Alliage | n°64 - Mars 2009 Du végétal 

Christian Orange  : 

Comment les plantes font-elles penser les petits et les grands ?

Plan

Texte intégral

Les végétaux, et particulièrement les plantes,1 sont à la fois proches et distants : ils nous entourent par leur présence et l’utilisation (notamment alimentaire) que nous en faisons ; ils sont si différents de nous et des animaux de par leur organisation et leur mode de vie. La familiarité avec les plantes nous sert d’entrée dans la compréhension de leur biologie mais, en même temps, nécessairement, elle nous embrouille, fait obstacle à notre connaissance diraient Bachelard et Canguilhem.

Aussi, avant de présenter quelques aspects des conceptions des jeunes et des moins jeunes sur les plantes, présentation que nous limiterons essentiellement aux questions de nutrition, il nous semble nécessaire, pour sortir si possible de nos propres représentations, de voir en quoi les idées que se font les savants des plantes ont changé au cours de l’histoire de la science occidentale.

Quelques repères historiques pour questionner nos idées sur les plantes

Nous n’envisageons pas de tracer une histoire de la science du végétal, mais une simple esquisse à orientation épistémologique, en nous limitant aux questions de nutrition.

Pour Aristote, les plantes sont vivantes et, comme tous les êtres vivants, elles sont constituées des mêmes éléments que les objets inanimés mais s’en distinguent par la forme (Canguilhem, 1968 ; Pichot, 1993). Cette forme, c’est l’âme, principe de leur mouvement.2 Il y a plusieurs sortes d’âmes : l’âme nutritive, commune à tous les êtres vivants, animaux et végétaux ; l’âme sensitive, propre aux animaux, et l’âme rationnelle, propre à l’homme.

Les plantes n’ont qu’une âme nutritive, responsable de leur nutrition mais aussi de la croissance et de la génération. Elles se définissent donc par ce qu’elles ont en commun avec les autres êtres vivants, mais surtout par ce qui leur manque. Cette première vision de la plante et de son âme nutritive correspond à une conception de la vie que Canguilhem a nommée

« La vie comme animation de la matière » (1968).

Cette idée animiste de la vie, remise en cause à partir du xviie siècle par des approches matérialistes ou mécanistes, a continué à avoir de l’influence jusqu’au milieu du xixe siècle. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les végétaux pour lesquels l’emprise du mécanisme cartésien a été quasiment nulle :

« La biologie cartésienne ignore le règne végétal » (Pichot).

Il est vrai que la représentation des plantes sous forme d’organes « mécanisables »  est difficile tout comme leur compréhension selon la seconde conception de la vie que caractérise Canguilhem : « La vie comme mécanisme ».

Au  xviie comme au xviiie siècle, quand les scientifiques veulent comprendre la nutrition de la plante, c’est toujours par comparaison avec l’animal qu’ils le font. Harvey, en 1628, publie son livre (Des mouvements du cœur et du sang) où il invente la circulation sanguine,3 remettant en cause le vieux schéma d’irrigation de Galien (iie siècle). Après avoir décrit ce que sont pour lui le fonctionnement du cœur et trajet du sang il ajoute :

« On peut donc appeler ce mouvement du sang, mouvement circulaire, comme Aristote avait appelé circulaire le mouvement de l’atmosphère, et des pluies. » (chapitre 8)

Dès que s’impose, après plusieurs années, cette idée de circulation sanguine, les savants cherchent une circulation analogue chez les plantes, celle de la sève (voir document 1), tout comme on cherche les organes analogues à ceux des animaux.

« On a déjà remarqué et M. Reneaume le confirme par ses observations, que la racine est l’estomac de la plante et qu’elle fait la première et la principale préparation du suc. De là, il passe, du moins pour la plus grande partie, dans les vaisseaux de l’écorce, et y reçoit une nouvelle digestion. » (Histoire de l’Académie royale, 1707).

Dans la seconde moitié du xviiie siècle, les avancées de la chimie permettent de caractériser un aspect important de la nutrition des plantes : les échanges gazeux. Priestley, notamment, montre que les plantes vertes ont, le jour, un effet sur l’air opposé à celui des animaux: leur respiration est inverse. La chimie moderne de la fin du même siècle caractérisera ces échanges : entrée de dioxyde de carbone et sortie d’oxygène le jour ; entrée d’oxygène et sortie de dioxyde de carbone la nuit, comme pour les animaux.

