Alliage | n°60 - Juin 2007 Que prouve la science-fiction ? |  I. Retours sur les figures classiques 

James Williams  : 

Deleuze et Lewis : contexte philosophique de « L’homme doré » de Philip K. Dick

Plan

Texte intégral

« Nous sommes devenus des êtres de pensée, murmura Anita, et non plus d’action. Une pensée qui commence à avoir des effets paralysants. Tandis que cette créature-là, elle…
» — …possède des facultés plus opérationnelles que les nôtres l’ont jamais été. Nous, nous pouvons nous remémorer les expériences passées, les garder en mémoire, en tirer des leçons. Au mieux, nous pouvons formuler des hypothèses intelligentes sur l’avenir en nous basant sur nos souvenirs. Mais nous ne pouvons pas avoir de certitudes. Nous devons nous contenter de parler en termes de probabilités. De penser en gris, et non en noir et blanc comme lui. Nous ne faisons que deviner.
» — Mais Cris Johnson, lui, a dépassé ce stade, ajouta Anita.
» — Oui, car lui, il peut prévoir. Voir ce qui va arriver. « Prépenser », en quelque sorte. Connaître l’avenir. Il ne le perçoit probablement pas comme tel, d’ailleurs. »1

Dans la nouvelle intitulée « L’homme doré », Philip K. Dick nous fait l’intrigante suggestion d’un être doté de ce que j’appellerai un don de « prémonition virtuelle instinctive». L’homme doré éponyme est le fruit de l’évolution de la faculté animale d’avoir de légers pressentiments, tel l’oiseau qui donne l’alerte d’un cri, ou le cerf que fait tressaillir un bruissement étrange ou un effluve chargé d’augures, porté par le vent. Le présent article offre un contexte philosophique à cette intuition mise en avant par la science-fiction. S’il est quelque chose de l’ordre de la prémonition, il est probable qu’elle n’adopte pas la forme d’une capacité cognitiveà tracer et à comparer un certain nombre de mondes possibles dans leur intégralité, mais qu’elle apparaît plutôt comme un sens interne interagissant avec un domaine virtuel connexe à tous les futurs possibles envisagés comme potentiels. La vision future devient ainsi un sens lié aux futurs possibles, plutôt qu’une capacité à calculer ou à connaître le tout du temps comme monde possible. Au travers de cet article, je retracerai le contexte philosophique de l’opposition virtuel—possible dans les œuvres de Gilles Deleuze et David K. Lewis, tout en me reportant encore à « L’homme doré » ainsi qu’à d’autres travaux portant sur le possible et le virtuel dans la fiction, chez Borgès notamment. L’opposition virtuel—possible est l’un des points essentiels où science-fiction et philosophie s’informent et se façonnent mutuellement. La thèse que je défends ici est que le virtuel n’est pas moins riche de promesses en ce domaine, et plus encore dans ceux de la fiction et de la philosophie, que le concept plus répandu de possible. Les points d’ancrage principaux de cette réflexion seront Différence et Répétition (Paris, puf, 1968) et On the Plurality of Worlds de Lewis (Oxford, Blackwell, 1986).

Deux pragmatismes

« Il eut la vision d’une scène floue où il était à terre, calciné, sans vie ; dans ce cas de figure, il avait essayé de forcer le blocus pour s’enfuir.
Mais cette scène-là était vague. Un instantané indistinct, brouillé, parmi tant d’autres. L’implacable ligne de conduite qu’il suivait ne dévierait pas dans cette direction. Ce n’était pas de ce côté-là qu’il s’orienterait. Cette petite poupée dorée-là n’avait qu’un rapport lointain avec lui. Elle était lui, mais un “lui” extrêmement lointain. Un “lui” qu’il ne rencontrerait jamais. Il l’oublia et passa à l’examen des autres tableaux. »2

Comment est-il possible de rattacher la philosophie à ce mélange de possibilité et d’instinct, de sensations et d’images de futurs possibles, d’un éventail d’ouvertures dont la gradation est effectuée par le biais d’un sens concentré autour d’un seul chemin retenu ? Il convient, pour répondre à cette question, de remplacer le concept de mondes possibles par celui du virtuel et permettre ainsi la mise en rapport de tous les mondes par le biais d’intensités sensuelles et de sélections vécues. Pour Deleuze, le virtuel est ce qui permet à toutes les formes de vie de communiquer entre elles d'une façon qui ne dépend pas de divisions antérieures en espèces, genres, propriétés, situations spatio-temporelles, ou en sujets et prédicats. Le virtuel est un domaine déduit à partir d’événements actuels, condition transcendantale de leur résistance à l’identité et de leur capacité à devenir autre. Le virtuel est donc un domaine transcendantal qui brise tout identité réelle donnée ou tout procédé d’identification. Par « briser »,  nous entendons « achever et nier la priorité à l’identité ». L’actuel exprime à son tour le virtuel et lui confère une détermination. La forme des rapports de détermination réciproque de l’actuel et du virtuel façonne une pragmatique subséquente, où la pratique est une expérimentation déterminée par la forme métaphysique. Aussi la façon dont nous expérimentons est-elle déterminée par une série de relations définies et justifiées par la métaphysique. La forme du rapport entre virtuel et réel détermine l’expérience comme radicale en termes d’innovation et de transformation : l’expérimentation n’est véritable que dès lors que de nouvelles sensations défiant l’identification viennent troubler les identités attendues. Ceci permet d’expliquer l’importance notable de l’interprétation que fait Deleuze de l’éternel retour de Nietzsche dans sa définition du virtuel et dans sa définition du temps par rapport au virtuel.

