs. Sans doute faut-il tempérer cette appréciation en rappelant que de nombreux théâtres de machines sont des ouvrages de l’âge mûr, voire des publications posthumes. C’est le cas, nous l’avons vu, de celui de Besson. Ramelli a soixante-sept ans lorsqu’il publie son Diverse et artificiose machine, Giovanni Branca en a cinquante-huit ans et une promotion fort honorable. Quant au Novo Teatro de Zonca, il est publié à Padoue en 1607, sept ans après sa mort, et c’est le petit-fils de Jacopo Strada qui publie ses Desseins artificiaux. On voit mal d’ailleurs comment les nombreuses machines présentées auraient vraiment pu être inventées par un ingénieur débutant. Il n’y a guère que Jean Errard pour affirmer avec une juvénile audace – il n’a alors que trente ans et avoue « être resté jusqu’à présent inutile » auprès du duc de Lorraine — qu’il est bien l’inventeur des quarante machines, instruments et dispositifs présentés dans son livre. Il tempère néammoins cette prétention par une notule embarrassée qui ouvre son épître au lecteur, signalant qu’« il se faict ordinairement que deux personnes se rencontrent en mesme invention ». Rappelons ici que la pratique du dessin levé sur des machines existantes ou des recueils manuscrits est commune et nécessaire à l’exercice du métier et à son perfectionnement. On cite le cas des carnets de Villars de Honnecourt, les manuscrits de Francesco Giorgio Martini et encore ceux de Léonard de Vinci, auxquels eut directement accès Fausto Veranzio, auteur des Machinae Novae. Disons que lorsque les théâtres de machines  commencent à être publiés, de nombreux dessins circulent dans les milieux d’experts mécaniciens chez lesquels ils ont certainement puisé des idées.

L’épître au lecteur

L’épître au lecteur qui suit la dédicace est l’occasion de narrer les circonstances de sa publication. Là aussi, on peut reconnaître, au fil des théâtres successifs, les termes d’une rhétorique bien rodée. C’est d’abord la description de l’écrasant labeur qu’implique une telle production, où l’on voit déjà apparaître le thème des « longues soirées de veille » qui se retrouvera dans nombre d’ouvrages d’ingénieurs. La précarité du statut d’inventeur, jointe aux facultés exceptionnelles qu’il exige, comme la crainte d’être spolié de ses découvertes, se combinent dans l’évocation d’un milieu professionnel où règnent envie, coups bas et trahisons, « le chaud bouillonnement des hommes envieux qui remordent tout ce qui n’est pas de leur boutique », affirme Bachot. En contrepoint, l’amour du bien public qui guide l’auteur éclate avec plus de vigueur encore. Il s’allie au souci religieux, celui de travailler à la gloire de Dieu chez Besson, qui est ministre de la «  Religion », de remplir le devoir de charité chez Bachot ou le très catholique Ramelli. Encore a-t-il fallu, pour que l’auteur mène son livre à terme, qu’il y consacre son précieux temps et ses travaux, et que collègues bienveillants et amis insistent avec persévérance. Ce souci de présenter l’ouvrage comme objet du désir de connaisseurs lui confère un prix particulier, d’autant qu’il y gagne la valeur humaniste du devoir d’amitié accompli. On notera que, souvent, c’est envers la difficulté inhérente à l’effort d’écriture des déclarations de figures que l’auteur avoue sa plus grande réticence, et à cette écriture que s’appliquait tout particulièrement dit-il, la demande de ses amis. Peut-être, en effet, touche-t-on ici à une sorte de transgression : n’est-ce pas en s’autorisant de cette « ayle de parole escripte », comme le dit joliment Bachot, que le praticien fait accéder son œuvre de fabricant de machines au statut d’œuvre libérale ? N’oublions pas que les arts libéraux sont ceux qui relèvent de la parole. Écrite dans les recueils de machines, cette parole délivre des savoirs cachés, les rend accessibles à tous « libéralement », insistent nos auteurs.