Cette respiration inversée n’est réinterprétée comme un phénomène nutritif qu’au début du xxe siècle : à la lumière, qui fournit l’énergie, la plante chlorophyllienne utilise le carbone du co2 pour fabriquer de la matière organique par combinaison avec de l’eau et des sels minéraux ; elle rejette un déchet de ce métabolisme, l’oxygène. C’est la photosynthèse. L’animal, au contraire, ne peut vivre sans prélever dans sa nourriture de la matière organique qu’il dégrade en matière minérale (co2, eau, sels minéraux) en la combinant avec de l’oxygène, ce qui lui procure l’énergie nécessaire à son fonctionnement.

La plante et l’animal ont alors, à cette époque, une biologie opposée et complémentaire : quand le végétal produit des molécules organiques, l’animal les détruit. Ce qui, aux yeux de la science actuelle, est vrai en terme de bilan  mais pas dans le détail des métabolismes. C’est Claude Bernard (1813-1878) qui, après avoir montré que les organismes animaux produisent aussi des molécules organiques, développera le concept de nutrition indirecte, affirmera qu’il n’y a qu’une seule biologie et que tout être vivant construit et détruit de la matière organique. Il terminera son œuvre par ses Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux (1878).

Pour dépasser totalement la conception animiste de la plante, il faut donc attendre non seulement le développement de la chimie moderne, mais aussi la réunification de la biologie dans un cadre théorique qui renvoie dos à dos d’une part, l’animisme et le vitalisme radical, niant toute science du vivant, et d’autre part, le mécanisme qui dissout la biologie dans la physique et à la chimie. Toutes ces conditions de possibilité d’une biologie végétale éclairent les difficultés que les hommes ont rencontrées et rencontrent pour penser la vie des plantes.

Les plantes sont-elles vivantes ?

Chez les jeunes enfants (quatre à cinq ans), la distinction entre vivant et non-vivant est très nettement anthropocentrique. Les gens sont vivants, tout comme les animaux familiers, voire les objets affectivement chargés que sont les poupées ou les nounours. Des hésitations et des désaccords existent pour le feu, les nuages et la poupée mécanique... S’il n’y a pas toujours cohérence (du point de vue de l’adulte) dans les raisons qu’ils donnent à leur classement, il apparaît que deux critères dominent les autres : le mouvement et la proximité avec les êtres humains. On peut donc penser que le caractère vivant des plantes est problématique pour des enfants de cet âge.

Ainsi, des élèves d’une classe de maternelle (moyenne section et grande section, quatre à six ans) ont-ils eu à classer différents objets, représentés par des vignettes, en trois catégories : vivant, non-vivant, je ne sais pas.4 L’enseignante est passée auprès de chaque élève pour lui faire verbaliser son classement et les raisons (dictée à l’adulte). Beaucoup disent que la plante n’est pas vivante, car elle ne bouge pas. Julien, un élève de grande section, a placé le vignette représentant un arbre dans la colonne « non-vivant », mais lors de ses explications à l’adulte, il propose de la changer de place et de mettre l’arbre dans les vivants :

« Il ne bouge pas… il grandit. »

 Anne, élève de moyenne section, a placé dès le départ l’arbre dans la colonne « vivant », ce qu’elle explique par « il pousse ».

Dans une classe de cp-ce1 (six à huit ans), a été mené récemment un travail semblable.5 Pour certains enfants, l’arbre n’est pas vivant, car « ça ne bouge même pas ou quand il y a du vent » (Romain, ce1) ; pour Anne (cp), une plante verte n’est pas vivante « car ça sent pas ». Plusieurs élèves ont des doutes en disant ne pas savoir si cela bouge. Quant à ceux qui placent les plantes dans la catégorie « vivant », les arguments renvoient à la nutrition, à la croissance ou à la mort :

  • une plante « a des racines, elle peut manger et mourir comme nous », Annie (ce1)

  • « l’arbre grandit », Kevin (ce1)

  • la plante « peut mourir si on ne l’arrose pas », Sophie (ce1)

  • Julie (cp) dit que la plante verte est non-vivante, mais que l’arbre est vivant, car « il y a un produit dedans, c’est comme le sang ».

Le premier critère invoqué pour la vie, celui du mouvement, s’enrichit au fur et à mesure du développement des enfants : nutrition, croissance, mort, parfois reproduction. À la fin de l’école primaire (dix-onze ans), les élèves sont d’accord pour dire que les plantes sont vivantes pour toutes ces raisons.

Les plantes se nourrissent à partir du sol !