Au contraire, David Lewis a plus souvent recours à une vue plus traditionnelle de l’éternel retour, à l’opposé de celle de Deleuze. Pour Lewis, ce qui est en jeu dans l’éternel retour est le retour éternel de mondes identiques (en fonction de cycles à complexité variable) et la façon dont ce mode de retour fait problème pour l’identité dans le monde actuel en termes d’« ersatz d’individus » indiscernables. Pour Deleuze, l’éternel retour touche au retour de conditions propres à briser l’identité, et sa formule de prédilection au sujet de l’éternel retour est que seul revient le différent, jamais l’identique. Deleuze entend ici que la seule chose à demeurer identique à elle-même est le retour de la différence. La seule chose dont nous pouvons être certains est que les choses seront différentes. Le contraste qui sépare le choix du terme de « retour » et de celui de « récurrence » pour expliquer la doctrine de Nietzsche est, de ce fait, extrèmement instructif : pour Lewis, la question est toujours celle des difficultés engendrées par la possibilité de la récurrence du même, alors que pour Deleuze, il n’existe pas de difficulté de cet ordre puisqu’une telle possibilité ne saurait se faire jour. Nous n’actualisons pas de possibilités identifiables mais des différences variables (Idées transcendantales ou variations). Ces variations virtuelles assurent la liaison entre toutes les possibilités actuelles. D’après une lecture deleuzienne et fidèle à l’invention de Dick, l’homme doré ne procède pas à une estimation des possibilités, il les rapporte à un domaine virtuel de sentiments mobiles et de désirs, et agit dans les mondes les plus en accord avec eux.

Ce contraste entre les deux penseurs apparaît clairement dans la lecture très différente qu’ils font des fictions de Borgès. Lewis lit ce dernier d’un œil sélectif et prompt à résoudre les contradictions et paradoxes supposés de son œuvre.  Les questions centrales sont : « Quelle sorte de mondes cette histoire implique-t-elle ? », « Sont-ils plausibles ? » Les réponses qu’il donne à ces mots mettent l’accent sur le sens « plausible » de premier ordre des œuvres de Borgès et contournent leurs contradictions délibérées et productives, tout en soulignant l’indépendance des mondes dans la fiction par rapport au monde de la fiction.

« Nous avons tendance à envisager le futur comme une multitude d’alternatives possibles, ou un jardin aux sentiers qui bifurquent, d’après l’expression de Borgès, alors que nous envisageons le passé comme une actualité unique, figée, immuable»,3

et, commentant « Pierre Ménard, auteur du Quichotte » de Borgès, « différents actes de narration, différentes fictions ». L’approche de Deleuze consiste à se demander pourquoi les paradoxes de Borgès fonctionnent, au sens où ils nous intéressent et nous fascinent, et ce que cet intérêt et ce mode de fonctionnement impliquent pour la métaphysique. Il ne s’arrête pas au premier ordre mais sonde les contradictions pour tenter de démontrer, à la condition d’accepter de nous départir de certains faux présupposés concernant le temps et l’éternel retour, comment Borgès expose de profondes vérités au sujet de la mise en rapport virtuelle de possibilités et de mondes apparemment contradictoires. Après lecture plus attentive du même texte de Borgès (« Le jardin aux sentiers qui bifurquent »), Deleuze ne s’en tient pas à la perspective selon laquelle les chemins sont des possibles alternatifs. Ils doivent, d’une certaine manière, coexister simultanément. Il ne s’agit pas d’histoires distinctes, mais bien des mêmes histoires communiquant par l’intermédiaire des différentes façons dont elles peuvent être racontées.

En citant longuement « Le jardin aux sentiers qui bifurquent », Deleuze entend mettre l'accent sur un passage omis par Lewis dans la séparation qu’il établit entre mondes et possibilités :

« Dans toutes les fictions, chaque fois que diverses solutions se présentent, l’homme en adopte une et élimine les autres ; dans la fiction du presque inextricable Ts’ui Pên, il les adopte toutes — simultanément. Il créeainsi divers avenirs, divers temps qui prolifèrent aussi et bifurquent. »4

Pour Deleuze et pour Borgès, la création ou la sélection d’une possibilité correspond également à la création et la sélection, sous une forme particulière, de toutes les possibilités ainsi que de leurs conditions.