À ce stade de notre présentation, qui ne s’attache qu’aux traits formels du genre, on peut néammoins déceler, au-delà des différences souvent notables distinguant chacun de ces théâtres de machines, certaines évolutions. Et tout particulièrement en ce qui concerne la place accordée à la science. Si tous les théâtres de machines ne bénéficient pas d’épîtres au lecteur ou de préfaces également développées, ni de teneur équivalente, c’est toujours dans cette partie des livres que sont concentrées pour l’essentiel, les références à la science dont ils dépendent, la mécanique, elle-même dérivée des mathématiques. Sous l’autorité supérieure d’Euclide, Vitruve, dont le traité d’Architecture livre X est le grand inspirateur, Archimède, le Héron des Pneumatiques, lorsque sa traduction se diffusera, « le Philosophe », c’est-à-dire Aristote, sont évoqués comme les grandes figures tutélaires. S’il y a évolution, c’est dans les développements savants dont on s’autorise. Ce n’est pas par hasard que Besson, au début des années 1570, renonça à publier en introduction de son ouvrage, un long et savant exposé sur les mécaniques, sur les rapports entre nature et artifice, physique et mathématiques,15 alors qu’en 1588, la préface de Ramelli est truffée de références savantes, dont on a pu montrer qu’elle était une sorte de patchwork, constitué d’extraits d’ouvrages de science mécanique.16 La relation entre pratique mécanique et science mécanique est en train de bouger.

La mécanique est faculté, art et science, écrivait Lorini en 1597 ?17 et lorsque Salomon de Caus, en 1615 intitule l’ouvrage qu’il publie : Les Raisons des forces mouvantes avec diverses machines tant utiles que plaisantes ausquelles sont adjoints plusieurs desseings de grotes et fontaines, il affiche par ce titre, outre ses prétentions théoriciennes, la solidarité entre la conception de machines particulières et l’universel que découvre la science. En quelque sorte, on peut suivre les étapes d’une bataille en voie d’être gagnée. Inscrire l’art du mécanicien dans les arts libéraux et dans une science des mécaniques qui, pour être pratique, n’en est pas moins science, a cessé d’être acte de transgression. La bataille dure néammoins, et les savants mécaniciens ne sont pas les derniers à rejeter les praticiens dans la médiocrité des empiristes, ne serait-ce que pour marquer la distance. Elle existe, cette distance, et les théâtres de machines, la tradition même du genre contribua à la maintenir.

Mais il est temps, pour comprendre la manière dont les théâtres de machines jouèrent leur rôle spécifique dans cette histoire, d’entrer dans le vif de l’œuvre, de ces théâtres de l’invention mécanique.

Que mettent en scène les théâtres de machines ?

À cette question, la réponse paraît évidente et simple : ils mettent en scène des inventions. C’est bien ainsi, en effet, qu’ils s’annoncent. Encore faut-il rester attentif à ce que signifie alors invention. Le mot a les trois sens contemporains du mot engin, ingegno en italien : c’est l’esprit d’invention, le talent d’inventer de l’auteur ; mais c’est aussi l’exercice de cet esprit dans les dispositifs de l’art : les ingéniosités, les trouvailles ingénieuses dont témoignent les machines représentées. Ces engins, machines et instruments sont enfin, et selon un troisième sens, des inventions pour lesquelles leur auteur peut recevoir un privilège d’exploitation.18

Comment les théâtres de machines rendent-ils sensibles ces formes de l’invention ? Pour filer la métaphore du théâtre, comment, par quelle disposition des parties de l’ouvrage, à l’aide de quels modes d’expression, les textes, les planches, par quelle succession – l’ordre de présentation des machines – l’invention est-elle mise en scène ?

Entendus comme des théâtres de l’esprit inventif de leurs auteurs, ces ouvrages participent au large mouvement contemporain de réflexion sur l’œuvre d’art comme expression de l’ingegno de l’artiste. Robert Klein a pu écrire que « les auteurs de l’époque sont convaincus que ce qui rend une chose digne d’admiration, c’est l’acte de l’ingegno qui l’a conçue. »19 Les auteurs de théâtres de machines défendent l’idée que cet ingegno humain ne s’exprime nulle part avec plus de grandeur et de force que dans l’invention mécanique. Ce renversement dans l’ordre de la dignité des arts qui reléguait jusque-là les mécaniques dans l’ignoble, doit être mis en rapport avec le thème des merveilles de la mécanique que nous avons évoqué.