L’idée que les plantes sont vivantes s’installe donc progressivement dans la pensée des enfants, en lien notamment avec leur nutrition et leur croissance. Comment cette nutrition est-elle comprise ? De la fin de l’école primaire à l’adolescence, et même jusqu’à l’âge adulte, les représentations sur la nutrition des plantes sont étonnamment stables. De nombreuses études ont été faites ; les exemples donnés ici le sont à titre illustratif.

Trois élèves de ce2 (huit-neuf ans), lors d’un entretien de groupe, tombent d’accord pour dire que les plantes se nourrissent pour vivre et pour grandir. Elles « mangent » de l’eau et de la terre. Quand on leur pose la question du soleil, de son rôle : il réchauffe la plante.

Dans une étude menée au début des années 1980 par l’inrp (voir Rumelhard, 1985) auprès de deux cent quarante élèves de première et de terminale (seize-dix-huit ans), la question suivante leur a été posée (questionnaire écrit) :

— «  Comment les plantes se nourrissent-elles ? D’où tirent-elles leurs substances nutritives ? Sous quelle forme celles-ci sont-elles puisées ? En quoi ce mode de nutrition se distingue-t-il de celui de l’homme ? »

Il apparaît alors que, pour la majorité de ces lycéens, la plante trouve sa nourriture dans le sol, par ses racines ; l’air comme source nutritive n’est jamais évoqué, alors que, comme nous l’avons vu et comme il leur a été enseigné, le co2 de l’air est essentiel à cette nutrition. Les éléments puisés dans le sol sont l’eau et les sels minéraux. Quant à la lumière et au soleil, s’ils sont évoqués, ils servent à apporter de la chaleur.

Seules évolutions, en huit ou neuf ans de scolarité : les sels minéraux sont venus préciser « la terre » ; les idées, parfois présentes chez les plus jeunes, d’une plante qui mangerait insectes et vers ont disparu.

Comment expliquer une telle persistance des conceptions ? C’est en termes d’obstacles épistémologiques, au sens de Bachelard, qu’il faut penser. En ce qui concerne la nutrition des plantes, plusieurs idées viennent s’opposer à une compréhension de la photosynthèse :

  • la difficulté à concevoir une nutrition à partir de gaz. D’une part les gaz ne se voient pas ; d’autre part, en se référant inconsciemment à sa propre expérience de mangeur, ils n’apparaissent pas très roboratifs.

  • La comparaison animale : manger suppose une bouche et une seule ; une seule entrée de nourriture, et non pas une entrée par les racines (eau et sels minéraux) et d’autres par les feuilles (co2).

  • Ce que Canguilhem nomme les obstacles d’intérêt technique et qui renvoient aux relations des humains aux plantes. Que je sois agriculteur ou que j’aie quelques plantes en pot dans mon appartement, je ne m’occupe que de la terre : eau et engrais ; éventuellement de la lumière, en soignant leur exposition. Jamais je ne m’inquiète de la teneur en co2 de l’atmosphère, si l’on excepte les pratiques modernes d’agriculture en serres avec atmosphère contrôlée.

On voit, par ces explications, en quoi les obstacles à la compréhension de la nutrition photosynthétique sont surdéterminés, et pourquoi les représentations d’une nutrition uniquement à partir du sol sont si résistantes. Elles l’ont été dans l’histoire de la science, elles le sont dans les apprentissages scolaires.

Le bon ordre des choses

Pour comprendre toute la puissance de ces obstacles à la compréhension de la photosynthèse,  il faut aller encore plus loin dans l’étude des représentations sur les végétaux et de leur nutrition. En effet, certains faits pourraient laisser penser que les adolescents et les adultes ne sont pas si loin que cela de la conception actuelle des scientifiques.

Prenons comme exemples deux lieux communs. Celui de l’Amazonie, poumon de la Terre ; et celui de la plante verte qu’il ne faut pas laisser la nuit dans une chambre. Ces opinions, bien partagées, valorisent l’idée que, le jour, les plantes absorbent du co2 et rejettent de l’oxygène, et respirent comme nous la nuit. Ne sommes-nous pas tout proches de la photosynthèse ? Loin de là !