« Tout homme doit être capable de toutes les idées et je suppose qu’il le sera dans l’avenir… »5

Cette différence d’interprétation donne à voir les oppositions flagrantes de pragmatique entre nos deux penseurs. Deleuze semble excessivement restrictif au sujet des possibilités et excessivement ambitieux au sujet de la différence. Pourquoi ne devrions-nous pas penser en termes de retour du même, si cela s’avère utile et que nous le pouvons ? Au contraire, Lewis semble excessivement généreux au sujet des possibilités. Même si nous pouvons envisager un tel retour, il semble invraisemblable et, de là, peu probable (il s’agit d’un reproche très souvent formulé à l’encontre de Lewis par la critique et selon lequel il dispose d’une série de réponses argumentées fondées sur l’utilité de telles possibilités, cas d’éternelle récurrence compris. Le propos s’articule autour des divers mérites qu’il y a à envisager les mondes possibles comme réels ou comme fictifs, en un certain sens). Mais l’opposition est plus subtile qu’il y paraît. Deleuze ne soutient pas que nous ne pouvons pas réfléchir en termes de retour du même, mais plutôt qu’une telle réflexion est incomplète et illusoire. Cet argument soppose alors que Deleuze puisse en effet démontrer cette incomplétude. Lewis, lui, ne dit pas que le monde actuel devrait être pensé en termes de récurrence éternelle mais plutôt que cette perspective est utile pour la définition de l’identité dans le monde actuel. De la même façon, on ne trouverait pas chez lui une négation totale de la différence au sens radical que lui donne Deleuze mais plutôt l’idée qu'une telle réflexion est inutile. Pour Lewis, le possible est ce qui donne lieu à d’éclairantes distinctions entre parties et mondes, et ce afin d’ouvrir à une réflexion plus féconde sur des problèmes philosophiques, afin de montrer notamment les meilleures applications de termes tels qu’identité, propriétés, et universels.

« Le pragmatisme de l’utilité précède la métaphysique et nous permet de trancher entre différentes métaphysiques, en même temps qu’il sert d’instrument au sein de théories moins vastes. »6

La disparité entre connexion chez Deleuze et isolement chez Lewis fait ressortir le contraste entre deux approches différentes de l’immanence. L’immanence doit-elle signifier l’affirmation d’une mise en rapport réelle et puissante, ou bien l’affirmation que la réflexion peut établir une connexion à travers des mondes isolés causalement ? En d’autres termes, l’immanence est-elle l’affirmation de la connexion de toutes les relations (Deleuze) ou celle de la connexion certaines relations intellectuelles, malgré les preuves d’une nécessaire indépendance causale et spatio-temporelle pour d'autres relartions (Lewis) ? C’est le rôle et la forme de la pensée philosophique pragmatique qui sont en jeu ici. S’agit-il d’un processus de connexions parmi d’autres (sensuel, inconscient, physique, transcendantal) dont il ne peut s’abstraire ? Ou s’agit-il d’une façon de représenter des mondes isolés qui permet une abstraction utile de ce point de vue pragmatique, ainsi que des résultats applicables aux mondes actuels ?

Ces questions sont autant de pistes importantes dans l’explication de la distinction possible—virtuel. Lewis emploie le possible et le réel puisque les mondes possibles sont utiles (méritant ainsi d’être pris pour réels), malgré leur isolement par rapport au monde actuel. Deleuze emploie le virtuel car, bien qu’il ne soit pas un domaine actuel, il est réel au sens fort dans le rapport réciproque qu’il entretient avec le monde actuel (réel, mais pas seulement en tant que possible). Question deleuzienne fondamentale à opposer à la position de Lewis : si l’idée d’un monde possible est utile et applicable, ne peut-on pas dire alors que, d’une certaine façon, les mondes isolés et la réflexion à leur sujet ont une incidence sur le monde actuel, et n’est-il donc pas erroné de dire que les mondes sont causalement isolés ? Une réponse que pourrait faire Lewis est : si le virtuel et l’actuel communiquent de la façon extrême que développe Deleuze, quelle forme de rapport causal ou quasi-causal peut bien relier des choses disparates telles que les chimères et les processus causaux physiques ?