En 1547 déjà, Benedetto Varchi, dans une leçon à l’Académie florentine, avait avancé l’idée que tous les arts sont mécaniques, si l’on prend mécanique, non dans le sens trivial de la production artisanale, mais en ce sens que tous, mettant en œuvre le corps et l’esprit, impliquent la contrariété et sont de l’ordre de merveille.20 La classification des arts qu’il proposait alors, selon le plus ou moins d’ingegno et de fatica qu’ils supposent, a peut-être inspiré Pietro Bertelli, qui la reprend dans sa dédicace au Novo Teatro de Zonca. Mais Bertelli ajoute que, vu qu’il y a plusieurs degrés d’ingegno, l’art de fabriquer des machines est le plus élevé, celui qui exige la plus grande acuité, ce que prouve l’étymologie commune des mots ingegnero et ingegno.21 Ainsi les théâtres de machines sont des arguments dans la lutte que mènent les mécaniciens praticiens pour élever le statut de leur profession, tout en montrant jusqu’où peut aller leur excellence personnelle dans le métier. Ce qui a plus belle allure que la simple volonté de supplanter des collègues envieux.

Pour déceler ce qui, dans l’économie du livre, rend compte spécifiquement de l’invention comme pouvoir d’inventer, nous disposons de ce qu’annoncent les auteurs eux-mêmes. Ainsi,  et à la fin de son épître, Branca nous donne une indication : ce qui, dans l’ouvrage, s’adresse plus spécifiquement à l’ingegno de son lecteur, sont les textes et les renvois chiffrés de la figure au texte. En permettant de comprendre l’engin présenté dans la figure et à quelle fin répond chacune de ses parties, ils invitent le lecteur à, éventuellement, l’adapter et la faire servir à d’autres opérations, et lui-même inventer de nouvelles machines à partir de celles de Branca. Il y a donc bien un niveau de lecture du théâtre de machine où l’ingegno de l’auteur s’adresse à celui du lecteur à l’aide de certains procédés qui, faisant saisir l’acte d’invention du premier, sont susceptibles de faire passer à l’acte le pouvoir d’inventer du second. Tous nos auteurs sont d’accord pour affirmer que la figuration seule n’y suffit pas. Bachot explique dans sa dédicace : « Ce mien talent renfermé en ce trop estroict estuy de quelques manouvrages sembleroit un couteau en sa gayne ou une loy dans les tables, si je n’empanois mes inventions d’une ayle de parole escripte qui porte ces rarités de l’Orient en l’Occident, témoigne à tous que la semence dont il pleust au Ciel parsemer mon champ n’est pas tombée en une infertile arene ». Il faut prendre à la lettre ce caractère de témoin, car le propre du témoin est de certifier un acte, une chose, par la parole : attestation qui découvre la chose comme preuve, ici, la machine, présentée comme matérialisation d’une intention, d’une idée de l’inventeur.

Dans les théâtres de machines, cette parole écrite qui témoigne est celle qui accompagne chacune des planches, et d’abord la légende, portée sur la planche même, par Besson, Errard, Véranzio, ou, en tête de la déclaration de la figure, par Ramelli et Salomon de Caus. Ces légendes définissent en quoi il s’agit d’inventions répondant à des intentions particulières : ce sont des manières de, des moyen de, des inventions pour, une nouvelle espèce de machine, d’artifice, pour… les avantages particuliers que procure la machine par ses dispositions concertées. À lire les légendes d’affilée on voit surgir un certain nombre de thèmes auxquel on pourrait s’attendre ; la facilité :  faire monter facilement l’eau sur un lieu plus haut, filer plus facilement la laine… la rapidité : « nouvelle presse plus compendieuse et aisée que les communes tant pour imprimer livres que pour estamper toutes figures taillées sur letton ou cuyvre »,22 économie des forces engagées (diminuer le nombre des hommes ou les remplacer par des animaux ou des éléments naturels), des moyens mis en œuvre (temps, espace, matières, économie monétaire), avantages maîtrisés des effets escomptés, utilité, commodité, plaisir, mais aussi, singularité, nouvelles actions possibles, jusqu’alors inconcevables. Enfin, l’auteur signale parfois le recours aux pouvoirs de la science des mécaniques : « nouvelle façon de composer (par le ministère de la vis et de la balance) un artifice convenable à descharger tous les plus amples bateaux ou navires, conduis à port, des plus massifz, pesans, & grands fardeaux qu’elles puissent porter », indique Besson.23 Mais alors, pourquoi était-ce si difficile à écrire ?

