Alliage | n°65 - Octobre 2009 Sciences, Fictions, Philosophies, 

Malika Temmar  : 

La statue de Condillac dans le Traité des sensations

L’inscription de la fiction dans le discours philosophique

Plan

Texte intégral

« Avant même d’être un instrument privilégié de la philosophie ou de la physique que celle-ci autorise, un mode de pensée opérant dans des conditions déterminées, la fiction est la condition même de possibilité de la philosophie, ce sans quoi elle ne pourrait rompre avec l’attitude naturelle, conquérir son ordre propre, instaurer sa propre exigence de vérité. » (Lardreau, Fictions philosophiques et science-fiction : récréation philosophique, Actes Sud, 1988, p. 41).

Il arrive que le philosophe reconnaisse un lien organique de la fiction à la philosophie, mais même dans ces cas rares où il va jusqu’à faire consister la philosophie en une « expérience de fiction », le philosophe ne tient pas compte des fictions que produit le discours philosophique lui-même. Si les philosophes classiques abordent parfois la question de la fiction, s’essayent à la définir, on trouve chez eux des réflexions concernant la nature, la  fonction et la légitimité des fictions, mais s’ils la théorisent, ils la réduisent le plus souvent à un problème ontologique et discréditent son emploi.

Bien que le philosophe semble, par définition, recourir à un régime de discours qui prétend au vrai, son discours est pourtant parsemé de passages dont les conditions de vérité sont particulières. Le philosophe invite, en effet, souvent son lecteur à prendre comme seulement plausible une situation ou à se représenter un monde possible : qu’ils apparaissent sous la forme d’un « malin génie », d’une scène textuelle, comme la méditation ou le dialogue, les registres de la fiction font partie intégrante du discours philosophique. Entendu comme marque discursive plus ou moins contraignante qui signale que l’on se démarque du plan assertif du langage, la fiction a bel et bien sa place dans le texte philosophique.

Alors que le philosophe – plus encore que l’écrivain, dont la fiction constitue le matériau – affiche et revendique dans de nombreux cas le caractère de feinte de certaines de ses propositions, la présence de ces marques de fictionnalité par lesquelles il cherche à valider une doctrine est en général peu commentée. Les approches philosophiques de la fiction n’abordent pas la fiction du discours philosophique, et de leur côté, les approches discursives de la fiction concernent un large corpus de manifestation dont aucune ne s’intéresse spécifiquement à celles de la philosophie. Ces approches surtout pragmatiques et sémantiques prennent en compte des énoncés pouvant être produits dans le cadre de conversations quotidiennes, de discours de communication de masse (comme la publicité), de discours scientifique, littéraire ou didactique.

On ne peut a priori que s’étonner du faible intérêt porté à la fiction produite par le discours philosophique. Le problème de l’attribution d’une valeur de vérité à un énoncé fictif ne se pose-t-il pas de manière accrue au sein du discours philosophique, discours « spéculatif » qui se donne la vérité pour visée ? De même, la question de la nature de l’« acte » effectué dans le discours fictionnel se pose de manière ambiguë dans le discours philosophique en tant qu’il prétend à la vérité. Inversement, si à la question que pose Searle concernant « l’utilité » du discours fictif – pourquoi attribuer tant d’importance à des suites d’actes illocutionnaires feints ? – on ne répond, comme le fait Searle lui-même, qu’à travers des illocutions simulées, on transmet des « intentions illocutoires sérieuses », le discours philosophique n’apparaît-il pas comme l’exemple privilégié dans lequel pourrait se trouver une telle réponse ?

À quelles conditions peut-on dire qu’il s’agit de fiction dans le texte philosophique ? Si le discours philosophique produit de la fiction, en quoi consiste-t-elle ? Est-elle spécifique ? Cette fiction est-elle une menace pour la prétention philosophique à parvenir au vrai ou, au contraire, un passage obligé ?

Cet article voudrait apporter des réponses à ces questionnements à travers l’étude d’un mode d’inscription de la fiction dans le discours philosophique, celui de la statue de Condillac dans le Traité des sensations.

Procéder à une étude de l’inscription du fictif dans le philosophique invite, d’une part, à une analyse du discours philosophique (lequel prend en compte les formes expressives de la philosophie) ; d’autre part, à la prise en compte d’un modèle d’analyse de la fiction qui s’attache aux aspects codiques, aux moyens que la langue met à la disposition du locuteur quand il énonce une proposition fictive. À savoir, des indicateurs intra-textuels : système hypothétique, conditionnel, déterminants insolites, marqueurs d’entrée dans un régime fictionnel tels que « soit », « imaginons », « considérons »… constituant des signes qui suggèrent de manière plus ou moins claire qu’un énoncé est fictionnel. Et des indicateurs extra-textuels : statut ou genre indiqué sur la couverture.

Les conditions de possibilités d’une analyse de la fiction que produit le discours philosophique

Depuis plusieurs années, le discours de diverses disciplines est soumis à l’analyse (littéraire, politique, médiatique), mais l’analyse du discours philosophique ne s’est développée que de façon récente. La philosophie, pour des raisons de fond, a longtemps résisté à ce type d’approche alors que, paradoxalement, une telle étude était possible grâce aux outils utilisés notamment dans l’étude du discours littéraire. Ce type d’analyse se pratique aujourd’hui. Elle a été instaurée par Frédéric Cossutta dans le cadre d’un séminaire du Collège international de philosophie au début des années quatre-vingt-dix.1 En quoi l’analyse du discours consiste-t-elle ? Considérant le texte philosophique comme un « texte », cette approche part du postulat que, sans nécessairement s’y réduire, la constitution du sens en philosophie dépend d’un procès discursif.