En premier lieu, le fait d’admettre que les plantes, à la lumière, absorbent du co2 ne conduit pas à penser qu’il s’agit de nutrition. Tout comme les scientifiques vers 1800, ce phénomène est considéré comme une respiration inversée, un peu bizarre et fort pratique puisqu’elle recycle nos rejets de co2et ceux des animaux ; mais le lien avec la nutrition et la production de matière par la plante n’est aucunement fait.
Secondement, cette conception d’une respiration bizarre n’entre pas au fond de la physiologie des plantes et mène à des conclusions non conformes à la science actuelle. Ainsi l’Amazonie, tout au moins la partie primaire de cette immense forêt, ne fournit-elle pas d’oxygène à la Terre. Comme toute forêt primaire, elle a une biomasse (par unité de surface) à peu près constante dans le temps ; sa consommation et sa production de co2 et d’oxygène sont donc en équilibre : l’oxygène produit par les végétaux chlorophylliens est consommé exactement par les animaux, d’une part, et (surtout) par les bactéries et les champignons responsables des décompositions,6 d’autre part. Quant à la plante verte dans la chambre, son métabolisme, donc sa respiration nocturne, doit être au mieux égal au centième de celui d’un humain : c’est beaucoup moins grave de dormir avec une plante verte qu’avec une personne ! Que chacun en tire les conséquences qu’il veut.
Ces deux cas de pensée commune traduisent une compréhension de la physiologie des plantes en des termes bien différents de ceux de la photosynthèse. Le co2 est absorbé, mais le lien avec la nutrition n’est pas fait. Chez l’adolescent et l’adulte, la plante est cet être sympathique qui nettoie l’atmosphère et qui permet une vie harmonieuse : l’équilibre des échanges gazeux animaux et végétaux permet un bon fonctionnement de la Terre.

La force de la pensée animiste

La difficulté que nous avons à comprendre la nutrition des plantes à partir du co2 de l’air (photosynthèse) est due au cadre dans lequel nous formons nos explications sur les plantes. Pour beaucoup d’adolescents et d’adultes, le système explicatif mobilisé n’est pas très éloigné de la façon dont Aristote voyait les choses.

Ainsi nous avons posé à des élèves de lycée les questions suivantes :

  • 1) On plante un jeune arbre de 1,5 kg dans une caisse contenant 70 kg de terre. On l’arrose régulièrement.
    Au bout de cinq ans, l’arbre pèse 50 kg. La terre n’a pratiquement pas changé de masse; elle a perdu environ 40 g. L’arbre, lui, a gagné 48,5 kg.
    Comment expliquez-vous cette augmentation de masse?

  • 2) De quelle nourriture (substances nutritives) les plantes ont-elles besoin et où la trouvent-elles? Placez ces informations sur un schéma qui expliquera en plus ce que devient cette nourriture dans la plante.

La première question reprend une situation étudiée au xviie siècle par Van Helmont et qui l’avait amené à conclure, en accord avec la place importante de l’eau dans son système explicatif, que celle-ci s’était changée en substance végétale.

La plupart des réponses à la première question, chez des élèves de seconde et de première S (quinze-dix-sept ans), ne suit pas celle de Van Helmont mais relève des deux types d’explication suivants (éventuellement combinées) :
— La croissance se fait si les conditions de vie de la plante sont bonnes.
— Cette croissance peut être favorisée par telle ou telle substance (ou par l’énergie), sans qu’entrent en jeu aucune pérennité de la matière et encore moins sa conservation

Par exemple :
— «Au bout de cinq ans, l’arbre a augmenté de volume. Il s’est nourri de substances très minuscules contenues dans la terre, qui a très peu diminué de masse : les substances sont très fines, microscopiques. L’arbre a besoin de peu de nourriture, de beaucoup d’espace et d’air.» (élève de seconde). Il ne faudrait pas voir dans ce besoin d’air une quelconque référence à la photosynthèse : l’air est ici une condition du bien-vivre de l’arbre, sans plus. Autre réponse (élève de seconde) :
— «Il est logique que l’arbre ait une augmentation de masse, puisque celui-ci est plus âgé. De plus ce végétal consomme régulièrement toutes sortes de minéraux favorables à sa croissance. »

Nulle trace dans ces explications de pérennité de la matière et encore moins de sa conservation. Voilà ce qu’écrit un élève de 1ère S :
— « Pour que l’arbre pousse, il a bien fallu qu’il se nourrisse. L’arbre a pris sa nourriture dans la terre. Pourtant la masse de la terre n’a pratiquement pas changé, tout simplement parce que la nourriture du végétal prise dans la terre est très petite. »
Le même élève répond à la seconde question par le schéma et le texte du document 4.