Dans On the Plurality of Words, Lewis donne une subtile définition des mondes possibles, dans une logique dense et riche, avant de consacrer un long moment à en montrer la valeur pratique. Par exemple, en permettant de donner une définition claire et cohérente des contrefactuels, la théorie des mondes possibles et la doctrine de la réalité des mondes possibles fournissent un outil de taille pour réfléchir aux théories en termes de cohérence, de robustesse, de valeur relative et de plausibilité dans leur application au monde actuel. Le rôle des contrefactuels (« si tel était le cas, alors… ») est très important pour comprendre la différence entre Deleuze et Lewis, notamment en ce qui concerne leur interprétation de l’héritage humien. Une définition particulière de la distinction entre philosophies analytique et synthétique découle de cette différence entre diverses sortes de pragmatismes. La synthèse de Deleuze trouve une justification métaphysique. Sa philosophie place la synthèse en son cœur, puisqu’elle croit que la pensée procède d’abord de la synthèse, bien qu’étant nécessairement liée à l’analyse et l’identification dans l’opposition. C’est que sa métaphysique définit le réel comme essentiellement synthétique et nécessitant, afin d’être abordé véritablement, d’être lui-même traité en termes de synthèses. La synthèse et l’analyse sont toutes deux nécessaires, mais aucune n’est complète sans référence à la détermination réciproque de l’une et l’autre. De plus, la forme que prend cette détermination réciproque est donnée par la synthèse, qui peut ainsi être considérée comme première. La philosophie de Lewis place l’analyse en son centre, puisqu’elle croit que l’analyse est le meilleur moyen de résoudre des problèmes souvent imputables à des synthèses confuses. Ce qui n’occupe pas, toutefois, la même position métaphysique fixe que chez Deleuze. Si de meilleurs candidats métaphysiques et théoriques apparaissaient, alors la métaphysique devrait changer, et la métaphysique seule ne saurait être l’arbitre du « mieux ». Le calcul des pertes et profits n’est pas métaphysique en soi, bien qu’il soulève la question cruciale de savoir exactement ce dont il s’agit et comment on peut lui donner une définition relativement indépendante de la métaphysique. Un possible prétendant à l’explication du processus menant à la prise de décision fait ressortir les différents pragmatismes à l’œuvre. Même si Lewis dépasse souvent le sens commun pour en souligner les limites, par exemple, à propos la de réalité des mondes possibles, il envisage sa position comme un dialogue avec le sens commun. Il ne fait pas de doute que ce dialogue est ironique et non dénué d’autodérision. Pourtant, le sens de la perte et du profit est un sens commun, et ancré dans des intuitions communes, même lorsqu’il se prend lui-même pour objet.  

Justifier le possible et le virtuel.

« Il arriva devant un petit placard à fournitures. Il venait d’être fouillé. Personne ne reviendrait l’ouvrir avant une demi-heure. Il disposait donc de ce délai ; c’était aussi loin qu’il pût voir. Après…
» Après il serait capable de discerner une autre région située au-delà. Constamment en mouvement, il pénétrait perpétuellement dans des contrées qu’il n’avait encore jamais vues, et qui composaient un panorama en constant déploiement : scènes variées, paysages figés à perte de vue. »7

L’homme doré constitue non seulement l’invention d’un futur possible pour les animaux, mais il offre aussi une réflexion sur les différentes formes d’utilité de l’analyse cognitive et de la prémonition virtuelle. Dans la nouvelle, les humains combattent pour la préservation de leur race face aux mutations animales qui menacent de faire s’éteindre leur espèce par leur meilleure capacité à s’adapter.

« Je crois savoir laquelle des deux lignées se révélera dominante. » Un sourire amer. « Je veux dire, je devine. Ce n’est pas la nôtre. »8

Le don de prémonition devient également une arme terrifiante dans la lutte pour la survie. Sentir et calculer s’opposent comme le traitement logique des mondes possibles à la sélection intensive et immanente qui s’opère parmi eux, guidée par les sens. Et ce combat trouve une image dans les justifications que nous pouvons donner pour suivre Deleuze ou Lewis sur le possible et le virtuel. Le travail de Lewis couvre une longue série de problèmes techniques difficiles et de questions philosophiques profondes. L’étendue du savoir logique et scientifique est une force majeure de l’œuvre de Lewis, peut-être plus que chez Deleuze. Pourtant, cette opposition ne tient pas si nous nous penchons sur le rôle que jouent les exemples et les études de cas fondés sur l’opinion et le jugement dans l’œuvre de Lewis. Ses travaux, bien que techniques et difficiles, ne relèvent pas moins du sens commun, non seulement au travers du style et de l’étendue des exemples — presque tous quotidiens et faisant appel à des réactions et des croyances communes et ne prêtant pas à controverse — mais aussi directement, au sens où il s’adresse directement à l’opinion comme à un arbitre-clé. Dans Qu’est-ce que la philosophie ?, Deleuze et Guattari définissent l’une des tâches de l’art, de la philosophie et de la science comme la lutte contre l’opinion et sa fausse prétention à nous protéger du chaos. Ils avancent que la peur du chaos nous pousse à définir la pensée et la vérité en rapport à une opinion bien informée, évitant ainsi les idées « sauvages » et les désaccords extrêmes. Mais l’opinion est une fausse protection contre le chaos, car elle ne fait que créer l’illusion de s’être débarrassé du chaos, aux dépens de formes de pensée fonctionnant de pair avec le pouvoir créateur et progressif des idées chaotiques.

Ce type d’attrait pour l’opinion est l’un des facteurs du pragmatisme de Lewis, dans la mesure où son exigence fondamentale d’utilité concerne la résolution du genre de manque de clarté propre à surgir dans les situations quotidiennes, dans leur rapport à la théorie. Le manque de clarté est un problème de pensée quotidienne et une menace pour l’opinion correctement formée ; il surgit au travers de problèmes scientifiques théoriques comme philosophiques. Une réflexion philosophique forte sur la science et la philosophie, aidée de la logique, peut venir à bout de ces problèmes et clarifier le rapport entre opinion et erreur. Ainsi la philosophie permet-elle l’articulation entre la théorie et le quotidien, non seulement en termes de théorie philosophique, mais aussi en termes scientifiques. Ceci s’avère important par rapport à la critique du modèle de la reconnaissance par la pensée chez Deleuze, puisque cela signifie que la reconnaissance des problèmes pèse fortement sur la pensée de deux façons. Tout d’abord, le type de cas qui compte est ceux qui sont d’ores et déjà monnaie courante. Ils sont reconnus pour à la fois exiger une clarification et pour être « quotidiens » et accessibles à l’opinion. La situation n’est donc pas la question en jeu, mais seulement une propriété limitée de celle-ci (« voici le problème »).