On a beaucoup glosé sur le fait que ces légendes ne proposent pas la dénomination des machines présentées. Franck Reuleaux y voit la preuve d’une absence d’esprit d’analyse scientifique de la part de ces mécaniciens,24 d’autres y décèlent l’incapacité d’inventer des noms pour ces machines nouvelles.25 Nous serions plutôt tentées de voir dans cette association légende-figure celle de deux formes d’expression assignées à deux formes d’ingegno : par le texte, l’invention astucieuse, le témoin de l’astuce inventive, comme l’écrit Bachot, et par la figure, la machine nouvelle, cette invention, cet engin, la preuve sensible, visible. Loin de voir dans l’intitulé des légendes l’indice de l’incapacité de proposer une dénomination qui fixerait l’engin dans un genre défini, c’est l’écart entre ce que dit la légende et ce que montre la figure qui fait surgir ce qui constitue l’invention comme pouvoir d’inventer et potentialité d’inventions nouvelles. Dans le maintien de cet écart, nous serions tentées de voir non un fait négatif, mais  une sorte de décalque de l’emprise, de l’impresa, « symbole composé d’une image et d’une sentence  et servant à exprimer une règle de vie ou un programme personnel de son porteur ».26 Composer des emprises est durant la période, une activité fort prisée, et de nombreux traités y ont été consacrés. Des règles de formation de telles devises composites, on retiendra l’intérêt  que l’on y reconnaît à ce qui est un « nœud » d’idée et d’image, qui doit surtout éviter le pléonasme qu’impliquerait la désignation écrite de ce qui est figuré, car le sens naît de l’effet de contraste entre ce qu’expriment les deux modes d’expression convoqués. C’est-à-dire ici la parole et l’image, l’intention et la réalité sensible, le projet et l’objet produit.
Les dessins de machines ont alors valeur de témoin, au sens de tiers, de quelque chose qui se tient en tiers, pour attester et certifier la réalité d’un acte. Pour le souligner, on joue sur l’impact de l’image, sur le pouvoir de la figuration à évoquer l’existence physique des inventions, présentées selon une scénographie minutieuse. Les machines trônent au milieu d’un paysage, l’atelier, la nature, la ville, entourées de leurs servants en pleine action. Chaque planche est un tableau où se déploient les artifices de la meilleure gravure, pour le plus grand plaisir du lecteur. Mais les vagabondages de l’imagination sont rappelés à l’ordre, en quelque sorte, celui qu’indique l’ordre numérique ou alphabétique des chiffres ou des lettres. Portés en surimpression, ils invitent au déchiffrage des fonctions concertées des parties de la machine en dénotent l’ordre des raisons, contraignent le regard à suivre le décours des forces imprimés à la machine, selon l’intention de l’inventeur. Aussi, incitent-ils à la lecture des renvois dans le texte. Là encore, on peut apercevoir le souci d’éveiller l’acuité de l’esprit par l’effet de contrastes, tout à la fois, impressionner le lecteur par la beauté des figures, et l’arracher à la simple contemplation par la mise à distance que suscite l’ordre des chiffres.