Partant des résistances de fond de la philosophie à se laisser appréhender comme un « discours », Cossutta met en place des catégories d’analyse du discours philosophique ne se réduisant pas à une simple description des formes d’expression du philosophique, mais tenant compte des doctrines philosophiques qui rendaient compte des énoncés philosophiques tant herméneutiques que déconstructivistes, analytiques ou positivistes, en ce qu’elles repoussent le moment philosophique interprétatif au-delà d’une phase préalable d’objectivation du texte ; cette analyse considère le texte philosophique comme la trace d’une activité discursive dont il est possible de construire une représentation à l’aide d’une théorie pragmatique des actes de langage. Avec la prise en considération du travail de mise en scène par lequel une doctrine se joue et se mime elle-même dans un espace de représentation utilisant toutes les ressources de l’écriture, l’analyse du discours philosophique s’attache à la façon dont la philosophie résout le problème de son expressivité, la philosophie devant satisfaire aux exigences inhérentes à la communication, négocier un rapport avec son public et les institutions sociales qui règlent la répartition de la parole.

Elle esquisse un modèle de la discursivité philosophique mettant en valeur le fait que, parmi les autres types de discours, le discours philosophique présente certaines particularités énonciatives, à savoir des caractéristiques d’organisation qui lui sont propres. Tout texte comporte un énonciateur et un co-énonciateur, donc certains choix d’utilisation de personnes du discours, un discours où se recouvrent plusieurs « voix », une écriture du concept, une domination de séquences textuelles argumentatives, la recherche de généricité, d’universalisation. Outre que cette méthode d’analyse du discours philosophique permet d’envisager la fiction par rapport aux contraintes générales qui portent l’énonciation philosophique, c’est-à-dire comme une composante de ce discours, telle la validation, la légitimation mais aussi la didacticité, ce mode d’appréhension du texte philosophique fait apparaître la fiction comme une composante essentielle.

À partir de l’appareil formel permettant de l’appréhender globalement, on peut repérer, bien que l’inscription de la fiction dans le discours philosophique soit instable, quelques invariants du recours philosophique à celle-ci.

La fiction peut apparaitre comme cadre d’un discours philosophique donné – c’est le cas de la méditation, du dialogue philosophique, par exemple ; alors prégnante, elle apparaît comme une matrice de discours au degré de fiction élevé. C’est le cas de la statue de Condillac, curieux personnage philosophique qui domine et organise l’agencement du Traité des sensations. La fiction peut également apparaître de façon ponctuelle ; elle présente dans ce cas des marques textuelles si récurrentes –recours à la généralisation, présence d’introducteurs de fiction plus ou moins contraignants, recours à des phénomènes d’illusions déictiques – que l’on peut parler de « micro-séquence textuelle enthymématique » pour caractériser ces passages. Dans ce cas, la fiction s’apparente à certains ancrages énonciatifs de récits de fiction…   

La statue de Condillac, exemple de mode d’inscription de la fiction dans le discours philosophique

L’exemple d’inscription de la fiction que nous nous proposons d’étudier comporte un degré de fictionnalité élevé si l’on entend par « fiction » éloignement par rapport à notre monde d’expérience : celui du recours à une fiction fameuse au xviiie siècle, celle de la décomposition des sens. Plus précisément, la fiction de la statue de Condillac dans le Traité des sensations.

Présentée comme une fiction, la statue de Condillac, mise en scène dans le Traité des sensations est aussi tenue pour un artifice méthodologique qui sera déterminant pour la démonstration. Au-delà des avertissements au lecteur qui attirent d’emblée l’attention sur l’importance de cette statue, celle-ci est un organisateur textuel sans lequel la doctrine sensualiste ne pourrait se développer. Si c’est la représentation elle-même de l’homme s’éveillant à la sensation qui constitue le grand pari de la pensée philosophique du xviiie siècle, l’image irréaliste d’une statue peut en donner une expression simple et claire ; avec sa statue, Condillac élabore et rend possible une généalogie des sensations.

Loin d’apparaître comme un artifice méthodologique, le recours à la fiction dans ce texte philosophique permet ici la mise en œuvre d’un point de vue énonciatif fonctionnant comme pôle d’identification pour tout lecteur : la statue de Condillac, c’est l’homme pris dans son intégralité. La forme d’adresse que choisit Condillac constitue tout à la fois une stratégie permettant à la doctrine sensualiste de s’exprimer et sa validation.

Une analyse discursive du Traité des sensations nous permettra d’étudier le caractère opérationnel de cette fiction à la fois pour la validation de la doctrine (légitimation philosophique) et pour la transmission de cette dernière (didacticité). Nous montrerons comment la statue, qui se fait « personnage », est un pôle d’identification participant pour tout lecteur. Une analyse énonciative du Traité des sensations nous permettra de mettre en valeur ce point de vue universel logico-déductif qui construit, en creux, un lecteur générique dans un discours philosophique élaborant une généalogie de la connaissance.