Deuxièmement, les nouvelles ressources théoriques, qu’elles soient logiques, scientifiques, ou métaphysiques, sont destinées à fonctionner sur ces difficultés en cours, reconnues et permanentes, plutôt qu’à alimenter la vie et la pensée d’une façon plus créative et révolutionnaire. La tâche reconnue de la métaphysique est d’être ce type de solution, plutôt que de vastes et audacieuses constructions. Le cas doit être reconnu comme légitime, au même titre que l’application de la pensée à sa solution. Le philosophe de Lewis résout les problèmes plutôt qu’il n’en crée, il est un penseur technique plutôt  que créatif.

Lewis démontre que le jugement et une approche pragmatique conservatrice sont des freins essentiels aux aspects destructeurs et mal régulés de la théorie et des innovations créatives. De plus, malgré l’entrave conservatrice à l’innovation technique, celle-ci porte loin, elle est radicale —, elle touche à certaines idées et découvertes parmi les plus importantes et révolutionnaires de la logique et des mathématiques. Son effort permanent pour venir à bout de la « confusion », c’est-à-dire de l’échec d’une pensée claire s’appuyant sur des concepts non ambigus et évitant ainsi les faux problèmes, est le signe de cette approche :

« Nous rencontrons souvent des formulations qui sont probablement la manifestation d'une confusion. »

La position de Lewis est pragmatique jusqu’en son cœur dans son rapport à l’usage, alors que celle de Deleuze est à cet égard pragmatique seulement de façon minimale et après l’établissement de gestes métaphysiques antérieurs. Ces gestes métaphysiques pourraient bien exiger de nous un premier saut contingent de la foi ou de l’expérience, pour que puissent porter les arguments métaphysiques. Néanmoins, sur ces fondements, la métaphysique ne sera pas ouverte au questionnement du jugement au sens où le permet Lewis. Par ailleurs, le modèle de Lewis fixe un mode de pensée auquel s’oppose Deleuze, en raison de son incapacité à voir la vie dans toute sa diversité et son ouverture. Cette différence dans le rapport de priorité du pragmatisme à la métaphysique ressort fortement dans les raisons évoquées pour croire à la réalité du virtuel ou des mondes possibles. D’après Lewis, on devrait croire aux mondes possibles en raison de leur utilité :

« Pourquoi croire aux mondes possibles ? Parce que l’hypothèse sert, et que c’est là une façon de croire qu’elle est vraie. »

En d’autres termes, croire à des mondes possibles nous permet de faire plus et mieux que si nous n’y croyons pas. Ainsi, ce serait une erreur que de tenter de réduire la réalité au monde actuel, car nous n’avons pas d’arguments définitifs pour affirmer que les mondes possibles ne sont pas réels et tout comme nous n’avons pas de meilleurs prétendants que les mondes possibles pour résoudre les problèmes soulevés.

Pourquoi croire en la réalité du virtuel ? Parce que le monde actuel est incomplet, à moins d’être vu en rapport avec le virtuel. En d’autres termes, pour Deleuze, nous devrions croire en la réalité du virtuel parce que le virtuel fait  « partie » intégrante de la réalité, ou plus précisément, parce que l’actuel n’est qu’un aspect d’une réalité connexe où la notion même de « partie » est en soi partielle et inadéquate. Quand nous pensons au virtuel dans l’abstrait, nous manquons les processus-clés qui nous donnent un sens de la réalité bien déterminé. L’erreur consiste donc à poser la réalité pleine de l’actuel ou la détermination pleine du virtuel. L’actuel n’est complet que s’il est envisagé avec tous les processus qui mènent à sa genèse et à son évolution (son passé et son futur tout entiers). Ces processus ne sont ni possibles ni définitivement identifiés et figés, au contraire, ils sont le stock ou la réserve des différences et des variations d’intensité qui peuvent éclairer l’actuel et les idées qui lui sont associées de diverses façons. Toute chose réelle est donc un processus au sein d’une structure. La réalité du virtuel est la structure. Nous devons éviter tant de donner aux éléments et aux rapports formant une structure, une réalité qu’ils n’ont pas, que de leur retirer une réalité dont ils sont pourvus. Nous avons vu qu’un double processus de détermination réciproque et de détermination complète définissaient cette réalité : loin d’être indéterminé, le virtuel est complètement déterminé.