On voit sur ce seul rapport du texte et de l’image dans les théâtres de machines comment se composent, la faculté, l’acte et la chose même dans la scénographie de l’invention. Pour pousser plus avant, il faudrait voir comment l’ordre de succession des différentes planches y contribue à son tour. Comment aussi les renvois de l’une à l’autre, en appelant l’attention sur les variations possibles d’une même astuce ingénieuse, suscitent d’autres regards sur les inventions présentées. Ce à quoi, constamment, le texte invite. Et pour clore cette évocation, nous suggérons à notre lecteur de feuilleter le Divers et artificiose machine de Ramelli. Il verra peu à peu apparaître une multiplicité de plans de lecture, au point que les machines dessinées ne lui apparaîtront plus que comme les supports de tout un édifice de conceptions possibles qui, s’interpénêtrant, se superposant, déploient l’espace divers et artificieux de l’invention.

Notes de bas de page numériques

1 . Nous tenons à remercier ici Anne-Françoise Garçon pour ses  pertinentes lectures et suggestions.

2 . Michel de Montaigne, Journal de voyage en Italie par la Suisse et l’Allemagne, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1962, pp. 1159-60.

3 . Denis Diderot, Encyclopédie, article « Art ».

4 . Aristote, « Mechanical Problems », Aristotle Minor Works, Loeb C.L., Harvard U Press, Cambridge Mss, Londres, 1993, p. 330. Il n’existe pas de traduction française de ce texte majeur.

5 . Sur le sujet, cf Luiza Dolza et Hélène Vérin, « Énigmes et raisons des théâtres de machines », à paraître dans la Revue d’Histoire moderne et contemporaine.

6 . Cf tout particulièrement la belle étude de Carlo Ponti accompagnant la publication en fac-similé du Novo Teatro de Vittorio Zonca, Milan, Il Polifilo, 1985.

7 . Luisa Dolza et Hélène Vérin, « Dal Livre al Theatrum di Jacques Besson », Theatrum instrumentorum et machinarum, ed. dell’ Elefante, Rome, 2001, pp. 1-49.

8 . Jacques Besson, Le Cosmolabe ou instrument universel, Paris, PH. G. de Roville, 1567, dédicace

9 . Jacques Besson, , ms add. 17921,The British Library,  Londres. Dédicace. Ce manuscrit a été retrouvé, étudié et en partie édité par Alexander Keller, « A manuscript version of Jacques Besson’s Book of Machines, with his unpublished principles of mechanics », On pre-modern technology and science, Studies in honor of Lynn White, Malibu,  1976, (Humanas civilitas 1), pp. 75-103.

1 0. Livre premier des Instruments mathématiques, et mechaniques, servant l’intelligence de plusieurs choses difficiles, & nécessaire à toutes Républiques. Inventées (entre autres) avec infini labeur, par Jacques Besson, Daulphinois, professeur & ingénieux és sciences mathématiques. Avec privilège du roy. s.l.n.d.

1 1. Jacques Besson, Théâtre des instrumens mathématiques et méchaniques de Jacques Besson, avec l’interprétation des figures d’iceluy, par François Béroald, Lyon, B. Vincent, 1578, « aux amateurs de ces Sciences, ode ».

1 2. Jean Bodin, Le Théâtre de la nature universelle de Jean Bodin, auquel on peut contempler les causes efficientes et finales de toutes choses, desquelles l'ordre est continué par questions et réponses en cinq livres, traduict du latin par M. François de Fougerolles, Lyon, J. Pillehotte, 1597.

1 3. Böckler, Georg Andreas, Theatrum machinarum novum, exhibens aquarias, alatas, jumentarias, manuarias, pedibus ae ponderibus versatiles, plures et diversas molas, variis frumentis commolendis...aliisque usibus destinatas, adaptatas, cum utilibus et rarioribus hydrotechnematis, scilicel haustris (...) aliisque hydrergis variis, per quae in sublime aqua attolli, derivari, et traduci alio potest (...) erectum (...) per Georgium Andream Bocklerum (...) ex Germania in Latium recens translatum, opera R. d. Henrici Schmitz (...), Cologne, P. Principi, 1662.

1 4. Leupold, Jacob, Pars I Theatri statici universalis, sive Theatrum staticum, das ist Schau-Platz der Gewicht-Kunst und Waagen (...) von Jacob Leupold (...) -Pars II Theatri statici universalis, sive Theatrum hydrostaticum, oder Schau-Platz der Wissenschaft und Instrumenten zum Wasser-Wagen (...), Leipzig, B. C. Breitkopf et fils , 1774.