Le Traité des sensations comme contrat fictionnel

Le Traité des sensations est né d’une supposition ; il est fondé sur une hypothèse et une fiction fameuses au xviiie siècle : celle de « l’éveil des sens », ou encore ce que l’on appelle « allégorie de la décomposition des sens ». La particularité de ce texte est qu’il utilise la fiction pour élaborer la doctrine philosophique sensualiste. Le recours à la fiction dans ce cas soutient l’ensemble du système. À propos de Diderot, Seguin se demandait déjà :

« Comment exprimer que la possession d’un sens constitue un moyen de connaissance, mais, en quelque sorte, la réalité de cette connaissance : seule l’image irréaliste d’un voyant dans une mythique société d’aveugles en donne une expression simple et claire. […] Si un homme qui n’a vu que pendant un jour ou deux se retrouvait chez un peuple d’aveugles, il faudrait qu’il prit le parti de se taire ou de passer pour un fou. Il leur annoncerait tous les jours quelque nouveau mystère qui n’en serait un que pour eux et que les esprits forts se sauraient bon gré de ne pas croire. »2

Parmi ces myriades de fictions émergeant au siècle des Lumières, l’exemple du Traité des sensations de Condillac semble tout à fait particulier. Loin d’apparaître de façon ponctuelle, de prendre la forme de l’anecdote, la fiction structure ici le texte philosophique. D’une part, la fiction de la statue opère sur différents niveaux : elle représente un homme fictif, soumis fictivement à des opérations fictives auxquelles le lecteur est invité à faire « comme si » il les subissait avec elle. Le philosophe impose son esprit de déduction à une expérience de pensée. On obtient alors une curieuse méthode « empirico-abstraite » et, bien qu’il s’agisse d’une fiction, il y a appui constant du concret du raisonnement par l’absurde. D’autre part, elle constitue la condition de possibilité du Traité.

Dans son « Avis important au lecteur », Condillac met d’emblée l’accent sur la forme d’adresse qu’il choisit :

« J’ai oublié de prévenir sur une chose que j’aurais dû dire, et peut-être répéter dans plusieurs endroits de cet ouvrage ; mais je compte que l’aveu de cet oubli vaudra des répétitions, sans en avoir l’inconvénient. J’avertis donc qu’il est très important de se mettre exactement à la place de la statue que nous allons observer. Il faut commencer d’exister avec elle, n’avoir qu’un sens quand elle n’en a qu’un ; n’acquérir que les idées qu’elle acquiert, ne contracter que les habitudes qu’elle contracte : en un mot, il faut n’être que ce qu’elle est. Elle ne jugera des choses comme nous que quand elle aura tous nos sens et toute notre expérience ; et nous ne jugerons comme elle que quand nous nous supposerons privés de tout ce qui lui manque. Je crois que les lecteurs, qui se mettront exactement à sa place n’auront pas de peine à entendre cet ouvrage ; les autres m’opposeront des difficultés sans nombre. On ne comprend point encore ce que c’est que la statue que je me propose d’observer ; et cet avertissement paroîtra sans doute déplacé : mais ce sera une raison de plus pour s’en souvenir. » 

En ouvrant ainsi le Traité des sensations, Condillac instaure avec le lecteur un pacte de lecture consistant non seulement à suivre cette statue, au-delà de son irréalité mais, qui plus est, à s’identifier à elle.

Condillac justifie dans son « dessein de cet ouvrage » cette utilisation de la statue :

« Pour remplir cet objet, nous imaginâmes une statue organisée intérieurement comme nous, et animée d’un esprit de toute espèce d’idées. Nous supposâmes encore que l’extérieur tout de marbre ne lui permettroit l’usage d’aucun sens, et nous lui réservâmes la liberté de les ouvrir à notre choix, aux différentes impressions dont ils sont susceptibles.

Nous crûmes devoir commencer par l’odorat, parce que c’est de tous les sens celui qui paroît contribuer le moins aux connoissances de l’esprit humain. Les autres furent ensuite l’objet de nos recherches, et après les avoir considérés séparément et ensemble, nous vîmes la statue devenir un animal capable de veiller à sa conservation. »3

Outre l’affichage de la dimension fictionnelle dans ce paratexte, la fiction structure le corps du Traité des sensations.

La statue comme point de vue universel

Le Traité des sensations n’a rien d’un traité, entendu comme texte théorique, mais consiste plutôt en un récit le plus souvent narratif et dont l’argumentation est construite à partir de « suppositions », d’ « hypothèses ». La fiction de la statue y est d’autant moins aisément isolable qu’elle apparaît au sein d’un traité qui s’apparente à un récit fictif. Le recours à la fiction opère à différents niveaux du discours. La mise en scène de la statue donnant lieu à de longs et fréquents passages narratifs, présente des problèmes d’énonciation comparables à ceux du récit de fiction. Comme pour le récit de fiction, le problème posé par certains passages est celui de savoir qui prend en charge les informations et les jugements contenus dans le texte. Cette question apparaît d’autant plus problématique que le texte philosophique ne contient pas à proprement parler de narrateur. Attachons-nous à l’analyser dans quelques passages dont la construction textuelle du « point de vue »4 reste problématique.5

Description et mise en scène textuelle de la statue

La statue détermine l’organisation textuelle, son corps structure celui du Traité des sensations, elle détermine la progression du discours qui au fur et à mesure du Traité des sensations, structure la statue : plus le discours progresse, plus la statue s’éveille à la vie.