Pour Deleuze, la réalité est connexion et complétude dans des processus de devenir plutôt que complétude comme objet ou comme sujet ou comme monde possible, ou comme « ce monde actuel-là ». Aussitôt que l’on envisage quelque chose en l’abstrayant des processus avec lesquels il est connecté, ou qui le font et le défont, alors on ne l’envisage pas dans sa réalité entière. Il est nécessaire de l’envisager comme une chose autonome, mais il est aussi nécessairement incomplet et en demande d’efforts pour aller vers une complétude plus grande. Aussitôt que les mondes possibles sont définis comme réels mais indépendants, une erreur est commise eu égard à leur rapport dans le virtuel. Si un monde possible me touche dans ce monde actuel, s’il entre en rapport avec des singularités individuelles, il n’est pas indépendant ou isolé, il n’est pas même possible, mais bien partie d’une réalité plus vaste de processus en cours. Appeler « réelle » une partie de quelque chose revient à commettre la même erreur qu’en appelant une partie de la vie de quelqu’un la vie « réelle », alors que d’autres parties passées ou futures mais déjà envisagées ou présentes mais secrètes, fonctionnent en arrière-plan les unes dans les autres. Elles sont peut-être latentes, peut-être déclinantes, mais elles fonctionnent toujours, et ce fonctionnement contredit la réalité d'abord attribuée à un moment de cette vie. L’œuvre philosophique de Deleuze sur la littérature, par exemple, n’est pas contingente, elle n’est pas la marque d’une confiance erronée en la « fiction », quand la science devrait être le véritable arbitre de la réalité. Au contraire, la « fiction » permet à Deleuze d’en savoir plus sur les signes qui révèlent l’étendue d’une vie au travers de l’intensité des sensations ressenties dans le présent. Elle montre aussi comment les idées d’actualité et de possibilité sont insuffisantes dans le travail entrepris sur une vie réelle complète : l’imagination et la sensation excèdent les possibilités combinatoires extraites d’identités actuelles et de leurs sous-parties. Là où Lewis s’intéresse aux contreparties et aux différents mondes possibles pour les personnages de fiction (un Sherlock Holmes vivant plus près de la gare de Waterloo, par exemple9), Deleuze s’intéresse aux personnages de fiction dont les vies embrassent tous les mondes, avec des intensités différentes et selon des idées différentes.

Isolement spatio-temporel et connexion virtuelle

« En ce moment même, tapi dans son cagibi, il voyait une multitude anormalement  variée de scènes pour la demi-heure à venir. Beaucoup de choses l’attendaient. Ce laps de temps se subdivisait en configurations distinctes disposées selon un schéma incroyablement embrouillé. Il avait atteint une zone critique, il s’apprêtait à entrer dans des mondes d’une grande complexité. » (p. 1238)

L’homme doré est le fruit d’une évolution conférant un sens synthétique, faisant converger des mondes possibles au travers du potentiel de désirs animaux. Cette qualité synthétique amène la création de Philip K. Dick très près de ce à quoi fait appel Deleuze quand il met en rapport le virtuel, ou le sens, avec la sélection et la contre-actualisation d’événements dans les mondes actuels et avec une pensée pour le moins capable d’imaginer des mondes possibles. À travers sa métaphysique et sa philosophie transcendantale, Deleuze s’attache à des formes de synthèses et de rapports entre l’actuel et les conditions virtuelles, de sorte qui exigent d’accepter une connectivité radicale. Il n’est pas de chose actuelle qui ne soit liée à toutes les autres. Il n’est pas d’Idée virtuelle qui ne soit connectée à toutes les autres Idées, mais à différents degrés d’intensité. Il n’est pas de chose actuelle qui ne soit connectée à toutes les Idées. Ici, connecté est à prendre comme engagé dans des rapports continus de détermination réciproque. Cela ne signifie pas déterminé causalement ou lié spatio-temporellement. La définition que Deleuze donne du temps et du virtuel comme conditions transcendantales l’amène à admettre des relations qui ne se conforment à aucune systématisation spatio-temporelle établie. Au contraire, le virtuel et ses synthèses temporelles sont les conditions de ces systématisations actuelles, où « condition » signifie, bien que non exclusivement,

« une extension par-delà les mesures et les liaisons actuelles identifiables impliquées par un système donné afin d’expliquer de nouveaux aspects de ce système. »

Par exemple, c’est ce sens de condition qui opère quand nous interrogeons les conditions de l’évolution et du passage des systèmes et quand Deleuze déduit trois synthèses temporelles liées en tant que conditions (où la synthèse temporelle ne correspond à aucun système temporel donné, linéaire ou circulaire, par exemple). D'après ces déductions, tout système donné est lié à ceux dont il est issu et avec lesquels il peut désormais entrer en contradiction, il est également lié à ceux au sein desquels il pourrait se développer ou qui pourraient le remplacer, ceux qui le contredisent y compris, une fois encore. Cette quête d’une série complète de conditions intervient au moment où Deleuze donne sa version du principe de raison suffisante de Leibniz — tout événement et processus a une série suffisante de conditions, et ces conditions s’étendent au-delà de la recherche des processus causaux actuels et des explications scientifiques.