1 5. Elle fait partie du  manuscrit de son Livre d’instruments conservé à la British Library.

1 6. Cf. édition critique sous la direction de Gustina Scalia, Adriano Carugo et Eugen Freguson, des Diverse et artificiose machine, Il Polifilo, Milan, 1991.

1 7. Lorini, Benedetto, Delle fortificazioni (...) libri cinque. Ne’ quali si mostra con le più facili regole la scienza con  la pratica, di Fortificare le Città, et altri luoghi sopra diversi siti, Venise, Gio. Antonio Rampazetto, 1597.

1 8. Hélène Vérin, La gloire des ingénieurs, Paris, Albin-Michel, 1993, ch. 1.

1 9. Robert Klein, « L’imagination comme vêtement de l’âme chez Marcile Ficin et Giordano Bruno », La forme et l’intelligible, Paris, Gallimard, 1970, p. 88, note 3.

2 0. Benedetto Varchi, « Lezzione nella quale si disputa della maggioranza delle arti, Della disputa prima », Scritti d’arte  del cinquecento, sous la direction de Paola Barocchi , Einaudi, Turin, 1977, t.I, pp. 137-138.

2 1. Vittorio Zonca, Novo Teatro, Padoue, Pietro Bertelli, 1607. Dédicace de l’éditeur. “Le cose in cui l’huomo s’adopra con altrui maraviglia (Illustrissimo Signore) dall’una della due cagioni traggono l’origine, o dalle forze del corpo; o dall’ingegno. Ne dubbio v’ha, ch’essendo questa parte fuor d’ogni paragone più nobile di quella, siano gli effetti altresì da lei partoriti degni di maggior pregio. Ma poiché sono in questa parte ancora molti gradi l’uno sopra l’altro, s’io dirò, che l’arte del fabricar Machine sia nel supremo, in cui più ch’in ogn’altro si scorga l’acutezza dell’ingegno humano, credo di non dire cosa dalla comune credenza lontana. Perché sa ogn’uno, che dal consenso de gli huomini per una certa eccellenza è stato attribuito come proprio all’opra e all’artefice quel nome, ch’è per se stesso commune, chiamando questo ingegnero e quella ingegno.

2 2. Jean Errard, op. cit. pl. 18.

2 3. Jacques Besson,Théâtre, op. cit. pl. 37.

2 4 F. Reuleaux, Cinématique. Principes fondamentaux d’une théorie générale des machines, Paris, F. Savy, 1877 , n.1, p. 625.

2 5 pour expliquer ce fait négatif F. Brunot  suggère  un « purisme linguistique » ; Histoire de la langue française, tome VI, première partie, fascicule 1, pp. 416-422.

2 6. Robert Klein, « La théorie de l’expression figurée dans les traités italiens sur les imprese », 1555-1612, La forme et l’intelligible, op. cit., p. 125. cf aussi Luisa Dolza, « Theatrum Machinarum : utilitas et delectatio », Junger Renne et Wolfgang Lefevre ed., The emergence of scientific image, Birkhauser, Bâle. À paraître.

Pour citer cet article

Hélène Vérin et Luisa Dolza , « Les théâtres de machines », paru dans Alliage, n°50-51 - Décembre 2000, I. Les arts de la mise en scène de la technique, Les théâtres de machines, mis en ligne le 29 août 2012, URL : http://revel.unice.fr/alliage/index.html?id=3724.

Auteurs

Hélène Vérin

Chercheur au CNRS - Centre A. Koyré. Docteur en philosophie, ses recherches portent sur l’histoire et la philosophie des techniques et des sciences de l’ingénieur à l’époque moderne. Elle a publié La gloire des ingénieurs. L’intelligence technique du XVIe au XVIIIe siècle, Albin Michel, Paris, 1993.

Luisa Dolza

Marie Curie Fellow au centre d’études supérieures de la Renaissance, Tours. Docteur en histoire des sciences de l’université de Florence, ses travaux portent sur les rapports entre technique et religion au XVIe siècle et entre science et technique au XVIIIe siècle.