Au début du Traité, la description de la statue est très sommaire et « statique » (on ne sait rien de ses proportions, de sa taille, etc.), et ce qu’on sait d’elle n’est rien moins que ce qui particularise toute statue : comme il est écrit dans le « Dessein de cet ouvrage », elle est recouverte d’une pellicule de marbre et ce qui la singularise, c’est qu’elle est dotée d’odorat. On trouve, en revanche, dans la suite du Traité des sensations, deux séries de descriptions non statiques très détaillées : l’une renvoie aux propriétés de la statue (qui sont en constante évolution) et une description de ce qui lui « arrive » ; les épisodes dans lesquels la statue subit des expérimentations sont pour la plupart rendus sous le mode descriptif et narratif. Le plan de texte choisi par Condillac pour décrire sa statue est celui des cinq sens. Cumulant des propriétés qui ne sont compatibles avec aucune statue, elle est plus aisément assimilable à un personnage de récit. À son instar, la statue fait l’objet d’une description et fonctionne en organisateur textuel au sens où elle est au centre de fonctions interactionnelles. Elle a une fonction dynamique : elle est sujet et objet du verbe « faire ». Fonction panoramique ; elle sert à des descriptions, jugements commentaires, en donnant à voir ou savoir, elle est sujet du verbe « montrer ». Elle est objet d’attention, observation, description de la part d’agents, sujet du verbe « être vue » (fonction focale). On aurait affaire, avec cette statue, à un personnage dénué de langage et qui ne serait que ce qu’il acquiert, démuni de capacités d’abstraction, ne pouvant théoriser, ni se prendre comme objet d’analyse.

« Elle acquiert des idées, mais elle n’a pas de connoissances dont elle puisse se rendre compte exactement : elle n’a que des connoissances pratiques. Toute sa lumière est proprement instinct, c’est-à-dire, une habitude de se conduire d’après des idées dont elle ne sait pas se rendre compte, habitude qui, étant une fois contractée, la guide sûrement, sans qu’elle ait besoin de se rappeler les jugements qui la lui ont fait prendre. En un mot, elle a acquis des idées. Mais, dès qu’une fois ses idées lui ont appris à se conduire, elle n’y pense plus et elle agit par habitude. Pour acquérir des connoissances de théorie, il faut nécessairement avoir le langage : car il faut classer et déterminer les idées, ce qui suppose des signes employés avec méthode. Voyez la première partie de ma grammaire et logique. »6

Il n’y a pas lieu de douter du caractère fictif de la statue de Condillac, mais l’inscription discursive de la fiction ne s’en tient pas à la mise en scène de cette statue. Comme pour le récit de fiction, le problème posé ici par certains passages est celui de la prise en charge énonciative. La mise en scène dramatisée de la statue donne lieu à de longs développements narratifs où la statue exprime jugements, perceptions, savoirs, etc., sans que cette conscience soit explicitement reliée à son origine énonciative. La statue ne peut, en effet, se prendre elle-même comme « centre ». Comment Condillac rend-il compte textuellement de cette subjectivité, étrange philosophiquement ?

Ancrage énonciatif : le problème du point de vue dans le Traité des sensations

Alors qu’il partage avec tous les textes de fiction, narratifs ou non, le problème de savoir quel statut illocutoire attribuer à des prédications fictionnelles, c’est-à-dire non erronées, non fallacieuses, mais ne correspondant pas à un état du monde avéré, le récit de fiction est désigné comme le seul récit posant de façon singulière la question de l’instance énonciative prenant en charge les informations et jugements contenus dans le récit.

« Cette question se pose de façon particulière pour les textes de fiction parce qu’ils présentent des configurations originales (longtemps décrites en terme de « concurrence » entre plusieurs instances possibles) et parce qu’ils proposent des informations dont l’accessibilité serait problématique dans un texte fictionnel (tout ce qui touche, par exemple, à l’expression de la subjectivité d’une ou plusieurs consciences n’étant en pas en position de locuteur.)7

Comme dans le récit fictif, la statue fait l’objet de focalisations ; soumise constamment à l’expérimentation et à l’observation, elle est décrite par un je-auteur ou narrateur, qui réalise sa description. Aux rares prises en charges énonciatives franches effectuées par Condillac-philosophe, qui apparaissent dans le texte sous la forme d’embrayeurs, viennent s’ajouter des passages très difficilement interprétables. Ces passages cumulent à la fois des subjectivèmes et des embrayeurs rendant compte d’un sujet de conscience, sans que, pour autant, on ait pour le texte philosophique de narrateur, ou de personnage en position de locuteur à qui pourrait être attribué le contenu prédicatif, perceptif ou axiologique de certains énoncés. Ici, le problème déjà posé par certains textes connus (comme les récits à la troisième personne) se complique : dans un genre textuel qui n’admet à proprement parler ni narrateur ni personnages, à qui attribuer les perceptions de la statue ?