Cependant, ceci implique-t-il que Deleuze accepte les contradictions entre les affirmations portant sur la nature du monde sans tenter de les résoudre ? Sa métaphysique est-elle sujette à de nombreuses reductios, au point de les embrasser ? S’agit-il alors d’une métaphysique qui, à toutes fins pratiques, s’avère rien moins qu’inutile dans la mesure où elle permet toute chose, au-delà de l’arbitrage rationnel et du jugement ? Non. Si l’on songe aux liaisons spatio-temporelles et à la causalité entre choses actuelles, la philosophie de Deleuze revêt une cohérence relative et fonctionne de pair avec les lois établies et les explications scientifiques. Tout désaccord se trouve aux limites de telles explications, en particulier eu égard aux notions deleuziennes de sens, d’événement et de signifiance. Cela signifie que Deleuze pose des formes de relations qui dépassent les frontières de tout système donné tout en en respectant les règles, relativement, au sein de certaines frontières. Cela signifie qu’il refuse à toute condition spatio-temporelle donnée ou tout postulat causal le droit de décider de ce qui peut ou ne peut pas faire office de relations.

Au niveau de la situation spatio-temporelle et de la causalité, deux choses actuelles peuvent entretenir une relation fixe et claire (A est la cause de B) avec d’immenses ramifications en termes de lois et d’autres rapports causaux. Mais cette relation est incomplète à moins d’être située en rapport aux intensités (pourquoi cette liaison particulière est un événement pour un individu). La complétude a lieu à travers toutes les Idées virtuelles liées entre elles et permettant des contradictions et des ruptures dans la situation spatio-temporelle et la causalité (une même relation actuelle peut s’avérer importante comme non importante, elle peut opérer de manière intense à un certain niveau d’Idées mais à un degré très faible, bien que jamais nul, à d’autres). Ce conditionnement au niveau des Idées pour les individus ne peut donc se satisfaire d’un ordre spatio-temporel externe, d’une grille spatio-temporelle pour le virtuel, puisque quelque temporaire et ouvert que soit cet ordre, apparaîtraient certaines restrictions qui ne fonctionneraient pas pour le virtuel.

Il est important de distinguer cette extension virtuelle d’une relation actuelle donnée et l’idée que toute occurrence peut être interprétée de multiples façons. Deleuze envisage l’idée radicale selon laquelle l’occurrence est en réalité incomplète à moins d’être étendue en rapport aux événements qui la connectent à une série infinie de rapports virtuels (plutôt que simplement possibles). Cette incomplétude n’est pas une forme de scepticisme relatif ou une suspension de croyance en une théorie, au sens de Lewis, où

« c’est le mieux dont nous disposions pour le moment et tout ce que nous savons est que ceci pourrait cesser d’être le mieux. »

Au contraire, l’incomplétude est avec précaution déterminée en termes de conditions transcendantales et de rapports de détermination réciproque. Elle a ses signes-clés (sensations) et ses méthodes (dramatisation et création) ainsi que ses événements-clés (les rencontres au cours desquelles l’expérimentation mène à l’exigence d’innovation radicale). Il n’y a pas d’occurrence indépendante d’un sens idéal et ce sens Idéal réel relie l’occurrence à toutes les autres, passées et futures, ainsi qu’à toutes les autres idées (qui n’admettent même pas le sens traditionnel de passé et futur ou de situé « ici » ou « là »).

L’un des exemples les plus frappants des propositions de Deleuze concernant la causalité et la localisation se trouve dans son argument sur le destin dans Différence et Répétition. Aux côtés des séries d’occurrences actuelles localisées spatio-temporellement et liées causalement, nous avons une série d’événements idéaux auxquels est liée indépendamment chacune des occurrences. Le destin implique la liaison entre deux séries : la localisation spatio-temporelle et les rapports causaux sont complétés par de nouveaux rapports indépendants de la localisation et de la causalité. Ces autres rapports ajoutent à notre compréhension de ce qu’est une vie. Ils introduisent des sens différents de valeur et de priorité. Ils impliquent aussi que tout acte doit être considéré non seulement en lien à la série actuelle mais aussi à celle virtuelle, qui entretient avec la précédente un rapport asymétrique, c'est-à-dire que l'on ne peut pas projeter sur elle. Ainsi, bien que l’on puisse prétendre que, d’après la causalité et la localisation spatio-temporelle, nous avons un certain destin figé, en fait, du point de vue de Deleuze, puisque ce destin actuel est incomplet, nous avons les moyens de changer ce destin, en termes de sens et de signifiance, jusqu’au point où la même occurrence (en termes causaux et spatio-temporels) peut avoir un sens différent, à cause de la présence de sensations intenses actuelles différentes entourant l’occurrence (ce que nous ressentons au sujet de quelque chose le modifie virtuellement et actuellement). De manière significative, tous les sens différents sont liés, mais à divers niveaux d’intensité, d’où les remarques de Deleuze sur la relaxation et la contraction.