Dans son schéma, la « substance » magique qui fait grandir est appelée énergie. Pour d’autres, c’est la sève ou la chlorophylle :
— « Toute la nourriture qu’absorbe la plante est transformée en chlorophylle et va être dépensée par la plante. » (1ère S)

Ce type d’explication se retrouve dans des entretiens réalisés avec d’autres élèves de lycée sur les mêmes situations. Au sujet de l’expérience de Van Helmont :
— « Il n’a pas forcément pris 48 kg dans la terre; il a pris une certaine quantité qui lui a permis de fabriquer 48 kg. »

L’élève de lycée et l’adulte ont donc une conception de la vie des plantes relevant de la vie comme animation que caractérise Canguilhem. C’est dans la nature de la plante de grandir, ce qu’elle fait si rien ne s’y oppose :
— « En cinq ans, les racines de cet arbre se sont automatiquement développées pour acquérir sa propre grandeur » (élève de seconde).

Les différents obstacles à la modification des idées sur la nutrition et sur le fonctionnement de la plante sont ainsi fédérés dans une pensée fortement teintée d’animiste. De l’enfance à l’âge adulte, l’homme reste dans une vision de la vie végétale par animation. Les plantes mettent une telle constance à pousser ; leur organisation interne est si peu visible !

Conclusion

C’est bien une vision animiste qui caractérise, de l’enfance à l’âge adulte, la façon de penser les plantes. Et l’enseignement peine à conduire les élèves vers une conception de la vie végétale comme organisation (Canguilhem, 1968).

C’est aussi en partie le cas pour les animaux. Mais pour ceux-ci, un fonctionnement par organes est plus facile à penser : ces organes occupent l’intérieur du corps, à des places et en des nombres précis. Il est alors possible, au moins dans certaines situations, d’entrer dans une pensée mécaniste. Si elle ne permet pas toujours d’aller au-delà, au moins permet-elle de dépasser la seule conception animiste, aidée en cela par les expériences médicales et chirurgicales, vécues ou rapportées.

Pourtant, l’enjeu de l’étude des plantes est important, car il est une condition de possibilité de l’accès à une véritable pensée biologique. Il faut pour cela un enseignement donnant plus de place que ne le fait l’enseignement français actuel à la physiologie de la nutrition des plantes vertes et qui prenne véritablement en compte les obstacles correspondants.

Notes de bas de page numériques

1 . La notion de plantes correspond aux végétaux ayant tige et racine, ce qui exclut les algues, les champignons et même les mousses. Notre texte parlera essentiellement des plantes.

2 . Le mouvement ne doit pas être compris uniquement comme un déplacement, dans l’espace, mais plus largement comme tout changement (dont la croissance).

3 . Notons que cette idée de circulation, où le cœur joue le rôle de pompe et qui peut sembler très mécaniste, ne conduit pas Harvey à l’abandon de tout animisme :
« Arrivé aux différentes parties du corps, le sang se refroidit, se coagule, devient inactif. Il retourne alors à son principe, c’est-à-dire au cœur, comme au dieu créateur et protecteur du corps, pour y reprendre toute sa perfection. »

4 . Travaux d’Edith Kieffer, non publiés.

5 . Travaux de Carine Pastezeur, Denise Orange-Ravachol, Christian Orange (en cours)

6 . Sans entrer dans les détails, la photosynthèse est directement liée à une production de biomasse, et la respiration à une consommation. Si la biomasse reste constante dans un écosystème, les échanges gazeux photosynthétiques et respiratoires s’équilibrent.

Bibliographie

Anonyme Les représentations des élèves en biologie. Document inrap, n° 78, 1988.

Léon P. de Canal, « Quel enseignement sur la nutrition des plantes en éducation de base ? » aster, 15, 7-32, 1992. Disponible sur

http://documents.irevues.inist.fr/handle/2042/8527

G. Canguilhem, article « Vie » in Encyclopaedia Universalis,1968.

C. Orange, Problèmes et modélisation en biologie; quels apprentissages pour le lycée?, Paris, Puf coll. l’Éducateur, 1997.

A. Pichot, Histoire de la notion de vie, Paris, Gallimard, 1993.

G. Rumelhard, « Quelques représentations à propos de la photosynthèse » aster 1, 37-66, 1985. Disponible sur : http://documents.irevues.inist.fr/handle/2042/8527

Pour citer cet article

Christian Orange, « Comment les plantes font-elles penser les petits et les grands ? », paru dans Alliage, n°64 - Mars 2009, Comment les plantes font-elles penser les petits et les grands ?, mis en ligne le 31 juillet 2012, URL : http://revel.unice.fr/alliage/index.html?id=3410.

Auteurs

Christian Orange

Agrégé de sciences de la vie et de la terre et docteur en didactique des disciplines, est actuellement professeur de sciences de l’éducation à l’université de Nantes (IUFM des pays de la Loire). Ses recherches portent sur les relations entre apprentissages scientifiques et problématisation.