C’est à partir du moment où la statue est dotée de mouvements et de tous les sens que se pose, d’un point de vue textuel, la question de la prise en charge énonciative de ce qu’elle vit et sent. De sujet à observer par un point de vue externe (celui de Condillac, son créateur), la statue passe, en effet, dans de nombreux passages à un sujet percevant. Voyons comment se construit textuellement son point de vue, comment le discours philosophique met en place une telle instance énonciatrice, en nous appuyant sur le modèle de la focalisation narrative hérité de Genette8 et corrigé par Rabatel.      

L’organisation énonciative du Traité des sensations est particulièrement complexe. À première vue, tout est sur le même plan : le je-Condillac se confond avec le sujet focalisateur de la statue. Mais à y regarder de plus près, les procès de perception de la statue ne sont pas toujours si clairement pris en charge par Condillac-auteur. Il y a dans le Traité des sensations un « effet point de vue » et la position narrative est instable. Le régime philosophique pourrait laisser supposer que tout soit rapporté à la fonction-énonciatrice-sujet du philosophe. Bien qu’il se pose comme le seul témoin de l’expérimentation de la statue, sachant mieux que personne (et même mieux que la statue elle-même), ce qu’elle ressent, l’instance narratrice (locuteur responsable) du Traité des sensations ne peut se confondre uniquement avec l’auteur, mais doit, pour fonctionner et valider son propos, servir de « point de vue universel logico-déductif ».

Narrateur explicite

Dans le Traité des sensations, le procès de perception est effectué par une sorte de narrateur proche du narrateur de récit de fiction, qui selon la distinction de Rabatel, serait « objectif » dans les premiers plans (parce qu’il est responsable de la mise en place des événements comme s’ils avaient lieu en dehors de lui) et dans les seconds plans « subjectifs ». Dans ces seconds plans (surtout chronologiques, descriptifs et évaluatifs), il est responsable des qualifications, modalisation et choix des temps, ainsi que de l’ordre et de la manière selon lesquels sont sélectionnés puis présentés les événements, et plus ou moins fortement des stratégies de donation du référent, d’organisation et de présentation du référent qui invitent à « remonter de l’objet du discours au sujet discourant ».9 On retrouve cette duplicité énonciative dans l’ensemble du traité. Ainsi, à côté du « narrateur explicite », le texte construit parallèlement la figure d’un narrateur subjectif. C’est d’abord à un « narrateur explicite » que s’apparente le narrateur du Traité des sensations. Ce « narrateur explicite » présente la particularité suivante : « (il) est le support des modalités et l’origine des repérages. » Le Traité des sensations porte les marques discursives de la présence de ce « narrateur explicite philosophe » ; on peut s’en rendre compte en considérant les nombreuses utilisations de la première personne qui se rapportent à cette figure de narrateur qui, tout à la fois, affiche sa présence et constitue l’origine des repérages.

En voici des exemples :

« Je donne l’usage de ses mains à notre statue : mais quelle cause l’engagera à les mouvoir ? »
« J’exige donc qu’elle (la nature) me paroisse moins occupée du soin de prévenir les maux dont il (cet homme) peut être menacé . »

En se positionnant ainsi, le « je » (qui peut se substituer parfois à « nous ») ramène ce qui est dit à une instance quasi identifiable. Ce narrateur explicite, philosophe qui marque sa présence dans le texte au moyen de la première personne, affiche aussi indirectement sa présence à un deuxième niveau : celui des perceptions.

Des perceptions représentées ; narrateur omniscient responsable de la donation du référent.

La perception de la statue est subjective à un double titre : d’abord parce qu’elle est celle d’un sujet particulier (le focalisateur), ensuite parce qu’elle est dans sa saisie comme dans son expression, plus ou moins subjectivante.

Considérons ces passages :

« Le mouvement paroît à notre statue un état si naturel, et elle a une si grande curiosité de se transporter partout et de tout manier, qu’elle ne peut manquer de tomber. Mais peu à peu ses forces l’abandonnent ; et commençant à sentir de la lassitude, elle la combat quelque temps par le désir qu’elle a encore de se mouvoir ; enfin, le repos devient le plus pressant de ses besoins ; elle sent que malgré elle sa curiosité cède ; elle étend les bras, et reste immobile. »10
« Son réveil. Au bout de quelques heures, le repos commence à lui rendre ses forces. Ses idées reviennent lentement ; il lui semble qu’elle ne paroissent que pour disparoître ; et son âme, suspendue entre le sommeil et la veille, se sent comme une vapeur légère, qui d’un moment à l’autre, se dissipe et se reproduit. Cependant le mouvement renaît peu à peu dans toutes les parties de son corps, ses idées se fixent, ses habitudes se renouvellent, son âme lui est rendue tout entière. »11

L’expression de la perception associe toujours plus ou moins procès perceptif et procès mental. L’intrication entre ces deux processus est ici marquée par les inférences implicites que la statue ne peut faire elle-même. Plusieurs phénomènes linguistiques connexes interviennent pour transformer une simple perception en une « perception représentée » et assigner au narrateur une supériorité cognitive sur la statue. Cette relation peut aller jusqu’à s’apparenter à une « omniscience narratoriale ».12