Le compatibilisme de Lewis est en harmonie avec le plaidoyer de Deleuze pour la liberté comme le déterminisme dans son traitement du destin.10 En effet, les deux penseurs peuvent êtres vus comme acceptant une forme de déterminisme temporaire, tout en l’équilibrant par un parti-pris de liberté (actes libres pour Lewis et liberté de rejouer différemment pour Deleuze). Cependant, la philosophie de Lewis des mondes possibles réels pose un isolement des mondes possibles fondé sur la localisation spatio-temporelle et (en certaines circonstances) sur les rapports causaux.11 Quand Lewis sépare les différents mondes d’après la localisation spatio-temporelle et rapporte l’unité de chaque monde à ce même fondement, il nie les rapports entretenus entre les mondes et insiste sur le fait que les rapports au sein d’un monde doivent se faire selon la même grille spatio-temporelle. Ce n’est donc pas que des mondes différents interagissent indépendamment de la spatio-temporalité, ou qu’un même monde ait une unité spatio-temporelle comme d’autres formes d’unité. C’est que cette unité et cette absence d’unité sont les façons les plus plausibles de penser les mondes. C'est aussi que les liaisons deleuziennes entre les différents mondes actuels, conséquences des différentes liaisons avec le virtuel, sont-elles très peu plausibles, et, dans certains cas, logiquement impossibles.

Ces thèses sur l'unité et l’isolement des mondes sont cruciales pour un nombre important des vues de Lewis, par exemple au sujet de l’identité, des événements, des paradoxes temporels, du hasard, et, de manière moins significative peut-être, au sujet de la fiction et du voyage dans le temps. Le test de l’unité spatio-temporelle sert à Lewis dans une série d’importantes définitions dont il tire des conclusions considérables. Toutes contredisent ou fournissent des vues plus limitées que celles de Deleuze, d’abord parce que chacune des positions de Lewis est cohérente par rapport à la localisation spatio-temporelle (eu égard, par exemple, au positionnement d’un événement comme quelque chose indiquant un passage dans le temps, ou à la vue selon laquelle le voyage dans le temps ne peut pas être consistant avec des actions futures qui contrediraient leur cause passée), puis parce que nulle position ne peut plaider en faveur de liaisons entre les mondes possibles, c’est-à-dire, par exemple, qu’une possibilité réelle dans un autre monde n’est jamais en position de transformer le monde actuel (ou tout autre monde, d’ailleurs). Ce contraste entre isolement et connexion est important, car il met en place une opposition de taille entre le possible et le virtuel, où le premier devient un instrument pour penser, pour des expériences de pensée en termes de contrefactuels, par exemple, alors que le second devient un engagement ontologique plus profond. Bien que le possible comme le virtuel soient réels, seul le virtuel élargit l’actuel dans tous ses aspects et par de multiples formes de détermination : ce que le possible ne fait qu’en esprit – et uniquement avec une série de lourdes restrictions :

« « Que dit l’analyse ? » demanda impatiemment Anita en regardant par-dessus l’épaule de Baines. « Quel est son mode de fonctionnement cérébral ? »
Baines rendit le message à son patron. « Il ne pense pas ; il ne pense pas du tout. Pratiquement pas de lobe frontal. Ce n’est pas un être humain, il n’emploie pas de symboles. Ce n’est qu’un animal.
— Un animal, répéta Wisdom. Avec un seul et unique talent, hautement développé. Non, ce n’est pas un homme supérieur. Ce n’est même pas du tout un homme. »12

Traduit de l’anglais par Anne-Valérie Dulac

Notes de bas de page numériques

1 . Philip K. Dick, « L’homme doré », in Nouvelles, tome 1, traduction de Hèlène Cllon, Denöel, Paris, 1994.

2 . « L’homme doré », p. 1238.

3 . « Counterfactual dependance and time’s arrow », in PhilosophicalPapersII, pp. 32-51, esp. 36.

4 . Borgès, « Le jardin aux sentiers qui bifurquent », in Fictions, traduction de Verdedoye & Ibarra, nrf, Paris, 1951, pp. 129-130.

5 . Borgès, « Pierre Ménard, auteur du Quichotte », in Fictions, p. 71.

6 . On the Plurality of Worlds, p. 40.

7 . « L’homme doré », p. 1237.

8 . « L’homme doré », p. 1246.

9 . « Truth in Fiction », p. 269

1 0. Cf. « Are we free to breaks the laws ? », de Lewwis, in PhilosophicalPapersII, p. 291.

1 1. On the Plurality of Worlds, p. 71.

1 2. « L’homme doré », p. 1233.

Pour citer cet article

James Williams, « Deleuze et Lewis : contexte philosophique de « L’homme doré » de Philip K. Dick », paru dans Alliage, n°60 - Juin 2007, I. Retours sur les figures classiques, Deleuze et Lewis : contexte philosophique de « L’homme doré » de Philip K. Dick, mis en ligne le 01 août 2012, URL : http://revel.unice.fr/alliage/index.html?id=3484.

Auteurs

James Williams

Enseigne la philosophie a l’University of Dundee, Écosse. Il a récemment publié The Transversal Thought of Gilles Deleuze (Manchester : Clinamen, 2005), Understanding Poststructuralism (Chesham : Acumen, 2005) et The Lyotard Reader and Guide (avec Keith Crome, eds., Edinburgh University Press and Columbia University Press, 2006). Il travaille actuellement sur un livre à propos de la logique du sens et de la philosophie analytique pour Edinburgh University Press.

Traducteurs

Anne-Valérie Dulac