Par des procédés d’embrayage par marquage explicite ou indirect, on trouve de nombreux passages qui correspondent à des cas où le contenu sémantique du verbe de perception indique que la source des perceptions ne peut être la statue elle-même puisque celle-ci les ignore. Cette ignorance supposée de la statue, présuppose que le narrateur est à l’origine des perceptions représentées. Ce passage en est une illustration :

« Cet événement la surprend sans doute pour la première fois qu’il arrive. Elle croit le soleil perdu pour toujours. Environnée d’épaisses ténèbres, elle appréhende que tous les objets qui éclairaient ne soient perdus avec lui-même : elle n’ose à peine changer de place, il lui semble que la terre va manquer sous ses pas. Mais, au moment qu’elle cherche à la reconnoître au coucher, le ciel s’éclaircit, la lune répand sa lumière, une multitude d’étoiles brille dans le firmament. Frappée de ce spectacle, elle ne sait si elle doit en croire ses yeux.

Bientôt, le silence de toute la nature l’invite au repos : un calme délicieux suspend ses sens : sa paupière s’appesantit : ses idées fuient, échappent, elle s’endort. »13

Ou encore :

« Elle n’est point surprise à la première sensation qu’elle éprouve : car elle n’est encore accoutumée à aucune sorte de jugement.

Elle ne l’est pas non plus lorsque, sentant successivement plusieurs odeurs, elle ne les apercoit chacune qu’un instant. Alors elle ne tient à aucun des jugements qu’elle porte ; et plus elle change, plus elle doit se sentir naturellement portée à changer.

Elle ne le sera davantage, si par des nuances insensibles, nous la conduisons de l’habitude de se croire une odeur, à juger qu’elle en est une autre : car elle change sans pouvoir le remarquer.

Mais elle ne pourra manquer de l’être, si elle passe tout à coup d’un état auquel elle était accoutumée à un état tout différent, dont elle n’avait point encore d’idées. »14  

Toutes les modifications exprimées dans ces passages par le futur, les « sans doute », « peut-être » sont au compte du sujet de l’énonciation, le narrateur. On trouve enfin (peut-être de façon plus atténuée) cette présence de l’observateur dans les cas où les perceptions représentées sont évoquées par le biais de descriptions animées de l’objet perçu : comme si l’acte de regarder était remplacé par la « vitalisation » ou animation des objets qui grâce notamment aux verbes de mouvement semblent se « donner en spectacle ». Cette dynamisation par le discours de référents inanimés a pour effet de théâtraliser la scène et donc de contribuer à « présupposer à puissance deux, pour ainsi dire l’existence du narrateur focalisateur présidant à la sélection et à la représentation des informations. »15

Narrateur supra omniscient

Le Traité des sensations construit une figure d’un narrateur supra omniscient : une instance d’observation qui connaît et rapporte les états antérieurs et ultérieurs de la situation.

« Cependant son goût se blase pour certains fruits : alors elle s’en dégoûte tout à fait, ou si elle désire encore d’en manger, ce n’est plus que par habitude. Dans ce dernier cas, elle s’en nourrit, en espérant toujours de le savourer comme elle a fait auparavant. Elle y est si fort accoutumée, qu’elle s’imagine toujours qu’elle va retrouver un plaisir pour lequel elle n’est plus faite ; et cette idée contribue à entretenir son désir.

Frustrée dans son espérance, son désir n’en devient que plus violent. Elle fait de nouveaux essais et elle en fait jusqu’à ce qu’il ne lui soit plus possible de continuer. C’est ainsi que les excès où elle tombe ont souvent pour cause une habitude contractée et l’ombre d’un plaisir que l’imagination lui retrace sans cesse et qui lui échappe toujours. »16

L’omniscience de l’auteur ressort de l’ancrage grammatical de l’instance d’observation. Connaissance des faits, mise en parallèle des événements : son savoir excède de beaucoup les limites de la statue. Il rassemble dans son énoncé le contenu des hypothèses et des explications qu’il effectue. L’omniscience peut être aussi marquée dans certains passages par des futurs à valeur modale. Plusieurs passages mettent en valeur la part croissante de composante cognitive dans ce qui est observé. Ces éléments qui assignent au texte de Condillac un caractère didactique ne sont pas sans lien avec la figure d’un sujet universel « logico-déductif » que construit en creux le texte.

Le sujet universel logico déductif

Au philosophe Condillac doit se substituer tout lecteur qui impose son esprit de déduction à une expérimentation qu’il organise dans l’abstrait. La position du narrateur « très omniscient » se voit tempérée par une figure de point de vue générique. Le point de vue représenté est celui non d’une figure subjective particulière, mais celui de tout lecteur générique comme en témoignent les « je » génériques utilisés dans le passage suivant :

« En supposant que notre statue se souvînt de l’ordre dans lequel les sens lui ont été accordés, il suffiroit de la faire réfléchir sur elle-même, pour remettre sous les yeux les principales vérités que nous avons démontrées.
La statue compare l’état où elle est à celui où elle étoit, quand elle ne connoissoit rien hors d’elle.
Que suis-je, diroit-elle, et qu’ai-je été ? Qu’est-ce que ces sons, ces odeurs, ces saveurs, ces couleurs que j’ai pris successivement pour mes manières d’être, et que les objets paroissent aujourd’hui m’enlever ? Qu’est-ce que cette étendue, que je découvre en moi au-delà de mes bornes ? Ne seroit-ce que différentes manières de me sentir ? Avant que la vue me fût rendue, l’espace des cieux m’étoit inconnu : avant que que j’eusse l’usage de mes membres, j’ignorois qu’il y eût quelque chose en dehors de moi. Que dis-je ? Je ne savais pas que je fusse étendue : je n’étois qu’un point lorsque j’étois réduite au sentiment uniforme. Quelle est donc cette suite de sentimens, qui m’a faite ce que je suis, et qui peut-être a fait ce qu’est à mon égard tout ce qui m’environne ? Je ne sens que moi, et c’est dans ce que je sens en moi que je vois au-dehors. »17

Ou encore dans cet autre extrait construit sur un mode hypothético-déductif :

« Si notre statue s’étant endormie quand le soleil étoit à l’orient, se réveille quand il descend vers l’occident, elle jugera que son sommeil a eu une certaine durée ; et si elle ne se rappelle aucun songe, elle croira avoir duré, sans avoir pensé. Mais il se pourroit que ce fût une erreur : car peut-être le sommeil n’a-t-il pas été assez profond, pour suspendre entièrement l’action de ses facultés de l’âme. Et fait connoître l’illusion des songes. Si au contraire elle se souvient d’avoir eu des songes, elle a un moyen de plus pour s’assurer de la durée de son sommeil. Mais à quoi reconnoîtra-t-elle l’illusion des songes ? À la manière frappante dont ils contredisent les connoissances qu’elle avoit avant de s’endormir, et dans lesquelles elle se confirme à son réveil. »18

Dans ces passages qui alternent entre discours direct et discours indirect libre, tout le travail de Condillac consiste ici à jouer sur une double lecture, en gommant autant que possible la subjectivité de son point de vue sur la statue. À ce point de vue subjectif se substitue un autre, hypothético-déductif.

Conclusion

Le texte condillacien pose bien des problèmes de prise en charge énonciative et il y a installation, dans ce discours philosophique, d’un point de vue qui n’est pas toujours aisé à déterminer. Si le Traité des sensations construit la figure d’un narrateur omniscient, le discours philosophique ne peut être validé que sur l’aptitude de ce point de vue à être universalisable. Le texte philosophique construit ainsi un effet de balancier entre un narrateur maître et une instance énonciatrice universelle.

Les expérimentations condillaciennes comportent des marques linguistiques qui font d’elles des expériences réeffectuables par tout lecteur. La variation doit aussi opérer sur le lecteur à qui est demandé dès le début du Traité de trouver chez la statue un pôle d’identification. Par cet exemple d’émergence de la fiction en philosophie, on note que Condillac pose un problème qui lui est propre : si le philosophe exploite certains éléments de l’appareil formel de la fiction plutôt que d’autres, il met aussi en œuvre des décrochements propres. À côté d’emplois connus, on peut considérer que certaines marques de fiction sont propres au discours philosophique. La philosophie met ainsi en œuvre ses propres fictions, et, ce faisant, construit l’appareil formel de la fiction qui nous sert de modèle pour l’appréhender.

La spécificité de la fiction philosophique tient aussi particulièrement à sa réflexivité. Si la philosophie est travaillée dans son discours par la fiction, ce discours, plus qu’un autre, construit les conditions de possibilité de ses fictions. Les fictions ponctuelles d’autres discours des sciences humaines, qui peuvent servir de point de comparaison pour interroger la spécificité de la fiction philosophique, contrastent avec ce type de fiction qui porte les marques philosophiques de leur émergence. Les fictions produites par le philosophe pour sa philosophie sont, en effet, contraintes philosophiquement par cette même philosophie, elles sont déterminées de l’intérieur, chaque procès de fictionnalisation renvoyant à la philosophie qui le rend possible. En cela, le discours philosophique apparaît comme un discours original dont la particularité est de fournir avec les fictions qu’il met en œuvre, les conditions de leur possibilité. Si la fiction s’inscrit différemment dans chaque philosophie, si le recours à telle fiction plutôt qu’à telle autre ne relève pas d’une simple contingence, c’est que, au-delà des marques discursives de son émergence que l’on peut isoler, la fiction participe de l’élaboration de la doctrine philosophique. On ne peut l’isoler dans la mesure où son rôle est tout à fait structurel ; il y a engagement de la doctrine dans l’élaboration philosophique.

La fiction d’un empiriste ne sera-t-elle pas la même que celle d’un cartésien ou d’un phénoménologue. Sans aller jusqu’à dire qu’il y a autant de fiction que de philosophies… puisqu’on peut repérer de nombreux invariants liés au recours à la fiction, beaucoup d’aspects de la réflexion sont susceptibles d’être relayés par la fiction. Le rôle structurel de la fiction dans l’élaboration philosophique, ainsi que les marques discursives de cette dernière, dont est parsemé le texte philosophique, assignent à la fiction une place indéniable en philosophie, ce qui n’est pas sans contredire le discrédit que jettent sur lui beaucoup de philosophes qui mettent l’accent sur son caractère dangereux. Si la fiction autorise tous les jeux possibles et peut à tout moment menacer la philosophicité du texte philosophique, cette menace dont fait part le philosophe nous semble aller à l’encontre de l’usage qu’il en fait. Cherchant à en contrôler le pouvoir, il exploite aussi utilement ses effets positifs (en particulier comme exemple ou possible expérimental). Dans certains cas où les conditions de l’expérience ne sont pas réalisables, la fiction permet de multiplier les contextes d’expérimentation comme autant de points de vue différents sur un aspect des choses ; il ne s’agit pas de démontrer une vérité factuelle, mais d’exemplifier un ensemble de présupposés qui soutiennent une affirmation factuelle. Le paradoxe que constitue l’absence de prise en compte des fictions produites par le discours philosophique nous paraît symptomatique du fait que la fictionnalité constitue un enjeu dans la définition même de la philosophie. En effet, il peut y avoir une fiction qui n’est pas repérable au moyen de marqueurs : celle qui renvoie à l’activité philosophique elle-même, qui procède de façon spéculative. À plus d’un titre, le concept de fiction gagnerait à être analysé à partir de la fictionnalité philosophique : il ne peut qu’être éclairé par l’étude de son usage dans ce type de discours.

Notes de bas de page numériques

1 . Frédéric Cossuta, « L’analyse du discours philosophique », in Langages, n°119, 1995.

2 . Jean-Pierre Seguin, Diderot, le discours et les choses, 2001, Klincksieck, Metz, p.52.

3 . Condillac, Traité des sensations ; Traité des animaux, p. 11.

4 . Alain Rabatel, Construction textuelle du point de vue., 1992, Delachaux et Niestlé, Lausanne ; Alain Rabatel, Une histoire du point de vue, 1997, Klincksieck, Metz.

5 . Bien que la question de l’instance énonciative, à savoir qui prend en charge les informations et le jugements contenus dans les récits, ne se pose essentiellement que dans le récit fictif – et qui par là tendrait à « rouvrir le dossier de la spécificité du langage fictionnel (cf. pour cette question : Gilles Philippe, « L’ancrage énonciatif des récits de fiction », Langue française, n°128 (2000),  p. 6 – on cherchera à l’appliquer au texte philosophique.

6 . Condillac, Traité des sensations, p. 136.

7 .  Ibid. G. Philippe, p. 3

8 . Gérard Genette, Nouveau discours sur le récit, Seuil, Paris, 1983.

9 . Alain Rabatel, Une histoire du point de vue, p. 130.

10 . Traité des sensations, p. 141.

11 . Ibid p. 142.

12 . Tvetan Todorov : « Les catégories du récit littéraire », Communications, n° 8, 1966, p.141.

13 . Traité des sensations, p. 205.  

14 . Ibid. p. 53.

15 . Alain Rabatel, Construction textuelle du point de vue, p.123.

16 . Traité des sensations, p. 110.

17 . Ibid., p. 121.

18 . Ibid., p. 209.

Bibliographie

Gilles Philippe, « Embrayage énonciatif et théorie de la conscience: à propos de l'Être et le néant », Frédéric Cossutta (dir.) L’analyse du discours philosophique, Revue Langages n° 119, 1995.

Malika Temmar,

Analyse du discours et sciences humaines et sociales, co-dir. Simone Bonnafous, Ophrys, Paris, 2007 ;

« La fiction dans le discours philosophique », B. Curatolo et Y. Poirier, co-dir., Le style des philosophes, Presses universitaires de Dijon, Dijon, 2007 ;

« Effets de présence et ostension dans le discours phénoménologique merleau-pontyen : une approche discursive », Studia Phaenomenologica, Romanian Journal for Phenomenlogy 3/4, éditions Humanitas, Romanian Society For Phenomenology, Bucharest, pp. 40-67, 2003 ;

« Les stratégies discursives d’ostension du morceau de cire de Descartes », C. Gronemann, C. Maas, S. A. Peters, S. Schrader, dir., Körper und Schrift, Presses universitaires de Bonn, Bonn, 2001 ;

« Der Text als „Bedienungsanleitung“. Eine philosophische Diskursanalyse der metaphysischen Meditationen von R. Descartes », Diskursanalyse: Theorien, Methoden, Anwendungen, Argument, l.i.t., pp. 181-207, Hamburg, 2001.

Alain Rabatel, Une histoire du point de vue, Klinsieck, Metz,1997 ;

Construction textuelle du point de vue, Delachaux et Niestlé, Lausanne, 1992.

Pour citer cet article

Malika Temmar, « La statue de Condillac dans le Traité des sensations », paru dans Alliage, n°65 - Octobre 2009, La statue de Condillac dans le Traité des sensations, mis en ligne le 30 juillet 2012, URL : http://revel.unice.fr/alliage/index.html?id=3373.

Auteurs

Malika Temmar

Maître de conférences en science du langage, de formation littéraire et philosophique, elle est l’auteur d’une thèse sur la fiction dans le discours philosophique et de plusieurs articles portant sur les formes d’expressions du texte philosophique. Elle a publié notamment : Analyse du discours et sciences humaines et sociales, (co-dir. avec S. Bonnafous), Ophrys, « Les chemins du discours », 2007, « La fiction dans le texte philosophique », B. Curatolo et J Poirier, Le style des philosophes, Presses Universitaires de Dijon, Centre Gaston Bachelard, 2007, « Le discours philosophique au carrefour des genres » in Le Français aujourd’hui, n° 159, 2007.